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21 juillet 2014 1 21 /07 /juillet /2014 18:40

Caunes-Minervois, Aude. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Peter Sloterdijk, le temps du philosophe :

 

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011. 

 

 

 

Peter Sloterdijk : Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011,

traduit de l’allemand par Olivier Mannoni,

Libella Maren Sell, 2014, 624 p, 29 €.

 

 

 

Le temps du philosophe dévoile-t-il la vérité ? Pour qui aurait crainte d’entendre « Tu dois changer ta vie », d’affronter la « Colère et Temps » du philosophe, et de s’aventurer parmi l’immense massif de sa trilogie intitulée Sphères[1], ces notes seront une excellente, et presque légère, introduction à l’univers philosophique le plus stimulant de l’époque. Entre temps autobiographique, temps politique et temps philosophique, un nouvel être et temps de l’écriture et de l’histoire bouleverse les Lignes et les jours, sans oublier le pré trop carré de la philosophie.

 

Une discrète et pudique dimension autobiographique irise l’écriture presque journalière. Même s’il s’agit de traces subjectives et strictement personnelles, où le futile est fort rare, elles ne manquent pas d’humaniser la stature du philosophe n é en 1947 : les bribes de confessions intimes concernent la santé, la fatigue, « des problèmes de genou », un « souvenir d’enfance », le plaisir de regarder un match de foot, une émission d’Arte, la « célébration du vélomane » qui parcourt la campagne ou la Toscane... Ce n’est pas non plus cette intense (quoique brève) plongée autobiographique fantasmatique, prénatale et placentaire, dans le chapitre V de Bulles[2] : « Boule de basalte noir, je repose en moi, je couve dans mon milieu comme une nuit de pierre. »… Cependant, là n’est pas l’essentiel, car il s’agit moins d’une vie en journal intime que d’une vie philosophée. Qu’il s’agisse de voyages et conférences, entre Milan, New-York, Birmingham, Berlin, Paris, ou de notes de lecture dans son bureau de Karlsruhe. Partout, dit-il, « recevoir des éloges n’est pas mon fort ». Il se décrit comme un « ogre infrisable […] assez souvent tourmenté, et parfois plein d’humour ». Et soudain, au-dessus de Salzbourg, le paysage montagnard lui apparait « comme un commentaire météorologique à la théorie de la justification de l’existence ». Alors que, régulièrement, sonne le glas d’amis emportés par une mort qu’il sait l’attendre dans un temps encore ignoré… C’est ainsi qu’il élève le journal intime à la hauteur du temps philosophique, alors qu’il dit ne guère faire « confiance à ce genre », qui peut sombrer dans « la littérature des stripteaseurs ». La promesse implicite est tenue : la réflexion est « au-dessus du reflet de soi-même et des autres ».

Hors des commentaires sur la vie politicienne proprement allemande, qui peuvent laisser de marbre le trop ignorant lecteur français, il ne craint pas de rétablir des vérités politiques : « Sur toutes les chaînes, papotage populo-psychologique sur la cupidité censée gouverner le monde et porter la responsabilité de la crise. Personne ne veut comprendre que ce n’est pas la cupidité qui est au pouvoir, mais l’erreur -la politique financière fondamentalement erronée des banques centrales ». Et des Etats socialistes, faut-il ajouter, quoique l’auteur de Repenser l’impôt[3], fustigeant la « cleptocratie légale », en soit bien conscient. Au point d’être -avec raison- implacable à l’égard de la France, dont l’impôt sur la fortune, couplé avec les taxes sur la succession puis l’inflation, « provoque en quarante ans une dévalorisation presque totale des citoyens au profit du fisc ».

Ne va-t-il pas jusqu’à oser : « Ne faudrait-il pas qu’il y ait un jour une légitime défense des citoyens contre des gouvernements incapables ? » Ce à quoi il faudrait rétorquer que les plus justes intentions risqueraient d’être confisquées par les activistes les plus extrémistes et les plus capables, mais de totalitarisme. Ce qu’il devine en remarquant : « Comment le poison de 1933 a-t-il pu être transféré dans les esprits de 1968 ? » Ceux qui ne voudront pas comprendre, taxeront Sloterdjik de provocation, alors qu’il pense que « la philosophie devrait prendre le risque de redevenir édifiante ».

Séismographe du temps, esprit critique des doxas idéologiques et politiques, veilleur des libertés, ce penseur des philosophies politiques est d’abord le critique des totalitarismes : « Fichte [est un] précurseur par rapport à Marx et à Lénine, en tant qu’idéologues de l’exterminisme révolutionnaire ». De plus, « un chemin rectiligne mène aussi de Fichte à l’Islam. […] L’euro-jihad porte tout simplement le nom de militantisme ». Il s’agit de « porter le dernier coup au marxisme-léninisme, monstre sénile mais toujours prêt à passer au meurtre », sans oublier « la magnification de la Révolution [de 1789] par l’hagiographie marxiste [qui] a été la plus grande mystification qu’a connu l’historiographie », ni même « la gauche révolutionnaire restée agrippée dans l’étatisme éternel ». Il sait « combien le léninisme recelait la matrice du fascisme », combien Lénine dicta « la Terreur rouge comme le vrai chemin menant au règne du bien. » Mais aussi que « le marxisme […] n’avait jamais pu se targuer d’avoir satisfait une attente », sauf, faut-il ajouter, celles de ses apparatchiks…

En sa critique des totalitarismes, il n’oublie donc pas l’extrême de la foi, qui « pourrait tout aussi bien signifier la pire aliénation et la colonisation de la psyché par l’absurde ». Fort critique, il regrette « l’absence d’une culture de l’examen de conscience dans le monde islamique », méfiance radicale que l’on ne trouvait qu’à demi-mot dans La Folie de Dieu[4], et qui s’appuie ici sur la juste conviction du « péché originel de l’histoire musulmane, la prise en otage de la religion par la politique ». Cependant, malgré cette clairvoyance, outre son peu d’indulgence coupable envers Israël (« une improvisation politique qui ne dépasse pas le stade des crimes fondateurs »), il fait preuve de trop de réticence envers les thèses de Thilo Sarrazin, qui, dans L’Allemagne disparait[5], déplore la baisse démographique germanique et la marée de l’émigration musulmane. Pourtant, il prêche avec justesse en faveur d’ « une immigration pilotée de nouveaux citoyens issus de cultures d’origine orientées vers la performance »…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Philosophe politique, il dénonce « le fait que le terme « libéralisme » ait dégénéré pour devenir une injure » ; ce quand « la haine de la liberté constitue l’affect inavouable par excellence » Il reprend Ortega y Gasset qui affirme : « c’est dans la haine du libéralisme que confluent tous [les] courants centraux » du XXème et du début du XXIème siècle. Car « la haine de la liberté -toujours conçue comme la liberté des autres, qui ont réussi- est le legs du XXème siècle à notre temps ». À n’en pas douter, il faut voir dans cette note psychologique une perspicacité qui va jusqu’à décrypter les philosophies politiques du ressentiment et de la compensation confiscatrice : « Le caractère malsain de la situation se révèle dans les moments où les personnes sans qualités ne peuvent dissimuler leur ressentiment contre celles qui ont des qualités ». Ce qui conduit à un « avenir [qui] appartient à la cohabitation du néoféodalisme et du néosocialisme ». Heureusement, l’on sait qu’il est toujours dangereux, surtout pour un philosophe, de se risquer dans la prédictologie, y compris dans la tradition de Cassandre

Ce sont des notes de pensées, des « lignes » d’écriture sur des cahiers, comme autant d’esquisses pour des lignes conceptuelles en gestation, au chevet des ouvrages en cours, comme Tu dois changer ta vie, dont il doit se « contenter d’inspecter des matériaux et de déposer des moellons au bord de la route d’accès ». Note où le retrouve le goût éclairant de la métaphore filée chez le philosophe du Palais de cristal[6], cette image du capitalisme. Comme, lorsque l’on veut « l’avantage sans inconvénient » : « On fonce à toute vapeur devant les autres -et on veut interdire le sillage ». En ce sens, ce sont, conformément au genre des carnets, des pousses en gestations, ou encore à demi-impensés, destinées à nourrir le fantasme et la réalité d’une œuvre-monde et ses « ambitions d’essai-résumé sur le XX° siècle ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En tant que professeur de l’impératif esthétique, il n’omet pas de fustiger la prétention de l’art contemporain[7], cette « surévaluation de ce qui n’a pas de valeur », sa prétention à la nouveauté, à la surprise permanente, voire sa vulgarité : « L’absence de goût c’est l’amoralisme dans le domaine de la perception ». Ou encore : « l’esthétique […] réussit, par commutation, des dribbles dans la beauté apparemment absurde, et poursuit jusqu’au remarquablement laid ». Qui sait s’il ne fait pas toujours en la matière preuve de tout le discernement nécessaire ? Est-il touché par le pessimisme et la thèse du déclinisme, ou seulement des accès de mauvaise humeur, comme d’un festival de Salzburg, lorsqu’il affirme : « l’esprit de la culture a de toutes façons pris le large depuis longtemps » ? En fait, il s’insurge contre « tous les faiseurs du théâtre contemporain [qui] se figurent que la Révolution est devant nous », contre « les sans-talents qui, au XX° siècle, se sont réfugiés dans le radicalisme ». Autant dire qu’il plaide pour l’homo sapiens cultivé. La satire contre le grand public est alors acide : « Il ne voudra rien savoir de la différence entre le biface et la Messe en si mineur. […] dans son indécision entre le singe et le génie, il préfère choisir la partie animale ».

La permanence philosophique innerve sans cesse ce work in progress. On retrouve l’un de ses grands chemins de pensée, où « tout devient immunologie ». En effet « l’axe immunitaire s’étend des créatures vivantes simples jusqu’aux empires et aux nefs qui les surplomblent sous forme d’images du monde ». Mais aussi lorsqu’il relève ce scandale inouï : « le conseil des Droits de l’homme des Nations Unies a accordé la primauté à la protection des sentiments religieux sur la liberté d’opinion ». Il s’agit bien là non seulement d’un des « protectionnismes » ambiants, mais aussi, faut-il l’ajouter à l’implicite du philosophe, une grave et menaçante dérive qui fait de l’immunité un virus. Avec régularité, il rappelle sa « thèse selon laquelle il faut transformer la métaphysique en une immunologie générale », également ses « diverses approches d’une théorie de la psychopolitique ». Non sans se préoccuper de « l’avenir des neuro-psycho-chimio-socio-infos-technologies ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ainsi, Peter Sloterdijk ne consent en rien à se draper dans la coupole vide du temps ontologique. La pensée, si elle dépasse le temps de la vie humaine, doit exercer son art critique sur le temps de l’histoire et des mentalités. Ce pourquoi il a préféré remplacer le trop fameux Être et temps d’Heidegger par le contre-projet de son Colère et temps, analyse des pulsions tyranniques qui innervent le mythe, les siècles et les mouvements révolutionnaires.

En ce journal, ses analyses sont parfois plus critiques que ses livres. Rendant un hommage sibyllin au philosophe de la déconstruction, dans Derrida, un Egyptien[8], il avait omis de noter avec ironie que cet « insoumis » cherchait « la mention au Grand Livre de l’histoire des idées allemandes ». Là, il pointe ses « rituels de prudence, de préciosité, de précaution excessive et un certain se-regarder-écrire permanent » qui « exténue » le lecteur bienveillant. Ainsi que l’une de ses « erreurs » : « la thèse selon laquelle le messianique ne peut pas être déconstruit -pas plus que la justice- ». De même, autre icône, Deleuze en prend pour son grade, quoique peut-être abusivement : « avec son affect anti-vertical, n’a-t-il pas administré le sacrement philosophique à l’esprit philistin ? » Voilà des pages qui auraient mérité d’enrichir l’un peu décevant Tempéraments philosophiques[9]

Le goût de l’aphorisme nietzschéen pointe parfois son nez fureteur et bienvenu : « L’Autre n’est-il pas simplement un pseudonyme apprécié pour le moi ? » Ou bien : « L’erreur des tyrannies vulgaires est de trop se faire remarquer, alors qu’une tyrannie imperceptible, si elle était concevable, serait vécue comme une sorte de liberté. » Ou encore : « La modestie, une manière de garder la braise élitaire sous la cendre égalitaire ». Ou mieux : « Jésus prépare l’entrée mémorable des gens de gauche dans l’histoire ».

Ce pourquoi, outre son talent de rhétoricien aux images frappantes, aux formules qui font mouche, et aux métaphores filées au travers de l’histoire du monde et de la pensée, l’on a pu dire que Sloterdijk est le plus écrivain des philosophes d’aujourd’hui. Bien qu’il assène abruptement : « Il faut, plus que jamais, ne pas écrire de roman », il ne craint pas de lire les romanciers, appréciant « la fonction polymythique  qui prend la première place dans le roman », même si « le genre se développe pour devenir une benne à ordures populaire ». Il est alors évident que le mépris du relativisme est la marque sine qua non de la philosophie.

À cette mine précieuse, ne manque qu’un index. Où retrouver Rousseau qui « invente en tant qu’écrivain tout ce qu’il anéantit en tant qu’idéologue » et dont « l’idée de volonté générale a été mise en œuvre sous forme de maladie nationale » dans l’Allemagne de 1933. Car « l’infection Rousseau « a libéré les énergies politiques les plus délétères des deux derniers siècles ». Ce que l’on peut vérifier en relisant les sophismes du Discours sur l’inégalité… Car bien sûr, la philosophie est « une créature de la bibliothèque ».

 

Si l’on ne l’avait compris, un philosophe, et particulièrement Peter Sloterdijk, existe pour chambarder les idées reçues, démasquer les doxas, dévoiler des perspectives inédites, afin de comprendre notre Histoire, notre temps, peut-être notre avenir. Terminons alors sur une profession de foi : « Le philosophe, que peut-il faire pour l’homme dans l’oppression ? Pas plus que d’ouvrir la vue telle qu’elle serait donnée dans la savane. Ce n’est pas rien, surtout ce n’est pas toujours bienvenu, beaucoup préférant rester dans leurs tunnels et leurs panoramas. Dans le meilleur des cas, l’intervention philosophique fait régresser l’étroitesse habituelle, l’horizon est de nouveau là, ouvert. » Décidément, Peter Sloterdijk est un philosophe qui a ouvert nos bulles, dilaté nos globes, fait jaillir nos écumes…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2] Peter Sloderdijk : Bulles, Hachette Littératures, 2003, p 376.

[4] Peter Sloterdijk : La Folie de Dieu, Maren Sell, 2006.

[6] Voir note 1.

[8] Peter Sloterdijk : Derrida, un Egyptien, Maren Sell, 2006.

[9] Peter Sloterdijk : Tempéraments philosophiques. De Platon à Foucault, Maren Sell, 2011.

 

Playa de Porto do Barqueiro, Galicia. Photo : T. Guinhut.

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18 juillet 2014 5 18 /07 /juillet /2014 17:09

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Umberto Eco,

 

superman et surhomme des bibliothèques.

 

 

 

Umberto Eco : De Superman au surhomme, traduit de l’italien

par Myriem Bouzaher, Grasset,  1993, 252 p,  18,60 €.

 

 

 

 

 

Comme dans La Mystérieuse Flamme de la reine Loana[1], dans lequel un amnésique libraire d’anciens relit les livres de son enfance, Umberto Eco, fasciné par les bédés, comics et autres romans populaires, traîne avec lui une délicieuse passion pour les superhéros. Lui-même surhomme de la sémiologie, de la culture et du roman, et bien sûr des bibliothèques, c’est avec humour et modestie qu’il assigne aux héros de papier la place et la fonction du mythe. Ainsi, en son De Superman au surhomme, il agrégea plusieurs petits essais écrits en 1962 et 1976. C’était alors l’époque légendaire des Mythologies et des Essais critiques de Roland Barthes, qui publia l’une de ces gloses de la surhumanité dans la revue Communications. Sous l’apparence du petit sémioticien amusant, Eco plonge dans la structure de nos modèles pour étudier les structures de notre moi et de nos sociétés pétries d’imaginaire.

Echo d’une remarque de Gramsci qui fit démarrer notre auteur en attribuant le surhomme nietzschéen au Comte de Monte-Cristo, la couverture de l’édition française s’orne d’un Nietzsche posant en James Bond sereinement armé de son long pistolet… Irrévérencieux et pénétrant, ce condensé de « rhétorique et idéologie du roman populaire » déshabille nos surhommes de chefs d’œuvre autant que de feuilletons et de romans de gare. Fascinants et consolateurs, ils sont finalement « démagogiques ». Depuis le Vautrin de Balzac, en passant par Edmond Dantes, le vengeur emblématique d’Alexandre Dumas, les monstres splendides de la littérature romantique du XIXème et du roman populaire ont essaimé pour ensemencer, non seulement notre imaginaire, mais les romanciers et autres feuilletonistes de papier, de comics et d’écrans qui leur ont succédé. Grâce à la permanence du schéma narratif et idéologique, et au-delà de l’archétype d’Achille, ce héros demi-dieu venu d’Homère, ils assurent la démocratisation du super héros.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le prototype incontesté du surhomme est Rodolphe de Gerolstein, aristocrate allemand descendu dans les bas-fonds parisiens pour venir en aide aux déshérités. Dans un univers manichéen, le héros justicier des Mystères de Paris, d’Eugène Sue, est la providence des pauvres. En ce sens, il entraîne son auteur vers un socialisme qui se veut progressiste, et néanmoins paternaliste. Mais, surtout, il met en place les contraintes du roman-feuilleton et commercial, qui saura, par l’abondance de ses aventures, les suspenses et les rebondissements, assurer la victoire de ses bons sentiments et la vertu compensatrice de son héros ; non sans caresser lecteur et lectrice dans le sens de leurs fantasmes et proposer ainsi une figure à leurs espoirs secrets. L’art de Sue établit entre les classes sociales « des liens d’affection » et sauvegarde « à jamais la tranquillité de l’Etat » : « idéologie et structure narrative se rejoignent en une union parfaite ». En fait, en lisant, on ne réfléchit pas aux moyens de changer sa condition, mais, dans une sorte de catharsis, on se repose sur les pouvoirs salvateurs du héros. Celui-ci possède enfin l’or et les femmes, la vertu autant que le pouvoir légitime de la cruauté. Eco remarque d’ailleurs que Madame Bovary est morte d’avoir trop attendu un Rodolphe de Gérolstein…

Quoiqu’il s’en défende, Eco adore Rodolphe et Monte-Cristo. Il s’amuse des surhommes de bazar que sont devenus Arsène Lupin et Fantômas, tout en qualifiant leurs feuilletons d’ « hypocrites, bien-pensants, antisémites au besoin ». Il sait aussi que Mussolini lisait ce genre de littérature populaire et que le gentleman-cambrioleur est un héros marinetto-d’annunzien au petit pied. Plus loin, il vient se moquer de Tarzan, ce bon sauvage, dont le parsifalisme du pur admet « la lutte comme substitut de l’accouplement » et qui devient « le prototype du rousseauiste consommateur de nature vierge ». Quant à Superman, il est le Sherlock Holmes du surnaturel, le prophète d’un new-age providentiel qui parviendrait à vaincre le siècle des machines broyeuses d’individus autant que l’appétit des superdélinquants et supercriminels. Sous ses dehors puérils, il est le Superconsolateur, car il est, comme nous tous, caché sous la timide apparence d’un employé de bureau : « d’un point de vue mythopoétique, la trouvaille est géniale », s’exclame Eco.

 

 

La tranquillité de James Bond, sans névrose aucune, fait de lui une merveilleuse machine à fixer le fantasme : les meurtres et les séductions à la gloire de sa Majesté britannique sont sans remords. Fleming, son auteur, passe « de la méthode psychologique à la méthode formelle ». Il joue d’un savant dosage entre l’objectivation à la Robbe-Grillet (cinq pages sur un paquet de cigarettes) et les clichés rebondissements des espions sadiques, des maîtres du monde au service des blocs de l’Est et des top-models délivrées et reconnaissantes. Non indemne de « racisme larvé » et de facile manichéisme, Flemming reste un de ces grands artistes et « ingénieurs en romans de grande consommation » que l’on a envie de relire…

Eco termine par une conclusion (certes provisoire) de 1993, dans laquelle l’humain, trop humain super héros, devient l’homme banal télévisé, qui, dans la lignée d’Andy Warhol, a chaque semaine son quart d’heure de célébrité. L’inspecteur Colombo, médiocre d’imperméable, de bagnole et d’apparence, n’a rien de super intelligent : il n’est que super malin comme nous savons tous l’être…

L’analyse est évidemment brillante, non sans tendre ironie envers ces modèles, et envers les lecteurs qui se laissent prendre en ces rêves. Nul doute qu’il a fallu à son auteur, comme un enfant exalté par la magie des héros suprêmes, fouiller avec délectation sa bibliothèque intime et personnelle. Reste aux disciples du maître des bibliothèques feuilletonesques à étendre cette réflexion au personnage de San Antonio, éternel beau gosse séducteur et policier toujours émérite, mais aussi, entre comics, bandes dessinées et films à grand spectacle, à celui de Batman veillant sur le bien dans une Gotham City gangrenée par le mal.

On sent que la constante de cette fascination pour le surhomme d’aventure et de polar a conduit Eco à créer le Sherlock Holmes mâtiné de Saint-Thomas d’Aquin qui anime Le Nom de la rose[2] pour fouiller d'autres bibliothèques. Son ambition fut de concilier les problématiques les plus insondables de la métaphysique avec les séductions consolatrices de l’enquête réussie, malgré la perte et l’incendie du mobile, le volume d’Aristote sur la comédie et le rire. De même cet essai moqueur qui joue à désacraliser les surhommes et autres supermen nous parle d’un grand crime : vouloir tuer le super héros Dieu par le rire du philosophe.

Thierry Guinhut

A partir d'un article publié dans la revue Europe en 1993

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Umberto Eco : La Mystérieuse Flamme de la reine Loana, Grasset, 2005.

[2] Umberto Eco : Le Nom de la rose, Grasset, 1982.

 

Photo : T. Guinhut.

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16 juillet 2014 3 16 /07 /juillet /2014 19:09

 

Flavius Josèphe : Antiquités juives et Guerre des Juifs, Chauvert-Hérissant, 1756.

Photo : T. Guinhut. 

 

 

 

 

 

 

Eloge d'Israël : une épine démocratique

 

parmi la tyrannie de l’Islam.

 

 

 

« Tu ne tueras point », disent les tables de la Loi. Pourtant Israël tue. S’agit-il de légitime défense ? Seule démocratie libérale au milieu d’un marais de tyrannies militaires et obscurantistes, Israël est paradoxalement vilipendé par la communauté internationale. Bafoué, sans cesse menacé, bombardé par la Palestine de Gaza, le Hamas et le Hezbollah, ce pays parait l’oppresseur inique, le talon de fer des opprimés et des faibles, quand il est la cible de la judéophobie et de l’anticapitalisme mondialisés. De fait, il serait en la matière prétentieux de prétendre à l'impartialité, à la connaissance totale des tenants et des aboutissants. Ce pourquoi rien n'interdit de développer une contre-argumentation... Tentons cependant de penser la justice en ce terrain malaisé : là où Israël est une épine démocratique parmi la tyrannie de l’Islam.

Quel pays avertit les habitants du pays visé avant les frappes de ses missiles (ce qui est confirmé par un rapport de l’ONU) ? Quel pays voit ses soldats protéger ses femmes et ses enfants quand celui d’en face se sert de ses femmes et de ses enfants comme boucliers humains pour protéger en ses écoles et hôpitaux ses terroristes et ses caches d’armes (ce qu’avoue même le Hamas) ? Israël, à chaque fois. L’on sait qu’Israël, malgré les impayés, approvisionne Gaza pour 70 % de son électricité, qu’Israël livre nourriture, carburants et médicaments, qu’Israël soigne en ses hôpitaux des blessés cisjordaniens et syriens…

Certes, on ne peut imaginer, en un concours de manichéisme, qu’Israël ne soit que le chevalier blanc du bien face à au Satan noir du mal. Il y a sans nul doute parmi les Hébreux suffisamment de représentants de la nature humaine pour y intégrer « le mal radical » selon Kant, ou « la banalité du mal » selon Hannah Arendt. L’on sait que le démon de la vengeance, de la loi du talion, a pu pousser quelques-uns à brûler un adolescent palestinien en représailles de trois adolescents juifs enlevés et assassinés par le Hamas. Que l’intégrisme de certains fondamentalistes d’un Talmud exagérément rigoriste puisse les pousser à la haine, jusqu’à séparer les hommes des femmes par des draps tirés au travers des rues…

Mais les chiffres des morts et des blessés sous les coups des agressions israéliennes sont invérifiables. Seul le Hamas les fournit aux Nations Unis, et l’on peut imaginer combien ils puissent être des leviers de désinformation, y compris lorsque ses propres missiles tuent. Non évidemment que ces frappes soient indolores, mais elles sont le désir du Hamas qui en tire argument pour dénoncer la violence, le prétendu apartheid et la colonisation. S’appuyant sur la guerre de l’image et de l’information : des photos sanglantes venues de Syrie sont utilisées sans vergogne pour dénoncer les frappes israéliennes.

Gaza abritant des milliers de roquettes (plus de 1400 tirées sur Israël depuis janvier), mortiers et autres armes (venues le plus souvent d’Iran) on est en droit de se demander d’où vient l’argent pour cet infructueux commerce. De l’aide internationale et en particulier de la communauté européenne qui paient les fonctionnaires de Gaza, donc alimentent la corruption, les trafics d’armes, alors que les hôpitaux sont financés par Israël… Ainsi Gaza, quoiqu’il ne s’agisse guère d’un champ de pauvreté à ciel ouvert, plutôt que le paradis de l’économie et des libertés, choisit, aux dépens de ses innocents, de son peuple que le Hamas opprime, la contre-culture de l’endoctrinement fanatique et du terrorisme, maniant le ressort extatique de la haine.

C’est alors que la légitime défense est un droit naturel. Quand 70% de son territoire est sous la menace des roquettes, missiles et autres bombes, le devoir de protection, grâce au précieux dôme de fer, et le devoir de réplique sont les garants de la souveraineté et de la liberté.

 

Flavius Josèphe : Histoire des Juifs, Roulland, 1696.

Photo : T. Guinhut.

 

Les gisements de gaz au large de Gaza ont évidemment un rôle à jouer dans l’avenir du conflit. On a accusé Israël de viser ces énormes réserves, alors qu’il n’en manque pas au large de ses côtes, l’exploitant depuis un an ; au point qu’il est en passe de devenir exportateur et de déséquilibrer la donne énergétique au Moyen-Orient. Ce qu’il craint est bien plus l’approvisionnement financier qui pourrait en découler, et donc alimenter encore la puissance de feu palestinienne ; sans oublier sa puissance démographique, dont les ventres sont de potentiels soldats.

 

Que faire ? Investir chaque mètre carré de la bande de Gaza, vider toutes les caches d’armes et neutraliser les terroristes ? C’est ce que préconisent les Faucons de la droite israélienne et une bonne partie de la population exaspérée. Mais à ce compte, l’occupation devrait être pérenne, donc coûteuse en énergies, en vies coupables et innocentes, donc passible de la pire diabolisation internationale. Croire en l’amitié entre les peuples ? Se limiter aux frappes chirurgicales et ciblées, à quelques opérations commandos contre les positions et les tunnels du Hamas ? Mais extraire au scalpel une tumeur terroriste ne signifie en rien éradiquer le réseau de tumeurs malignes qui irrigue le Hamas. C’est entrer dans le jeu de ce dernier qui comptabilise les morts (près de deux cents à ce jour) pour avec joie arguer de la vilénie sioniste et juive. C’est attendre que le rayon d’action et le nombre des missiles augmente, que leur sophistication croissante handicape sévèrement la défense de Tsahal, que l’étau venu du califat iroko-syrien, peut-être capable de s’armer de bombes sales aux éléments radioactifs pillés dans les hôpitaux de Mossoul, étende son pouvoir de nuisance et de guerre totale… La raison n’a guère de prise en cet imbroglio, comme lors de trop de tentatives de dialogues sereins, argumentés et mesurés, qui butent sans cesse contre la passion aveugle, les a priori enferrés, les fins de non-recevoir…

Flavius Josèphe : Antiquités juives et Guerre des Juifs, Chauvert-Hérissant, 1756.

Photo : T. Guinhut.

 

 

Le conflit palestino-israélien n’est pourtant, numériquement, qu’un épisode mineur parmi les métastases immenses de l’atavique conflit entre Sunnites et Chiites, qui ravage l’Islam depuis quatorze siècles, parmi les guerres perpétuelles de conquête qui visent à étendre le califat depuis un obscur désert saoudien jusqu’en Europe et en Asie du sud-est. Sans compter les exterminations de Chrétiens, Azéris, animistes, homosexuels, femmes tentant de se libérer, apostats, athées et autres païens… Ce conflit reste le fer de lance empoisonné qui gangrène les médias occidentaux et mondiaux, tâchant, avec un certain succès hélas, d’exhiber la paille dans l’œil d’Israël, dont les frappes sont loin d’être irréprochables, pour masquer la poutre de tyrannie dans celui de la Palestine et de l’aire arabo-musulmane entière.

Pourquoi cette disproportion ? Des milliers et des milliers de morts en Syrie, au Darfour, au Nigéria, en Irak, au Congo, et le silence radio n’est qu’à peine troublé. Un Gazaouï blessé, aussitôt le curseur de la surinformation, de l’indignation collégiale s’affole. Certes un seul mort, un seul blessé, quel qu’il soit, est toujours un scandale au regard de l’humanité, mais c’est bien là montrer le traitement de faveur et de défaveur accordés sans autre forme de procès à la Palestine et Israël. Au milieu d’un océan arabo-musulman, l’oasis de la liberté religieuse et de la réussite économique et intellectuelle est un scandale permanent pour l’obscurantisme et la tyrannie ambiants. La rage contre Israël est d’autant plus forte que ses succès sont grands, car ils ont le tort d’exhiber par contraste ce que l’on ne veut pas voir : les échecs alentour, que les revenus du pétrole n’ont en rien voulu corriger, sinon pour irriguer le prosélytisme djihadiste.

De même l’anticapitalisme postmarxiste et international exècre Israël. Parce que la judéophobie, de Marx à Staline -mais sans oublier la haine du juif chez un autre socialisme, de Céline à Hitler- ne déteste rien tant que ceux qui démontrent combien le libéralisme économique réussit à ceux qui ainsi leur font un pied de nez. Quand liberté religieuse et liberté économique s’associent, les opposants à la liberté font cause commune.

 

Carte de la Palestine, Joseph-Romain Joly :

La Géographie sacrée et les monuments de l'Histoire sainte, Alexandre Jombert, 1784.

Photo : T. Guinhut.

 

Certes, la légitimité de l’Etat d’Israël est sujette à caution. Pourquoi ce territoire sémite n’est-il pas resté arabe ? Quoiqu’il fût assez vide au XIX° siècle, et très majoritairement peuplé de Juifs. Fallait-il revenir sur la spoliation musulmane originelle au septième siècle, alors que depuis l'Antiquité la Palestine (dont le nom vient des Philistins) était juive ? Alors que la déclaration d’indépendance de 1948 parait être le seul péché originel… Depuis le réinvestissement sioniste théorisé par Theodor Herzl en 1896, en passant par la volonté des alliés de rendre aux Juifs une terre après la Shoah, Jérusalem est le point d’ancrage d’Israël. Hélas, dès l’indépendance, une coalition des Etats arabes voisins fondit sur le jeune Israël, qui, armé par les occidentaux, parvint à les vaincre. D’où l’exode, souvent volontaire, de 700 000 Arabes palestiniens, auparavant attirés par la prospérité économique juive, exode contrebalancé par l’éjection de 900 000 Juifs des pays arabes. Bien malin qui décèlera justesse et justice de cet enchaînement de causes et d’effets… D’autant que la Palestine est une grande fiction, qui n’existait pas quand l’Egypte et la Jordanie en hébergeaient les habitants, mais qui a valeur aujourd’hui de réalité. La question de l’antériorité de l’occupant demeurant le plus souvent indémêlable. À ce compte-là, il faudrait rendre aux Indiens New-York achetée trois fois rien, quoique la plus-value soit absolument considérable ; ce dernier argument étant également valable pour Israël.

Cela dit, qu’est-ce que la colonisation israélienne ? Des terrains achetés à prix d’or, malgré de pauvres résidents sans droit de propriétés -qu’il reste à respecter-, l’extension d’une démocratie et d’une économie bien plus garantes des droits et du confort de ses habitants qu’en tous les territoires qui les entourent… Sachant que 20% des habitants de l’Etat hébreux sont des Arabes israéliens, dont quelques-uns peuvent être députés à la Knesset, le meilleur qu’il puisse arriver aux Palestiniens de toutes régions est de devenir citoyens d’un grand Israël où leur liberté d’expression, de religion et de développement économique soient respectés. Quel vœu pieux ! Les colonies -illégales au regard de la Charte des Nations Unies- apparaissent trop souvent comme des actes de belligérance, comme une appropriation des ressources, y compris s’il s’agit de terrains inoccupés, soudain désirables par tous. Reste que, de crainte d’un éparpillement d’un territoire menacé par la démographie arabe, et des pressions occidentales, nombre de colonies ont été volontairement démantelées, laissant les espaces à la gestion cisjordanienne. Ces causes de friction ne sont guère résolues, pour des raisons stratégiques, sécuritaires, idéologiques, religieuses…

On doit croire alors que le nombril du monde, à la jonction du libéralisme occidental et des pulsions tyranniques moyen-orientales, respire et souffre en ce point nodal de la culture judéo-chrétienne, où l’Islam -aux dépens d’un Islam des Lumières embryonnaire- s’est arrogé par la force millénaire la prétention de faire de Jérusalem une de ses villes saintes.  Au point que ce conflit s’invite parmi les cités occidentales, fomentant des manifestations djihadistes dans nos rues, du Québec à l’Allemagne, sans oublier la France, où, à la veille d’un grotesque et hypocrite défilé militaire du 14 juillet, on toléra qu’une synagogue soit cernée aux cris de « Morts au Juifs ». Au point que la judéophobie ait droit de cité, comme à la veille d’une nuit de cristal islamonazie. La lâcheté se serait-elle  substituée à la force comme vertu ?

Ne nous détrompons pas. L’Etat Islamique en Irak et au Levant, s’il ne représente pas l’entier des Musulmans, a ses métastases dans le monde entier, rêvant de restaurer un califat de l’Espagne aux portes de Vienne, du Maghreb à l’Indonésie en passant par le Nigéria, sans oublier les poches de charia parmi nos banlieues et nos cités, de Malmö à Berlin, de Lille à Paris, de Montréal à Birmingham… S’il n’est en rien interdit de douter en toute prudence de la politique menée par le pouvoir israélien (séparé du pouvoir religieux, faut-il le rappeler), de ses modalités, de ses actions de représailles, de ses colonisations délicates, mais peut-être salvatrices pour les Arabes qui s’y agrègeraient en paix, il reste nécessaire à notre conscience de la justice de rester en toute conscience aux côtés du droit naturel à se défendre. Ce de la manière la plus civilisée possible, face à l’agression, aux dépens d’un obscurantisme génocidaire intolérable. Si l’épine démocratique israélienne sait blesser, la rose tyrannique de l’Islam n’a qu’un parfum de mort.

Pourquoi devons-nous défendre Israël ? Quand Israël et Gaza paraissent l’emblème exhibé de bien pires zones victimaires, en particulier celles de la christianophobie guerrière… Parce que seul l’Etat hébreu, bastion avancé de la civilisation occidentale, sait se dresser -avec la force comme vertu- contre la barbarie d’un Islam régressif qui étend partout son cancer. Entre l’incendie des églises de Mossoul autant que des synagogues du Val d’Oise et l’endoctrinement jihadiste des enfants de Gaza d’une part, et la démocratie libérale des cultures et des sciences d’autre part, il faut savoir choisir…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

Flavius Josèphe : Histoire des Juifs, Roulland, 1696.

Photo : T. Guinhut.

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10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 18:06

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Emprunter les chemins de Goethe avec Pietro Citati :

 

Werther, Wilhelm Meister et Faust.

 

Pietro Citati : Goethe, traduit de l’italien par Brigitte Pérol,

L’Arpenteur Gallimard, 1992, 516 p, 28,40 €.

 

 

 

Qu’on ne s’y trompe pas : on n’ira pas chez Citati lire une énième biographie de Johann Wolfgang Goethe. Á ce compte-là, on ira plutôt consulter celle de Marcel Brion[1], qui est peut-être l’introduction à l’homme et à l’œuvre la plus aisée. Ou Poésie et vérité[2], autobiographie dans laquelle le maître de Weimar se raconte avec une fabuleuse confiance envers ses dons, ses curiosités et ses talents, même s’il s’arrête hélas son entreprise à l’âge de vingt-six ans. Mais si l’on croit savoir ce qu’il faut avoir vécu, observé, étudié et aimé pour être Goethe, on n’a finalement rencontré qu’un masque animé sous lequel, en un mystère de la création jamais résolu, se glissent et s’agitent les vies de ses personnages. Ceux-là mêmes élucidés par Pietro Citati.

Ce sont Werther, le légendaire amoureux romantique et suicidé pour lequel Goethe nous offre quelques éléments de la transposition et de son renoncement, et le tout jeune encore Wilhelm Meister, dont le théâtre de marionnettes enfantin est celui de l’auteur en gestation. Jusque-là, les clefs de la lecture biographique à la Sainte-Beuve restent opérantes pour déchiffrer l’œuvre achevée. Au-delà, seule une démarche comme celle de Citati fera rendre tout leur suc aux multiples figures qui culminent avec le Wilhelm Meister et ce second Faust qui nécessita trente ans d’écriture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Resserrant son étude sur ces deux premières allégories de la condition humaine, peut-être faut-il une certaine familiarité avec Goethe pour lire avec plaisir et profit l’essai de Citati. Mais, avec lui, l’on pourra naviguer comme rarement dans le dédale de l’univers goethéen. Où, comme ses deux peut-être alter ego littéraires, Citati semble croire en sa bonne étoile, en la sauvegarde de son daïmon. Comme son modèle étudié, il a confiance en l’âme, nonobstant la connotation religieuse d’un mot peut-être pas si imprononçable dans notre contemporain (ne serait-ce que parce que Julia Kristeva l’utilise à l’envi dans Les Nouvelles maladies de l’âme[3]). Ainsi, ses héros pourront devenir ce qu’ils sont, en une nietzschéenne préfiguration. Si Werther ne devient qu’un cadavre, c’est par la vocation morale de l’écrivain, qui s’est ainsi délivré de cette tentation : mieux vaut suicider son personnage que soi-même, et faire œuvre de l’impossibilité amoureuse pour l’édification du lecteur. Quoiqu’une poignée d’entre eux eut l’insolence de revêtir l’habit bleu et jaune de Werther pour s’expédier dans l’autre monde d’un coup de pistolet.

Quant à Wilhelm Meister, jeune homme de théâtre itinérant, il se laisse promener parmi les plus romanesques aventures de l’existence, parmi lesquelles culmine la rencontre de la mystérieuse et attachante Mignon, qu’il ne comprend pas. Or, en ce roman d’initiation, il a besoin d’être guidé par « la Société de la Tour » pour se déterminer et se mettre enfin à travailler au bien-être de la société. Ce en quoi il rejoint la fin de Faust, qui se consacre à creuser des canaux au service de l'humanité, action qui lui vaudra, au-delà de son pacte méphistophélétique, d’être sauvé. Seule la puissance de connaissance et d’action de Faust peut permettre à Wilhelm Meister de toucher aux archétypes et aux intensités de l’expérience humaine et surhumaine, même si c’est pour buter contre le sarcasme de Méphistophélès, « l’esprit qui toujours nie », lui-même balayé par ce Dieu qui sauve à son nez et à sa barbe son grandiose élève. Il n’est alors pas indifférent de constater que Goethe, après le romantisme de Werther, revient en son classicisme, aux valeurs des Lumières allemandes, de l’Aufklärung de Kant…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quand avec ses deux héros, mais non sans l’ombre de Faust, et en osmose avec Goethe, Citati parcourt le jardin du monde, on trouve, en son volumineux et nourrissant essai, une foi peut-être naïve, mais rafraichissante, en les possibilités de l’homme. S’il n’a pas l’ambition d’instaurer une distance critique, il veut d’abord comprendre et aimer son modèle, comme il aimera tour à tour Proust ou Kafka. Il raconte, commente et déplie, avec simplicité et émerveillement, grâce à une large culture, les rôles symboliques auxquels il s’identifie.

Rencontrer Werther, c’est trouver l’aporie de nos amours non réciproques et la passion qui innerve de son souffle la pulsion de mort. Rencontrer Wilhelm Meister, c’est accomplir symboliquement notre propre roman d’aventure et d’apprentissage, non sans s’interroger sur le choix de nos amours et d’une carrière. Rencontrer Faust, c’est toucher de nos neurones les plus intimes la finitude du désir et de la connaissance humaines. C'est aller jusqu’en leurs rêves que seul Goethe a su aussi loin accomplir, comme lorsqu’il permet, à son héros d’être la cause de l’amour et de la mort de Marguerite, de tutoyer les infinis du pouvoir et de l’espace, de vivre avec la mythique Hélène, non sans l’indispensable adjuvant du pacte avec le diable, via Méphistophélès…

L’architecture des grands livres de l’humanité ne semble pas avoir de secrets pour Pietro Citati, ce Florentin né en 1930. A travers Werther, héros de l’échec, et Wilhelm Meister, héros de la réussite, mais également à travers la transcendance exigeante de Faust, sinon de l’immense spectre de l’œuvre entière, il élucide de « vastes complexes métaphoriques », dont la teneur éthique et poétique nous ravit. Au-delà de l’Olympien aux lourdes œuvres complètes, Citati nous restitue un Goethe léger et éclatant, passionné des vies et des fins de la vie. Comme dans La Lumière de la nuit[4], son essai sur « les grands mythes dans l’histoire du monde », qui se termine pourtant sur « La mort des dieux », nous avons l’impression de « toucher du regard les choses divines ». Qui sont celles de l’humanité la meilleure.

Thierry Guinhut

A partir d'un article -ici revu et augmenté- publié dans Europe, avril 1993

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Marcel Brion : Goethe, Génie et destinée, Albin Michel, 1949.

[2] Goethe : Poésie et vérité, Aubier, 1992.

[3] Julia Kristeva : Les Nouvelles maladies de l’âme, Fayard, 1993.

[4] Pietro Citati : La Lumière de la nuit, L’Arpenteur, Gallimard, 1999.

 

Goethe : Faust, illustré par Louis Icart, Editions Levasseur, 1943.

Photo : T. Guinhut.

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8 juillet 2014 2 08 /07 /juillet /2014 19:33

 

Sierra de Sopeira, Alto Aragon. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Pulsions fanatiques et totalitaires.

 

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ;

 

Tarun Tejpal : La Vallée des masques.

 

 

Terry Hayes : Je suis Pilgrim, traduit de l’anglais (Royaume-Uni)

par Sophie Bastide-Foltz, JC Lattès, 2014, 656 p, 22,90 €.

 

Tarun Tejpal : La Vallée des masques, traduit de l’anglais (Inde) par Dominique Vitalyos,

Albin Michel, 2011, 464 p, 22,90 €.

 

 

 

 

« Enfin Dieu m’a choisi pour ce grand sacrifice :

J’en ai fait le serment, il faut qu’il s’accomplisse,

Venez à mon secours, ô vous, de qui le bras

Aux tyrans de la terre a donné le trépas !

Ajoutez vos fureurs à mon zèle intrépide ;

Affermissez ma main saintement homicide.

Ange de Mahomet, ange exterminateur,

Mets ta férocité dans le fond de mon cœur ![1] »

 

En 1741, Voltaire, en sa tragédie Le Fanatisme ou Mahomet le prophète, faisait ainsi parler le meurtrier Séide. Ses mêmes mots pourraient jaillir des lèvres du « Sarazin », le pourvoyeur de mort du roman de Terry Hayes. Il est un de ces génocideurs planétaires, juges viraux du paradis et de l’enfer d’Allah, qui ont en leurs mains des armes plus que jamais redoutables : ces biotechnologies au service du fanatisme et du terrorisme. Si cette hypothèse reste - pour longtemps ? - de l’ordre de la fiction, préparez-vous à avoir peur en abordant Je suis Pilgrim de Terry Hayes, tout en espérant qu’un héros sauve le monde occidental. Hélas sans cesse menacé par ces pourvoyeurs de pulsions fanatiques et d'endoctrinements totalitaires, comme le montre Tarun Tejpal, parmi la secte de sa Vallée des masques.

Si le démarrage de ce Pilgrim (qui signifie pèlerin) parait conventionnellement policier, avec une victime et un meurtrier parfaitement anonymes, le roman prend vite une plus vaste vitesse de croisière : celle d'un thriller non moins haletant qu'intelligent. Peu à peu, en une spirale qui aspire le lecteur sans espoir de retour, l’action quitte New York et le seul présent pour convier bien des retours en arrière dans le passé complexe du narrateur, bien des lieux brûlants de la planète, parmi des montagnes et des déserts d'Afghanistan et de Turquie, de Birmanie et d'Arabie Saoudite. Mais aussi Florence où un laboratoire de restauration d’œuvres d’art révélera les photographies cachées dans le nitrate d’argent des miroirs... Entre les strates de la personnalité du héros, entre espionnage et bioterrorisme, l’intérêt du lecteur ne sait plus où donner de la tête, emporté par un rythme trépidant...

D’identité en identité, celui qui se fera appeler « Pilgrim », est d’abord un orphelin adopté par une riche famille. Recruté par les services secrets, la CIA, une officine plus secrète, il a connu la guerre froide à Berlin, l’élimination de traitres vendus à l’URSS et de mafieux grecs. Il croit disparaître du monde du renseignement, avant de devoir raccrocher pour contribuer à une inédite enquête criminelle, puis de se lancer à la recherche du « Sarazin », tueur arabe animé par la vengeance, armé par le bras de son Dieu, contre la tyrannie de la famille royale saoudienne, contre ses alliés : les Etats-Unis.

En une mécanique implacable, le portrait du « Sarazin », Séide volontaire et persévérant, s’aiguise : il « lut tous les auteurs majeurs -Mao, le Che, Lénine- et assista aux réunions et conférences de nationalistes panarabes forcenés, de bellicistes Palestiniens et de plusieurs autres qu’on pourrait qualifier d’hommes des cavernes islamistes ». Le vengeur fanatique se prépare à abreuver les Etats-Unis de doses injectables chargées d’une souche de variole, génétiquement modifiée par ses soins pour résister à tous les vaccins… Le jeu de piste est rocambolesque autant que parfaitement crédible : des cadavres occidentaux sous la chaux dans les montagnes de l’Indou Kouch, un père décapité par la tyrannie saoudienne, un ponte syrien énucléé par un médecin libanais déterminé, une policière turque insoupçonnable, une villa construite par d’anciens SS au-dessus de la mer Egée, les réseaux européens d’Islam, où « l’Occident avait enfin un ennemi à la mesure de nos peurs », sont parmi le fil d’Ariane.

 

 

 

 

Certes, on pourra lire ce roman comme un remake d’un James Bond, mais particulièrement dense, comme un opus manichéen parmi le « Théâtre de la Mort »,  opposant superhéros américain à visage humain et superfanatique jihadiste, voire un énorme scénario qui ne manquera pas de susciter un film d’action à rebondissements hollywoodien, quoique diminué, caricaturé. Ainsi, l’on peut évidemment se contenter de baigner dans le thriller particulièrement cinglant d’un nouveau pèlerin de la fondation américaine.

Mais ce serait occulter des enjeux plus criants. Si c’est grâce à la surveillance mondiale des télécommunications que le NSA et la CIA parviennent à localiser le terroriste et finalement l’annihiler, et donc sauver les Etats-Unis et le monde, faut-il en déduire qu’il ne faille pas réfréner leurs ardeurs ? La liberté et l’intimité des citoyens se doit d’être autant respectée, comme l’a pointé l’affaire Snowden[2], que notre sécurité. De plus, la responsabilité de l’écrivain n’est-elle pas à interroger ? Lorsque le héros publie un essai spécialisé en criminologie, il a la surprise de constater que la meurtrière qu’il pourchasse s’en est exactement inspirée pour effacer toute trace ADN, toute identité. De même, un apprenti terroriste ne risquerait-il pas de copier le mode opératoire du projet de crime planétaire mis en scène par Je suis Pilgrim ? Ce à quoi répond celui qui maîtrise à la perfection les ressorts du roman psychologique et d’aventure, Terry Hayes, en arguant que tout est déjà sur internet…

 Au-delà du romancier, et scénariste de Mad Max 2, né en 1951, qui vit en Suisse, il faut évoquer la traductrice, Sophie Bastide-Foltz, qui se voue rarement par hasard dans de vastes projets. Curiosité, sage opiniâtreté sont les maîtres mots de celle qui s’engagea dans la traduction de La Grève d’Ayn Rand[3], autre grand roman du monde libre, qui ne méprise pas les qualités narratives et de suspense du roman feuilleton et de société, si traditionnel puisse-t-il paraître. Autre lien encore à ne pas manquer entre La Grève et Je suis Pilgrim, le substrat de philosophie politique, plus actuel que jamais : le premier met en scène la lutte épique du monstre socialisme et du libéralisme, le second radicalise l’incompatibilité entre un Jihad pré-médiéval et la constitution américaine issue des Lumières…

 

 

      Chaque secte a sa beauté dangereuse ; sinon pourquoi attirerait-elle autant les esprits ? L’une d’entre elles s’est emparée d’une vallée himalayenne perdue, au cours de la marche, devenue légendaire, de son fondateur, le gourou Aum. Né dans cet univers qu’il ne remet pas en question, un jeune garçon déploie tous ses talents pour devenir « Eclaireur » parmi la « Confrérie » de La vallée des masques. C’est ainsi qu’en un immense retour en arrière, un homme raconte son histoire et celle des siens dont il a quitté l’impitoyable tyrannie, en attendant leur vengeance et son assassinat programmé.

         « Soldat de la vérité », notre héros, infiniment confiant dans ses maîtres, s’entraîne, en des exercices physiques et spirituels éprouvants dont il est fier de passer les étapes. Sa  formation est pétrie d’ascèse et d’exploits, éprouvant combien « l’absence de moi séparé était libératrice », coiffant le masque anonyme des « Wafadars », du nom de ces « guerriers de la pureté » et « prêtres de la beauté » aux ordres du « Grand Timonier ». Et bientôt un tueur impeccable, l’un des inquisiteurs et vengeurs suprêmes de cette vallée qui méprise le reste du monde. Il sait que « mourir pour la vérité, c’est se délivrer des chaines du karma. » Pourtant, il faillira parfois : son amitié pour Biham, « l’obèse chantant », devra être rejetée, comme le sont le chant et la musique, son « aliénation romantique » pour une femme révoltée devra être évacuée sans retour, cette dernière étant finalement châtiée… Ainsi, le héros n’est pas une figure monolithique : longtemps fidèle à la cause, il est touché par le doute qui sauvera son humanité, sinon sa vie…

         Sans compter l’exacte et impressionnante description du fonctionnement d’une secte parée de tous les prestiges de l’héroïsme des purs, l’intérêt de ce livre vient des multiples pistes de lecture que l’on peut emprunter. Roman psychologique et d’action d’abord, parmi lequel l’apprentissage du jeune homme est censé l’amener à la perfection physique et morale, il devient le portrait d’un surhomme, d’un superhéros, dans le cadre d’une fresque haute en couleurs et stylisée qui confine à l’esthétique du manga. Roman de mœurs ensuite, où la vie d’une confrérie hiérarchisée exemplaire est dépeinte au cœur d’une vallée semi-mythique, non sans receler peu à peu ses poches de tragédie, comme en un documentaire ethnologique…

         Mais surtout, nous y lirons une fable philosophique, une anti-utopie, où la perfection de ses membres enthousiastes est constitutive d’une abomination tyrannique. Le communisme sexuel et procréatif (un peu comme dans La République de Platon) où les jeunes femmes sont livrées aux appétits et aux viols des guerriers et hiérarques, où les enfants sont élevés en commun, fait fi de tout individualisme, de tout attachement personnel : « Choisir, préférer, laisser ses émotions obscurcir son jugement et perdre le sens de l’équité, c’était tomber en disgrâce ». Sans compter que les pauvres individus qui n’ont ni la force ni la flamme sacrée sont exploités aux plus viles tâches, que des razzias prélèvent dans les villages d’en bas des « esclaves » et des « proies » pour l’entraînement au meurtre et à la torture, « tout juste bons à servir de cobayes aux purs ». Pire, si possible, les nombreux rejetons défaillants de cette consanguinité sont parqués dans des fosses infâmes qu’il faudra nettoyer en un radical génocide. Ce pourquoi notre héros fuira la vallée fermée et ira trouver dans une ville des plaines une vie impure, quoique plus humaine.

         Il est rare de lire, sous le vernis romanesque, une telle dissection du fonctionnement sectaire et de la spiritualité au service de la pulsion totalitaire et meurtrière. Tejpal dit avoir été inspiré par le procès d’un extrémiste hindou anti-musulman. Orwell probablement n’aurait pas renié cet apologue, malgré une facilité narrative digne d’un de ces films d’aventures que d’après ce roman l’on réalisera probablement…

 

Thierry Guinhut

La partie sur Tejpal a été publiée dans Le Matricule des anges, septembre 2012,

celle sur Hayes, mai 2014

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Voltaire : Le Fanatisme ou Mahomet le prophète, III, 7, Théâtre, tome I, Garnier sans date, p 252-253.

[3] Voir : Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

 

Christ mort, Vermiglio, Trentino Alto-Adige, Italie. Photo : T. Guinhut.

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1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 14:01

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

L’anorexie au mur de la beauté.

 

Tieri Briet : Fixer le ciel au mur.

 

 

Tieri Briet : Fixer le ciel au mur,

La Brune au Rouergue, 144 p, 15,30 €.

 

 

 

C’est pour des anges fixés au mur d’un monde hostile que Tieri Briet écrit : sa fille Lean, mangée par l’anorexie, Musine, écrivaine emprisonnée par le communisme albanais, Hannah Arendt[1], flanquée par les totalitarismes… Poésie, dissidence et amitié pour l’humanité sont mises au service de l’amour d’un père et de la sauvegarde d’une jeune fille. Ce dans un récit erratique, sensible et intensément illuminé. Car ce qui « a fixé le ciel au mur », selon les mots du poète Rade Tomic, n’est autre que l’écriture.

« Epidémie sociale », venue des couvertures de Vogue,  ou « épidémie dans le ventre absolu des jeunes filles », l’anorexie frappe Lean. Elle est pourtant pleine de vie, elle qui rentre en Terminale, est amoureuse et lit Rimbaud. Le motif des corps innerve les pages, quand s’opposent, se complètent et s’enseignent le corps de Lean, amaigri, et celui de la nouvelle épouse du père : Noémie, surnommée « la Noémienne », comparée à une Madone, qui porte un nouvel enfant, Orso.

Ce pourrait n’être qu’un documentaire de plus. Mais c’est sans sentimentalisme, ni compassionnel pleurnichard, que le père lutte avec sa fille qui s’est confiée à une chambre d’hôpital de Nîmes. Lui, en Arles, démuni devant la maladie, cherche des témoignages pour comprendre, des livres pour les soutenir. Ainsi, Tieri Briet projette vers le manque de sa fille d’autres femmes en lutte contre des maladies politiques qui sont un peu les métaphores de l’anorexie. Dans l’Albanie communiste et l’Allemagne nazie (mises justement sur le même plan), Musine Kokalari, cachant sa lecture de l’auteure de la Vita Activa, œuvre interdite, et Hannah Arendt sont alors des mentors qui élèvent la pensée, qui nourrissent la faim de poésie, de philosophie et de justice, devant le mal maladif et le mal politique. Au point que notre narrateur aille marcher dans les Balkans meurtris par les guerres, récoltant en son sac à dos, les livres, les fac-simile des carnets de Musine, pour tenter de faire traduire et publier en France celle qu’avec fougue, dans son plaidoyer, il brosse en dissidente démocrate aux cheveux longs. Ce dont nous lui serions bien reconnaissants…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Le récit d’un jeune destin en lutte contre la tyrannie de ses organes, et qui n’aura « plus besoin d’avoir peur », prend grâce à ces deux voix une dimension universelle, politique et créatrice. S’y adjoignent parfois des allusions à d’autres isolés et différents comme Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron, ou comme les Tziganes et Gitans, dont la musique colore l’émotion des personnages. Car, rythmé par autant de chansons, de « rengaines », de Nino Ferrer aux Négresses vertes, en passant par Noir Désir, comme autant de chapitres, le récit avance inexorablement, moins par nécessité dramatique qu’éthique et poétique. En effet certaines pages sont de véritables poèmes en prose : « Pour devenir femme, une enfant comme toi a besoin de nourriture et de beauté (…) » Cette phrase d’ailleurs peut passer pour à la fois la thèse et le moteur narratif.

Car ces pages sont les « talismans de la tristesse d’un père séparé de sa fille ». À cette lettre d’amour paternel et familial, cet engagement autobiographique, répond à la volonté affiché de l’écrivain et lecteur : « C’était la vie à l’état brut des écrivains que je voulais pouvoir lire et rien d’autre ». Ce qui ne l’empêche pas de lire des auteurs aux projets différents, comme lorsqu’il évoque le poète Tranströmer, ou Reinaldo Arenas qui, au sortir des geôles cubaines, rend visite à Lezama Lima, l’immense baroque obèse de Paradiso[2]… Et de « trimballer les cendres de [ses] ancêtres en écriture », tous livres qui bouillonnent autour de la volonté de liberté de Musine, d’Hannah et de Lean, et qui nous donnent la force de vivre et de penser.

 

 

Très vite, nous comprenons que Tieri Briet n’a de cesse d’aller et venir parmi les passerelles génériques : les éclats de retours en arrières autobiographiques et géographiques voisinent avec les pistes embryonnaires de l’essai littéraire et philosophiques, sans oublier le dialogue entre poésie intime et responsabilité de l’engagement. Une voix gitane « si brune » se mêle à celles, si graves, de Musine et d’Hannah, à celle si attachante de Lean, qui, à leur exemple, prend des notes sur ses rêves. Tout cela grâce à un homme qui publie sa vie et celle de sa « tribu ». Est-ce exhibitionnisme, indiscrétion ? Non. Seulement, et au service du lecteur,  sensibilité à soi, aux autres et au monde comme il va et ne va pas.

Il faudra fixer le livre de Tieri Briet au mur de la beauté. Mais aussi de l’engagement de la sensibilité poétique et de la pensée politique. « Archiviste en littérature de combat à l’Observatoire de la dissidence », ainsi se désigne-t-il. On connait l’attachement de l’auteur à la cause des Roms, des Tziganes, tous ceux à qui l’on doit reconnaître la qualité d’humanité. Même si, dans son enthousiasme nécessaire et militant, il néglige peut-être de rendre justice à la question de la délinquance, qui n’est évidemment pas l’apanage de ces dernières populations. Reste qu’à celui qui sait aimer et défendre l’humanité, des enfants jusqu’aux exilées politiques, femmes philosophiques et poètes, il faut rendre un hommage amical, et ses lettres de noblesse à l’éloge. Comme nous rendrons à son livre hommage, lui faisant l’amitié de côtoyer en notre bibliothèque ses auteurs choyés.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2]  José Lezama Lima : Paradiso, Seuil, 1971.

 

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21 juin 2014 6 21 /06 /juin /2014 17:17

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple,

 

ou les constellations de la traduction et du roman.

 

 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple,

traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Anne-Laurent Tissut,

L’Olivier, 464 p, 26 €.

 

 

 

 

 

      « Babel heureuse », ainsi Roland Barthes qualifiait-il l’accession à « la jouissance par la cohabitation des langages » dans Le Plaisir du texte[1]. Cependant, hors pour de rares polyglottes extraordinairement doués, cette Babel ne peut se passer de la traduction. Adam Thirlwell, un Anglais dont le plaisir de Barthes, le français et le russe sont au-dessus de tout soupçon, n’est pas loin de croire qu’une langue de Babel est possible. Car voici, selon lui, un « projet d’utopie : le roman international de l’avenir ». Ce dernier est un kaléidoscope de traductions, réunissant en un « Livre multiple », les chefs d’œuvres des grands romanciers, de Flaubert à Joyce, de Sterne à Nabokov,  en passant par Kafka et Gadda… Ainsi, le roman, infiniment traductible en des centaines de langues, n’est rien moins qu’une « usine à histoires » cosmopolite, ici rassemblée dans un essai à saute-moutons fait d’ « Hommages » et de « Brèves théories de multiplication ».

      La première multiplication est celle des « Phrases », cet « assemblage explosif », où le signe est séparé du réel. Thirlwell s’appuie sur les 99 Exercices de style de Queneau, qui, bien que répétant à chaque fois la même histoire, montre que « la moindre modification suscite une nouvelle vision ». Il n’y a donc pas identité entre la forme et le fond. En même temps que le romancier tente de nouvelles voies d’écritures, du signe vers le réel, il crée non seulement une nouvelle vision du monde, mais un nouveau monde. Ce pourquoi la seconde multiplication est celle des « Hommages » aux romanciers qui bouleversent la langue, la composition romanesque et les relations à autrui et aux idées. En même temps, ces deux multiplications sont des traductions, d’une langue à l’autre, d’un réel à la fiction, d’une fiction à une autre fiction…

      Visiblement -et nous ne lui en voudrons pas- Thirlwell a ses écrivains fétiches : Sterne qui inventa « la lassitude du roman », la surabondance des digressions et l’ébauche abruptement inachevée à la place du roman clos sur lui-même. Carlo Emilio Gadda, « romancier moderniste international », amateur de baroque et de grotesque, de « glissements arbitraires de registres et de réalités ». Bohumil Hrabal, « palabreur » du « roman-monologue », auteur de « roman-collages » et d’une « encyclopédie des formes digressives », affichant un « réalisme total ». Nabokov, bien sûr, ce polyglotte qui se traduit lui-même dans les langues de l’exil, dont Thirlwell aime le « tapis magique » des phrases. Car, pour l’auteur de Lolita, « la vie est inférieure à l’art »…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Lire un roman traduit, selon les uns, c’est une perte de sens et de musique, au mieux un travestissement. Twirlwell plaide pour une transmissibilité maximale, pour une mondialisation du contenu et de la dynamique romanesques. Au point qu’une traductrice anglaise parvienne à faire des « anglicismes » de Queneau, des « gallicismes ». Il refuse de penser « qu’une aventure de style est monoglotte ». Ce qu’il n’a pas manqué de prouver en traduisant en anglais les nouvelles de Mademoiselle Ô de Nabokov. S’il a encore besoin de convaincre bien des lecteurs, les écrivains avant lui témoignent de la circulation et de l’insémination européenne et mondiale des grands romans. Parfois traducteurs et critiques, comme Nabokov, ils nourrissent leurs propres créations des inséminateurs que sont les œuvres de Cervantès ou de Sterne. Notre essayiste s’appuie par exemple sur « un écrivain mineur » et symboliste français, Edouard Dujardin, qui pourtant inventa dans Les Lauriers sont coupés le monologue intérieur, avant de recevoir la marque de la reconnaissance de Joyce, qui amplifia avec le brio que l’on sait cette technique avec le personnage de Molly Bloom à la fin de son Ulysse.

      Quoique passant parfois d’un auteur à l’autre comme du coq à l’âne, pour illustrer d’abondant exemples (y compris artistiques et musicaux) le moi multiple, les multiples relectures, le monde multiple du roman, il s’agit là d’une réjouissante revisitation des codes de l’essai littéraire. Butinant de texte en anecdote, de Borges à Gombrowicz, de Cervantès à Henri James, se dessine une culture plurielle, vagabonde et exponentielle. A l’image du roman, ce genre littéraire omnivore et aventureux. Car Thirlwell, brouillant les frontières génériques, confiant ses œuvre aimées, son émotion au contact du texte sans dédaigner l’usage du « je », va jusqu’à qualifier son essai vagabond comme un « roman » qui ne veut pas en être un, comme une exploration dans la forêt des pages de sa bibliothèque qui est la nôtre. La composition est aussi sinueuse qu’en archipel, en constellations, voire en réseaux et rhizomes. Finalement, il apparait que le concept de réécriture, qu’il associe à toute écriture romanesque, vaut autant pour la prolifération de son essai, qui est une réécriture errante de ce qui aurait pu être une trop sage Histoire de la littérature…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Certainement la traduction de son roman, Politique, en une vingtaine de langues, y est-elle pour quelque chose. Se relire en un idiome lisible ou illisible reste une expérience à la fois narcissique et traumatisante, où l’on se reconnait sans se reconnaître, en de multiples miroirs biaisés. Politique reste-t-il lui-même en hongrois, en suédois ? Sans compter que, dans sa langue originelle, Le Livre multiple s’appela Miss Herbert, en une première version dont il est devenu une réécriture toute neuve. Ce du nom de la gouvernante anglaise de la nièce de Flaubert, qui d’elle appris la langue de Shakespeare, et peut-être l’amour, avec qui il aurait traduit Madame Bovary, en un manuscrit perdu…

      Peut-être est-il dommage que l'éditeur français n'ait pu reprendre les images (couvertures, ac-simile et autres index) de l'édition anglaise. Mais ce fut le résultat de la volonté de l'auteur qui tint à nous en priver au bénéfice du work in progess. Reste que la déambulation mentale en vaut bien la peine. Plus que la lecture de Politique, pourtant couvert de succès. Cette histoire de ménage à trois se veut passablement obscène, mais en tout cela passablement banale. Exhiber à la fois les actives fesses de ses personnages et les ficelles du romancier qui s’interroge sur sa création et se commente lui-même, sans compter les digressions philosophiques au petit pied, suffit-il, malgré l’humour et l’ironie affichés, à rendre compte de « l’utopie socialiste du sexe », et à renouveler la psychologie du couple et des mœurs ? La version « cool » et parodique de Sade ou de Thérèse philosophe (célèbre curiosa du XVIIIème), malgré la culture indéniable de l’auteur, est-elle à la hauteur ? Ce porno « politique » parvient modestement à déconstruire la morale traditionnelle (mais n’est-ce pas déjà un cliché ?) en offrant une liberté sexuelle à ses personnages. Mais guère à construire un espace mental romanesque, comme nous le découvrons avec plus de bonheur dans Le Livre multiple.

      On devine que la thèse d’Adam Thirlwell puisse rencontrer des suspicions, voire de radicales mises en doute, ce dont témoigne le titre d’Emily Apter : Against world littérature. On the politics of untranslatability[2]. Il existe en effet bien des mots qui résistent à la traduction, de « sehnsucht » en allemand au « duende » en espagnol, des textes, en particulier poétiques, y compris dans le roman, qui frôlent ou résident définitivement dans le lieu scellé de l’intraduisible. Le concept de littérature-monde, déjà prôné par Goethe, n’est pas sans devoir garder conscience de sa pluralité babélienne, et donc culturelle. C’est qui pourtant n’est en rien, de l’aveu de Thirlwell, un empêchement à l’effort de traduction, y compris au-delà de l’illusion selon laquelle « la langue est liée à l’ineffable » ; car « une traduction peut devenir un nouvel original ». Ainsi se dissémine le plaisir cosmopolite du roman, qu’Adam Twirlwell multiplie avec bonheur. Au point d’engager, en sa conclusion, et avec ardeur, les romanciers, présents et futurs, à privilégier le projet personnel « débridé », à « se lancer dans le totalement amateur, le totalement multiple ». Il ne reste plus, en conséquence, chers lecteurs et romanciers virtuels, qu’à se lancer…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1]Roland Barthes : Le Plaisir du texte, Œuvres complètes, t 2, Seuil, 1994, p 1495.

[2]Verso, 2013.

 

Photo : T. Guinhut.

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14 juin 2014 6 14 /06 /juin /2014 19:51

 

Pontevedra, Galicia. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Une route des vins de Blaye au Médoc.

 

La République des rêves I

 

L'Harmattan 2023.

 

 

 

      Sortant de l'autoroute, depuis le nord et le bruit de fond d'un narrateur qui invente et pille, l'ellipse du pare-brise dispose l'Aquitaine sous le soleil et les cumulus blanc-bleus comme du haut d'un changeant concept. Dès après le péage, Louiq entre parmi les vignes du rendez-vous de Blaye, où l’attendent un hôte presque inconnu, de mystérieux invités aux noms affriolants. Sur les pavés d'un village aux crépis clairs, le petit éros de verre suspendu au rétroviseur se met  à vibrer, à chanter...

      Une cloche aigrelette résonne dans l'entrée aux abeilles écrasées de l'épicerie-café-tabac. Allegro, Camille emplit son baquet de bois libre-service d'un tumulte de rillettes et pamplemousses, pain de campagne et saucisson sec, couronnant l'édifice d’un fromage de chèvre oblong et blanc sur sa feuille de châtaigner. Histoire de parachever le diététique chaos, il entrechoque les Martini, les litres à étoiles et les limonades à la recherche du nectar attendu… Et c'est d'une main triomphale qu'il pose le « Vitaboir » de la coopérative de Saint-Sulpice-de-Royan sur le comptoir taché d’antédiluviennes tempêtes de goulots.

      Il lui suffit d'un trash-métal rock and roll d'autoradio, puis d'un cristallin madrigal de Monteverdi sur disque miroitant arc en ciel, pour entrer dans la ville et la citadelle de Blaye.

      - C’est notre jeune homme ! Qui commence avec nous une randonnée oenologique et pédagogique, et qui entre en paradis bachique… s'écrie Robert dans un grand coup de poumon, riant, un bras tendu au travers de la vitre ouverte, l'autre envolé dans l'espace comme sur une scène d'opéra, avant que Louis puisse songer à descendre. Juché sur le capot, Robert entame, un verre encore vide à la main, et boucle un tour d'honneur de la Place d'Armes, déserte et rudement ventée par l'ouest. Ils se garent le long de la Gironde en contrebas, fléchée d'îles bistres, d'ombres mobiles.

      On s'embrasse, on se tape sur l'épaule. Réjane anime d'yeux pétillants et de sourires ses rides légères, et prend, maternelle soudain, dans ses bras Louis qu'elle n’a pourtant jamais vu. Elle le noie sous un bavardage exalté, indistinct, puis s’apaise :

      - Voici Flore Hellens, n'est-ce pas qu'elle est mignonne... Une vraie jeune femme de haute couture et toute simple avec ça. Et docteur en gynécologie...

      - Pas encore docteur, non... rit-elle, confuse…

      - Alors, Louis, apostrophe Robert, es-tu disposé à changer le verre de ton appareil-photo pour celui de la dégustation? Changer le visible pour le gustatif ? Et nager à pleines brasses dans un fleuve de papilles vineuses…­ Parlant, il anime la confortable corpulence de sa cinquantaine avec une joyeuse truculence des mouvements…

      - Et voici Léo Morillon, docteur en philosophie! Qui vient troquer l'esprit contre les sens…

      - Momentanément, seulement momentanément, corrige-t-il, serrant la main de Louis et calant de l'autre main son chapeau jaune citron contre le vent. Il semble crispé, quoique attentif, le regard tranchant dans un faciès ingrat aux lèvres brusquement sensuelles.

      - Louis Braconnier est photographe, lui précise Robert. Il a fait d’étonnantes photos dans le dernier numéro de Gironde Magazine

    - Mais docte en rien, s'excuse-t-il... Qu'est-ce que je viens faire parmi tous ces doctes en gynécologie, philosophie et oenologie?

      - Oh, répond Réjane, je ne suis docteur qu'en panier-repas et gourmandises, ne t'inquiète pas...

      On sort les sièges dépliants. On amarre la table de camping avec des tendeurs aux poignées des portières, aux rétroviseurs. On déballe les victuailles sur les pavés et dans des assiettes en terre. Louis stabilise avec son corps calé dans une veste de cuir le siège le plus exposé aux bourrasques, ses cheveux trop longs voletant autour de son visage aux maxillaires solides, regard doux cependant quand il se pose étonné sur Flore. Elle noue avec dextérité ses cheveux dans un grand foulard vert tendre accordé à ses yeux.

      En guise d'ouverture, Robert offre un verre d'une eau apparemment innocente:

      - Ce fleuve double, cet estuaire Gironde qui, dit-il, crée, baigne et mire les vins du Bordelais, vous offre son eau de baptême...

      Les convives, l'esprit pas encore aussi enjoué que la pigmentation rubiconde des joues de Robert, élèvent leur verre à moutarde auprès de leurs lèvres cérémonieusement avancées et pincées formant gouttière pour l'absorption du généreux et limoneux liquide. Réjane lui trouve « un goût de joncs et de plantes, pour tout dire de soupe aux mauvaises herbes », pendant que Flore va jusqu'à le qualifier de « putride »:

      - C'est toujours comme ça que j'ai imaginé le goût des grenouilles vivantes, au ruisseau de la ferme de ma nourrice, en Charente.

      Et Louis de s'esclaffer devant ce psychanalytique introït à une initiation aux grands vins... Tandis que Léo, soupçonnant de trop humaines pollutions, reste muet, ne bougonnant qu’un instant contre cette « eau corrompue qu’on le force à avaler».

      On passe au repas, étalé à la va comme je te pousse, boites de conserves diverses, casse-croûtes et en-cas vite faits, collations et libations, câpres et oignons blancs sortis par surprise au milieu des rillettes graissées sur la tartine ou cueillies à la pointe du couteau... Robert extrait d'un torchon vichy bleu et blanc, comme s'il décolletait une matrone gasconne, un bocal au contenu brunâtre et ivoire, « un pâté de pays », clame-t-il dans les sautes d’humeur du vent. Réjane, son épouse, emplumée de cheveux fous, tire sur le rose caoutchouc et libère un fumet moelleux et corsé, emporté par bouffées, de gibier, dirait-on... Est-ce lièvre ou sanglier, chevreuil ou faisan? Robert, un tantinet mystérieux, aiguillonné par la bouteille déjà vidée de Léo, un Côte de Blaye particulièrement anonyme dont les palais encore inexpert de nos voyageurs se trouvent pourtant assez bien, se lance dans une joviale péroraison:

      - Mis à part sel, poivre, épices et porc dont ne peuvent se passer ces gibiers d'eaux (et les autres de penser canards, bécasses et sarcelles...) ceci est chair jeune, quoique légèrement faisandée, d'animaux fabuleux, nageurs et à fourrure, natifs du Marais poitevin. J'ai nommé : le ragondin!

      Flore a peine à dominer un mouvement de dégoût, Réjane rit et se pourlèche, Louis décèle dans le dé de chair fraîche sur sa langue un goût de lapin magique, de lièvre de mars, avec un final de bête chaude et sauvage. Tandis que Léo, docte, quoique la diction déjà pâteuse sous le soleil tonitruant du vino tinto de Rioja apporté par Flore, déclare:

      - La nature particulière de chacun des produits nécessaires à la composition des mets n'est que support et préalable à l'essence du goût qui seule importe.

      Réjane parait confire en ravissement, souriant béatement son admiration de disciple suspendu, telle une salive lumineuse, aux lèvres de son maître de thèse...

      - Et que sais-tu de l'essence du goût de vivre? lui demande soudain Louis.

      - Vivre est l'imparfaite réalisation de l'idée, l'ombre de la caverne, répond du tac au tac Léo. Vivre déconstruit l’idée et ne nous en laisse que le déchet…

      - Vivre ne naît-il pas des sens, comme le goût de ce pâté?

      D'un seul dédain de sourcil, Léo parait écarter Louis et plonge son regard fixe dans le tangage de son verre qu'on remplit encore...

      On livre à l'appétit des mangeurs une avalanche de tranches de rôti froid et les cubes ambrés d'une gelée tremblotante sur un lit de laitues artistement dévastées. Le Chianti de Réjane, dont le bouchon a cédé sous les triturations saccageuses du couteau de Léo, inonde en claires rasades  les mains sinon les verres des buveurs.

      Suit un défilé de fromages sur le bistre des feuilles de vigne, des desserts de pêches, de noix et de gâteaux secs... Robert caresse de la paume le cep d'un tire-bouchon enspiralé dans le goulot d'un Coteau du Layon violemment jaune et sucré. Louis frappe énergiquement du talon de sa chaussure le fond de son Vitaboir pour l'expulsion du liège. Flore et Réjane picorent et pétillent, parfumant le corail humide de leur orifice buccal, heureusement soutenues par l’intense effort masculin pour décerner enfin, d’une langue, qui brumeuse, qui solide, qui nuageuse comme à la veille de l'orage, ou emportée en auto-tamponneuse secouée de rires brinquebalants, la palme vineuse, vinasse et vinaigre au Vitaboir.

      Ce sont trois voitures, pare-chocs contre pare-chocs, dans la nuit et dans la direction d'un hôtel à Saint-Emilion. Parfois, un klaxon tapoté précède de peu l'ouverture d'une portière: éclair lent et filiforme d'une urine couleur clarté de lune. Ou, entre deux hoquets vomisseux et filés, la voix, à peine reconnaissable, sinueuse et molle, de Léo:

      - J'ai bu comme un chien, j'ai bu sans esprit ; initie moi, Robert, initie nous...

      La tête restée froide, et néanmoins ne tenant plus sa queue de chemise de rire, Robert promet, lui claquant paternellement la faible omoplate, pendant que Réjane, sérieuse et attentionnée, lui soutient le front qu’il a lourd, plombé, démesuré, grumeleux…

      - Voilà donc, exulte alors Robert, ce grand philosophe, ami des puissants... Connaissez vous son oeuvre, dont cette Actualité politique du platonisme? Dans laquelle l'espérance marxiste lui fait adapter la théorie du roi philosophe à l'état socialiste. Voyez le cracher par la tripaille son irréaliste philosophie! Sentez le expulser par ses aigres dégueulis toutes les ciguës rougeâtres de sa doctrine totalitaire !

      Etonnés, interdits, les autres paraissent n'oser ni pouvoir soutenir un défi que Léo n'a visiblement plus les moyens de relever...

      Ils se réveillent dans une chambre que, pour quelques uns, ils ne reconnais­sent qu'à demi, ou pas du tout. Louis sait qu'il a rêvé de Flore, mobile, grands cheveux souples, nez mutin, bouche calme et sensible, hésitante quand elle le regarde, sans qu'il puisse se rappeler une scène encore ou jamais.

      Dehors, le soleil frappe par endroits des vignobles rangés en fragments de géométries proprettes sur des collines miniatures et aquarellées de verts... La face et le corps radoubés par force ablutions, dentifrices, cafés et beurrées, ils flânent un moment sur les rempart et dans les ruelles.        

      On parle peu. Léo remâche son intempérance de la veille. Il jure de goûter seulement, d'étudier pour quitter, dit-il, l'état de novice et accéder en trois jours de vinomachie à une maîtrise. On le raille amicalement qu'il lui faudra plus de temps. Robert et Réjane semblent faire la promenade tranquille de leur jardin matinal, humant l'air, les vignes et les pierres...

      Flore est en jean bleu clair et chemisier de coton blanc brodé de motifs floraux colorés. Avec les cheveux relevés, son visage parait plus plein, son châtain plus clair. Sous les pommettes hautes, le sourire grand ouvert sur la fraîcheur des dents très blanches en réponse au bonjour. La clarté du regard va droit soudain à l'émotion de Louis très calme. Comme si elle était un de ces rares corps et visages auxquels on parle sans phrases toutes faites pour circonstances connues, auxquels on dit le sens de soi en confiance... Elle termine ses études de gynécologie à Bordeaux et s'intéresse au parfum des plantes et des vins… Il est ici pour revenir savoir photographier les vignobles bordelais à l'instigation de Robert... Au dessus du paysage, elle semble avoir frais. Il lui offre sa veste de cuir doublé qu'elle accep­te. Elle est grande également.

      Nos commensaux n’ont pas longtemps à tenir conseil au pied du centenaire acacia de la place pour déterminer l'itinéraire du jour sous la direction sacerdotale de Robert…

      Caves du Château Ausone ; ils longent, la silhouette humble et le palais chatouillé par le pétillement pré-gustatif, l’infinie théorie des bouteilles vénérables et encapuchonnées de leurs étoles de grasse poussière. Dans le chai, sur une barrique debout, le maître a disposé cinq verres où le liquide tourne et s'apaise, rougeoiement imprécisé dans la pénombre d'une allée de fûts. Ils boivent à petits coups, lapements, claquements de lèvres brefs et discrets, silence général. Robert semble chuchoter quelques  instants avec le maître de chai. Il s’attarde à élever dans un rai de lumière son verre et laisse glisser longuement quelques centilitres autour de sa langue rose et glougloutante pour les cracher enfin dans le sable noir. Il conclut ses gestes réglés par quelques notes sur un carnet couvert, comme de juste, de liège.

      Dehors, Flore se hasarde à trouver ce vin « un peu dru encore », tandis que Léo n'hésite pas à se déclarer « carrément déçu ». Avec un sourire fin, Réjane avance: « prometteur! » Louis a un regard interrogateur à l'adresse de Robert qui avance distraitement :

      - Très honorable. Mais ne sera probable­ment pas aussi plein que le fameux 76 au nez de griotte. D'ailleurs, ce 84 dernier né n'est à boire que dans neuf ou dix ans...

      - Mais tu nous a floué, s'écrie Léo, tu nous a humecté avec un jus vert après nous avoir promis le grand Ausone !

      - Comme quoi, répond Robert, vous n'êtes pas encore capable d'apprécier un vin, ni au présent, ni par anticipation.

      - Apprécier ainsi, c'est pourtant le but de la philosophie...

      - Alors à quoi sert ta philosophie? lui demande tout à trac Réjane.

      - Parce qu'ici n'est pas l'idée. Seules sont là les langues, leurs déchets, leurs structures psychologiques et économiques, leurs effets de pouvoir et de soumission. Le philosophe se partage entre les desseins de l'idée qu'il projette sur l'humanité qui veut l'entendre et l'examen du chaos où nous sommes. Nous sommes des fictions sociales, marchandes et culturelles. Nous sommes des biologies avec des comportements et des images. Philosopher, c'est briser ces coquilles pour en examiner les débris et trouver l’oeuf originel de l'idée d'où sortira enfin la ville de l'égal bonheur pour tous, la pure Urba socialiste...

      - Ouh la la... soupire Réjane. J'en reste pantois. Chut, Robert ! Et toi Léo... N'oubliez pas que vous aviez promis de ne pas parler politique. Partons !

 

 

      Au château Cheval Blanc proche, ils goûtent le tiers de deux verres, non sans cracher dans un fond de barrique de sable, se roulent et se pourlèchent le liquide jusqu'au flanc des gencives secouées par les tanins. Deux années primeurs loin d'avoir atteint le plein de leur maturité et dont Robert préjuge pourtant la future opulence. Louis parvient à chercher, humer, percevoir des différences, celui là plus coloré dans l'arrière-bouche, cet autre plus vigoureux sur les dents, ce à quoi Léo ne consent qu'avec les plus grandes réticences.

       Puis, sous la houlette de Robert, par Libourne, Faubourg de Cenon, pont de Pierre de Bordeaux, Place des Quinconces, ils garent les voitures sous l'un des panonceaux du parking: « Médoc ». Ils se retrouvent sous les naseaux de bronze des chevaux girondins, déballant des pains de poissons et de crustacés.  Un vaste navire de légumes verts, de sole et de saumon, est fendu en parts égales sous le couteau de Flore et sous le regard tant maternel que professionnel de Réjane. L'autre, de carottes, merlu et langoustines, est bientôt tranché dans le sens de la perspective de la place et sous les verres à dégustation que distribue Robert, dans lesquels aussitôt s'enfle en virevoltant le volume clair du Carbonnieux blanc.

      - Nous voici communiant sous les auspices simples du pain et du vin, annonce Robert, décidément prolixe en rhétorique religieuse.

      - Cérémonie dans laquelle le vin rehausse et relève le met, enchaîne Réjane, interrompue par la langue gouailleuse et furibonde de son époux:

      - Foutaises ! Ce conglomérat poissonneux, si spermatique et rosacé qu'il soit, n'est qu'un marchepied pour la gloire de ce Carbonnieux 1969, un rien nerveux, stimulant en fruit, et presque matinal avec sa pointe de fraîche acidité!

       Non sans les regards étonnés et respectueux des passants devant ce qui n'est visiblement pas un en-cas de clochards ou de chômeurs exclus des richesses de Bordeaux la belle urbaine, sauf un furtif dégingandé en noir qui picore un reste d’amuse-gueule en enregistrant d’un œil les faciès des convives - quoique Louis ne le remarque pas, hypnotisé par la délicatesse du port de tête et de poitrine de Flore, probablement vierge de soutien-gorge - le déjeuner s'achève presque à l'heure du goûter... Ils s'égaillent dans la ville. Robert et Réjane vont accorder une sourcilleuse attention aux cartes des restaurants et discuter de mystérieux bouts de gras avec des sommités de la Maison du Vin, tout près du Grand Théâtre. Léo campe en territoire conquis dans la vinothèque théorique de la librairie Mollat. Flore parcourt en gourmet de la mode les boutiques Kenzo, Stéphane Kélian et Anastasia. Louis enlace Bordeaux de pérégrinations architecturales, activités ponctuées pour eux tous des eaux minérales des terrasses de café en cette chaude après-midi.

       Ils se retrouvent dans un salon feutré pour d'apéritifs bavardages autour de la presque invisible, effilée bouteille de La Salvevert, fleuron de l'Aquitaine des Eaux...

      - Pour que cette petite attente soit le signe de la sobriété générale de notre tournée des grands crus, pontifie Robert. A laquelle contribuent tous les sens: la vue pour la couleur, le dépôt, les larmes le long des parois du verre... Le toucher pour sa rondeur et sa température, sinon les moisissures de l'étiquette et le grain du bouchon... L'odorat, capital pour le nez du  vin. Et à tout seigneur tout honneur, le goût!

      - N'oublie pas, intervient Léo, l'esprit qui s'installe dans les sens pour les extraire de leur animalité et les amener à parfaite évaluation.

      - Ou ce sont les sens qui s'organisent en esprit, hasarde Louis...

      - Non! Qui sommes nous sinon l'esprit? N'est-ce pas? Toi, par exemple, Flore­, qui es tu? N'est tu pas l'esprit avec des manifestation de beau corps et de beau visage? L'esprit avec des manifestations de femme?

      - Moi ? Je sens un peu de ma part animale. de ma part féline. Je sais un peu de mon histoire... Au-delà, est-ce que je sais ? Je suis celle qui peut interroger. C'est tout. Si c'est ce que tu appelles l'esprit. Celle qui veut apprendre à goûter, à aimer.

      - Non. Je suis quelque chose qui sait. Et qui veut savoir plus. Et toi, Louis, quand tu photographies, tu peux voir de l'esprit, ou seulement des sens? Une photo ne  reste-t-elle que le reflet mécanique et esthétique de ce qu'on verrait avec l'objet réel ? La plupart des photos n’ont rien de recomposé par l'esprit, au contraire de l'art du Titien.

       - Jusque là. oui, j’ai fait ce genre de photo. Du touristique. Mais je soupçonne que c’est un peu des deux, non ? Comme les mots, les images peuvent entrer dans les choses... Composer avec le réel... Pour je sais pas quoi encore. Une disposition dansée des éléments et des formes qui serait comme le goût d'un grand Bordeaux sur la langue du Titien...

      - Oui, revenons à nos papilles! s'insurge Réjane...

      - N'allez surtout pas vous fatiguer trop la bouche ! Repos, messieurs les philosophes! De plus sûrs usages de la langue vous attendent. Allons! Entonne Robert, en extrayant sa corporelle abondance du craquant fauteuil d'osier.

      Au restaurant « La Côte de Bœuf », leur appétence vespérale est éveillée par des vins riches et chaleureux. Les brochettes bovines grésillent encore sur l'assiette, lorsque l'impatience de Léo est fustigée par une blessure, heureusement superficielle, sur la pointe de la langue; ce que Robert ne manque pas de regretter quand à l'intégrité de ses précieuses cellules gustatives... Deux vins reposent leurs fumets dans des carafes aux transparences et reflets anonymes en dépit des nuances voisines du pourpre et du vermillon. Le maître es oenologie, comme l'appelle à l'instant Flore, annonce « Clerc-Milon 1975 et 1977 » et lève cérémonieusement le coude au dessus des vapeurs carnées. Un frémissement de plaisir lingual et palatal parcourt la tablée: gargouillements et borborygmes intimes, mastications liquides et ballonnements de joues, déglutitions précautionneuses ou voraces, toutes mimiques dénonçant de secrètes satisfactions stomacales et extases spirituelles, va et vient et comparaisons incessantes entre les deux verres mis à la disposition de chaque impétrant, bouchées alternées de bœuf, poivron, oignon et pain, arômes, emprises sur le grenu de la langue et dans l’entier de la rouge caverne buccale... Robert et Réjane paraissent s'élever dans le plus vigoureux bonheur vineux. « Avec le silence de ceux qui savent », murmure Flore, un léger feu au tempes. Louis et Léo se mettent d'accord, après maintes hésitations, goûteries et circonlocutions, sur la jupe liquoreuse, la touche de cassis qui imprègne le 75. Les deux quinquagénaires appuient cette remarque d'une muette et sereine approbation. « Avec la bienveillance du maître envers l'élève prometteur », ronronne Flore, une goutte pimpante et carmin sur l'extrémité supérieure de la lèvre.

      En attendant le dessert, Léo se gausse des vinasses vidées à la va-vite par les autres clients. Robert se lance dans des prosopopées sur les cépages, les vendanges et la vinification… Flore imagine Louis en Bacchus à-demi nu, l'entrecuisse garnie de grappes colorées et prêtes à éclater... C'est enfin à Réjane d'annoncer ce qui fait enfin office de boisson autant que de dessert, celui qui évince tout repas: « un Pétrus 1975, par lequel, sur l'étiquette, Saint-Pierre n'hésite pas à vous livrer les clefs du paradis ». Un murmure d'ordre évidemment religieux parcourt la tablée... De nouveaux verres à dégustation sont amenés, dûment inspectés par l'œil soupçonneux de Robert. Le Pétrus, décanté trois heures durant, peut faire son apparition. Une magnanime jouissance arrondit les joues du maître lorsqu'il verse une fluide abondance de grenats et rubis dans la panse cristalline des verres étincelants. Nos cinq commensaux élèvent ensemble une robe profonde à la rencontre d'une lumière qui joue framboise écrasée sur du velours. Bientôt, les sens deviennent liquide, la chair et l'esprit se font bouquet, élégance et ravissement. On reconnaît l'évidence de l'onctuosité du Pétrus, de sa puissance, de sa longueur en bouche... Tous, enfin comblés, ressentent ce moment comme « le nécessaire point culminant de la journée, l'accession à un palier supérieur de la connaissance !.. » C'est Léo, pontifiant comme en rêve.

      Qui, dans le sommeil réparateur de la nuit d'un hôtel bordelais, puise l'exacte inconscience et innocence du repos ; qui voit briller en tournant une théorie de carafes aux nuances de l'arc-en ciel ; qui se déplace de châteaux et châ­teaux semblant d'énormes appareils gustatifs ambulants ; qui épingle sur le revers de sa veste les médailles et les insignes les plus flatteurs des ordres vineux... Et qui rêve, au petit matin, avant même le café-croissant, pain et rillettes, de goûter au suc sexuel d'une douce compagne...

      Tels des pèlerins avant longtemps marché pour aborder l'âge des plus hautes sapiences, nos cinq curistes peuvent sereinement aborder, conjointement à la montée et à l'éclat du soleil sur le doré des vignes, la sphère ou la constellation, selon les images chères à Léo et à Louis, des grands crus. Le maître de chai les accueille en personne sur les graves garonneuses de Haut-Brion et les introduit aux mystères d'un tannin qui se fond peu à peu en souplesse et suavité. Après une longue et buccale méditation, Robert annonce :

      - Belle couleur rouge foncé et reflets grenats, dominante boisée parfaitement fondue, petite touche de vanille, myrtille et sous-bois, ampleur de goût sur fond d'odeur de cèdre, rondeur de bouffée de soie, quelque chose de la truffe et de la violette, bouquet profond et racé en bouche ; voici un Haut-Brion 1978 !

      Un silence respectueux s'apaise parmi l'ombre aux fûts de chêne…

 

Photo : T. Guinhut.

 

      - Ah, jubile encore Robert, ce banquet de la vie, ce plaisir des sens, ça a du sens, non ?

      - Non, seule la connaissance, l'idée, leur réhabilitation, ont l'éternité du sens, pique en réponse Léo à ce qui lui était visiblement adressé.

      - Allons vous deux, s'amuse Louis, quelque chose des deux ensemble plutôt... Ce goût ! ça vous revigore... Comme si j'avais un être en plus !

      - Quel sorte d'être, beau Louis ? demande aussitôt Léo.

      - Il me semble que je deviens un peu plus vivant...

      - Un peu plus pensant, tu veux dire...

      - Oui, mais pas seulement. Une perception plus fine et plus ouverte sur le monde. Voir et sentir sont aussi des pensées.

      - Non, percevoir n'est pas penser. Penser, c'est définir et hiérarchiser. Par le langage. Je ne suis ici que pour dominer la nature, que pour comprendre l'esprit et la hiérarchie des grands vins, donc de la nature toute entière. Dominer les sens. Et, comme dans tout concept, qu'il s'agisse de l'être ou de l'état, reconnaître le vrai, le bon, le bien. Trouver l’In vino veritas par l'exercice de l’intellect. Je veux un itinéraire logique. Pas toi, Louis ?

      - Une promenade de goût et de connaissance, sans à-priori. Une couleur de sentir et de vivre à acquérir. . .

      - Et qu'en pense la délicate Flore ? Me regardera-t-elle ?

      - Trop de mots, messieurs... Pardon, Professeur Léo. Mais je penche plutôt pour Louis.

      - Je vis pour penser, reprend Léo. Pour retrouver la pensée perdue qui nous sait. Pour penser et restaurer la perfection humaine et politique. Et vous ? Pourquoi vivez vous ? Quel est votre but ?

      - L'argent, la gloire et les femmes! Qu'y a-t-il d'autre? répond en riant Louis.

      - Ça peut pas être vrai… s'étouffe Léo.

      - C'est toujours un peu vrai. Toi tu te donnes de la gloire intérieure et tu attends de la gloire extérieure. Allons, j'ajuste mon propos... Je vis, si tu veux, pour toucher en sensations et connaissances le monde qui tourne autour de moi à toutes sortes de vitesses et de calme. Un monde qui n’a jamais été parfait, sinon dans le mythe. En fait, je vis surtout parce que je suis né. Parce que je suis là. Je veux vivre, voir comment vivre et voir comment vous vivez. Et toi, Robert?

       - Bah, profiter tranquillement et avec un peu de ruse du meilleur qui m'entoure me suffit... Je ne suis ni un philosophe, ni un politique, ni un guerrier pour répondre... Réponds toi aussi Flore...

      - Je n'ai pas de réponse. Il y a des femmes qui vivent pour faire des enfants. Moi je vis avant de mourir. Et je ne laisserais pas ma place de vie, conclue-t-elle en appuyant ses yeux très verts dans ceux de Louis troublé.

       - Et Réjane ? demande Léo.

      - Une mouche... Elle nage et se débat dans le vin... Donnez moi, un couteau, une cuillère...

      Léo rit avec les autres...

      - Allons Léo, ce n'est qu'un moment de vacances un peu studieuses. Un petit prélude, si tu veux. Ce n'est pas tout à fait sérieux. On ne va tout de même pas connaître le monde tout entier avec ça…

      - Pourquoi pas ? C'est ce que nous voulons, non ? À moins d'être un paresseux ou un imbécile. Connaître le monde. Franchir l'épreuve et toucher le but. Les causes et l'origine. Les effets et l'essence. Par la raison. Passer outre aux illusions des sens, aux imperfections des hommes et des sociétés. Nous sommes dans une cave, ne l'oubliez pas. Que faites vous de voir et d'être le vrai jour au-delà ?

      - Léo, reste avec nous, se moque Robert. Ne perds pas pour le rêve la réalité des papilles qui nous réunit... Heureusement, les instincts sont là pour contrôler la raison... Goûte encore, conclue-t-il, lui versant une rasade mesurée.

      Dans la cour du Château Pape-Clément, Robert jubile d'érudition:

      - Celui que Rabelais nommait le « vin clémentin », fut créé en 1300 par Bertrand de Goth, alors archevêque de Bordeaux, qui fut élu pape six ans plus tard sous le nom de Clément V.

      Flore, un temps après avoir uni sa narine aux fragrances de chair et de caramel, puis sa bouche au liquide robuste, rond et idéalement fruité, propose:

      - Il me semble que Robert, bien que marié, mérite de haute goule le titre d'archevêque…

      Ce que le petit groupe reçoit avec force exclamations. Louis, aussitôt assisté dans son office par Léo changé pour un instant en enfant de chœur porteur de calice, inscrit de l'index trempé dans le Pape-Clément rouge, un signe éminemment eucharistique sur le front de Robert intronisé « Archevêque vineux ». Flore, qui ne veut pas être en reste, pose sur la joue de Réjane un baiser de Pape-Clément blanc au goût boisé.

      Ils sont attendus, sur le coup de midi, dans le probablement meilleur restaurant de Margaux, sinon du Médoc. Tables damassées de blanc, porcelaine neige et liseré d'or, argenterie, carafes et verres cristallins. Léo, le premier exulte :

      - Nous voici dans le Saint des Saints, au voisinage du Graal œnologique et gastronomique!

      - Pourvu que ce Graal ne sente pas le graillon... hasarde Réjane, fusillée de suite par le sourcil de Léo, visiblement outré...

      Ils prennent place. Léo est raide et tranquille sur son siège comme un plâtre saint-sulpicien. Robert, en un toast porté non pas à une personne, mais au vin lui-même, célèbre, la voix tremblée d'émotion, la convivialité du nectar :

      - Absorber les nourritures et les vins, c'est absorber les terroirs et les climats qui les ont produits.. .

      Flore, émoustillée, semblant regarder avec intention Louis, ajoute:

      - Je veux boire le vin comme je recevrais le suc intime de l'éros de la terre...

      Un soufflé au fromage, très doux, est servi avec une carafe d'eau claire. Est-ce pure Salvevert ou limon de Garonne ? Voilà qui ne manque pas de soulever les protestations des trois disciples vineux, bien que Louis soupçonne que cet irréprochable verre lustral soit l'humble seuil d'une vinomachie distinguée. En effet, trois verres à dégustations viennent s'élever derrière chaque assiette. Bientôt, trois carafes entament une ronde que leur robe colore de pourpres et de vermillons.

      Robert déglutit avec une professionnelle application, puis, une pointe de salive pré-gustative sur la diction :

      - Voici, sur des pigeonneaux belle forestière, un Rausan-Ségla 1976, et sur des ris de veau, un Château Margaux 1978. Quant au Prieuré Lichine 79, il est seul.

      - Qu'est-ce à dire ? Lance Réjane, un peu blessée dans son amour-propre culinaire.

      - Selon le mot d'Alexis Lichine lui même (« Une bouteille de 67 à manger toute seule »), ce 79 sera bu sans adjonction aucune de quelque nourriture que ce soit.

      - Voilà qui me plait, coupe Léo. Un vin qui est boire et manger à la fois, et suffisant dans son solitaire orgueil !

      Ils mastiquent, clapotent du palais, riboulent le vin autour des verres et des langues, laissent larmoyer l'alcool sur les parois, hument à pleines narines, Louis plongeant son nez puissant dans les effluves de vulve rouge et suave du Margaux, Flore piquant à petits coups son appendice de fouine dans le gras de la joue peu à peu livrée du Rausan-Ségla.

Photo : T. Guinhut.

 

      Les métaphores les plus hasardeuses commencent à fuser, timidement d'abord, puis avec l'aisance et l'assurance contagieuses de Robert qui s'engage dans des périodes lyriques et précises :

      - Ce Margaux 78, nez de fruits mûrs, glycériné et vanillé, un grenat foncé du plus beau vin (donc supérieur à ce que l'on dit « de la plus belle eau ») un tannin délicat et très long, un vin qui fait la roue...

      - Nous buvons, intervient Léo avec une trouble circonspection, si je ne me trompe, des vins réservés à une élite, les fruits d'une injustice sociale, des vins qui valent quelques milliers...

      - Ne parlons pas de ça. Laissons, selon notre pacte, toute polémique politi­que, l'apaise Robert.

      - Un vin noir comme du jus de loup, lance Camille.

      - Un vin pour lequel je me ferais louve, divague Flore...

      - Non! Ce Lichine, un vin qui a de la toison, de l'aisselle et du muscle pectoral, s'excite soudain Léo, la gouaille pâteuse et bilboquante, la lèvre et la langue véloces, déraillantes, déchaînées dans les rayons entrechoqués de leur course linguistique, un vin qui a de l'anus, du cuir et du fouet, un vin d'haschischin et de nerf bandé, un vin qui a de la bourse noire et du gland violacé...

     Un silence tombe.

      - Abandonnes tu l'esprit pour les douteuses moiteurs du corps ? Je ne te connais plus, Léo, rit Robert, un tantinet gêné. Tandis que Réjane ne peut retenir une moue de répugnance.

      On hésite à préférer un vin, touché par le fondu du Lichine, bien que très légèrement arrêté par son imperceptible bois brûlé amer. Peut-être Flore a-t-elle un faible pour la bouche de cerise, le nez de mûres écrasées, les jambes fermes et colorées, le corps ample et somptueux du Margaux, quand Louis, sans la contredire, y trouve plutôt la framboise liquoreuse, en tout cas une richesse, une plénitude, une longueur en bouche exceptionnelles. Il ne peut cependant écarter la rondeur fine et moirée, la gorge affriolante, câline et veloutée du Rausan-Ségla...

      - Ce sont des vins trop féminins qui glissent sur la langue avec la douceur blette d'un pet sur une toile cirée, jette Léo. Comment ne sentez vous pas cette mâche souple, tendue, fondue, cet exotique et viril fruit mature, ce concentré, cette profondeur digne du sage de ce Prieuré Lichine? Voilà mon vin : pure essence spirituelle... Là encore, c'est de l'esprit que procède la matière. Je me résous avec énergie et soulagement à laisser de côté nourritures terrestres et succédanés de la vinitude pour ne plus boire que celui-là qui se boit seul. Saluez nectar et ambroisie... Saluez le cru platonicien par excellence, qui donne à boire tous les vins par leur âme la meilleure et ne peut être que le vin unique, originel et définitif... Cette ascension, depuis le Vitaboir, parvient maintenant à la perfection, au stade ultime de l'initiation oenologique et philosophique : le Prieuré Lichine !

      Après un bref moment de stupeur, nos quatre auditeurs pouffent de rire dans leur serviette. Réjane glousse comme une canne prête à pondre ou à rôtir, on ne sait. « Chien! Tu m'as fait avaler de travers ma dernière goutte de Lichine », lance, éructant, riant, toussant, Louis. Flore, elle, en pleine euphorie de vins mêlés, s'esquive pour un petit aller et retour aux toilettes, « histoire de prévenir, on ne sait jamais, les effets de la prochaine bourde hilarante de Léo ! »

      - Robert, défend moi, dis-moi si tu ne préfères pas celui-là...

      Robert, tout à coup sérieux, rétorque:

      - Je ne préfère pas. Je goûte; je vis !

      Vexé, Léo tire à lui la bouteille, s'en verse le tout dernier et encore abondant reliquat et la pose sur le sol, vide, près de sa sacoche et de son chapeau jaune.

      - Eh bien ! à moi ce vin fondamental, ce vin qui est esprit quand la nourriture n'est que corps, cette essence du vrai vin, bue au centre de la plus fine couronne de vignobles du monde...

      - Géographiquement, le centre vineux du Bordelais ne serait-il pas dans la Gironde, c'est à dire dans l'eau? Ce disant, Louis couronne d'un décor de table en feuilles de vigne postiches et plastiques la tête du nouveau Bacchus.

      Et sirotant son dieu, la coiffure tombée sur les yeux, notre philosophe buvant ne répond plus, absorbé, comme endormi peu à peu, le verre vide descendu sur le ventre, ronflant insensiblement puis rondement...

       - Il est sûr, à voir sa face angélique et dénuée de toute convulsion, que dans la nuit de son sommeil, il atteint la lumière aveuglante du jour platonicien, épilogue Louis.

      Sans se laisser troubler, Robert fait amener un Château Chasse­ Spleen à la robe presque noire sur la tarte aux fruits des bois qui se fait doucement dévorer. Le quatuor, mollement bercé par l'odeur féline de l'alcool, enlevé dans un autre état de l’être, se laisse aller aux rêveries demi-sensorielles, une minime lampée liquoreuse et noire de temps en temps sur la langue glissant jusqu'à l'irradiation de la glotte palpitante, la conversation effilochée, béatement tarie, le bonheur simplement sensible dans l'expression échangée des regards brumeux et dorés…

      Mais cette rêveuse sérénité, cet alizé des impressions sur emportement ouaté des vagues vineuses, est troublé par l'agitation, les soubresauts, les flatulences de la langue pâteuse de Léo, qui ne doit sa position restée assise qu'au confort de son siège... Il a, sous ses paupières plombées, ses joues molles, des vocables indistincts, mâchouillés, éructés... Peu à peu, cela se touille en civet de langage, d'où émerge soudain, comme crevant le cumulus gonflé du sommeil, des fragments, un flux, parfaitement audible sinon compréhensible, qui laisse nos auditeurs vineux bouches bées :

      - Ah, vagis, chou ! ludion bondir et nage en sa sphère amniotique, non! quand une puissance obsessionnelle entrer, sortir, entrer, sortir… À quoi sert le sexe ? Qui, dans ce court orgasme qui seul légitime le sexe ? Moitié fonction miroir, sperme et lait, chou! Précision colorée, le relief charnu des images de rêve. Je vois ! Le téton de Junon, la netteté de la fesse et de la merde. Jupiter paternel sodomisant Heidegger maternel. Utérus approché! Genesis rock and roll pour Virginia attentive... Où les plus beaux orgasmes sont ceux de l'inconscient et de la guerre. Où l'orgasme touche la castration, sa dispersion génétique. Chou ! Dispersion atomique, nique nique de la parole. L'odeur de pommes pourries inconscientes dans le tiroir de Schiller tiré sur ses cuisses. Chou ! Eros jeune masculin, je t'émascule, je te poursuis pourchasse, il faut que tu me confidences pour que je parle comme au Lichine le boyau de lait psychanalytique, l'oreille contre la paroi d'un sein lourd et pur... Phallus, choix et chou conscient ! La mère n'explique pas tout. Phallus colonne pour les temples où souffler l'esprit. Non, pas de pets, c'est vilain! Valium, opium, prozac, au lieu de la claire conscience… L'érection de l'éros masculin comme déni des contingences et de la mort… Guerre, feu, sang, lame de rasoir, torture, cri, enfant mort, acier, bombes, faire mal, gagner. Cadavre aussitôt décomposé, puissance, roi philosophe vainqueur. Le phallus est-il l'épée, le ciseau du sculpteur, le cutter criminel ou la suave asperge de la terre ? Chou Virginia ! A quoi sert le sexe ? Il est un pays où les caravanes sexuelles échangent leurs épices et parfums... Oh, Xanadu ! leurs drogues et leurs vins... Mieux ailleurs, au-delà ! Oh, léchine, léchier, Lichine, joui ! Chouchou Virginia amour lointain, fille, cheveux longs, seins mouillés... Pourquoi t'ont-ils appelé Léonard comme un Da Vinci, un artiste, un narcisse, un artichaut barbu ? Petite frappe, blouson noir à crête de punk à huppe coucourroucante dans le vent, revendeur, muscle noir, chouchou... Les avalanches ! Abominables ! Hurlez les ventres, les ventres qui coulent, qui roulent leurs règles, leurs fesses et leurs lèvres tourmentées dans le sommeil des passions et des muqueuses liqueur lichine... L'île aux esprits marrons. La queue entichée dans les atomes lichineux. La nuit aux sexes tendus. Une fête dans la boite de nuit bibliothèque. Choux et fouets. Une fête pour chouchou Virginia. Chou !...

 

Photo : T. Guinhut.

 

      Cela s'était achevé, murmures, cris parfois, dans un soupir longuement ronflé, comme les derniers récifs parmi les haut-fonds d'un sommeil paradoxal. Alors que la discrétion de quelques clients alentour avait du s'avouer insultée, les forçant à quitter promptement la salle, heureusement isolée des autres parties du restaurant.

      - Peuh, c'est du propre! réagit Robert. C'est carrément l'hypnose alcoolique, le delirium tremens. Il s'est adjugé les trois quarts de la bouteille de Lichine à lui tout seul ! Sans compter les trois verres de Chasse-Spleen qu'il a subtilisé et gloupsé sans coup férir ni faire la différence ! Voilà ce que c'est d'avoir fait fi de la modération indispensable pour apprécier...

      - C'est beau la philosophie ! Ce doit être le brouillon de son prochain livre. Mais je n'y comprend rien du tout, avoue Réjane. Le vin doit l'aider à créer…

      - Un véritable accouchement en salle de travail ! rit Flore. Il a du mal à pousser sa créature. Et, j'ai peur que ce soit un monstre : un tricératops à tête de chou !

      - C'est peut-être intéressant, médite Camille. C'est le fond de l'humanité...

      - Tu parles, coupe Robert. Quel bourbier il a au fond du ciboulot ! A tant parler d'orgasme, il a dû faire des taches à son pantalon. Tout à l'heure il vomira dans son chapeau jaune. « A quoi sert le sexe? » Peuh, tout le monde sait que ça sert à la reproduction. Pas la peine de faire tant d'histoires ; ça se domine ces choses là ! ça doit être le fond de bouquin  de son Actualité politique du platonisme

      Le bruit des chaises remuée secoue Léo hors de sa paisible hébétude. Il rechausse d'un geste décidé son chapeau jaune, fourre la bouteille vide du Lichine dans sa sacoche et sort avec précipitation. Les autres le retrou­vent assis devant son volant et triturant le démarreur.

      - Que fais-tu de ce cadavre sur les genoux ? ironise Louis en désignant le goulot qui crève la sacoche.

      - Où vas-tu ? demande Réjane inquiète. Tu n’es pas en état de conduire.

      - Je m'en vais rejoindre et m’unir au jeune dieu vendangeur du Prieuré-Lichine...

      - Et Léo de s'éloigner, un sourire écumeux et vainqueur aux lèvres, les laissant tous les quatre stupéfaits.

      Ils se tournent vers Robert d'un air interrogateur;

      - Il y a effectivement une statuette de pierre de Bacchus dans le parc du château. Mais laissons le à son pourtant honorable Lichine promu vin de messe intégriste. Ou de messe noire, qui sait ! Que cela ne nous détourne pas de notre programme: Châteaux Montrose, Laffite, Beychevelle...

         D'étape en étape, de Saint-Estèphe en Pauillac, Réjane, Flore et Louis parcourent les paliers des plus grands crus, pénétrant dans toutes les caves, ouvertes par le passe-partout des relations de Robert. Derrière des grilles obscures, reposent et rêvent diverses et dives bouteilles du dix-­neuvième siècle, sinon du dix-huitième, comme dans l'ombre à odeur de mous­se et champignons des caves de Ducru-Beaucaillou. Le dos appuyé sur les foudres, et debout sur la terre battue, ils répandent en l'entier de la bouche une goulée de ces liquides fabuleux, vigoureux, tanniques et fleuris, en même temps que légèrement astringents à Montrose, insidieux et splendide à Calon-Ségur, fastueux, solide et diamanté à Laffite-Roschild...

       Lors de la visite à Beychevelle, ils ont un ultime moment de recueille­ment palatal devant la perspective proprette des fûts. Puis, ils suivent à pied, une petite route qui descend imperceptiblement entre les rangs de vigne, vers la Gironde. Ils ont, chacun, un panier de victuailles sous le bras. De l'un d'eux dépasse un goulot. A Port Beychevelle, qui en fait de port n'est qu'un maigre bras marécageux portant deux ou trois barques et ouvert sur l'estuaire tourbillonnant et boueux, ils s'installent sur quelques planches et pierres bancales, pour célébrer et clore en un pique-nique choisi la boucle de leur route des vins. Une lumière jaune et limoneuse déchire un à un les strato-cumulus et tombe par grandes plaques au toucher de peau de pêche sur la Gironde pleine à déborder des flux ennemis de son courant et de la marée haute, grasse comme un oeuf et parcourue de vaguelettes crémeuses sur toute la largeur étonnante de l'horizon ocré.

      Ils étalent les victuailles, mangent sans cérémonie, pâté de caille, magret d'oie fumé, viande des Grisons, non sans accorder à des tranches de filet de bœuf froid un Château Camensac, modéré certes après les sommets oenologiques atteints, mais franc, large, équilibré, rayonnant.

      Ils se taisent. Louis et Flore peut-être gênés de la disparition ou résolution en essence vineuse de Léo qui les met un peu plus face à face. Réjane vient à exprimer sa satisfaction quand à sa tarte aux légumes verts qui a sagement passé ces quelques jours dans la glacière au fond du coffre... Robert tout à coup n'y va pas par quatre chemins, après avoir néanmoins copulé avec le Camensac dans le secret analytique de ses muqueuses :

      - Grotesque ! le vin, pure essence spirituelle... Pfff! Non, une chimie, un travail. Les états divers des polyphénols pour les tannins, des molécules de sotolon pour l'arôme des vins jaunes, et caetera... Les caractères organolep­tiques du vin relèvent, eux, de l'évaluation sensuelle. Léo, quoique philosophe, est un imbécile, un intellectuel toqué, un peine-à-jouir, un philosophe à la moelle de sureau ! Les bulles des mousseux offerts au banquet socialiste lui ont depuis longtemps gâté son pâté  de cervelle…

      - Holà, s'écrie en riant Réjane, il est un peu fou-fou d'accord. C'est son enthousiasme de disciple qui lui a fait voir la route des vins comme un parcours fléché vers l'ambroisie que l'on verse dans l'Olympe des mythologies. Prendre l'innocent Bacchus de pierre d'un vignoble pour Socrate en personne, avoue que c'est si gentil...

      - Le Prieuré Lichine aura été sa ciguë au pays des vins, risque Robert, visiblement apaisé par l'ardeur de son coup de gueule.

      - Mais, l'air de rien, s'avance Flore, cette route des vins, c'est bien un guide Michelin mâtiné d'étapes initiatiques...

      - Sûrement, lui répond Louis. Mais Léo dispose son initiation sous forme d'une pyramide où son Prieuré Lichine figure la pointe supérieure, parfaite et définitive. Je verrais plutôt la notre en forme d’angle abondamment ouvert vers le haut pour accueillir des crus divers qu'à partir d'un certain niveau on ne peut hiérarchiser, mais seulement dis­poser en pléiades de personnalités vineuses et variées.

      - C'est surtout une connaissance à toujours réactualiser, au fur et à mesure des vieillissements; et à reprendre pour chaque année selon les événements météorologiques, les vendanges, après chaque apparition des primeurs, chaque progrès dans l'élevage des vins, ce dont le très officiel classement des grands crus de 1855 ne peut tenir compte: il n'est qu'une échelle pour les boiteux. Il nous reste encore à aiguiser notre agilité gustative et de jugement, termine Robert.

      Au dessert, on finit sur des framboises fraîches, nature. « A chacun d'y retrouver son vin », se chantonne Réjane...

      Robert, ému, ce sera sa « conclusion au week-end », annonce-t-il, vide les dernières gouttes, chargées d’un poil de dépôt noirâtre, du Camensac dans la Gironde qui l’absorbe en toute sérénité.

      Cette Gironde nocturne que, dans quelques heures, le bac du Port de Lamarque franchira lentement, avec à son bord Louis seul, emportant le souvenir du « A bientôt » de Flore, de son instant de lèvres posé sur sa bouche, et croyant voir dans le ciel dégagé le reflet de la dispersion stellaire de la voie vineuse du Médoc.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

Parador Casa da Insua, Penalva de Castelo, Portugal.

Photo : T. Guinhut.

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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 19:43

 

Tabla anonima, retablo siglo XV, Santa Maria del Castillo,

Fromista, Palencia. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

La Conscience de Bordeaux

 

La République des rêves, II

L'Harmattan, 2023.

 

 

 

C’est avec la brusquerie d’une sirène océane qu’un Paul-Pascal Ferrères oublié sonne en plein après-midi de brume à la porte de Louis. Vêtu des pans d’un vaste manteau d’alpaga blanc qu’il ne quitte pas, comme s’il était à la merci de la moindre sollicitation de la marée pour s’évacuer, le deus ex machina du Nouveau Musée palpe du bout des ongles quelques photographies, sans que Camille exprime tout haut le moindre désir d’en voir de plus grands tirages s’éclairer sur les murs du temple du distrait visiteur. Pourtant, qui sait si ce modeste Atlas du monde, ces étoilements de routes, de sentiers et d’herbes y prendraient leur pleine dimension de métaphores… Silencieux comme le plus pur des détenteurs de schibboleth, Paul-Pascal se contente de glisser ses doigts exquisément manucurés sur le glaçage des couleurs et les frôlement suggestifs de ces cils pulpeux sur les regards incertains de Camille. Faut-il se jeter dans de prolixes commentaires ? Laisser parler le silence des photographies ? Après un ultime regard enveloppant qui semble aspirer le moindre pore de peau à l’air libre, puis une peut-être intentionnelle et inopinée rencontre entre les doigts câlins du visiteur et son rétif Pygmalion, l’ange râblé du Nouveau Musée referme le carton d’images et s’en va, ne laissant flotter sur le palier qu’un menu et mystérieux remerciement : « Il nous faudra confirmer cette ébauche conceptuelle… » Notre jeune homme a-t-il eu raison de se sentir plus regardé que ses photographies ? De se sentir un trouble objet de désir visant un accomplissement différé ? De se sentir humilié d’on ne sait quel occasion ratée ?

De leur fenêtre et quartier, Flore et Louis voient la ronde des jours du microcosme bordelais s'agiter de chapeaux bas et baise-mains cérémonieux à même le trottoir, de barbes de clochards teintes de l'écume d'un vin rouge bagarreur, de crânes roses à blousons verdâtres et bottes cloutées noires, du fourgon de police et gyrophare embarquant un dealer famélique et son client, à moins qu’il s’agisse d’une pincée de ces péripatéticiennes qui empruntent les éclats de leurs engueulades aux marchandes de morue du marché.

C'est ainsi que Louis, capable de faire la queue aux étals surchargés pour être servi par la plus jolie vendeuse, rencontre enfin ce grand dégingandé de noir qui hante tout Bordeaux. Un large front blanc, une ride de rire et de pensée précoce, la brosse noire savamment entretenue malgré un semis neigeux de pellicules sur les épaules, tout cela haut perché au-dessus de la ligne de flottaison du commun des mortels... Il est en train de mordre une huître avec force roucoulades d'yeux et de voix à l'adresse de l'encore novice et rougissante poissonnière.... A force d'échanges de gustatives appréciations et autres amusettes complices, ils repartent ensemble avec chacun une bourriche caillouteuse et iodée sous le bras.

- N'êtes-vous pas Ludovic Braconnier ? Celui dont les photos vinicoles ont fait suppurer de jalousie toutes les autres ? Et dont le bouquin orne tous les salons bourgeois ?

- Euh, Louis plutôt. Merci tout de même. A moins que vous ne soyez un vil flatteur... J'ai dû croiser quinze fois la population de l'Aquitaine avant d'être reconnu au marché.

- En tout cas, ne rêvez pas trop d'exposer un jour vos photos au Nouveau Musée. Ou il vous faudrait passer sous les fourches pédérastiques du conservateur Paul-Pascal Ferrères. Vous avez sûrement remarqué combien son personnel a la hanche agile, quoique exclusivement masculin. Et puis vous aimez trop la beauté pour son terrorisme intellectuel. Hors du conceptuel le plus radical, point de salut! L'art doit fuir la réalité, à l'exception de ses déchets qui peuvent seuls figurer une métaphore ou une critique de cette société qui le fait vivre et qu'il affecte de vouloir changer. S'il a les poches de poitrines gonflées, ce n'est pas que sa féminisation commence par-là, c'est seulement son portefeuille d'un côté et de l'autre le vénéré bréviaire de Léo Morillon dont il est un des inconditionnels titrés: L'art comme déchet de l’idée.

- Dans lequel il assigne à l'art contemporain la place du mime et du débris de la perfection perdue. Ou d'une perfection à venir. Ce en quoi il serait un reflet adéquat, une analyse morose et déstabilisatrice de notre condition désacralisée. Léo... Je ne m'imaginais pas qu'il avait une telle influence, bavarde inconséquemment Louis, troublé. Au fait, qui êtes-vous?

- Martial Lespinassières. Pour vous servir et servir chacun selon son mérite. Un faible professeur d'histoire au Lycée Montaigne. Et, en sous-main, La Conscience de Bordeaux. Tout ce vous direz sera caché et répété. Il n'y a pas un yaourt qui soit volé dans un supermarché, pas un notable des Quais et des Cours qui trompe sa femme sans que je le sache. Y compris lorsque son péché n’est que d’intention et de noctambule fantasme. Je sniffe et m'extase par l'oreille à l'odeur du bocal à cornichons rances du Burdigalais. Je trempe ma langue de biche et de vipère dans le jus de bordel bordelais…

 

 

 Il disserte, agite ses mains blanches autour de ses veste et pantalon noirs, comme s’il était le chef d’un perpétuel presto agitato, tout cela d'un ton enjoué, sans conséquence dirait-on, comme un trop vaste colibri vêtu de mauvaise augure et décoiffé.

- Alors vous séparez le bien et le mal ? Vous avez votre paradis et vos enfers ? Dans lequel allez-vous me verser ? ironise Louis du même ton léger.

- Oh, non. Je suis une conscience sans références. Une conscience qui s'amuse et amuse, voilà tout. Le bien et le mal sont des conventions démodées. On peut de nos jours surfer à la crête de la morale judéo-chrétienne et victorienne. Je n'ai pour réjouir mon public que la valeur des ragots de concierge et du bavardage mondain. Mais dans le genre piquant. Poivre rouge et piment vert pour tout le monde. Mêmes les plus criantes inégalités sociales, les injustices, les arnaques, les oppressions collectives et individuelles aiguisent mon tendre sarcasme d'animateur non télévisé. Je ris toujours pour les rieurs. Je suis la chaîne câblée Bordeaux Ragots et Magots. Le Bureau des Recherches Bon Mots et Magouilles. Si je ne parle pas de vous en miel et fiel dans l'arène de Bordeaux, vous n'existez pas. Je ne vous suis pas plus sympathique que la mouche du cache­-cache, n’est-ce pas ? Manqueriez-vous d’humour ? Je suis fort précieux. Je sais tellement de choses. On ne résiste pas à m'échanger une information. En auriez-vous une pour moi? Contre celles que j'ai donnée. Un prochain livre?

- Peut-être. Sur les paysages de Périgord.

- Maigre information. Je pourrais néanmoins vous être utile en étant le premier à l'annoncer. Vous êtes quelqu'un de très intéressant. Dites m'en plus sur vous. J'ai les moyens de propager votre nom, vos désirs et vos poten­tialités. Je saurais rendre attrayants vos vices et sympathiques vos ridicules.

- À part mes œillades aux jeunes maraîchères et charcutières, je ne suis guère palpitant. Un solitaire qui ne connaît pas grand monde, qui n'est pas introduit parmi les courtisans. Et ne s'en plaint pas.

- Allons, ne vous sous-estimez pas. Votre œil est celui d'une riche nature. Et qui mérite les plaisirs de la réputation. Racontez-vous à moi et je vous changerai en l'homme le plus croustillant des desserts en ville. Quels sont vos passions, vos fantasmes, vos légendes d'enfance?

- J'aimerais mieux ne devoir la réputation qu'au seul travail de mon art.

- Votre art, dites-vous... Il lui faudra bien être guidé par des leviers qui le soulèveront jusqu'aux plus hautes sphères. Je suis un de ces leviers, et pas le moindre, voyez-vous. Que diriez-vous de Madame la Conservatrice du Musée des Beaux-Arts, concurrente et ennemie acharnée de notre Ganymède du Nouveau Musée, et dont elle crèverait volontiers les yeux de son beau nez en bec d'aigle... Quoique je ne sache pas que vous soyez assez dix-huitième pour elle. Ses plus belles réalisations ne sont-elles pas ces exhaustives expositions Fragonard et Boucher qui ont ravi le tout Bordeaux conservateur et libertin… A moins que vous admettiez de photographier des masures Louis XV ou des mollets Louis le Seizième. Et qui sait si le baroquisme de vos courbes végétales pourrait lui agréer ? Madame Vital-Carles a un vice amusant dont j'ai soulevé la voilette... Vous pourriez grâce à ma modeste personne approcher son intimité, jouir de ses faveurs, être introduit dans le saint des saints aquitain et parisien de ceux qui font, défont les réputations et les cordons des bourses aquitaine et nationale. Madame Vital-Carles, bien qu’amie intime de Dalbret, le Député-Maire républicain de Gradignan, n'est pas sans avoir l'oreille de notre Conseil1er Culturel Régional, Virgile de Saint-Avit, lui-même ami intime du Ministre de la Culture, Raymond Lecommunal. Mais ce Virgile, jusqu'à plus ample information est un vertueux austère, hors une louable ambition. Il vous faudra donc en passer par elle. Et par mes services.

- Qu'attendez-vous en échange ?

- Oh, je ne sais. Nous verrons. Peut-être me suffirais-je de la gloire de vous avoir poussé...

- Ils sont rue Buffon, devant la porte de l'immeuble dix-neuvième où niche Louis, leur bourriche sous le bras. Visiblement, Lespinassières attend, mais en vain, d'être invité à monter.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 Voir le synopsis :  La République des rêves

 

T. Guinhut : Ré une île en paradis, Pyrénées entre Anie et Aneto,

Pyrénées entre Aneto et Canigou.

Photo : T. Guinhut.

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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 16:13

 

Cartonnage Vegnios & Zachos, 1920. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Gamal Ghitany, des Illuminations

 

aux Sémaphores égyptiens.

 

 

 

Gamal Ghitany : Le livre des illuminations,

traduit de l’arabe (Egypte) par Khaled Osman et Emmanuel Varlet,

Seuil, 885 p, 35 €.

 

Gamal Ghitany : Sémaphores,

traduit de l’arabe (Egypte) par Khaled Osman et Emmanuel Varlet,

240 p, 21 €.

 

 

      Le versant spirituel et le versant séculier se partagent l’œuvre de l’Egyptien Gamal Ghitany. Le livre des illuminations, son vaste roman initiatique, nous emporte vers un empyrée qui, bien que relatif au versant soufi de l’Islam, a quelque chose de syncrétique, tant cette spiritualité peut toucher tout être humain, à l’instar de la Divine comédie de Dante ou du Cantique des oiseaux d’Attâr[1]. Quant à ses « Carnets », dont Sémaphores est le second volet, ils sont le reflet de ses voyages terrestres, et plus précisément ferroviaires.

      Le lecteur que nous sommes sera-t-il illuminé ? Partagés entre notre qualité de mécréant et le souffle de ce roman, nous ne pouvons que rester dubitatifs devant le mysticisme, le lyrisme inspiré, non sans beauté certes, mais trop inféodé à la rhétorique religieuse, à la sujétion à la parole de ou d’un dieu... Reste que ce « voyage » surnaturel est impressionnant. S’il ne nous est pas donné de le lire comme un croyant, mais comme un amateur de récits fantastiques, nous avons le bonheur de pénétrer dans un univers aussi rigoureux que poétique.

      Après avoir confié dans L’Epître des destinées (Seuil, 1993) ses déceptions liées à notre trop terrestre et trop bref passage, autant qu’à la pauvreté de l’Egypte, Gamal Ghitany, né en 1945, s’envole dans un au-delà aux multiples rebondissements. C’est au retour de voyage que le narrateur apprend la mort de son père. Sa douleur lui vaut d’être présenté devant le « Divan », étrange trio d’esprits supérieurs qui lui accorde de voyager d’illumination en illumination… Ainsi, le temps est vaincu, la liberté écarte les contingences jusqu’à la révélation et l’union avec Allah. Mais au cours de ce grandiose périple qui emprunte son éthique et son mouvement à la mystique soufie, d’autres pères, d’autres guides apparaissent. Dont Nasser, père politique de l’Egypte moderne, qui pourtant déçut le marxiste qu’est Gamal Ghitany, d’ailleurs envoyé en prison pour avoir douté du rêve nassérien. C’est ainsi qu’une destinée personnelle embrasse les destinées d’un pays…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      C’est à la fois un récit venu des grands voyageurs arabes, sinon des Mille et une nuits, une épopée frémissante de poésie, mais aussi un guide spirituel et philosophique (s’il est permis de rendre poreuse la frontière entre philosophie et religion) non sans allusion à son maître aimé : le grand maître soufi du XIIème siècle, Ibn Arabi, auteur d’un récit intitulé Chimie de la joie. A moins que se glisse une allusion au Livre des morts égyptien. Ou encore un écho de la Divine comédie de Dante. Sans compter -tradition culturelle oblige- Le Coran, dont les notes nous restituent les références. On se fatiguerait à chercher les sources, comme si l’auteur n’était pas un authentique créateur, mais un compilateur. Peut-être enfin s’agit-il d’une fabuleuse entreprise autobiographique intérieure, d’une auto-thérapie…

     On apprend comment se ramasser dans une goutte d’eau, on voit l’instant de la fécondation de l’ovule, comment des « flashes » conduisent dans le passé, auprès des grands penseurs, poètes et prophètes d’une prolifique civilisation arabe : « J’ai vu une foule d’êtres disparates entre lesquels étaient répartis les atomes de mon père ». Le délire maîtrisé coule à pleins bords, la langue du poète semble donner accès à chaque infiniment grand et infiniment petit. Après « Les Illuminations », ce sont « Les Voyages », puis « Les Stations », enfin « Les Etats ». Entre la mort du père et celle de la mère, toute une cosmogonie est visitée, habitée : « Par l’étoile quand elle décline, votre compagnon ne s’égare ni n’est fol, ni ne tient langage de passion. Ceci n’est que Révélation à lui révélée dont l’instruisit un pouvoir intense et pénétrant. » Ce verset du Coran prend en écharpe le livre entier.   

      Mais guère de libre arbitre dans cet écheveau de récits, dans cet envol : tout appartient à la décision de Dieu. Si le soufisme est pour Gamal Ghitany du côté de la lumière, rejetant le wahhabisme intolérant dans l’obscurantisme, il nous est permis, nous occidentaux, quoique fortement charmés par ce roman, de préférer les Lumières du XVIIIème siècle, qui furent une des aubes de nos libertés. Remarquons cependant à ce propos que le narrateur dit « je ». Ce dont, on le comprend, les écrits arabes ne sont paraît-il guère friands. Autre trait de liberté cependant, lorsque le conteur ose montrer son père et sa mère faisant l’amour…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     Ce sont parfois de furtifs actes amoureux que commet le narrateur avec une inconnue, dans un train égyptien. Parmi quarante petits récits, qui ont par instant de « doux effluves » de poèmes en proses, le diariste sans date nous propose ses impressions de voyages, géographiques et intérieurs. Sémaphores est le second volume -et probablement pas le dernier- des « Carnets » de Gamal Ghitany, après celui si bellement titré Muses et Egéries[2].

      L’encyclopédie ferroviaire est aussi celle de la mémoire et du désir, du nord au sud de l’Egypte, entre Alexandrie et Assouan, mais aussi en suivant les rails suisses, hongrois, russes et chinois… Où fourmillent les anecdotes, d’intérêt inégal ou révélateur, telles celle, tragique, du jeune homme qui se précipite par la portière ouverte dans un fleuve… Bagages empilés, horaires nocturnes et retards (à cause du convoi du « Roi »), grossièretés et marchands ambulants, « déracinements » et retours, toute une sociologie se côtoie et s’entasse au rythme des locomotives poussives ou rapides. Car pour Gamal Ghytani, depuis son enfance et la main de sa mère sur le quai, le voyage n’a qu’une acception : « Le seul mot qui puisse s’appliquer et faire sens est pour moi celui-ci : train. » Il est vite évident qu’il s’agit en tous ces trajets d’une métaphore métaphysique : « L’idée de l’origine et de la fin est vitale pour un homme. » La dimension autobiographique brasse alors maints souvenirs et détails, comme ces paniers de nourritures odorantes qui voyagent pour relier les familles séparées.

      Sa fonction de jeune contrôleur de « l’art du tapis oriental » l’amène à visiter Basse et Haute-Egypte, jusqu’aux oasis lointaines. Observer alors en une « furtive intimité » de belles inconnues est un moment rare du désir brûlant et de la découverte de l’autre. Le motif est récurrent de wagon en wagon : lorsque parmi la foule, une « lycéenne », frotte « son postérieur généreux » contre lui ; lorsque dans un wagon désert, ou à la faveur de la nuit, des femmes lui livrent leur volupté en silence. Ces éclairs d’intense érotisme témoignent de la sexualité rare et terriblement contrainte, d’autant plus explosive, du monde arabe. Y compris lorsqu’un ravissant « éphèbe » est « prisonnier d’un jeune homme très laid », suscitant colère, indignation, jalousie, et intervention d’un « bey » qui emmène l’enfant en première classe. De même, un autre bey use de son pouvoir pour qu’on lui ramène, enroulée nue dans un tapis, la jeune fille qui était venue offrir son corps à notre narrateur…

      Parfois, les trains sont ceux de l’exil vers le sud, lorsque l’auteur crut pouvoir lutter contre la corruption en l’entreprise qui l’employait. Son sens de la justice et « des idéaux auxquels [il n’a] jamais renoncé » est alors bafoué. Dans cet « éloignement », il découvre « les vertus du monologue intérieur, de l’introspection », la richesse « de l’effort de mémoire ». Non sans fixer ses oreilles et ses yeux vers les voies ferrées du fantasme… Ainsi, « Il est facile d’abolir la distance qui nous sépare des lieux ; en revanche, celle qui nous sépare des temps passés ne peut être franchie que par le truchement des images et des souvenir ».

      Théologie (quoique ouverte à toutes les religions, y compris à l’athéisme d’après l’auteur lui-même) ou brillance et liberté du roman ? Aux côtés de Naguib Mahfouz, cet autre grand écrivain égyptien, voici un prosateur qui sait être poète lyrique inspiré, grandiose, autant que réaliste, attaché aux détails des humains cheminements. Même si la seconde quête n’a pas l’intensité de la première, Gamal Ghitany est sans cesse à la recherche de la lumière, que ce soit celle de l’au-delà divin ou celle des espaces terrestres ponctués des sémaphores des trains, métaphores des illuminations de la vie, de ses rencontres et de ses plaisirs. Comme ces lignes, parmi les Illuminations de Rimbaud, dans « Départ » : « Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs. / Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours. / Assez connu. Les arrêts de la vie – O rumeurs et visions ! »

 

Thierry Guinhut

La partie sur Le Livre des Illuminations a été publiée dans Le Matricule des anges, mai 2005

Thierry Guinhut: une vie d'écriture et de photographie

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Brague

Légitimité de l'humanisme et de l'Histoire

Eloge paradoxal du christianisme, sur l'islam

 

 

 

 

 

 

Brésil

Poésie, arts primitifs et populaires du Brésil

 

 

 

 

 

 

Bruckner

La Sagesse de l'argent

Pour l'annulation de la Cancel-culture

 

Brume et brouillard

Science, littérature et art du brouillard

 

 

 

 

 

 

Burgess

Folle semence de L'Orange mécanique

 

 

 

 

 

 

 

Burnside

De la maison muette à l'Eté des noyés

 

 

 

 

 

 

Butor

Butor poète et imagier du Temps qui court

Butor Barcelo : Une nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

Cabré

Confiteor : devant le mystère du mal

 

 

 

 

 

 

 

Canetti

La Langue sauvée de l'autobiographie

 

 

 

 

 

 

Capek

La Guerre totalitaire des salamandres

 

 

 

 

 

 

Capitalisme

Eloge des péchés capitaux du capitalisme

De l'argument spécieux des inégalités

La sagesse de l'argent : Pascal Bruckner

Vers le paradis fiscal français ?

 

 

 

 

 

 

Carrion

Les orphelins du futur post-nucléaire

Eloges des librairies et des libraires

 

 

 

 

 

 

 

Cartarescu

La trilogie roumaine d'Orbitor, Solénoïde ; Manea : La Tanière

 

 

 

 

 

 

 

Cartographie

Atlas des mondes réels et imaginaires

 

 

 

 

 

 

 

Casanova

Icosameron et Histoire de ma vie

 

 

 

 

 

 

Catton

La Répétition, Les Luminaires

 

 

 

 

 

 

Cavazzoni

Les Géants imbéciles et autres Idiots

 

 

 

 

 

 

 

Celan

Paul Celan minotaure de la poésie

Celan et Bachmann : Lettres amoureuses

 

 

 

 

 

 

Céline

Voyage au bout des pamphlets antisémites

Guerre : l'expressionnisme vainqueur

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

 

Censure et autodafé

Requiem pour la liberté d’expression : entre Milton et Darnton, Charlie et Zemmour

Livres censurés et colères morales

Incendie des livres et des bibliothèques : Polastron, Baez, Steiner, Canetti, Bradbury

Totalitarisme et Renseignement

Pour l'annulation de la cancel culture

 

 

 

 

 

 

Cervantès

Don Quichotte peint par Gérard Garouste

Don Quichotte par Pietro Citati et Avellaneda

 

 

 

 

 

 

Cheng

Francois Cheng, Longue route et poésie

 

 

 

 

 

 

Chesterton

William Blake ou l'infini

Le fantaisiste du roman policier catholique

 

Chevalier

La Dernière fugitive, À l'orée du verger

Le Nouveau, rééecriture d'Othello

Chevalier-la-derniere-fugitive

 

Chine

Chen Ming : Les Nuages noirs de Mao

Du Gène du garde rouge aux Confessions d'un traître à la patrie

Anthologie de la poésie chinoise en Pléiade

 

 

 

 

 

 

Civilisation

Petit précis de civilisations comparées

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

 

 

 

 

 

 

 

Climat

Histoire du climat et idéologie écologiste

Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

Coe

Peines politiques anglaises perdues

 

 

 

 

 

 

 

Colonialisme

De Bartolomé de Las Casas à Jules Verne

Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

Histoire amérindienne

 

 

 

 

 

 

Communisme

"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

Constant Benjamin

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Corbin

Fraicheur de l'herbe et de la pluie

Histoire du silence et des odeurs

Histoire du repos, lenteur, loisir, paresse

 

 

 

 

 

 

 

Cosmos

Cosmos de littérature, de science, d'art et de philosophie

 

 

 

 

 

 

Couleurs
Couleurs de l'Occident : Fischer, Alberti

Couleurs, cochenille, rayures : Pastoureau

Nuanciers de la rose et du rose

Profondeurs, lumières du noir et du blanc

Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


Crime et délinquance

Jonas T. Bengtsson et Jack Black

 

 

 

 

 

 

 

Cronenberg

Science-fiction biotechnologique : de Consumés à Existenz

 

 

 

 

 

 

 

Dandysme

Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Erasme, Manuzio : Adages et humanisme

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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