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8 septembre 2024 7 08 /09 /septembre /2024 10:36

 

Abbaye Notre-Dame, Fontgombault, Indre.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Les pouvoirs de la Photographie :

du document à l’aura, jusqu’au Chaos logos.

Laurent Jullier, Peter Fetterman,

Peter Greenaway, Olivier Pé.

 

 

Laurent Jullier : Apprendre à regarder la photographie,

Flammarion, 2024, 176 p, 14,90 €.

 

Peter Fetterman : Le Pouvoir de la photographie,

L’Imprévu, 2023, 256 p, 34,95 €.

 

Peter Greenaway : 100 allégories pour représenter le monde,

Adam Biro, 1998, 280 p, 390 F.

 

Olivier Pé : Poétique de l’amant, Bozon2X, 2020, 116 p, 20 €.

Olivier Pé : Chaos logos, Bozon2X, 2023, 116 p, 23 €.

Olivier Pé : Où commence la nuit, Bozon2X, 2024, 112 p, 20 €.

 

 

Reproduire le réel, produire une métaphore, faire jaillir une aura, tels semblent être les privilèges de la photographie. Entre dimension documentaire et qualité poétique, l’éventail est plus vaste qu’il y pourrait paraître de prime abord. Aussi faut-il « apprendre à regarder la photographie », pour écouter le titre de Laurent Jullier, et pour être sensible au « pouvoir de la photographie », tels que Peter Fetterman lui rend hommage ; alors que les métamorphoses photographiques permettent l’étonnant ouvrage aux cent allégories de Peter Greenaway. Mais entre littérature et art plastique, Olivier Pé engage un récit en forme de triptyque, de Chaos logos en passant par Poétique de l’amant, jusqu’aux extrémités incertaines d’Où commence la nuit. Là où, au contraire de l’affirmation de Walter Benjamin selon laquelle « ce qui s’étiole de l’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique c’est son aura[1] », peut éclore une aura photographique, l’on peut affronter le « chaos logos »…

 

 

Le préjugé commun voudrait que regarder la photographie ne s’apprenne pas, qu’elle soit immédiatement compréhensible, dès l’instant donnée à voir, une fois pour toutes, en une facilité évidente et enfantine… Pourtant, il en est d’elle comme du réel, et a fortiori de l’art, il est nécessaire, indispensable, d’« apprendre à regarder la photographie », ainsi que le propose l’essai en forme de manuel fort illustré de Laurent Jullier.

Moins une fenêtre qu’un regard, la photographie ne compte pas seulement comme chose vue, mais comme « une nouvelle paire de lunettes pour observer la réalité ». L’essayiste et historien fait d’abord la différence entre « empreinte du monde » et images « résultant s’un trucage », comme lors des fantômes du spiritisme à la fin du dix-neuvième siècle. Si la distinction n’est pas toujours aisée, elle est en tous cas réductrice ; car zones d’ombres et de flous, dosage de la lumière peuvent paraître truquées en dépit du choix et du respect du phénomène observé. Il faut alors découvrir, le bon angle, la bonne distance, le bon cadrage, ce qui est loin d’être aussi intuitif que le naïf et le vulgaire le croiraient. La mise en scène, presque théâtrale, voire allégorique, s’oppose à l’instant saisi et sa spontanéité. Et même le flou, accident malheureux, peut être appréciable et choisi, comme « le flou de bougé » qui acquiert quelque chose de pictural. De toute évidence, le genre ancien du portrait se trouve révolutionné, jusqu’au « selfie », cet égo-portrait, tandis que ce que nous pensions être le domaine exclusif de la photographie – soit l’espace – aborde une nouvelle dimension : le « temps suspendu ». De la mise au point à la perspective, de l’infographie au choix entre le noir et blanc et la couleur, tout est détail d’importance, tout est technique sûre, si simple paraisse-t-elle, pour le réel photographe, tout est intellect du regard en somme. Ainsi nous saurons pourquoi telle image nous frappe, nous émeut, reste marquante pour notre sensibilité, notre intelligence, autant que pour l’histoire de ce qui est finalement un art. Car elle dévoile et construit ce que sans elle nous n’aurions pas vu : « L’œil-caméra » doit savoir surprendre et déployer un monde, du microcosme au macrocosme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les intentions de l’artiste sont-elles de montrer, de démontrer, de susciter le plaisir ou l’horreur, la stupéfaction ou l’apaisement… Le militant se demande comment changer le monde avec une image, fanatique usant de la propagande, quand l’humaniste délicat préfère la persuasion et la conviction, surtout lorsqu’ « après l’amour la guerre hélas est une pourvoyeuse d’images mythiques plus grande encore ». Si les clichés de Robert Capa – un soldat tombant pendant la guerre d’Espagne – ou d’Eddie Adams à Saigon – un pistolet tendu vers la tempe d’un malheureux jeune homme assassin – nous préférons la tendresse du baiser de Robert Doisneau, voire l’éros rouge et rouge, jusqu’aux subtilités de ce que certains ne sauraient qualifier que de pornographie, alors que l’éloge de la chair s’accompagne de celui de la sensibilité et de l’amour ; ce que notre Laurent Jullier hélas ignore…

Très pédagogique, bellement mis en page, illustré avec générosité, autant couleur que noir et blanc, dix-neuviémiste et contemporain, même si la couverture, passablement plate, ne rend pas justice à de telles dimensions, cet ouvrage de Laurent Jullier, qui sut également montrer comment analyser un film[2], ravit les yeux et l’intellect de celui auquel un surcroit d’initiation ne fera jamais de mal.

 

 

 

Répondant au dernier chapitre du précédent, intitulé « Le pouvoir des images », voici, presque divinisée, Le Pouvoir de la photographie, sous la gouverne de Peter Fetterman. Plus austère, car presqu’exclusivement en noir et blanc, soit un purisme conservateur, il exhibe en couverture le profil d’une nageuse au bonnet de bain par Len Prince, que le soin photographique change en une sorte de déesse égyptienne hiératique. Cette fois nous ne découvrons pas un florilège de la photothèque universelle, mais la collection du galeriste Peter Fetterman ; quoique nombre d’entre ces images soient fort connues, fort reproduites. Musée personnel et idéal, il n’en reste pas moins le plus souvent sagement réaliste, mais sans l’ombre du tragique. Sa prédilection l’a porté vers des œuvres purement graphiques et  pourvoyeuses de sérénité, à chaque fois complétées par une citation de leurs auteurs ; donc de méditation. En ce sens en la photographie repose le pouvoir insigne, à l’occasion d’un « coup de foudre », de susciter en nous la conscience de la beauté. De plus, diffusant sur son blog ces images pendant la pandémie de covid, et dont il n’est que « le gardien temporaire », il eut la surprise de recevoir maints témoignages arguant de leur capacité de consolation, voire de surmonter un temps néfaste.

Ce sont en majorité des portraits, des corps, témoignant de la présence humaine, et de sa capacité à dépasser le temps dans le cadre d’une photographie qui en garde la vie. Anonymes ou personnalités célèbres, tels Abraham Lincoln, Winston Churchill ou la Reine Elizabeth,  jusqu’à l’inaugural Jean-Michel Basquiat, ils offrent leur présence, presque réelle, suscitent la prescience de leur voix, de leur destin. Ils patinent sur la glace pour aller servir des cocktails, ils rivalisent de pas dansé, d’amitié, de joie.

Plus rarement un détail naturel révèle son caractère précieux, tel que Minor White met en valeur un lierre en Oregon à la limite de l’abstraction veloutée, nacrée: « Le fil ténu entre réalité et photographie a été tiré au maximum, mais ne s’est jamais cassé. Ces abstractions naturalistes n’ont pas quitté le monde des apparences, car pour cela il faudrait briser le point le plus fort de l’appareil photo : son authenticité ».

Comme le dit Mario Cravo Neto, à l’occasion d’un visage et d’une main noirs saisissant le bec d’un blanc cygne, il s’agit de « développer la transition entre l’objet inerte et l’objet sacré. C’est tout simplement une posture religieuse, en photographie, que j’aimerais adopter ». Lorsque les dieux sont morts, pour paraphraser Nietzsche[3], une telle profession de foi est celle de l’art tout entier, elle est et doit être également la nôtre.

Abbaye Notre-Dame, Fontgombault, Indre.

Photo : T. Guinhut.

 

 

Apothéose de la photographie de nus, du trucage et de l’infographie, au secours du renouvellement de traditions iconographiques séculaires, voici les cent allégories de Peter Greenaway, cinéaste anglais du Meurtre dans un jardin anglais, ainsi que The Pillow Book, né en 1942. Une idée abstraite devient grâce au secours de l’image un personnage le plus souvent féminin, auquel on associe des attributs, soit des objets symboliques. Ces hommes et ces femmes sont nus, comme il se doit des égéries de l’Antiquité et surtout de la Vérité. Si l’artiste aux dons polymorphes ne suit pas rigoureusement les canons traditionnels, lorsque les Muses ne sont que trois hétérodoxes – la Danse, la Beauté et la Peinture –, Peter Greenaway fait preuve d’inventivité aussi bien thématique que plastique.

Les corps ne sont pas forcément les plus beaux : ce sont plus de cent-cinquante citoyens volontaires de Strasbourg, associés au projet, avec le concours de l’agence de traitement d’images Andromaque. Ainsi le ciel des allégories archétypales s’incarne dans le quotidien, en intégrant des gestes picturaux, des collages, des gravures anciennes, et bien des motifs tirés des propres films de l’auteur. Les fonds des musées sont sollicités, mais aussi, plus modernes, les matériaux de la mode et de la publicité. Le bric-à-brac baroque, vivement coloré, se fait fascinant, digne d’être à chaque fois décrypté, non sans humour… Défilent « Orpheus », « Vénus » et sa pomme d’or, « La destinée », « Le Maître du Temps », venus de la mythologie grecque. Mais aussi des figures intemporelles, voire plus contemporaines, traitées de manière cryptique et ludique : « Le Matheux », « Le Philosophe », « Le Nageur », « L’Exhibitionniste ». Plus insolites encore, « La Maîtresse d’encre », ou « Le Pédant » multipliant les livres, les signes et les calligraphies, alors que nous intrigue « Le Gardien des livres interdits » ;  toutes allégories bénéficiant en fin d’album d’une notice généreuse. Et comme une mise en abyme, l’on découvre « Les Allégoristes » exhibant fouet, globe, bougie, trompette et serpent. Soit une façon pour le moins originale, hautement étrange, étonnement luxueuse, de dire les idées et de les enluminer, sur un fond souvent textuel, à la lisière du manuscrit médiéval onirique et de la fantasmagorie cinématographique.

Il est temps de se pencher sur les livres d’artiste d’un discret photographe et poéticien très contemporain. En l’espèce le Liégeois Olivier Pé. Dès les couvertures de ce qui est devenu un triptyque, l’on devine que la main est autant matière que concept, autant faire que sens. Elle est la mesure de la création et de la géométrie pour ce qui est le volet central, Chaos logos, le réceptacle de la couleur, de l’auteur et du titre pour Poétique de l’amant, l’empreinte et la trace de la terre qui la salit noblement pour Où commence la nuit.

Alors que le titre semble le suggérer, en un souvenir réactivé de l’amour courtois médiéval, peu de textes s’inscrivent dans Poétique de l'amant, un livre d'images souvent venues du règne végétal. La lumière, la suavité, l’ombre s’invitent en cette galerie photographique, qui semble, plus qu'un livre, développer un parcours sensuel, une distribution aléatoire de l’émoi et de la beauté, cependant parfois fragile, hésitante. Là il « ne reste que quelques hématomes pour témoins, des images en échos… qui racontent l’amour ».

Cependant si les textes en tant que tels – fragments de poèmes en prose ou de vers libres – sont rares, les images en sont friandes. L’on découvre des mots faits de graphismes à la craie blanche, à la terre brune, de brindilles de bois assemblées… Dédié à « l’impétueuse nécessité d’aimer », le déroulé spatial et temporel des images égrène une confidence faite à une femme qui n’est pas nommée : la femme labile de la tendresse, la femme éternelle des fantasmes. Cette dernière, inatteignable, est rarement montrée, sauf par quelques détails de la peau, d’un sein pris dans une main protectrice, à moins que ce soit elle, cette charmante brune en robe bleue qui cherche à épier on ne sait quel mystère dans l’ombre d’une grille, cette nageuse flottant dans l’eau claire et qui exsude un chapelet de bulles...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plus insistant est le narrateur poète et photographe, dont les autoportraits, la main, ponctuent la quête autant intérieure que parmi des marches à gravir, des rivages et des falaises à arpenter sac au dos, en randonneur du temps et de l’espérance. Il se dissimule derrière des feuillages exotiques, porte dans la conque de ses mains des feuilles, vertes et jaunes, mange une poignée de feuilles dorées, résonnant avec la formule symbolique : « Sève à l’œuvre ». Au bout de son bras enlacé de lierre, un petit bout de papier, infiniment banal et cependant précieux, porte l’inscription « elle ». Combien cette photographie est émouvante ! Et puisque ce livre est dédié « à tous les épris », probablement faut-il subodorer que ce « Pour AO », dissimule quelque dame sensible – espérons-le – à un tel vibrant hommage.

Plus puissamment encore, dans Chaos logos la mise en scène d'images, de mots, de sensations, relève de l’allusion à l’originel chaos des Métamorphoses d’Ovide – « On l’appela Chaos, mélange ténébreux / D’éléments discordants mal ordonnés entr’eux[4] » – et de la Genèse biblique – « Au commencement était le verbe», plus exactement « Entête, lui, le logos et le logos est pour Elohim[5]  ». Du primordial chaos jaillit paradoxalement le logos, du bruit de fond des images jaillit un sens à élucider et construire. Là est peut-être la nervure de l’esthétique d’Olivier Pé, photopoéticien d’un cabinet de curiosité monde…

Poème visuel à l’horizon élargi par rapport aux précédents, Où commence la nuit clôture – du moins provisoirement peut-être – une trilogie initiée en 2020. Le livre n’est pas aussi crépusculaire que l’on pourrait le craindre : « j’ai vu le bleu du ciel perdre connaissance, rendu à son obscurité, à ces tréfonds qui nous éveillent ». Car le paradoxe est tel que la nuit totale ne peut être photographique, il faut une perte qui soit une lumière, si vacillante soit elle.

Entre la photographie inaugurale où l’homme porte une lourde et quadruple pancarte indiquant « incertain » et « lointain », puis celle conclusive d’un tableau noir où s’inscrit à la craie « une aurore déshabille et emporte le regard », toute une progression, erratique, se développe. Une porte vieux rose dans la forêt ne mène à rien d’autre que la forêt, ou à cette porte elle-même : n’en doutons pas, il s’agit des « portes de la perception », pour reprendre le titre d’Aldous Huxley[6], quoique sans besoin d’hallucinogène, l’art du photographe y suffisant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un miroir où monte l’ombre, des portes aux vides embrasures, des architectures silencieuses, des surfaces lisses ou rugueuses, tout tente d’approcher les mystères de la matière. « L’ordre des choses » se fend d’un coup de lame disparue, aussi l’injonction est récurrente « Tends les yeux ». Au point que le crâne du photographe ait des yeux derrière la tête. Qu’un clou de bois s’enfonce dans un autre crâne de pâte à modeler… De plus le mot « isola », hautement signifiant, s’inscrit à l’arrière de la calvitie. Il y a tant d’ombres portées du corps, d’allusions au squelette, que l’on est contraint de voir là une série de vanités, dans la tradition baroque. Quant au papier, support de l’écriture, il est souvent froissé, porté à dos d’homme comme un vaste chou-fleur, changé en cartons vides, découpé, gaufré, tellement blanc qu’il semble stèle de marbre… Quoiqu’à dominante de noir et blanc, de grisé, le livre explose parfois de rouge, de jaune et de bleu, d’étoiles, dans une nuit métaphysique où l’autoportrait de l’auteur se voit contraint de se mesurer avec un rapporteur ; en écho à la couverture de Chaos logos, où le cadrage photographique se penchait vers un cadre vide : au-delà de l’image, le vide ? Peut-être Olivier Pé est-il un de ces photographes dont Walter Benjamin disait qu’il était « héritier des augures et des haruspices[7] »…

 

 

Ces moments collectés avec soin sont moins réalisés pour l’espace d’une galerie d’art – quoique cela soit évidemment possible et souhaitable – que pour la succession organique des pages d’un livre. Olivier Pé est né à Liège en 1972 où il continue à s'éprendre du mieux qu'il peut, du corps féminin et de sa capacité à sentir, penser et aimer, de la fragilité et de l’intensité de la vie, de la poursuite de la beauté menacée… L’on aimerait écouter ce Professeur à l’Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc de Liège, qui demeure un artiste plasticien singulier, authentique, explorateur polymorphe des pouvoirs de la photographie, sans aucune gêne de la modestie des moyens techniques, poète laconique et sensible, résolument contemporain et cependant inspiré par toute une tradition lyrique. La nature est son atelier où l'homo logos suscite des mots terreux, sableux, cendreux, aériens et lumineux, le corps, en particulier le sien est chargé de stigmates, bavard de ses cinq sens scrupuleux et humbles... Ses photographies ont quelque chose de nu, mais d’une pudique nudité, en une confidence au lecteur qui espère ébranler le monde et son effroi ; mais dans le sens de la tendresse au monde.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Walter Benjamin : L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Allia, 2020, p 22.

[2] Laurent Jullier : Analyser un film, Champs Flammarion, 2022.

[3] Friedrich Nietzsche : Le Gai savoir, aphorisme 108, Œuvres II, La Pléiade, Gallimard, 2019, p 1028.

[4] Ovide : Métamorphoses, Crapelet, 1808, traduction Desaintange, p 5.

[5] Evangile de Jean, I 1, La Bible, Desclée de Brouwer, 1985, traduction Chouraqui.

[6] Aldous Huxley : Les Portes de la perception, Editions du Rocher, 2000.

[7] Walter Benjamin : Petite histoire de la photographie, Allia, 2019, p 57.

 

Abbatiale Notre-Dame-la-Blanche de Selles-sur-Cher, Indre.

Photo : T. Guinhut.

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11 juin 2021 5 11 /06 /juin /2021 17:31

 

Abbaye de Saint-Benoît, Vienne. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

De la photographie réaliste et street art
à la photographie platonicienne :
Raymond Depardon, Magnum, Joel Meyerowitz
et Robert Adams.

 

 

 

Raymond Depardon : La Solitude heureuse du voyageur

 précédé de Notes, Afrique(s), Le Tour du monde en 14 jours,

Coffret 3 volumes, Points, 2017, 24,30 €.

 

Stephen McLaren : Magnum et la street photography,

Actes Sud, 2021, 386 p, 45 €.

 

Joel Meyerowitz : Rétrospection, Textuel, 2018, 352 p, 59 €.

 

Robert Adams : Essais sur le beau en photographie,

Fanlac, 1996, 144 p, 120 F.

 

Michel Poivert : La Photographie contemporaine,

Flammarion, 2018, 264 p, 29,90 €.

 

 

 

L’on ne peut photographier que le réel. Sauf si au bout du compte l’on se livre aux trucages les plus surréalistes pour le subvertir. Et tout en sacrifiant au réalisme, l’on peut néanmoins s’attacher aux métaphores, voire à la plus pure esthétique. Quoique parcourant implicitement toute l’histoire de la photographie depuis 1839, cette problématique esthétique peut être synthétisée au travers d’un trio de photographes contemporains, de Raymond Depardon à Joel Meyerowitz, jusqu’à Robert Adams, mais aussi en passant par ceux de de la street photography, cheval de bataille de l’agence Magnum. Le paysage, souvent urbain, est leur inlassable objet d’étude, même si cet objet d’étude peut parfois les entrainer à en représenter le drame humain, voire son essence, peut-être platonicienne.

      Arpenteur du réel, Raymond Depardon l’est certainement. Il emporte avec lui sa Solitude heureuse du voyageur, en s’appliquant à traverser l’Afrique(s), jusqu’à déborder Jules Verne au moyen d’un Tour du monde en 14 jours. À ce triptyque réuni dans un seyant coffret pour des livres de poche, qui acquièrent ainsi une sorte de noblesse esthétique, il eût peut-être fallu joindre son parcours parmi la France…

      Sobrement intitulé Notes, le premier recueil (ou plus exactement portfolio ?) d’abord publié en 1979, est noirci par des guerriers en armes, parmi les plus sales zones de conflit, entre Beyrouth et l’Afghanistan, où celui qui deviendra le Commandant Massoud est son jeune guide. Là c’est le photoreporter né en 1942 qui pointe l’arme inoffensive et scopique de son appareil photo, enregistrant les convulsions du monde et de l’humanité, pour les enfermer dans la boite du témoignage, de la dénonciation, du souvenir et de la méditation. L’homme est alors un rebelle autant qu’un animal politique brutal, résistant alors contre l’invasion soviétique et le communisme. On sait ce qu’il en est advenu : la montée en puissance de l’Islam radical et un jeu de dominos de guerres… « Mon premier livre fondateur », juge Raymond Depardon, marqué par ces jours de danger, de risque, de fuite, par l’adrénaline de la photographie juste et parlante lorsque les armes obsèdent l’objectif. « Je vois des balles traçantes », commente-t-il. Si l’image ne les montre pas, la photographie n’est pas en reste pour exhiber les réalités du territoire, de la guerre et des hommes, d’autant que l’on n’y voit guère de femmes. Il y a quelque chose du « charognard », du « voyeur » dans le photographe de terrain au service de l’information et des médias.

      Plus paisible est La Solitude heureuse du voyageur. Paysages parfois ruraux et surtout urbains sont les sources d’inspiration de Raymond Depardon, mais le plus souvent animé par la présence humaine, ou, sinon, par ses traces. Si quelques chambres d’hôtel sont vides, mais d’un autre vide que celui des déserts du Niger et de Bolivie, les rues et les sentiers de montagne sont animées, soit par des passants à New-York ou en Ethiopie, soit par des voitures, comme la Trabant symbolique en Ex-RDA. La dimension graphique du noir et blanc est judicieusement soulignée par un velouté dramatique des nuances, mais aussi par un perpétuel cadre noir, « entre la douleur du cadrage et le bonheur de la lumière », comme il le dit dans un pertinent entretien avec le critique Jean-François Chevrier, inséré au centre du volume. Dans la perspective plus rigoureuse du géomètre,  Raymond Depardon colora cependant la France[1] au moyen de calmes vues plus proches du sociologique que du touristique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      L’Afrique(s) de Raymond Depardon se dit à la fois au singulier et au pluriel, non seulement pour des raisons géographiques, mais aussi parce qu’écartelée(s) entre violence et tendresse. Rien d’idéalisé, rien de pittoresque. La nudité du paysage et des peaux exhibent la sécheresse et la maigreur. Le visage d’une femme portant une charge sur la tête ruisselle de sueur : un cliché efface le cliché. Journal de voyage erratique, entre Angola et Ethiopie, Afrique(s) est à la fois photographique et textuel, alternant images et constats, non sans émotion et empathie, voire notations intimes. Le noir et blanc, excellemment imprimé avec un contraste et un brillant impeccables, devient ainsi sculptural. Il s’agit de figurer le réel avec objectivité, quoique avec une dimension symbolique : chacun de ceux qui sont devenus des personnages acquièrent une dignité humaine et portent une conscience, voire une réclamation, une indignation devant le tribunal de l’humanité. Lorsqu’il visite une prison à Kigali, Rwanda, où sont parqués en attente de jugement des auteurs du génocide, Raymond Depardon confirme sa vocation de photographe engagé.

      Après cinq mois africains, seulement quatorze jours ont été dévolus au Tour du monde. Le défi photographique va de Paris à Paris, ce sont sept escales, sept villes : Washington, Los Angeles, Honolulu, Tokyo, Hô Chiminh-Ville, Singapour, Le Cap. Tourisme à la va-vite ou empreintes singulières et symboliques ? Si bon photographe soit-on, l’on n’échappe guère en de telles conditions, ou contraintes délibérées, à l’instantané plus ou moins vain. Le mémorial aux 58 000 victimes de la guerre du Vietnam, les étoiles de Sunset Boulevard, les halls et chambres d’hôtel… Raymond Depardon s’est-il condamné au cliché, quoique toujours soigné ? Autre cliché, puisque nous sommes en 2008, le calcul final de « compensation en CO2 » d’un tel voyage. Un poil de culpabilisation ne nuit pas devant l’urgence climatique idéologique[2].

 

Partenaire de nombreuses aventures, Raymond Depardon, parcourant New-York en 1981, ne peut échapper à ce mouvement de la Street Photography, qui est magnifié par un album, somptueux et fourmillant de découvertes. C’est en fouillant dans les archives de l’agence Magnum que le commentateur et photographe Stephen McLaren a ouvert pour nous une boite aux trésors d’images, tant en noir et blanc qu’en couleurs. Fondée en 1947, Magnum se veut sensible à un monde lourd de conflits et surarmé. Aux côtés du photojournalisme et des terrains de guerre, s’ajoute une nouvelle quête urbaine de l’image que permet la miniaturisation de l’appareil, en particulier le Leica. À la suite d’Henri Cartier-Bresson, considéré comme le créateur de cette déferlante de photographie de rue, ils sont trente à traquer l’incongru, « l’instant décisif », au travers du monde, de l’Angleterre au Japon, des Etats-Unis à la France, de l’Inde au Maroc.

Comme sur la couverture de ce volume, par les soins de Christopher Anderson, la lumière est essentielle, quelques reflets rougeoyants suffisant à relever un espace de trottoir autrement insignifiant, le rouge étant sa couleur récurrente. Mais en une démarche empathique, « l’esprit de la rue » va également s’allumer de silhouettes insolites, de visages surprenants, associant réalisme obligé et pointe surréaliste. Jusqu’à Gueorgui Pinkhassov qui conjugue photographie et poésie : « La poésie advient lorsqu’il y a métaphore. Elle n’est pas programmable : elle apparaît au passage et soudain la rime est là ».

 

Photo : T. Guinhut

 

Au-delà du reportage de commande, parfois ici présent, l’observateur indiscret, et cependant furtif, capte les instantanées d’une ville avec un appétit renouvelé pour la vie intime et sociale, pour les comportements inaperçus, les poses insolites. Pour ce faire le noir et blanc a longtemps été prôné par Magnum, le pensant synonyme d’authenticité, à moins qu’il s’agisse de conservatisme ; alors que des photographes étaient taxés de « vulgarité » (selon Henri Cartier-Bresson) et de facilité commerciale lorsqu’ils utilisaient la couleur. Pourtant Harry Gruyaert, David Alan Harvey, Bruce Davidson, ou l’Iranienne Newsha Tavakolian, surent lui offrir ses lettres de noblesse en dopant leurs images de signaux esthétiques. 

Est-ce à dire que saisir au vol un instantané urbain interdit la beauté ? L’évidence réaliste d’Elliott Erwitt, dont le noir et blanc saisit ses personnages non sans humour, capte miraculeusement le visage grave d’un enfant au travers d’un véhicule dont la vitre est marqué d’un impact étoilé qui masque l’œil. L’esthétique compositionnelle permet l’irruption d’une émotion métaphysique. Cependant Léonard Freed professe : « Tout ce qu’on voit dans la cadre doit être essentiel. La perfection, ici, n’est pas de mise. Cela tuerait tout ». Entre réalisme du quotidien et expressionnisme frappant, entre engagement documentaire, voire social et politique, et esthétisme graphique et coloriste, les photographes construisent, croisent et créent, souvent à leur insu, une beauté inédite à qui sait regarder ces clichés.

Alternée avec des traversées thématiques, « Temps libre », « En chemin » (au sens des transports), « Faire son marché », et des « Regards sur Paris », Londres, New-York et Tokyo, cette généreuse énumération des photographes de Magnum est non seulement une aventure collective de plus d’un demi-siècle, marquée par maintes personnalités fortement individualisées, mais aussi une découverte planétaire, où les rues de la Street Photography débouchent sur des bouillonnements plastiques sans cesse renouvelés et un humanisme judicieux. N’oublions pas, avec Henri Cartier-Bresson, que « la réussite dépend de l’étendue de sa propre culture générale, des valeurs que l’on porte en soi, de sa clarté d’esprit et de sa vivacité ». Et si à cet égard il n’y a pas de culture générale sans bibliothèque photographique, ne doutons pas que ce beau livre y contribue.

      Comment le réaliste Joel Meyerowitz, né en 1938, est-il devenu platonicien ? C’est implicitement qu’il répond à la problématique, car publiant son album il l’appelle Rétrospection, commençant par ces plus récentes images, jusqu’aux plus anciennes. Mais plus exactement, pour reprendre le titre original : Where I Find Myself. Il affirme en quelque sorte avoir commencé par observer et reproduire le réel, jusqu’à, sans le quitter, en goûter la quintessence. De 1962 à 2016, il est allé photographier « dans la rue », pour aboutir enfin à la plus haute visibilité de l’objet.

      Du regard de son Leica, et sur les traces du photographe Robert Frank dont l’œuvre magistrale reste Les Américains[3], il fouille d’abord les artères et les recoins de New-York. La ville est un théâtre pour l’image, cocasse parfois, grandiose, dramatique… En couleurs, plus souvent en noir et blanc, les portraits saisis au vol abondent. Mais la couleur, « plus complète », a sa préférence, surtout lorsqu’il juxtapose dans une double page deux vues de la même scène, en noir et en couleurs. Qu’il s’agisse des Etats Unis « au temps du Vietnam », ou de l’Europe, une telle quête de scènes marquantes donne évidemment lieu à des résultats surprenants, sinon inégaux, des « incidents farfelus », comme la rencontre de la promenade d’un singe et d’un bébé.

      Se détachant de l’influence de Robert Frank et d’Henri Cartier-Bresson, il transcende l’espace au moyen d’une chambre photographique sur trépied. Capter des instants de lumière exceptionnelle, la grâce soudaine d’un paysage de bord de route ou d’une piscine de bord de mer au crépuscule, ou pointer une figure, une attitude, c’est, dit-il, voir « le moment atteindre son point d’élucidation, l’incontestable apogée de l’instant ». Comparant les arts et les techniques, il ose avec justesse : « La photographie de rue, c’est du jazz. La chambre, du fait de sa lenteur, est plus classique, plus méditative ». Dès lors les portraits deviennent plus pensés, profondément empathiques. Par la suite, ciel, mer et lumières vaporeuses glissent vers une abstraction épurée. Jusqu’à figurer poétiquement les quatre éléments.

      « Être artiste est affaire de conscience ». Or il est paradoxal de magnifiquement fixer et d’éprouver une jouissance esthétique devant une belle catastrophe meurtrière. L’effondrement des tours du World Trade Center est une « scène de crime », témoignant de la mort cruelle, de l’abjection terroriste. Cependant Joel Meyerowitz en offre une scénographie grandiose digne d’un Crépuscule des dieux wagnérien. L’immense ruine fumeuse est un corps écorché. Témoignage bien sûr d’un événement lourd d’arrière-plans civilisationnels et barbares, et prolixe en conséquences pour l’Histoire, catharsis (ou purgation des passions) certainement.

Joel Meyerowitz.

      Autre concept venu des grecs : l’essence des choses. D’après Platon, il y a deux aspects des étants, l’essence proprement dite, telle qu’elle s’offre au pur regard des esprits et se laisse concevoir par la seule cogitatio, et la réalité sensible qui n’en est que l’ombre et l’image. C’est ce que dit Socrate des choses dans le Phédon : « Or les unes, tu peux les percevoir à la fois par le toucher, la vue, et tous les autres sens ; mais les autres, celles qui restent mêmes qu’elles-mêmes, absolument impossible de les saisir autrement que par l’acte de raisonnement propre à la pensée ; car elles sont invisibles, les réalités de ce genre[4] ».

      Offrir au pur regard de l’esprit l’essence de l’objet, « le beau en soi[5] », c’est à quoi, dans une démarche platonicienne, s’attache Joel Meyerowitz, à partir de 2012, lorsqu’il pose devant une vulgaire bâche brune, et discrètement soutenue par un bout de bois, une feuille automnale que la lumière dore. Ou de vieux tubes en laiton, des flasques d’étain rouillé, des boites de fer-blanc, voire un crâne, qui deviennent les personnages d’un « Teatrino ». La brute matérialité de l’objet devient, par la vertu de la photographie et de l’art, pure intellection et parfaite esthétique. Et s’il fallait livrer le symbolisme mis en scène par Joel Meyerowitz, n’a-t-il pas pris soin de retrouver une « nature morte » de 1964, qui n’était qu’un « test », pour en relever les clés ? « Les objets sont : Photo de moi enfant, Toupie (jouet, joie), Graines (jeunesse, fertilité), Bulle de verre (bouteille / impermanence), Baromètre / horloge / boussole (trouver ma voie), Fruits séchés (vieillesse), Fleurs (fragilité), Montre (mesure du temps) ».

      Ainsi l’intelligente discrétion des textes, associée à des reproductions d’une qualité splendide, concourt à un album essentiel pour comprendre l’histoire de la photographie et en apprécier la théorie et la plastique esthétiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Robert Adams, que l'on ne confondra pas avec Ansel Adams (1902-1984), autre photographe américain et grand lyrique des majestueux paysages naturels des Rocheuses américaines, nous offre un bouquet de six Essais sur le beau en photographie, parmi lesquels Vérité et paysage, La Beauté en photographie, Photographier le mal et Réconciliations géographiques, titres qui reflètent un cheminement autant plastique que théorique.

      Né en 1937, Robert Adams fit en 1975 partie de la fameuse exposition New Topographics qui permit de reconnaître une génération de photographes attentifs aux paysages altérés par l'homme. Parmi ses images, ce sont arbres brisés comme des crayons, déboisements, nature rayée et empoussiérée par les aménagements périurbains, décharges en plein déserts, graphisme routiers, branches comme dessinées, ombres portées sur l’habitat pavillonnaire, contrastes époustouflants entre les traces humaines et les grands espaces américains... Cependant, toujours, il cherche à donner une qualité intemporelle à ses images. Ce qui passe souvent par un minimalisme proche de l'anorexie. Non sans « Beauté », mot qui n'est plus « obsolète, convenant aux urnes funéraires », mais « le but véritable de l'art », le « synonyme de la cohérence et de la structure sous-jacentes à la vie », formules que l’on ferait bien de méditer à une époque où, trop souvent, l’art contemporain[6] fait mine de décrier la beauté[7], par incapacité peut-être…

 

 

      Pour Robert Adams, chaque photographie doit être, au-delà de la banalité du prétendu reflet objectif de la réalité vraie, une « métaphore, apte à suggérer des ressemblances entre ce qui est connu et ce qui l'est à peine ». Une photo de paysage se doit d'être à la fois « géographique, autobiographique et métaphorique ». « Quel degré de proximité une photo devrait-elle entretenir avec les apparences, y compris dans la description d'un miracle ? » se demande-t-il. De même, il interroge les contradictions et leurs résolutions dans le mystère photographique: dévastation par une tornade et sensation d'ordre, de paix, dans une seule image de Franck Gohlke : « l'affirmation d'un sens au cœur de l'apocalypse ». On le voit, la quête de Robert Adams est autant celle de l'artiste esthète que celle du sage.

      Sans rien d'une mystique trop appuyée, ni idéologiquement engagée, voici un des plus fins et beaux essais jamais écrits sur la photographie, tout simplement. Faut-il se demander si Robert Adams, à la recherche de l'image soignée, idéale et signifiante, jusque dans le quotidien pourtant parfois trivial, naturel et artificiel de l'immense continent américain, est l’acmé de la photographe platonicienne aux côtés de Joel Meyerowitz ?

      Toute photographie est tiraillée entre le réalisme, d’occasion ou assumé, et une quête de cette essence qui n’est peut-être qu’une fiction, un désir de transcendance tentant de pallier à nos manques. Sans nul doute pourrons-nous le vérifier jusque lorsque nous jouons avec nos smartphones, entre l’instant aussitôt détruit de Snapchat et le fantasme d’immortalité de nos corps reproduits au cours d’un instant de notre fugacité. Entre temps et espace la photographie est cet art paradoxal qui voudrait les contenir et les dépasser. Qui voudrait être présence et acte, témoignage et engagement, refus ou grâce de l’esthétique. De ce débat d’art témoigne La Photographie contemporaine réunie par Michel Poivert, pérégrination en images, aussi soigneusement commentée qu’illustrée. Une centaine d’artistes sont réunis en cet indispensable volume documentaire et pensant, balayant le spectre depuis le photojournalisme jusqu’aux plus insolites défis contre l’institution de l’art comme concept historique, en passant par les curiosités esthétiques les plus insolites, par l’anecdotique et le dérisoire, sans omettre le militantisme, la narration suggérée et la rêverie. On ne fera pas l’économie d’une réflexion éthique lorsque la photographie est réanimée, truquée, détournée par le numérique. Quelle vérité parle-t-elle au travers d’une image capturée par la vitre et vitrine du photographe, amateur, professionnel, artiste dans l’âme, si cette dernière existe, si elle est capturable par le médium…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Robert Adams a été publiée

dans La République des Lettres, avril 1996.

 


[1] La France de Raymond Depardon, Points, 2012.

[3]  Robert Frank : Les Américains, Robert Delpire, 1958.

[4] Platon : Phédon, 79a, Œuvres complètes, Flammarion, p 2008, 1197.

[5] Platon : Phédon, 78d, ibidem.

 

Parador de Lerma, Burgos, Castilla y Léon. Photo : T. Guinhut.

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30 juillet 2020 4 30 /07 /juillet /2020 11:48

 

Cap Corse, Galerie du Vatican, Rome. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Le palimpseste méditerranéen

de Didier Ben Loulou,

des Sanguinaires à Jérusalem.

 

 

Didier Ben Loulou : Les Sanguinaires, La Table ronde, 2020, 96 p, 24 €.

 

Didier Ben Loulou : Mémoire des lettres, La Table ronde, 2012, 96 p, 20 €. 

 

 

      « Qu’est-ce que la Méditerranée ? Mille choses à la fois. Non pas un paysage, mais d’innombrables paysages. Non pas une mer, mais une succession de mers. Non pas une civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les autres[1] ». Ainsi l’historien Fernand Baudrel présente son étude sur l’espace et l’histoire méditerranéens. Il suffit alors au photographe Didier Ben Loulou de choisir l’un de ces paysages, assez mince au demeurant, pour en susciter l’essence. Il a élu les Sanguinaires, soit la bande côtière entre Ajaccio et les îles du même nom, après avoir, de Marseille à Jérusalem, rendu un hommage esthétique tourmenté à ce creuset civilisationnel, en un palimpseste de couleurs sensuelles et de sens ombreux et éclairé.

      C’est par antiphrase que l’on peut lire le nom des Sanguinaires, quoiqu’il vienne des roches de porphyre ensanglantées au soleil couchant, ou des feuilles et des fleurs des frankénies qui tapissent l’archipel, à moins qu’elles annoncent Sagone. Car, malgré la tour génoise de Parata qui veillait sur les incursions des Maures qui avaient fait de l’île un carrefour d’esclavage, ce ne fut guère une zone de conflit, au contraire d’autres rivages méditerranéens, depuis Homère en passant par la bataille de Lépante et la prise d’Alger, même si un Corse d’épique mémoire, Napoléon Bonaparte, porta son ardeur belliqueuse et meurtrière dans toute l’Europe.

      Parcourant en entomologiste de l'espace ces Sanguinaires, Didier Ben Loulou en ramène des photographies collectées avec ce que l’on devine être une patience et une méditation ardentes, images fouettées de vagues d’écumes et d’embruns. Comme sur la couverture, l’homme est une ombre de passage dans la lumière du monde, dans ses occasions de beauté révélée. Notre esthète goûte la lumière incidente des contre-jours, les plages semées de grains lumineux et les fonds montagneux sur lesquels pèsent les menaces fuligineuses des orages et des tempêtes plombées de pluies lourdes. Des arbres, particulièrement des palmiers, barrent la visibilité ou dessinent les traits forts de la composition. Les autres plantes sont des herbes folles, des fleurs dunaires et, bien souvent agressives, des cactées aux longues feuilles grasses et piquantes, des chardons étoilés d’épines.

      Parfois, aux larges perspectives, Didier Ben Loulou préfère des gros plans insolites : une lame d’acier fend le rouge d’une pastèque, des oranges gisent sur les herbes sèches si elles ne sont dignes d’une nature morte sur fond bleuté comme sur une palette de peintre, un dallage d’étoiles brunes est balayé de brins de pailles, une gamme d’ocres écaillés sur des murs est supportée par un balustre beige. Plus étrange encore, un lit couvert d’un drap rose vineux devance un pan de mur or et bleuté, comme une stèle d’abstraction offerte au mystère divin de la beauté…

      Ainsi est dépassée la superficialité cartepostalesque des prospectus touristiques, leur pauvre idéalisation pour des regards sans esprit. D’autant qu’une impression de solitude, voire de mélancolie lumineuse, où les bâtisses humaines ne sont que des témoins, voire des ruines, semble placer le spectateur autant face au paysage que face à sa propre destinée, à sa fragile lumière et déréliction universelle. Qui sommes-nous auprès d’un tel espace qui a son éternité pour lui ? Ce pourquoi l’impression que nous sommes pris à la gorge en un paysage de création biblique, de genèse primordiale, où les rais de lumière originelle fendent les nuées violacées, est sans cesse prégnante. À moins qu’il s’agisse plutôt des prémisses d’une fin du monde, d’où sourdrait une violence chtonienne autant que métaphysique…

      L’on pourrait regretter que ces photographiques Sanguinaires soient dénuées de tout commentaire, de toute légende. Seule une mince quatrième couverture annonce le projet. Seules se dressent à la porte de l’ouvrage des citations de Pessoa, Malcolm Lowry, Albert Camus et surtout l’incipit de L’Arrière-pays d’Yves Bonnefoy : « J’ai souvent éprouvé un sentiment d’inquiétude, à des carrefours. Il me semble dans ces moments qu’en ce lieu ou presque : là, à deux pas sur la voie que je n’ai pas prise et dont déjà je m’éloigne, oui, c’est là que s’ouvrait un pays d’essence plus haute, où j’aurais pu aller vivre et que j’ai désormais perdu ». Voilà qui est programmatique, en tant que la photographie, par un chemin initiatique, réaliserait ce « pays d’essence plus haute », et par ce biais de l’art qui permet de lire le monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Qu’à cela ne tienne, il est permis d’aller lire ses Chroniques de Jérusalem et d’ailleurs[2], journal de bord et recueil de réflexions sur sa démarche, ou ses entretiens avec Fabien Ribery dans Mise au point[3] : « La quête est ici de l’ordre de l’indicible et d’une levée de voiles, de l’accueil du fragile comme puissance et d’une recherche d’unité quand la parole commune est devenue assassine », note Fabien Ribery. Quand Didier Ben Loulou précise : « Il faut aller puiser au plus profond de soi pour être capable de la moindre image. Cela oblige à une sorte de tabula rasa de tous nos repères, à une concentration extrême. On avance sur un fil, dont on peut chuter à la moindre perturbation. On passe des journées sans prononcer un mot. Le travail sur les lettres hébraïques parle de prendre des images où l’écriture arrive comme un surgissement ». Le dialogue glisse alors jusque vers le journal de travail et d’initiation : « Tandis que j’empruntais un chemin au bout duquel je découvrirai d’anciennes inscriptions sur le bleu d’une pierre tombale, entre les buissons, je compris que j’étais en quelque sorte conduit. J’avais l’impression d’entrer dans un royaume dans lequel on m’indiquait à de rares moments ce que j’avais à photographier. Ce fut une expérience troublante : une part d’invisible, d’irrationnel, agissait sur moi »,

      Plutôt que les ciels (au sens pictural) céruléens du plein été, le photographe préfère à juste raison ceux bouleversés de nuages anthracites, voire d’obscurité. À l’ardeur solaire estivale, il préfère Un hiver en Galilée[4], pour reprendre un de ses titres. Les ombres très noires accusent leur puissance et leur effet de contraste. Les couleurs sont pourpres et de bleu violacé, de terre et d’ocre, comme une palette intensément picturale, mélée d’huile et de gouache, de goudron et de terre. La neige a quant à elle quelque chose d’un drap sépulcral, d’où jaillit encore la lettre et l’Aleph.

      Au sens où l’image inspire une dimension tactile, le voyage emprunte les routes cahoteuses, les chemins raboteux et les ruelles ombreuses, pour mieux prétendre à un réel rugueux et intense. Mais entre Jaffa, Jérusalem et la Galilée, l’espace témoigne d’une mémoire juive, lorsque que des caractères hébreux creusent encore la pierre sur les stèles du cimetière de Safed et parmi le Mont des Oliviers. La lettre hébraïque fore la mémoire du sol de sa spiritualité et de sa genèse toujours en cours. À Jérusalem, la photographie s’ordonne en séries, intitulées Visages, Fragments ou Écritures. La perpétuation de l’espace urbain et historique croise la fugacité des éclairages, des gestes et des regards où sont réverbérées la chaleur, la violence à fleur de peau, alors que les pierres disent encore longtemps - il faut l’espérer - la tradition mémorielle juive. Cependant l’or du Dôme du Rocher, monument de la culture islamique, surplombe un tas de gravats et de déchets, où il faut peut-être lire les décombres des guerres inter-religieuses incessantes, des guerres de conquêtes musulmanes qui ont spolié le territoire. La qualité d’abstraction des images rayées de poussière se confronte avec les masques d’ombre durs comme l’ébène, qui divisent les visages. De ci-delà, un couteau brille dans une main ouverte et bronzée, des ruines tavelées et poncées par le temps portent des traces de peinture rougeâtre, des ordures jonchent le sol où courent des enfants, un lavis sanglant urine sur un dallage, les portes et les crépis sont placardés d’affiches déchirées par des coups de pinceaux rageurs, les feuillets blancs épars voisinent avec les flammes et la blancheur des bougies, la silhouette au chapeau juif ombre un fond de déchirures hébraïques, une étoile à six branche est tagguée au goudron entre deux colonnes couleurs briques que l’on devine romaine, un Christ aux épines est tatoué sur une peau, quelque oiseau blanc est serré dans une main, colombe de la paix plus que fragile ! Probablement s’agit là de son plus beau et plus profond travail, absolument inspiré, d’ailleurs visible sur le site de l’artiste[5]. Comme cette bouche édentée, le palimpseste mural, corporel et mémoriel ne cesse de murmurer, parler, crier…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Et là où la photographie, toujours somptueuse, est surchargée de couleurs, de signes et de sens, mais aussi de « lettres[6] », selon le titre d’un album aux beautés enivrantes, plutôt qu’idéaliser les habitants méditerranéens, le veilleur à l’appareil photographique sans cesse attentif aime à saisir leur corps bruts, bronzés, tannés de soleil, pour laisser voir leur familiarité et leur osmose avec leur terre, alors que les robes des femmes sont fleuries comme sur un champ où les migrations et les croisements de population agrègent et divisent les identités. C’est ainsi qu’il photographia les gens du voyage à Athènes. C’est ainsi qu’il accompagna Emmanuel Levinas, lorsque Bruno Roy, pour les Éditions Fata Morgana, lui proposa de  s’associer à la Violence du visage[7] du philosophe, comme si l’on pouvait sur la face humaine lire la violence et le sacré, l’innocence et le mal.

      Didier Ben Loulou pratique avec constance le format carré, aime les tirages Fresson, aux couleurs intenses et poudrées, qui accentuent à juste titre la dimension dramatique de sa photographie. Car même en de paisibles espaces, un drame métaphysique semble sourdre, la splendeur et la blessure ne sont pas loin, voire s’exaspèrent à l’accointance de la beauté et du mal. Né en 1958 à Paris, le franco-israélien Didier Ben Loulou se veut d’abord un géographe urbain, marqué par la vieille ville de Jérusalem où il vit depuis 1991. Ses expositions, depuis 1983, parcourent le monde, ses tirages émaillent des collections prestigieuses, ouvrent de ténébreux éclats sur des murs ainsi ornés de beauté et de pensée intérieure. Leur sensualité poignante ne peut qu’inviter à la méditation, au retour sur la nécessité fragile de soi face à l’évidence essentielle des changeants paysages de l’Histoire. Est-ce à dire que cette photographie est plus platonicienne que réaliste[8] ?

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Fernand Baudrel : La Méditerranée, France Loisirs, 2002, p 12.

[2] Didier Ben Loulou : Chroniques de Jérusalem et d’ailleurs, Arnaud Bizalion Éditeur, 2016.

[3] Didier Ben Loulou, Fabien Ribery : Mise au point, Arnaud Bizalion Éditeur, 2019.

[4] Didier Ben Loulou : Un hiver en Galilée, Arnaud Bizalion Éditeur, 2018.

[6] Didier Ben Loulou : Mémoire des lettres, La Table ronde, 2012.

[7] Emanuel Lévinas : Violence du visage, Fata Morgana, 1997.

[8] Voir : De la photographie réaliste à la photographie platonicienne

 

Didier Ben Loulou : Les Sanguinaires. Photo : T. Guinhut.

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24 juin 2020 3 24 /06 /juin /2020 16:31

 

Jamais Tissot, Musée des arts, Nantes, Loire-Atlantique.

Photo T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Du corps culturel à la féminité assumée.

William A. Ewing,

Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello :

Camille Froidevaux-Metterie.

 

 

 

 

William A. Ewing : Le Corps, traduit de l’anglais (Royaume-Uni)

par Christine Rozier et Chantal Charpentier, Assouline, 1994, 432 p, 20 €.

 

William A. Ewing : Love and desire, Cronicle Books, 1999, 400 p, 44 €.

 

Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello :

Histoire du corps.

I De la Renaissance aux Lumières, II De la Révolution à la Grande Guerre,

III Les Mutations du regard. Le XX° siècle.

Seuil, 2005, 592 p, 40 € ; 464 p, 35 € ; 544 p, 39 €.

 

Camille Froidevaux-Metterie : Seins. En quête d’une libération,

Anamosa, 2020, 224 p, 20 €.

 

 

 

 

      Nu, il fait rougir, ou enflamme les passions ; enfantin il attendrit, jusqu’à voir sa maturité s’épancher dans l’âge adulte, puis sa consommation dans le tombeau. Corps esthétique, à la mode, sportif, érotique, guerrier, déformé, amputé, vieillissant, mort, tout défile en notre vision si l’on balaie l’Histoire humaine et l’Histoire de l’art. De surcroît, la tradition du noir et blanc photographique lui donne une dimension sculpturale. À la pléthore d’images argentiques, puis numériques, s’ajoute forcément le recul de la pensée, qu’il s’agisse du critique d’art William A. Ewing, des historiens Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello, ou de l’essayiste résolument féministe Camille Froidevaux-Metterie, qui fait parler les seins, cette part incontournable de l’identité. Si nous sommes notre corps, quelles sont et d’où viennent ses représentations ?

 

      En choisissant trois centaines de photographies, William A. Ewing dresse un fascinant état des facettes photographiques consacrées au corps. La pulsion scopique, soit le plaisir de posséder l’autre par le regard, selon Freud[1] en 1897, se fait, outre un plaisir, un devoir de braquer l’objectif sur ce que nous sommes, une apparence, une surface et un volume, révélateurs des chairs et de la psyché.

      Elogieuse et respectueuse, la photographie peut aussi choquer, transgresser les idées et images reçues. D’autant que son apparition, son développement, sa démocratisation permet de voir des réalités que l’on ne voyait guère ou pas du tout : les clichés pornographiques, vendus sous le manteau, ou l’imagerie médicale, comme lorsque, dans La Montagne magique de Thomas Mann, Claudia Chauchat offre à son amant d’une nuit, Hans Castorp, la radiographie de ses poumons. Les premiers, peut-être, « ont contribué à la dégradation des corps », se demande William Ewing, quand la seconde « a contribué à l’amélioration et à la prolongation de la vie ». Cependant lorsqu’elle idéalise, la photographie ne craint pas de se mettre au service de la propagande politique, ou plus sagement, quoiqu’insidieusement, de la publicité en faveur de la mode et des cosmétiques : les corps parfaits, élancés, sportifs, en mouvement, sont la métaphore de l’avenir radieux promis par le fascisme ou le communisme, alors que leurs beautés longilignes et sereines sont des modèles de beauté au service du consommateur sommé de s’identifier.

      Que l’on soit journaliste de guerre ou policier, anthropologue ou parents face à ses enfants, la photographie témoigne des affronts faits aux corps, des diversités des visages et des peaux parmi les espaces géographiques et face au temps qui nous métamorphose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Entre réalisme et picturalisme, les photographes ont, au cours de près de deux siècles, travaillé selon des catégories que William Ewing a ainsi classées. Les fragments  précèdent les silhouettes, l’exploration scientifique approche les chairs, alors que les prouesses sportives et chorégraphiques suggèrent l’éros. Mais les corps peuvent être aliénés, opprimés et victimes, ou au contraire devenir des idoles. Nous n’oublierons que le photographe se tourne vers lui-même, au miroir de l’autoportrait. Une telle intériorité, contraire à l’exhibition politique, sait préluder aux métamorphoses du rêve et de l’esprit… Un tel classement en douze chapitres, quoique un peu erratique, a le mérite de disposer les facettes de la visibilité photographique des corps, comme l’on déploie autant le réel que son imaginaire.

      Du squelette aux chairs, de l’homme à la femme, sans oublier l’hermaphrodite, de l’athlète à la tendre rêveuses, de l’ethnologie à la médecine, William A. Ewing nous livre un étonnant manuel des usages et des visibilités des corps. Ces derniers deviennent des détails mégalithiques chez Coplans, des brumes voilées chez Blumenfeld, des graphismes chez Callahan, des peaux plissées chez Trémorin, de fières exhibitions chez Mapplethorpe, en des déclinaisons iconiques. Mais il s’agit également d’anonymat, ou de son contraire absolu, celui des monstres de cirques, jusqu’à l’objectivation dernière : celles des bocaux d’anatomie. Ode à la rayonnante beauté, le corps humain devient un humiliant témoin lorsque le photographe se fait archiviste des camps nazis, ou d’une crucifixion, quoique l’on puisse y deviner, au contraire des précédents, l’espoir d’une transcendance et d’une résurrection. Comme dans nos medias, les violences infligées au corps n’ont pas fait reculer notre cataloguiste, même si l’image peut-être un substitut fantasmatique d’une exaction réelle. Mais Eros, hélas si ! Son chapitre « Eros » est presqu’aussi prude que froid. Ont parfois bien plus d’érotisme des photographies injustement accusées de pornographie, qu’elles soient « licencieuses de la Belle époque[2] » ou recueillies parmi des revues comme Penthouse. Ceux dont l’érotisme serait plus incendiaires pour le regard et pour le corps - justement - sont ici sous-représentés, voire carrément oubliés, comme Sarah Moon, Jean-Loup Sieff ou Helmut Newton.

 

Photo : T. Guinhut.

 

      Qu’à cela ne tienne, William A. Ewing, après le succès de son ouvrage, osa Love and desire, qui à notre connaissance n’a pas été traduit en français. Avec un choix à peu près aussi abondant, il se fait coquin et galant, obscène et choquant, diront les esprits chagrins. Vêtu ou dévêtu, l’amour est en conciliabule, le sexe est en action. Rêveries et icones se répondent, alors que les libidos tournent en plein régime obsessionnels, selon les axes du classement opéré par le critique. Le mariage entraîne à sa suite les bébés de l’amour. Mais à l’affut se dévoilent les relations homo-érotiques explicites, dames lesbiennes et messieurs sodomites. Les femmes laissent deviner ou exhibent leur anatomie secrète, les hommes masturbent leurs phallus. De toute évidence, les grands noms de la photographie répondent présent, qu’ils s’agissent de Julia Margaret Cameron, pudiquement venue du cœur du XIX° siècle, des classiques comme Man Ray et Brassaï, ou des plus contemporains : Robert Maplethorpe, Nan Goldin, ou l’onirique et scabreux Joel-Peter Witkin. La sensualité est toute en suggestion chez les uns, quand elle éclate en provocation chez les autres, le plus souvent sous un regard masculin, mais pas seulement. Le discutable érotisme ethnologique est cependant à cent lieues des photomontages métaphoriques et surréalistes. Les tabous sautent les uns après les autres, jusqu’à celui du désir, tendre ou bestial, adressé aux peaux vieillissantes. Autant les pratiques du corps et de la sexualité se fragmentent, autant ces images sont un kaléidoscope de la psyché humaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Quoiqu’elle ne se soit pas engagé dans des volumes sur l’antiquité et l’époque médiévale (et c’est certainement dommage), voici une entreprise d’envergure, une véritable somme : cette Histoire du corps supervisée par Alain Corbin[3], Jacques Courtine et Georges Vigarello. S’il est toujours fait de chair et d’os - à moins de greffes d’organes et de prothèses qui le réparent et l’augmentent au travers du transhumanisme[4] - il a en effet une Histoire, de par ses vêtements, ses manières, ses tatouages, l’empreinte de la médecine, sans compter l’honneur et les exactions que lui fait l’Histoire du monde. De plus nous savons que normes et valeurs le façonnent et contribuent d’une manière considérable à ses représentations. Aux carrefours des religions et des sciences, de l’esthétique et du travail, de la santé et des maladies, le corps est le baromètre des mentalités et des savoirs.

      À l’aube de la Renaissance, le corps humain se ressent de son origine divine, mais aussi de sa corruption infernale. Sans oublier « l’influence persistante des repères religieux : la hiérarchie entre les parties nobles et les parties désavouées ». Référence christique, « l’homme de douleurs » s’associe longtemps aux plaies, aux mortifications et à « l’anorexie sainte ». Du corps adamique à l’ossuaire, en passant par les saintes reliques, la corporéité humaine attend la résurrection promise. Bientôt, avec Ambroise Paré, au XVI° siècle, il se heurte au savoir chirurgical naissant. L’anatomie devient une science encyclopédique en s’avançant vers les Lumières ; alors qu’entre tolérance et répression le sexe est celui de la procréation ou de la prostitution, ou encore de l’onanisme voué aux gémonies.

      De plus en plus médicalisé au XIX° siècle, soumis à l’hypnose, à la psychanalyse, puis aux rayons X, le corps se plie aux praticiens et à leurs instruments. À ses représentations artistiques sans cesse en évolution, entre idéalisation et caricature, s’ajoutent des caractéristiques sociales : pensons au corps du bourgeois, souvent trop gras ! Sans compter que la photographie, à partir de 1839[5], lui apporte une nouvelle visibilité, contribuant également au commerce des chairs prostituées et à « l’imaginaire érotique colonial ». Mais aussi à la science plus que discutable des « races humaines », pour reprendre le titre de Louis Figuier en 1880, et à une hiérarchisation de mauvais augure, de l’humanité à l’animalité.

      Le siècle des totalitarismes est celui des poilus et des gueules cassées, celui des chambres à gaz, des camps de concentrations, justement jumeaux en cet ouvrage, nazis et communistes. Il y a un de plus un corps fasciste et communiste, héroïsé par la propagande, comme en retour l’extermination brûle le cadavre juif et gèle celui de l’anticommuniste au goulag sibérien. Dans les deux cas, la déshumanisation est totale.

      Par ailleurs, une ligne de partage a été effacée par les avancées scientifiques et neuronales, entre le sujet et son corps, entre l’esprit et l’enveloppe. Cependant le corps « porte des marques de genre, de classe et d’origine qui ne sauraient être effacées ». Le féminisme est passé par là, concomitant avec la légalisation de la contraception et de l’avortement, quoique toujours controversé. Quant aux maladies infectieuses, elles font leur retour ; et si elles ne s’appellent plus peste et choléra, elles sont Sida, Ebola, coronavirus. De surcroit, c’est au troisième millénaire, frôlé par cette trilogie, que la question anthropologique se heurte au virtuel et à la généralisation des écrans tactiles, en une décorporation…

      Au cours des siècles, quoiqu’avec des inflexions différentes, il est toujours « la cible des pouvoirs », en particulier celui féminin. Corrigé, policé, désincarcéré, il se barde d’un corset (y compris contre l’onanisme) ou se libère en bikini, quoiqu’il puisse trop souvent être violé. Il est violence politique et guerrière ou délicatesse diplomatique, masse grégaire, collectiviste, politisée, et bien-être individualiste. Le maigre et l’obèse, le beau et le laid, le sain et le malsain, le moral et l’immoral, autant de catégories qui bardent le corps de pratiques et de regards. Ces derniers s’adaptent aux empathies nouvelles pour le handicap, le nanisme, voire pour un Elephant man, alors même qu’une trouble esthétisation, morbide, scatologique, fait frémir les performances artistiques…

      Tout est prétexte à l’analyse en ce prodigieux triptyque de l’Histoire du corps : les sabots et les victuailles, « l’excrétion » et les rapports sexuels avec des animaux, l’armure du guerrier et la parade aristocratique, la saignée et l’inoculation, la guillotine et la gymnastique, la monstruosité, l’hygiène et la génétique, sans oublier le sport de masse et ses nouveaux héros. À cet égard le dialogue entre le texte et les précieux cahiers d’illustrations est toujours fécond.

      Les seins sont traditionnellement associés à la maternité, à l’allaitement, y compris de la Vierge ; mais aussi à un troublant érotisme. Si ces fonctions sont prises en compte, ce n’est guère l’essentiel dans l’essai-reportage de Camille Froidevaux-Metterie : Seins. En quête de libération. Le projet est sociologique. Ses photographies, les plus neutres possible, dégagées de toute ambition artistique, sont comme pour faire carte d’identité de cette si particulière partie de l’anatomie féminine, fleuron, secret et étendard de la féminité, cependant ici banal, comme inachevé en sa maturation, lourd, et parfois mutilé par la chirurgie.

      Au-delà des fantasmes, essentiellement masculins, Camille Froidevaux-Metterie, dont nous connaissons la rigueur des études féministes[6], dénonce le flot d’injonctions qui veut assigner les seins à un volume, à une forme, et prétend qu’ils sont « les grands oubliés des luttes féministes », sommés d’une « injonction de dissimulation », de s’emprisonner sous des « carcans de tissu ». Souvenons-nous cependant qu’un autre mot d’ordre, à brûler les soutien-gorges - plus exactement à les jeter à la poubelle - autour de mai 1968, visait autant à quitter une entrave qu’à se libérer d’une connotation sexuelle devant être affichée, pour  valoriser la nudité, la légèreté ; à moins de préférer la seule dimension fonctionnelle du sous-vêtement.

      Reste qu’en révélant cette « présence inesquivable du féminin » au cours de son livre-enquête, elle sait rester fidèle à sa démarche d’examen d’un réel finalement trop peu assumé. Intimes et sociaux, les seins ont ici leurs portraits, aussi bien à travers une réflexion historique et sociologique, qu’avec et surtout des rencontres avec des femmes qui confessent leurs « expériences vécues » et offre des photographies volontairement grises, ni flatteuses, ni surfaites, pour découvrir, sans l’aveuglement de l’éros, la réalité et la diversité des poitrines féminines. Ainsi, pour écrire cet essai, elle a réalisé nombre d’entretiens, avec quarante-deux femmes de 5 à 76 ans, blanches ou noires, enceintes ou handicapées, malades ou guéries, hétérosexuelles ou lesbiennes, toute la gamme de l’humanité en fait.

 

 

      Comment vivre cet organe et cette condition ? Comme de juste, le premier chapitre est consacré à l’apparition des seins, soit « En avoir, ou peu, ou trop ». Cet « événement historique » est redouté ou désiré, alors que l’on peut être fort gênée par les remarques de l’entourage, qui signifie que l’on est devenu un « sujet sexuel ». Les garçons ne sont pas soumis à cette « publicité », voire à ce « traumatisme » qui peut entraîner boulimie et anorexie, ou pire. Trop abondante, la poitrine risque d’attirer le harcèlement et les cyberviolences ; et les filles ne sont pas en reste, entre « jalousie et médisance ». Trop menue elle peut provoquer une autre honte. Difficile d’y être indifférente, d’en être fière, lorsque le diktat d’une beauté formatée s’avance avec la vénusté des seins pommés… Une présence à soi et au monde tel qu’il est devient alors inévitable, même s’il pourrait être meilleur.

      Découvrons des têtes de chapitres, comme « Donner le sein, un choix », au carrefour des craintes et des libertés, des injonctions sanitaires, ou « Le plaisir au bout des tétons », quoique « leur potentialité érogène » semble trop oubliée au profit de l’acte sexuel proprement dit, sauf dans le cas de l’amour lesbien, jusqu’à « l’orgasme des seins ». L’on ne pouvait faire l’impasse sur les « seins transformés, seins mutilés », soit par la chirurgie esthétique, soit, hélas à cause du cancer. Les témoignages et confessions sont émouvants, inquiétants, révélateurs, charmants, parfois scandaleux. Ainsi les « torses masculins autorisés et bustes féminins interdits » sur Instagram ! Il n’en reste pas moins qu’à la lecture de cet essai, les seins en arrivent à avoir tant de personnalités qu’ils sont « comme des visages ».

      La rigueur didactique et morale du travail finement documenté de Camille  Froidevaux-Metterie n’empêche pas que peu d’abus dogmatiques s’y glissent. « On découvre avec effroi que les ménagères extatiques n’ont pas disparu de notre paysage », ose-t-elle. Si l’on peut partager l’idée selon laquelle ne pas souhaiter devenir mère peut être un « cauchemar et un vrai parcours de la combattante, entre pressions de l’entourage, injonctions sociales et obstacles médicaux », et le déplorer, l’on ne voit pourquoi il faudrait  faire disparaître la maternité heureuse à la maison. Une tyrannie féministe oserait-elle pointer le bout de son nez ? Mais avec notre essayiste, nous ne pouvons que souhaiter le libre épanouissement de la « corporéité féminine » et la fin des violences sexuelles. La féminité assumée sans entraves, serait-ce un horizon inatteignable ?

 

      Qui sommes-nous sinon notre corps ? Sinon nos photos d’identité, nos empreintes digitales et notre ADN ? Où donc vont se nicher nos émotions, notre intellect, nos conceptions esthétiques et politiques ? Sinon dans ce vaste miroir à nous tendu que forme le prisme des photographies qui font parler notre face que notre deuxième visage ; et parmi le triptyque de l’Histoire du corps. Inquiétude, admiration, amour et désir, horreur et narcissisme sont les émotions qu’agite l’acte de photographier le corps. Bouillonnement biochimique de la chair et électrique du cerveau, lait vital et forme sexuelle comme celle des seins, qui acquièrent leur féministe autonomie, le corps est finalement autant biologique que culturel.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Sigmund Freud : Trois essais sur la théorie sexuelle, Gallimard, Folio essais, 1989, p. 81.

[2] Philippe Sollers : Photographies licencieuses de la Belle époque, Editions 1900, 1987.

[6] Voir : Camille Froidevaux-Metterie : La Révolution du féminin, Histoire et corporéité

 

 

Rue Sainte-Marthe, Niort, Deux-Sèvres. Photo : T. Guinhut.

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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 14:54

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

La photographie,

biographème ou œuvre d’art ?

 

Michel Frizot, Dominique de Font-Réaulx, Walter Benjamin,

Roland Barthes, Denis Roche, Susan Sontag.

 

 

 

 

Michel Frizot : Nouvelle histoire de la photographie,

Bordas / Adam Biro, 1994, 736 p, 199 €.

 

Dominique de Font-Réaulx : Peinture et photographie. Les enjeux d’une rencontre, 1839-1914,

Flammarion, 2020, 336 p, 25 €.

 

Walter Benjamin : Petite histoire de la photographie, suivi d’Une photo d’enfance,

traduit de l'allemand par Olivier Mannoni,

 Petite Bibliothèque Payot, 2020, 96 p, 6,90 €.

 

Walter Benjamin : L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique,

 

traduit de l'allemand par Lionel Duvoy,

 Allia, 2020, 96 p, 6,20 €.

 

Roland Barthes : La Chambre claire. Note sur la photographie, 1980, 200 p, 24,90 €.

 

Denis Roche : Conversations avec le temps, Le Castor astral, 1985, 69 p, 21 €.

 

Susan Sontag : La Photographie,

traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Gérard-Henri Durand et Guy Durand,

Christian Bourgois, 2008, 280 p, 8 €.

 

 

 

 

      Il a été, c’était là, semble dire la photographie. Alors que le vernis de la peinture en son cadre, semble dire : il est toujours là, telle une icône. La seconde, même médiocre, paraît devoir afficher son statut d’œuvre d’art, quand la première, qui lui est bien postérieure de quelques millénaires, peine encore, bien qu’on l’expose à tours de bras et de cimaises, est encore suspecte de ne pas advenir à la dignité de l’art, d’autant qu’à force d’Iphone et de selfies elle se vulgarise à qui mieux mieux, voire de pire en pire, quoique leurs légitimités puisse être réévaluées - notons à cet égard que les photos qui illustrent cet étude sont faites avec un IPhone. Déjà, et nonobstant bientôt deux siècles, l’Histoire de la photographie, élevée par les hommages de Michel Frizot, Dominique de Font-Réaulx, Walter Benjamin, Susan Sontag, Roland Barthes, avait posé les bases séminales de notre réflexion, pour qui aurait la fatuité, la vanité, de dépasser le biographème et faire œuvre d’art photographique.

 

      D’abord enregistrement poussif du réel, la camera oscura de la photographie a visé à témoigner de deux présences, celles du regardeur et du regardé. Le « cela est » devient très vite un « cela était », comme le modèle confie au futur l’identité de son visage pour qu’il bascule bientôt dans le passé, surtout tant qu’il garde la stature sculpturale et fantomatique du noir et blanc. Ainsi naissent les premières photographies, en 1839, date à laquelle l’Académie des sciences reconnaît l’invention du daguerréotype, quoique Nicéphore Niepce ait réalisé en 1926-1927 une héliogravure : « Point de vue pris de la fenêtre du Gras », et qu’Hyppolyte Bayard ait peut-être précédé Daguerre.

      Avec la Nouvelle histoire de la photographie, la réflexion et la somptueuse iconographie - soit 1050 photographies reproduites - se partage entre déroulé chronologique et parties thématiques. Michel Frizot lui-même y rédige, outre l’introduction et la conclusion, quatorze chapitres, avec le secours d’une pléiade de spécialistes pour quarante et un autres chapitres, ce qui place l’ouvrage sur le fil d’un délicat équilibre, entre une originalité conceptuelle orchestrée par le maître d’œuvre et la pluralité des perspectives, quoique le lecteur y soit plutôt gagnant.

      Des pratiques sociales aux pratiques esthétiques, un siècle et demi de photographie voit ici son expansion. Guidant les démarches historiques, techniques, géographiques et artistiques, ce sont en cet ouvrage des perspectives aussi diverses qu’éclairantes : « Usage et diffusion du daguerréotype », « Anonymat et célébrité », « L’hypothèse de la couleur », « Le Japon et la photographie », « La surface sensible, support, empreinte, mémoire » (ce qui est un fort beau titre), « Formes du regard. Philosophie et photographie », ou encore « Intimités et jardins secrets ». Professionnelle ou d’amateur, de commande ou spontanée, exhibée ou cachée, officielle ou pornographique (quoiqu’ici l’on reste trop pudique), et plus seulement ancré dans la problématique qui dichotomise le document et l’art, la photographie telle qu’elle se déploie en cette œuvre-maîtresse s’expose et s’explose en ses diversités, ses pluralismes, ses renouvellements.

      Encyclopédie raisonnée des origines, des genres, des acteurs, des faire et des mentalités, la Nouvelle histoire de la photographie supplante tous les précédents, voire tous les successeurs, par la multiplicité des approches, l’abondance de la bibliographie et l’avalanche de ses reproductions, belles jusqu’à la sensualité. Le miracle est, qu’à part des icônes plastiques et conceptuelles, comme « L’autoportrait en noyé » d’Hippolyte Bayard, « L’appareillage » de Stieglitz, « La critique » de Weegee ou le « Tissu pour Harper’s Bazar » de Hiro, très peu d’images fassent doublon avec la plus modeste et cependant très honorable, donc complémentaire, Histoire mondiale de la photographie de Naomi Rosenblum[1].

 

 

      Michel Frizot fait la part belle au XIX° siècle et à ses anonymes dont le talent parfois inouï est magnifié, telle cette boule de verre miroir de la famille du photographe au jardin, autour de l’appareil sur pied, prise vers 1910, et qui ouvre le livre. Les délicieux tons sépia reviennent alors du passé pour rendre une sensuelle et subtile matérialité terreuse, vporeuse, à des centaines d’images. Les noirs profonds et luisants de Margaret Bourke-White, les couleurs éthérées du « Rodin autochrome » de Steichen ou violentes d’Ernst Haas, font de ce volume digne d’un lutrin un monument de voyeurisme luxuriant, comme si l’on révélait un passé interdit par le temps. Car déjà les nouvelles tendances des années quatre-vingts ont quelque chose de nostalgique. Quant aux textes, ils sont fins et distanciés, sans verbiage, s’attachant autant à l’esthétique personnelle du créateur qu’au contexte technique, intellectuel ou institutionnel, en pointant par exemple le rôle des commandes qui peuvent susciter la créativité, ou l’académisme. Certes, en cette bible, que l’on se gardera de penser définitive, quelques grand maîtres sont brouillés par le saupoudrage et le parti-pris. Bill Brandt et Ansel Adams, par exemple, sont un peu amputés, l’un du graphisme épuré de ses nus, l’autre de la transcendance de ces vastes paysages de l’Ouest américain. Quant à l’immanence, elle se trouverait parmi les paysages de photographes plus contemporains : Robert Adams et Lewis Baltz. Ainsi va la tension entre réalisme et platonisme dans la photographie[2].

      Cependant des cahiers de plusieurs pages font honneur au vieux Paris d’Atget, au Pittsburg. A photographic essay de W. Eugene Smith, « qui accumula 11 000 négatifs » entre 1955 et 1957. Autre volupté parmi cent, les jaquettes et doubles pages conçues par les photographes eux-mêmes, maquettistes pour l’occasion, comme Doisneau, Brassaï ou  Kertész, qui prétendait que l’appareil photographique lui permettait de donner sens à tout qui l’entourait. Ce qui valorise l’objet livre par rapport à l’image isolée du collectionneur et montre s’il en était nécessaire l’efficacité d’une déclinaison thématique, d’une rime plastique, graphique ou colorée. À cet égard un mince reproche peut être envisagé : un tel ouvrage privilégie absolument le noir et blanc, comme laissant entendre que la couleur serait le parent pauvre de la photographie d’art, qu’elle serait confinée à la facilité plébéienne du portrait de famille, du voyage touristique ou à la publicité luxueuse du créateur de mode. Pourtant Harry Callahan ou Eliot Porter ont su magnifier par leur goût de la splendeur colorée, qui les paysages urbains, qui les canyons de l’Ouest américain. Ce n’est cependant pas le cas dans un ouvrage plus récent inventoriant la « Collection Neuflize Vie[3] », dans laquelle, malgré une résilience toujours vivace du noir et blanc, les photographes d’aujourd’hui pratiquent sans regret la couleur, qu’il s’agisse de celle pixélisée ou floue venue de la vidéo, ou de celle de coloristes impénitents.

      Il est évident que cette Nouvelle histoire de la photographie est à la fois un somptueux livre d’art autant qu’une référence probablement indépassable ; sauf par les rebonds ultérieurs de la création bien sûr. Ce qu’ont pourtant tenté, non sans vertus, mais avec une splendeur plus modeste, André Gunthert et Michel Poivert dans L’Art de la photographie[4]. Certes, le quart de siècle qui a passé depuis le travail monumental de Michel Frizot laisse deviner qu’il faudrait y ajouter, outre des noms de nouveaux créateurs, l’usage généralisé du numérique, qui a ringardisé - ou muséifié - la pellicule argentique et la diapositive, le développement des IPhone et cet avatar de l’autoportrait que l’on appelle par un triste anglicisme le selfie, qui à la fois démocratisent encore plus la technique et laissent imaginer des floraisons artistiques peut-être inédites.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Avec « l’aspiration artistique » et « l’image symboliste », la photographie tente assez vite de s’extraire de son syndrome de l’enregistrement du réel pour se laisser aller à « la tentation des beaux-arts », telles que les pointent Michel Frizot et ses compères. C’est ce mouvement que problématise Dominique de Font-Réaulx en son Peinture et photographie, sous-titré « Les enjeux d’une rencontre, 1839-1914 ». Dès sa naissance, la nouvelle concurrente de la peinture a suscité enthousiasmes, méfiances et railleries.

      Cependant, les historiens de l’art ont trop souvent « ignoré, occulté parfois, le rôle et la place que la photographie avait prise dans les processus créatifs des peintres. Ils ont passé sous silence, ou même refusé de regarder, ce que les nouvelles images crées par le procédé avaient apporté à la représentation esthétique ». C’est bien le contraire que se propose Dominique de Font-Réaulx, car en 1955 une première exposition juxtaposait sur les cimaises peintures et photographies. Cette fois « l’étude par genres picturaux a donné la possibilité de souligner l’ambition esthétique des photographes », mais aussi « la façon dont leur travaux les ont modifiés, voire transgressés, bouleversant la tradition picturale[5] ». Se cantonnant majoritairement à la France, l’ouvrage réussit son pari, intégrant parfois des comparaisons bienvenues avec les genres théâtral, opératique, et leurs décors. Le subterfuge photographique va jusqu’à reproduire la peinture, confronter portraits peints et portraits photographiés, jouer avec les tableaux vivants, avec le nu, la nature morte, réfléchissant ou décevant la tradition picturale. Si les photographes imitent et songent les peintres, ces derniers se font parfois photographes, soit pour des études préparatoires, soit pour enclencher une créativité adjacente à leur art, mais pas forcément pensée comme digne de dédain. Observons à cet égard des artistes comme Edgar Degas, Fernand Khnopff, Pierre Bonnard ou Pierre Vuillard. L’ouvrage fait bénéficier son argumentation d’une iconographie comparée tout à fait judicieuse. Or si les artistes tels que ces derniers n’ont pas dédaigné la photographie, même s’il s’agit d’une sorte d’argument d’autorité, c’est qu’elle peut dépasser sa qualité de reproduction du réel pour accéder à sa singularité esthétique, à sa qualité nouvelle d’œuvre d’art.

 

Salon des collectionneurs, Magné, Deux-Sèvres.

Photo : T. Guinhut.

 

      En 1857, Théophile Gautier, dans le journal L’Artiste, préfigurait la réflexion de Walter Benjamin : « Bref, la photographie est un miroir qui retient toutes les images réfléchies et les multiplie à un nombre illimité d’exemplaires - prodige inouï que l’antiquité eût sans nul doute attribué à la sorcellerie[6] ». Presqu’un siècle plus tard, en 1936, l’auteur de Paris capitale du XIX° siècle[7] publiait L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée.  Imprimerie, lithographie, photographie, tous conspirent, malgré la démocratisation nécessaire, à un effacement : « À la reproduction, même la plus perfectionnée, d’une œuvre d’art, un facteur fait toujours défaut, son hic et nunc, son existence unique au lieu où elle se trouve ». Car « les composantes de l’authenticité se refusent à toute reproduction […] ce qui dans l’œuvre d’art, à l’époque de sa reproduction mécanisée, dépérit, c’est son aura ». En ce sens une œuvre d’art sans son aura n’en est pas une. De plus « dans la photographie, la valeur d’exposition commence à refouler sur toute la ligne la valeur rituelle[8] ».

      Cependant, un peu plus tôt, soit en 1931 et 1934, dans sa Petite histoire de la photographie, Walter Benjamin avait cru déceler dans la photographie un « inconscient optique », ce quelque chose que nous captons sans le savoir en appuyant sur le déclencheur, qui permet à l’image d’engager un dialogue avec l’intime C’est à l’occasion de la découverte d’un portrait de Kafka enfant que le philosophe, en cela influencé par le surréalisme, s’émeut profondément : « portant un costume d’enfant étriqué et pour ainsi dire humiliant, surchargé de passements, un garçon d’à peu près dix ans dans une sorte de paysage d’hiver. Des palmiers sont figés à l’arrière-plan. [en] ces tropiques molletonnés et torrides, le modèle tient à la main gauche un chapeau d’une taille disproportionnée ». Cette image « d’une tristesse sans borne » et « abandonnée de Dieu » ne peut fonctionner que comme une sorte de préfiguration a posteriori pour qui a lu Kafka, frappant ainsi le philosophe. Il s’agit bien d’un double biographème, à la fois kafkaïen et Benjamien, alors que les photographes « considérèrent que leur mission était plutôt de donner l’illusion de l’aura[9] ». Pourtant Kafka lui-même était plus que méfiant à l’égard de la photographie qui « concentre le regard sur le superficiel[10] ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Cette photo d’enfance, devenue kafkaïenne, n’est pas loin de la lecture de Roland Barthes, dans La Chambre claire, en 1980. Quand Walter Benjamin s’étonnait des yeux du futur Kafka, l’auteur de L’Empire des signes voyait « les yeux qui ont vu l’empereur ». Ne doutait-il pas pourtant pas que la photographie disposât d’un génie propre » ? Etait-ce l’amitié ou l’émotion suspensive de l’art qui lui avait fait choisir pour frontispice un « polaroïd » de Daniel Boudinet représentant l’ombre d’un rideau ?

      L’on se rappelle son « punctum », ce détail « qui me point » ; quant au « studium », il est de l’ordre de l’ « affect », du « goût » au sens culturel, où « rencontrer les intentions du photographe ». Or pour l’essayiste, la photographie « répète mécaniquement ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement ». Elle est donc inhérente au temps, ce qui la renvoie à ce qui, en tant que « studium », enchante l’essayiste : « des biographèmes » ; la Photographie a le même rapport à l’Histoire que le biographème à la biographie ». La fonction proustienne de la photographie consiste pour lui en ce qu’elle est liée à la mémoire ; en particulier ces modestes épreuves qu’il range après la mort de sa mère et où il la découvre avant qu’il puisse se souvenir d’elle. Là réside sa folie, « faisant revenir à la conscience amoureuse et effrayée la lettre même du Temps »…

      Cependant la proposition de Roland Barthes selon laquelle « la Photographie est contingence pure et ne peut être que cela (c’est toujours quelque chose qui est représenté)[11] », se révèle discutable : il suffit de lui trouver l’équivalent de la peinture abstraite, où plus rien n’est représenté, mais où seule la photographie donne à voir, comme avec Edward Weston et Minor White, qui, en prélevant un fragment de réel, effacent toute référence et tout souvenir pour faire advenir une disposition et une expressivité plastiques.

      Dans ses Conversations avec le temps, Denis Roche n’est pas si loin de Roland Barthes. « Je crois que la photo est empreinte de profondeur, et que cette profondeur est due à la rencontre du Temps et du Beau. Juste avant la prise photographique, c’est le Temps qui règne, juste après, c’est la Beauté qui a lieu. […] Enfin, je crois que raconter les circonstances qui précèdent l’acte photographique lui-même est précisément le seul commentaire esthétique réel qu’on puisse apporter à l’image qui suivra[12] ». Un biographème coïncide avec un lieu (un village du Frioul italien ou la proximité des pyramides d’Egypte), le temps du vécu avec l’espace du monde. Reste qu’il y a bien d’autres commentaires esthétiques à trouver leur nécessité que le seul biographème de l’auteur du cliché, voire sans nul doute une nécessité plus criante.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      En 1973, Susan Sontag pensait que la photographie est une consommation « proche du désir érotique », quoiqu’il demeure là insatisfait. Pire, pour elle « les images consomment la réalité ». Changeant le réel qui nous entoure, et nous-mêmes par la même occasion, en ombre, « les pouvoirs de la photographie ont eu pour effet, en quelque sorte de « dé-platoniser » notre conception de la réalité », alors que nombre d’amateurs et professionnels du XIX° siècle pensaient qu’il fallait idéaliser le monde et affirmer sa beauté. Cependant le réalisme inhérent au medium tendait à faire des choses et des êtres « des objets de mélancolie[13] ». S’agit-il là, face au visible périssable, de penser la photographie comme un concours de biographèmes révélant notre fugacité, ou comme une tentative de rédemption par la beauté de l’art…

      Une photographie peut-elle avoir une aura ? Si l’on suit Walter Benjamin, la réponse est négative ; toutefois l’on expose des tirages soignés, des tirages Fresson, par exemple, ils sont collectionnés, muséifiés. Si l’on permet à l’auteur de ces modestes lignes une expérience personnelle, la vision soudaine d’une photographie, un tirage original d’Ansel Adams, soit une lune au-dessus d’un désert (« Moonrise, Hernandez, New Mexico, 1941), pourtant déjà connue par des reproductions, par des livres souvent feuilletés, déclencha une émotion sans mélange, un trouble exalté devant l’évidence, non seulement de la beauté paysagère, mais de l’acte de beauté du photographe qui avait travaillé un bon nombre de décennies plus tôt - quoique l’on ne soit pas certain que l’expérience émotive et esthétique soit reproductible, ni possible parmi les nombreuses expositions photographiques. Une photographie exceptionnelle avait révélé la sureté de sa composition, son ambigüité entre ombre et lumière, son interrogation ontologique et métaphysique, sa dure pureté, son immobile grâce et son doux effroi, son « kalos kagathos » grec, soit le bel et bon…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      L’ouvrage de Michel Frizot concluait (ou presque) sur un chapitre intitulé « Formes du regard. Philosophie et photographie », sous les doigts judicieux d’Yves Michaud. Image réelle ou Image mentale, analogon ou artifice, « présence magique du disparu et de l’éloigné ou image aussi fabriquée et artificielle que les autres signes », la photographie oscille sans cesse sur la corde raide à l’instar de la tension entre biographème et œuvre d’art. Cependant seul le photographe un tant soit peu attentionné et nourri d’une certaine culture de l’image, y compris picturale, pourra dépasser le procédé mécanique de reproduction au service de sa liberté et de son invention. Au-delà de la conservation d’une icône du passé, la création photographique « rend visible des choses qui, autrement, seraient restées invisibles[14] ». Qui sait si la philosophie a suffisamment regardé et pensé ce qui aura bientôt deux siècles ? Nous ajouterons que, présidée par une conception formelle, la photographie rend grâce à une esthétique, voire à une dimension morale, selon les sujets choisis et surtout la façon de les construire et les illuminer.

      Reste à penser à la belle métaphore de Georges Didi-Huberman, dont il fait son titre : Phalènes. Essais sur l’apparition. Ces papillons nocturnes, qui viennent parfois se consumer sur une chandelle, suscitent chez le philosophe une réflexion poétique : « Savoir regarder une image, ce serait en quelque sorte, se rendre capable de discerner là où elle brûle, là où son éventuelle beauté réserve la place d’un signe secret, d’une crise non apaisée, d’un symptôme[15] »…

      Rosalind Krauss avance quant à elle qu’il est erroné de vouloir penser la photographie selon les critères historiques et taxinomiques qui ont cours pour la peinture, car l’univers de la première est celui de l’archive et non celui du musée. Elle note avec pertinence que Roland Barthes élimine de son sujet tout ce qui « permettrait de constituer la photographie en objet propre de son analyse. Elle n’est pas un objet esthétique ; ni un objet historique ; ni un objet sociologique ». Ce qui lui importe, c’est l’affect. Alors que pour Rosalind Krauss, le photographique est un « corpus delicti », à l’image du fétichisme surréalisme de Man Ray ou d’Hans Bellmer. Au-delà du réalisme attendu, il produit un « simulacre », tel que Platon le pense dans Le Sophiste, quoiqu’il puisse prétende à « l’innocence, la primauté et l’autonomie du « support » de l’image esthétique[16] ». À cet égard, Platon séparait dans « la production d’images […] deux genres : celui des copies et celui des illusions[17] ». L’illusoire corps du délit photographique peut cependant, répondrons-nous,  parvenir à statufier la présence de l’art, à force de soin, de penser et de regard.

 

      La nouvelle objectivité des années soixante aux années quatre-vingts préconisa un « photoréalisme », des images absolument neutres, des collections de faits, comme les châteaux d’eau gris de Bernd et Hilla Becher, qui se veulent une « typologie des constructions techniques ». Ce sont des images « essentiellement dénuées de qualité artistique », selon Ed Rusha. Comme le soumet l’analyse de Jean-François Chevrier et de James Lingwood, dans le catalogue de l’exposition Une autre objectivité, des photographes comme Patrick Tosani (qui aime présenter non sans beauté spectrale d’immense vues de creux de cuillères de métal), aiment à produire des « artifices » et « cherchent le point d’équilibre entre la prise du réel (par l’enregistrement) et la distance du tableau ». Car pour eux « la réalité est une chose introuvable, une fiction du XIX° siècle […] tout est théâtre et illusion […] l’objectivité n’est plus en soi un critère de vérité ». L’on passera sur la thèse un brin spécieuse pour préférer : « une image descriptive peut être considérée aujourd’hui comme une œuvre en soi, autonome et suffisante, à condition qu’elle résulte d’une démarche méthodique et spécifique ». C’est ainsi que ces photographes n’en cherchent pas moins une beauté, pas celle miraculeuse de la trouvaille, mais celle « élaborée, construite, concrètement, selon une procédure précise […] lucide[18] ».

      Il est alors évident que la question de « l’aura » de l’œuvre d’art selon Walter Benjamin est ici invalidée, comme celle de la noblesse de la beauté[19], devenue presque un tabou dans l’art contemporain[20], qui n’est peut-être en cela n’est plus art. S’agit-il, de la part de cette « autre objectivité » d’une réelle rigueur sans vanité devant le réel, ou d’une démission devant la responsabilité esthétique, voire morale de l’œuvre d’art ?

 

      Pour revenir à Walter Benjamin, ce dernier notait que Karl Blossfeldt, « avec ses étonnantes photographies de plantes, a ainsi fait apparaître les formes les plus anciennes de colonnes dans des prêles, le bâton d’évêque dans des fougères, des arbres totem dans des pousses de marronnier et d’érables agrandies dix fois[21] ». Soit le dépassement du modèle pour en extirper la magie d’une autre forme et des métaphores, donc l’œuvre d’art que peut être indubitablement la photographie, n’en déplaise à notre amateur de Baudelaire[22]. Il y a en effet, devant certaines images, archétypale ou novatrices, spirituellement et esthétiquement conçues, la nécessité induite d’un vouloir dire ce qui n’est pas déjà dans la forme, d’un arrangement compositionnel - éventuellement digne du nombre d’or- d’un cadrage, d’un angle et d’une lumière, d’une traque des sphères de la réalité autant que d’un saut platonicien, d’une contemplation devant la beauté enfin ; pour une paix intellectuelle et sensuelle, labile et nourrissante.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur la Nouvelle histoire de la photographie a été publiée

dans La République Internationale des Lettres, mars 1995.

 

 

[1] Naomi Rosenblum : Histoire mondiale de la photographie,  Abbeville Press, 1992.

[3] Photographies modernes et contemporaines. La Collection Neuflize Vie, Flammarion, 2007.

[4] André Gunthert et Michel Poivert : L’Art de la photographie, Citadelles & Mazenod, 2007. 

[5] Dominique de Font-Réaulx : Peinture et photographie. Les enjeux d’une rencontre, 1839-1914, Flammarion, 2020, p 6, 7.

[6] Théophile Gautier : L’Artiste, 8 mars 1857.

[8] Walter Benjamin : L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée, Ecrits français, Folio essais, 2003, p 179, 181, 190.

[9] Walter Benjamin : Petite histoire de la photographie, Petite bibliothèque Payot, 2019, p 25, 37, 38, 41.

[10] Gustav Janouch : Conversations avec Franz Kafka, Maurice Nadeau, 1998.

[11] Roland Barthes : La Chambre claire. Note sur la photographie, Œuvres complètes 3, 1994, p 1111, 1112, 1126, 1127, 1129, 1137, 1192.

[12] Denis Roche : Conversations avec le temps, Le Castor astral, 1985, p 46.

[13] Susan Sontag : La Photographie, Seuil, Fiction & Cie, 1979, p 196, 197, 63.

[14] Michel Frizot : Nouvelle histoire de la photographie, Bordas / Adam Biro, 1994, p 733-734, 736.

[15] Georges Didi-Huberman : Phalènes. Essais sur l’apparition, 2, Minuit, 2013, p 356.

[16] Rosalind Krauss : Le photographique. Pour une théorie des écarts, Macula, 1990, p 12, 164, 217, 222.

[17] Platon : Sophiste, 266 e, Œuvres complètes, Flammarion, 2008, p 1873. 

[18] Jean-François Chevrier et de James Lingwood : Une autre objectivité, Idea Books, 1989, p 10, 20, 28, 35, 37.

[21] Walter Benjamin : Petite histoire de la photographie, ibidem, p 26.

[22] Voir : L'hydre de Lerne du Baudelaire de Walter Benjamin

 

 

Photo : T. Guinhut.

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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 16:03

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Montagne Noire :

 

Journal de marche, photographies

 

et triptyques géographiques.

 

 

Thierry Guinhut : Montagne Noire,

 Presses du Languedoc, 1991, 98 p, 185 F.

 

 

 

 

 

          Entre Tarn et Aude, la Montagne Noire doit son nom à sa sombre couverture forestière. La beauté farouche et contrastée de ces versants atlantique et méditerranéen fascine et inquiète le voyageur qui, au hasard de sa promenade, découvrira des lieux tels que le Gouffre de Malamort, le bois du Trou Obscur, le Désert de Saint-Ferréol, la forêt de Crabemorte, l’Embut de Polyphème et autre moulin du Purgatoire…

        Thierry Guinhut, marcheur infatigable, nous révèle des itinéraires documentés et inédits à travers cette terre singulière où errance et contemplation favorisent le voyage initiatique. Ainsi se déploie sous nos yeux une montagne témoin et à l’écart du monde contemporain, une montagne métaphysique.

         L’auteur nous livre son journal de bord, proposant, grâce à des triptyques géographiques, une autre approche de l’espace, et une exploration en soixante-trois photographies en couleurs pour nous conduire sur les sentiers de la Montagne Noire et dans ses villes et villages découverts aux débouchés de routes solitaires. Ainsi s’ouvre une voie nouvelle de connaissance et de figuration du paysage. L’artiste ne prétend pas épuiser un espace, mais, à travers une marche-démarche, à travers un acte de regard contemporain, inviter le lecteur spectateur à initier sa propre aventure, nouvel accès à la Montagne Noire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Caunan-Engelis, Labruguière, Tarn.      Photos : T. Guinhut.      Forêt de Montaud, Labruguière, Tarn.

 

 

   Février 1990

            Bientôt j’en eus assez de broyer un beau noir sur mes palettes cartonnées…

          Pendant sept heures, des trains successifs, pluie battante, bruine, grand beau peu à peu, m’amenèrent au pied de la montagne, dans ces villes, Aussillon, Mazamet, où des réunions de travail me laissèrent tout juste le temps furtif de de lever les yeux au travers des fenêtres vers des fragments urbains  dominés par de hauts contreforts boisés gris-roux.

   8 février

          Aussillon-village. Sous un ciel semi-couvert à couvert (comme un crépuscule sombre à dix heures du matin) dans une étroite et courte vallée, une usine de délainage semble, malgré sa cheminée muette au-dessus des branches, encore en activité. Dans une lumière couleur d’ardoise, un relent putride et salé monte d’un tas de déchets de peaux de moutons délainées dont on distingue le souple pointu des oreilles.

         Montée sous les châtaigniers, les hêtres, les chatons de noisetiers balancés comme au mouvement du marcheur. Je pousse un cri dans la montagne… Un de ces coups de poumons qui mènent le marcheur jusqu’au col… Bougre ! la suée… Au-delà du lac des Montagnès, la masse étalée du Pic de Nore. Grise, violette, noir et vert-sapin. Menant au sommet, la nécessaire et logue ascèse de la montée par le noir des sapinières. Je veux savoir pourquoi la montagne est « noire », pourquoi au-dessus du noir le sommet…

Photo : T. Guinhut.

 

          Puis, par à-coups, en voiture, transporté en des endroits divers. Le Roc du Bougre (où de méchants bougres médiévaux guettaient, dit-on le voyageur) et ses jardinets de jonquilles au flanc des abrupts schisteux, la porte peinte aux couleurs vives du Cabardès derrière l’église de Miraval, le roulement sombre des boules de nuées sur glacis de gris au-dessus de la ruine et du cimetière de Saint-Julien. Derrière un tombeau de marbre, une montagne de non-paysage, la mastaba des débris de mine de Salsigne. Cuivre, arsenic, or surtout dont les réserves s’épuisent, semant chômage et inquiétudes dans l’économie locale. L’or sent ici le noir de la terre, les fissures enfouies, les bancs de quartz aveugles. Je serais assez fou pour aller perdre un moment de ma vie, sinon ma vie, à gratter entre mes ongles, remué par le roulement de camions, menacé d’ensevelissement sous un sale éboulement, un minable et introuvable déchet aurifère.

          Marchant sous Pradelles-Cabardès, la montagne avait la tête sous un sac pour assister au crépuscule. Buées charbonneuses et mobiles… Il allait se passer quelque chose… Foutre, voilà la lumière, m’écriai-je, avisant un torchon mal lavé de ciel bleu, aussitôt balayé sous le couvert d’une noire roustée passée à la montagne. Au sortir du hameau des Jouys, une lourde bruine nocturne se mit à graisser ce qu’il restait de la haute vallée de l’Arnette. Dans l’invisible, dans le noir enfin, j’atteignis l’hôtel du Pic de Nore.

 

Montagne-Noire-OK.jpg

 

   13 février

          Au matin, une pluie massive continuait à ennoyer la montagne… Hier, au plus haut de ma marche interrompue, il m’avait semblé voir quelques gouttes s’alléger, virevolter… Au Pic de Nore, en effet, il avait neigé en effet, me dit-on. Je montais en voiture, le long de l’Arnette furieuse et grosse, contournant par vallées et cols secondaires un arbre tombé au travers de la route, rêvant d’accéder au blanc pur du sommet, au-dessus d’une masse crachineuse tombée. Hélas, dans le gris court du brouillard, une mince couche ne faisait que mollir là-haut sous une pluie tiède, les troncs noirs de la hêtraie nord se tortillaient contre un blanc conspué de poussières d’écorces, troué de taches pluvieuses.

          Il ne me restait plus qu’à descendre en versant méditerranéen, espérer là-bas une accalmie des pluies, manger la soupe à l’auberge de Lastours, devant trois murs de cartes postales du monde entier, accumulées par dizaines au carré. Dehors, il pleuvait dru.

         Comment, être là, au pied des tours cathares tronquées par le devers de la paroi, par l’averse, et ne pas être touché par la lumière des Parfaits !

 

Saussenac, La Livinère, Hérault. Photo : T. Guinhut.

 

           Le repas achevé, je me décidai néanmoins. Je dus m’abriter un quart d’heure dans un renfoncement de quartz grisé avant de reprendre sous un indulgent crachin. Et, quittant la route, posant mes pas dans les gradins aigus et mal assurés de la garrigue calcaire, une accalmie se fit, une lueur s’ouvrit. Je vis défiler, de blocs d’ombre en rais de lumière, contre un ciel déchiré, les tours Quertigneux, Fleur d’Epine, Régine et Cabaret, sur leur étroit piton. Me hissant entre les ruines, j’étais fou de lumière, comme ici les Cathares avaient pu être fous de leur Dieu, brassant en tous sens mon appareil photo, captant, maladroit, une révélation de lumière, non pour me dissoudre en Dieu par elle, mais pour me construire et m’élever en forme et en espace, ce dont l’image ne serait qu’un mince témoignage et la voie dynamique. Air et lumière, un tel vent pour me soulever, m’emporter le long de l’aspiration vers le haut impulsée par les tours, me souffler vers une  crête, un ciel autre…

          Puis, quelque chose se ferma dans la montagne, un capuchon de pluie couvrit la lumière ; je marchais vers Les-Ilhes sous un glauque après-midi, regagnant Mazamet nord et noir…

        En nuit, je songeais à ces Cathares intolérés, rasés au XIIIème siècle de la surface du Languedoc pour avoir aspiré à un Dieu parfait à leur gré. Mais comme ces « Parfaits », vêtus de noir, marcheurs eux aussi, trop « parfaits » pour supporter ce qu’autre ils nommeraient « imperfection », comme ces « hérétiques » sonnent comme « fanatiques »… Comme ma perfection, du moins ces essais dans le voir et le faire, qui n’est ni déiste, ni dualiste en séparant si arbitrairement le monde en bien et en mal, ni méprisante du corps et de ses œuvres terrestres, qu’ils auraient imputés au diable, leur semblerait impure ! J’aime ici l’alternance et le mêlé indémêlable du noir et du blanc ; et même si, non sans humanisme, je ne suis certes pas thuriféraire du mal, bien malin qui saura séparer le blanc du noir. Une Montagne Noire passée toute entière au blanc -au-delà même de l’enneigement, car il resterait l’ombre- serait mort des couleurs, disparition, hors-être…

 

 

Photo : T. Guinhut.

 

   8 avril

       Depuis Labastide-Rouairoux, ses fabriques et filatures dominées par le premier vert tendre des châtaigniers, j’abordais la frange est de la Montagne Noire. Aux Verreries-de-Moussans dont le nom dit l’activité des verriers jusqu’au XVIIIème siècle, au-dessus d’une maison peinte en rouge-vif, bleu-roi et safran, le ciel écharpe ses dernières vapeurs matinales. Passage en versant méditerranéen au col de Serrières, cerisiers en fleurs et chênes verts dans la descente. Soudain, une image de terroir convenue : un berger et ses moutons auprès d’une chapelle à crépi rose à Cassagnoles. C’était pourtant là, comme par miracle, ou comme arrangé d’avance pour l’image et le symbole. Symbole usé cependant, le berger menant son troupeau vers l’église-mère, derrière les vignes du Seigneur, vie impensable aujourd’hui, fausse Arcadie où ce berger aussi était, bouffant des châtaignes trois cent-soixante jours l’an.

Photo : T. Guinhut.

 

          Sur les fondations arasées d’un rocher ocre, une garrigue éclatante de soleil, lavandes et genets en fleurs à Saint-Julien-des-Molières, puis un vignoble épousant les formes possibles entre les rocs calcaires à Saussenac. Je me défaisais de toute pensée, tout entier usurpé par cette fête du regard, la lumière seule dépliait, révélait le paysage entier, je ne savais que voir, m’étourdir, me cantonner et me dire avec le voir, dire par le cadre justement parfait de ma photographie, étonnement et jubilation de voir, voir jusqu’à la vision, jusqu’à je suis la forme qui est là, que je découpe et dispose là… Un instant, je suis en moi cet équilibre et cette beauté auxquels le paysage et mon geste de vision m’ont permis de parvenir. Face et versant or méditerranéen après le noir et vert du nord atlantique, fragments encore des bonheurs visibles du paysage, parce que conservé-délaissé, paysage-musée peut-être… Paysage que je construisais par la photographie, image artificielle, par la rigueur, l’équilibre et la complétude de ses éléments.

         À Notre-Dame-du-Cros, je m’insinue dans un canyon miniature et retiré, intouché du monde, marbre buriné, gouge et ciseau des eaux, poli jusqu’à ses veines roses. Plus haut, un coin de roc gris-bleu pris dans la mortaise des parois, ferme le ruisseau asséché. Dans le même marbre, taillé en obélisque sur la place de Caunes-Minervois, une phrase, incisée au-dessus d’une bouche à eau, dit combien le temps s’enfuit. Combien en Montagne Noire le paysage est prodigue en inscriptions, nominations, injonctions humaines et métaphysiques…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

Photo : T. Guinhut.

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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 12:58

 

Marais de Basse-Lasse, Loix-en-Ré. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Thierry Guinhut

 

Ré une île en paradis,

 

essai et photographies.

 

Editions Patrimoines & médias, 1995,

140 p, 158 photographies couleur.

 

 

 

 

 

 

        Merveilleux abécédaire photographique, cet album déploie d'est en ouest une découverte jamais vue de l'île de Ré. Parmi les dix communes rétaises, lumières et couleurs, rumeurs d'arrière-saisons, quotidien des "paysans de la mer", vignes et architectures, marais et Fier d'Ars, falaises et dunes, pins maritimes et chênes verts alternent pour notre plus grand plaisir dans une quête du réel autant que de la beauté. Dans son texte, tour à tour lyrique et abondamment documenté, l'auteur interroge l'identité de cette utopie du tourisme, en convoquant mythes, histoire et mode de vie locale. Lucide, mais sans polémique, il pointe également les enjeux économiques et écologiques de la sauvegarde du paradis rétais.

 

 

Plage des Gollandières, Le Bois-plage-en-Ré. Photo : T. Guinhut.

 

 

Anse du Martray, La Couarde-sur-mer. Photo : T. Guinhut.

 

 

Marais des Habitants, Ars-en-Ré. Photo : T. Guinhut.

 

 

Banches des Radias, Ars-en-Ré. Photo : T. Guinhut.

 

 

Les Portes-en-Ré. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

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Ré Rivedoux

 

 

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Marais de Basse-Lasse, Loix-en-Ré. Photo : T. Guinhut.

 

Ce volume, ayant vu son tirage de 4000 exemplaires épuisé, est à la disposition d'un éditeur qui souhaiterait en publier une version augmentée, améliorée et réactualisée.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

IMG 0414

 

Thierry Guinhut : Ré une île en paradis.

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 13:03

Marais d'Arçais, Deux-Sèvres. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Le Marais poitevin,

 

De Niort à l'Océan par la Venise verte ;

 

récit et photographie.

 

 

 

 

 

           " Jardin levé des eaux ", le Marais poitevin a suscité d'innombrables ouvrages célébrant cette Babylone de nature simple. Thierry Guinhut a repris le rameau d'or du marcheur et taille dans ce bel album la route d'une redécouverte de la Venise verte, de Niort à l'océan. Pas à pas, au gré des jours et des saisons, l'auteur a su capter la vie secrète et subtilement changeante de la coulée qui, lentement, s'avance vers la mer. Mais aussi les ports, villages, passerelles, rigoles, barrages, écluses, routes communales, marais, étangs et salines qui la bordent. Dans cet abécédaire photographique, nulle présence humaine, simplement les traces de ceux qui ont créé et qui font vivre cet inextricable réseau aquatique. Dans le récit, nous emboîtons les pas de l'auteur pour une vaste randonnée à la recherche d'un paradis aujourd'hui trop compromis. Lucide et juste, Thierry Guinhut pointe aussi les enjeux économiques et écologiques de sa sauvegarde.

Duculot, 1991,

Réedition La Renaissance du Livre, 1998,

112 p, 120 photographies.

 

 

 

 

Estuaire du Lay, L'Aiguillon-sur-mer, Vendée. Photo : T. Guinhut.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 12:45

 

Pics d'Astazou et Marboré, Gavarnie, Hautes-Pyrénées. Photo :  T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

 

Au cœur des Pyrénées,

 

Entre Anie et Aneto :

 

Béarn, Bigorre, Luchonnais, Haut-Aragon.

 

 

 

 

 

          Pas moins de seize semaines de marche, à toutes saisons, ont été nécessaires à Thierry Guinhut pour réaliser cet ouvrage, entre les pics d'Anie et d'Aneto. Sentiers de Grande Randonnée, Haute Route Pyrénéenne, mais aussi hors-itinéraires capricieux et inédits, en font en une invitation à la découverte entre Lourdes et Huesca, une encyclopédie des formes et des couleurs parmi les deux versants, français et espagnols. Géologie, histoire, enjeux économiques et écologiques animent le récit d'une découverte patiente et passionnée. Ce sont des traversées souvent solitaires, des cabanes et des refuges, des rencontres chaleureuses, mais aussi une réflexion sur la photographie de paysage. Béarn, Bigorre et Luchonnais, verts et nuageux, contrastent violemment avec l'Aragon des plus hauts sommets et des sierras extérieures, sèches et lumineuses. Influences atlantiques et méditerranéennes, vestiges romains et églises romanes, empreintes du paysan et du berger sur les terroirs ont modelé des paysages d'une étonnante diversité. De cols en canyons, de prairies en glaciers, de villages en piémonts, de crêtes en falaises - granit, calcaires et poudingues - le photographe sculpte les beautés autant que la fragilité des espaces montagnards, la fugacité des phénomènes atmosphériques et des lumières.

La Renaissance du Livre, 1999,

124 p, 140 photographies.

 

 

Pic d'Anie, Lescun, Vallée d'Aspe. Photo :  T. Guinhut.

 

 

Cuyalar du Boué et Pic de Sesques, Vallée d'Aspe. Photo :  T. Guinhut.

 

 

Vallée de Lesponne et Pic du Midi de Bigorre, Hautes-Pyrénées. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Mallos de Riglos, Huesca, Alto Aragon. Photo :  T. Guinhut.

 

 

Rio Vero, Sierra de Guara. Photo :  T. Guinhut.

 

 

Cirque de Troumouse, Gèdre, Haute-Pyrénées. Photo :  T. Guinhut.

 

 

Pic du Midi d'Ossau et lac d'Ayous. Photo :  T. Guinhut.

 

 

Aguja de la Paul, Posets. Photo :  T. Guinhut.

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 12:36

 

Thierry Guinhut : Haut-Languedoc. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Haut-Languedoc :

 

Sidobre, Montagne noire, Lacaune, Somail,

 

Caroux-Espinouse, Jaur et Orb, Minervois, Faugérois.

 

 

 

  Textes et 150 photographies par Thierry Guinhut,

 

La Renaissance du Livre, 124 p, 2000.

 

 

 

 

 

 

          A mi-chemin de Toulouse et de Montpellier, dans le Tarn et l'Hérault, une fabuleuse mosaïque de terroirs chevauche les versants atlantiques et méditerranéens. Ce sont les hauteurs du Parc naturel régional du Haut-Languedoc, balcon méridional du Massif Central. Aux portes de Castres, chaos granitiques et carrières parsèment le Sidobre. Echancrés de vallées et de lacs, les monts boisés de Lacaune cachent d'étonnants statue-menhirs. Comme la Montagne noire où jaillissent les ruines de l'époque cathare et les cheminées de brique des industries du délainage, la crête du Somail et le sauvage massif de l'Espinouse séparent des versants climatiques contrastés. Aux portes de Béziers, au-dessus de la vallée d'Orb ponctuée de clairs villages perchés, le Caroux "montagne de lumière", élève de surprenantes aiguilles entaillées par les gorges d'Héric et jouit d'une solide réputation auprès des marcheurs passionnés de roches secrètes, de vastes panoramas. Marqués par le thermalisme, les monts de l'Orb couverts de chênes verts et de châtaigniers se souviennent de l'exploitation de leurs houillères, aujourd'hui abandonnées. Les vignes du Saint-Chinianais et du Faugérois s'adossent aux Avant-Monts, tandis que les causses du Minervois s'ornent de la cité légendaire du catharisme.

          Dix semaines de marche, trois semaines de pérégrinations parmi les 93 communes fédérées, le contact avec les habitants et les acteurs du Parc ont permis à l'écrivain photographe Thierry Guinhut, après le Marais poitevin, l'île de Ré et les Pyrénées, de dresser ce portrait si divers du Haut-Languedoc. Ouvrage documentaire, inventoriant le patrimoine paysager, l'architecture religieuse et vernaculaire, en cent quatre-vingts photographies, c'est aussi le récit d'une traversée, la quête plasticienne des formes et des couleurs, la mémoire et le souci d'une beauté à construire parmi des terroirs aux identités marquées et cependant fragiles.

 

Haut-Languedoc-4-couv.jpg

 

 

Roc de Ruscayrolles, Saint-Salvy-de-la-Balme, Tarn.

Photo : T. Guinhut.

 

 

Statue-menhir mégalithique, Murat-sur-Vèbre, Monts de Lacaune, Tarn.

Photo : T. Guinhut.

 

 

Gorges de Coupiat, Minerve, Hérault.

Photo : T. Guinhut.

 

 

Châteaux cathares de Lastours, Aude.

Photo : T. Guinhut.

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  • : thierry-guinhut-litteratures.com
  • : Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.
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Cartographie

Atlas des mondes réels et imaginaires

 

 

 

 

 

 

 

Casanova

Icosameron et Histoire de ma vie

 

 

 

 

 

 

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La Répétition, Les Luminaires

 

 

 

 

 

 

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Les Géants imbéciles et autres Idiots

 

 

 

 

 

 

 

Celan

Paul Celan minotaure de la poésie

Celan et Bachmann : Lettres amoureuses

 

 

 

 

 

 

Céline

Voyage au bout des pamphlets antisémites

Guerre : l'expressionnisme vainqueur

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

 

Censure et autodafé

Requiem pour la liberté d’expression : entre Milton et Darnton, Charlie et Zemmour

Livres censurés et colères morales

Incendie des livres et des bibliothèques : Polastron, Baez, Steiner, Canetti, Bradbury

Totalitarisme et Renseignement

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Cervantès

Don Quichotte peint par Gérard Garouste

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Cheng

Francois Cheng, Longue route et poésie

 

 

 

 

 

 

Chesterton

William Blake ou l'infini

Le fantaisiste du roman policier catholique

 

Chevalier

La Dernière fugitive, À l'orée du verger

Le Nouveau, rééecriture d'Othello

Chevalier-la-derniere-fugitive

 

Chine

Chen Ming : Les Nuages noirs de Mao

Du Gène du garde rouge aux Confessions d'un traître à la patrie

Anthologie de la poésie chinoise en Pléiade

 

 

 

 

 

 

Civilisation

Petit précis de civilisations comparées

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

 

 

 

 

 

 

 

Climat

Histoire du climat et idéologie écologiste

Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

Coe

Peines politiques anglaises perdues

 

 

 

 

 

 

 

Colonialisme

De Bartolomé de Las Casas à Jules Verne

Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

Histoire amérindienne

 

 

 

 

 

 

Communisme

"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

Constant Benjamin

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Corbin

Fraicheur de l'herbe et de la pluie

Histoire du silence et des odeurs

Histoire du repos, lenteur, loisir, paresse

 

 

 

 

 

 

 

Cosmos

Cosmos de littérature, de science, d'art et de philosophie

 

 

 

 

 

 

Couleurs
Couleurs de l'Occident : Fischer, Alberti

Couleurs, cochenille, rayures : Pastoureau

Nuanciers de la rose et du rose

Profondeurs, lumières du noir et du blanc

Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


Crime et délinquance

Jonas T. Bengtsson et Jack Black

 

 

 

 

 

 

 

Cronenberg

Science-fiction biotechnologique : de Consumés à Existenz

 

 

 

 

 

 

 

Dandysme

Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Erasme, Manuzio : Adages et humanisme

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon