Monte Pelmo, Forno di Zoldo, Veneto. Photo : T. Guinhut.
Montagne et utopie
par René Daumal, Delphine Moraldo
& Pascal Bruckner ;
du Mont Analogue à L’Esprit de l’alpinisme.
Les Monts Analogues de René Daumal,
Gallimard, 2021, 232 p, 35 €.
Delphine Moraldo :
L’Esprit de l’alpinisme. Une sociologie de l’excellence au XIX° au XXI° siècle,
ENS éditions, 2021, 372 p, 26 €.
Pascal Bruckner : Dans l’amitié d’une montagne. Petit traité d’élévation,
Grasset, 2022, 192 p, 18 €.
Qu’il s’agisse de Mont Blancjardin féérique de Gaston Rébuffat[1], ou de la dramatique Ascension de Ludwig Hohl[2] dans les Alpes suisses, les récits de conquête des sommets sont innombrables. Mais peu sont ceux qui associent à ce point l’alpinisme sportif et la dimension intérieure, comme le laisse entendre Le Mont Analogue. Certes nous connaissions cet étrange récit de René Daumal (1908-1944), paru en 1952 de manière posthume, mais le voici dans une remarquable édition qui en multiplie les perspectives, sous le titre de Les Monts Analogues de René Daumal. Si le lointain spéculatif de cette montagne îlienne est celui de l’utopie, il est également de l’ordre de L’Esprit de l’alpinisme, selon le titre de Delphine Moraldo, soit un sport d’excellence dont l’éthique tente d’échapper à l’évolution des mœurs. Même un brin satirique, la montée vers l’altitude reste encore avec Pascal Bruckner celle spirituelle.
Le narrateur de René Daumal est un jeune alpiniste qui, avec le concours du professeur Pierre Sogol (l’anagramme de logos), est convaincu qu’un sommet inconnu, à cause d’une « courbure de l’espace », les attend. Lors du premier rendez-vous, dont il faut rejoindre l’étage grâce à de précises techniques d’escalades, l’on découvre un atelier avec « un chemin de pierrailles », entouré de pancartes figurant « une véritable encyclopédie de ce qu’on appelle les connaissances humaines ». Sans compter l’étrangeté du passé de Sogol, qui vécut dans un monastère « pour le moins hérétique », où sévissaient le jeu du « Tentateur » et « le mol oreiller du doute ». Le projet d’expédition entraîne un groupe d’excentriques cultivés, douze montagnards plus ou moins experts, peintres et poètes à demi-physiciens et philosophes, qui se réduiront bientôt à huit, en de féconds conciliabules, voire des dialogues philosophiques audacieux.
À la suite de scrupuleux préparatifs, la quête initiatique conduit le yacht « L’Impossible » depuis La Rochelle vers le Pacifique sud et aux abords d’une « montagne beaucoup plus haute que l’Everest », que nos voyageurs ont appelé « le Mont analogue ». Bien malin qui saurait dire s’il s’agit, en ce roman fantastique, d’un avatar des voyages d’exploration du XIX° siècle, ou d’une quatrième dimension à la lisière des Aventures d’Arthur Gordon Pym d’Edgar Allan Poe et de la science-fiction, tant il s’agit d’une « coque d’espace courbe ». Ne restera plus qu’à atteindre le point où le soleil levant ou couchant pourra « décourber l’espace », sésame ouvrant l’accès au lieu tant désiré. Il ne faut pas instant douter que l’analogie est celle qui circule du physique au spirituel : « Son sommet unique touche au monde de l’éternité, et sa base se ramifie en contreforts multiples dans le monde des mortels ». En conséquence, il ne manque plus à ces derniers que d’accéder aux lumières ultimes de la métaphysique.
Une fois amarré à « Port-des-Singes », nos explorateurs abordent un pays où toute autorité est exercée par les guides de montagnes », où le « péradam », un cristal encore une fois « courbe », est « le gage de toute monnaie ». Et, chance rare, Pierre à le bonheur d’en ramasser un dans le sable !
La longue ascension commence, bientôt en vue des langues glaciaires, croisant un « troupeau de licornes », quoique toute chasse soit taboue, ce que confirme le récit du « rat de roche », dont l’assassinat cause un grave déséquilibre écologique… C’est ainsi qu’abruptement s’achève le chapitre cinq. L’on ne pourra nous reprocher de divulgâcher une fin qui n’existe pas !
Puisqu’il s’agit d’une île, jusque-là insoupçonnée, mais à la taille d’un continent disposant de plusieurs climats, elle n’est pas sans rappeler celle du fondateur du genre utopique au XVI° siècle : Thomas More[3]. Sauf qu’au lieu de se contenter d’un seul mode d’existence, chaque colonie vit dans une façon d’utopie redevable de la contrée d’origine de ses habitants.
Resté inachevé, à cause de la mort à 36 ans, des suites de la tuberculose, le roman d’aventure est ponctué d’histoires emboitées, comme celle des « hommes-creux et de la Rose-amère » ou le mythe de « la Sphère et le Tétraèdre » qu’il faut entendre comme « l’Homme primordial » et la « Plante primordiale. De plus irrigué par une mystique venue d’Inde et de l’enseignement de Gurdjieff, le presque poème en prose et dialogue philosophique un brin loufoque laisse le lecteur rêver son propre sommet. N’aimerions-nous pas nous glisser parmi les ascensionnistes et découvrir avec eux ce prometteur non-dit ? « Roman d’aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentique », selon son sous-titre, Le Mont Analogue, si bellement écrit, est un roman de crête ; entre péripéties allègres et géographie imaginaire, entre dépassement utopique et réalisation initiatique…
Publié à l’occasion d’une exposition au Fonds Régional d’Art Contemporain de Reims, ce beau livre sous la direction de Boris Bergmann est enrichi de documents d’archives, d’éditions originales et d’inédits de notre membre du Grand Jeu, mais aussi d’œuvres d’artistes que cette montagne fabuleuse inspire : photographies, peintures et dessins. Un tel récit, entre surréalisme et métaphysique, eut un succès inattendu aux Etats-Unis, où la génération de City Lights et de la contre-culture des années soixante le vénéra, ce qui explique la préface d’une enthousiaste de toujours : Patti Smith. N’oublions pas, de plus, le cinéaste Alejandro Jodorowski, dont le film, La Montagne sacrée, en 1973, se voulut une libre adaptation du Mont Analogue…
Outre ce sommet romanesque au cône tronqué par l’inachèvement, René Daumal, pataphysicien et membre fondateur de la revue Le Grand Jeu, avait écrit de curieux textes. Il qualifia son premier recueil de poèmes, Le Contre-ciel[4], paru en 1936, de « productions lyricoïdes d’adolescences ». La Grande beuverie[5], en 1939, est un roman réunissant quelques bavards avinés, devisant du langage et des paradis artificiels, « voyageurs imaginaires en quête de leur déesse Sophie ». En 1978, Mugle[6], une publication posthume venue de l’année 1926, apparait comme une étrange confession et une description d’un combat. Mais à ce Mont Analogue, l’on pourrait subodorer une filiation avec Erewhon (1872) de l’Anglais Samuel Butler[7], qui en cet anagramme de « nowhere », emmena son voyageur « de l’autre côté des montagnes ». Dans cette utopie située quelque part au-delà de la Nouvelle Zélande, considérée comme une satire de l’Angleterre victorienne, les machines disposent d’intelligence et de conscience...
Ghiacciao del Cevedale, Martello, Alto Adige, Südtirol.
Photo : T. Guinhut.
Notre poète et romancier ne pratiquait pas seulement l’ascension fictionnelle et intérieure, il chaussait volontiers les croquenots du montagnard, et, passionnément, parcourait les Alpes, par exemple du côté des Ecrins, de la Meije et du Glacier Blanc (où il a d’ailleurs en juillet 1939 commencé d’écrire Le Mont Analogue), les Pyrénées, entre le Vignemale et la Brèche de Roland, autour du cirque de Gavarnie.
Aussi probablement René Daumal aurait-il souscrit à L’Esprit de l’alpinisme, sport élitiste et d’excellence dont Delphine Moraldo décline le récit et l’analyse, moins des conquêtes d’altitude que des mœurs. Car l’alpinisme a une Histoire, fort récente. Seul, au Moyen-Âge, l’humaniste Pétrarque a cru bon de s’élever au sommet du Mont Ventoux[8]. Et il faut attendre la fin du XVIII° siècle pour que le Mont Blanc soit conquis, pour que Jean-Jacques Rousseau fasse en 1761 l’éloge de la montagne du Jura suisse et de sa vue sur les Alpes dans La Nouvelle Héloïse : « Après m’être promené dans les nuages, j’atteignais un séjour plus serein, d’où l’on voit dans la saison se former le tonnerre et les orages se former au-dessous de soi […] sur les hautes montagnes, où l’air est pur et subtil, on se sent plus de facilité dans la respiration, plus de légèreté dans le corps, plus de sérénité dans l’esprit[9] ». C’est à la jonction des Lumières et du romantisme que l’on tient à faire l’ascension des hauteurs terrestres, dans l’intérêt de la connaissance et des émotions fournies par le sublime, depuis Edmund Burke qui en 1757 publie sa Recherche philosophique sur nos idées du sublime et du beau[10], en passant par le poème de Percy Bysshe Shelley : Mont-Blanc (1817) : « Loin, loin au-dessus, perçant l’infini du ciel, / Le mont Blanc apparait, - calme, enneigé, serein - / Ses montagnes vassales, formes surnaturelles, / Entassent tout autour glace et roc ; des vallées / Les séparent, des coulées d’eaux gelées, des abîmes / Insondables, bleus comme le ciel au-dessus d’eux, / Qui serpentent parmi ces multiples à-pics[11] ». Et si la nature sauvage attire tant, note Delphine Moraldo, c’est parce que le Royaume Uni est le premier pays à être touché par son repoussoir : la Révolution industrielle.
Les touristes anglais, à partir de la fin du XVIII° siècle, affluent à Chamonix et Zermatt, auprès des pics et des glaciers, ou parmi les plus modestes massifs de Grande-Bretagne. Bientôt le voyage à pied devient alpinisme, dès que s’organise et se met en scène la passion pour les crêtes, les parois, les pentes et les étendues glaciaires. Jusqu’aux alpinistes les plus audacieux d’aujourd’hui, usant d’équipements inconnus au siècle des romantiques. Ainsi L’Esprit de l’alpinisme, déploie, selon son sous-titre, « une sociologie de l’excellence du XIX° au XXI° siècle ». Car ce sont d’abord des aristocrates, des grandd bourgeois qui succombent à l’attrait des montagnes européennes, puis mondiales.
Or les alpinistes sont en majorité des hommes, qui plus est, des hommes longtemps issus des élites sociales. Leur élitisme est aussi celui de la pureté de l’exploit, allant jusqu’à refuser l’oxygène artificiel alors qu’ils gravissant des sommets himalayens, jusqu’à risquer sans cesse leur vie à l’occasion d’ascensions inédites et de plus en plus osées.
Malgré ce qui peut apparaître comme une « école de virilité », ce sont pourtant également des femmes, telle Elizabeth Aubrey Le Blond (1861-1934) qui publia son autobiographie, et dont le « teint hâlé scandalisa tout Londres ». Elles aussi deviennent des alpinistes aguerries. À l’instar de Catherine Destivelle qui parvint au sommet de la réputation alpine en réalisant dans les années 1990 des ascensions en solitaire dans l’Eiger, le Cervin…
L’alpinisme de haut niveau, cette fabrique de héros, fascine : c’est une pratique grande et noble, une vocation, « qu’on ne saurait assimiler à un simple sport », voire un sacrifice de soi, sinon une discipline sacrée, interdite au profane, s’approchant donc de l’art, un autre moyen de s’approprier la chose en tant qu’art étant l’écriture, de récits, d’autobiographies. Au-delà de « l’exercice physique et gymnique », l’on ne peut ignorer l’aventure exploratoire et cultivée, « la raison et l’imagination », selon les mots de Sir Martin Conway. Tout ceci implique un sens de l’honneur de la probité, en un mot une éthique redoutable, sans l’ombre d’une tricherie, un esprit de corps entre partenaires, entre guides et clients, car vaincre un sommet, surtout en condition hivernale, exige une pureté du corps et de l’âme. Cet esprit de l’alpinisme est un gage d’excellence. Surtout si, à l’instar du puriste, l’on refuse crampons, échelles et pitons, « un attirail de vulgaire gymnastique » selon Henry Cordier.
Mais un tel esprit s’inscrit selon notre historienne et sociologue dans des hiérarchies et des rapports de domination de classe et de sexe (plutôt que de « genre », puisque c’est de ce mot que l’on use ici avec un rien d’abus et d’effet de mode). L’on distingue en effet, avec un tantinet d’orgueil, les élites des masses, les alpinistes des guides, les hommes des femmes, l’ascensionniste du touriste, non sans mépris. Parfois même la gratuité du noble art allait jusqu’à considérer l’alpinisme professionnel comme « une prostitution honorable », ainsi que le pensait Lionel Terray. Certes la diffusion, la démocratisation et la féminisation de l’alpinisme ont suivi l’évolution des mœurs, au point qu’il ne s’agisse aujourd’hui plus guère de « distinction sociale », sauf dans le cas du coût exorbitant des expéditions lointaines vers les cimes du Groenland ou de la Patagonie ; mais il demeure une trace pérenne de ce qui fut codifié il y a plus de cent cinquante ans par une petite élite masculine britannique. Quoique s’il se « sportivise », peut-être risque-t-il, à ses dépens de perdre le meilleur de cet « esprit »…
L’ouvrage de Delphine Moraldo, s’il parait de prime abord destiné à des spécialistes, à des afficionados de l’alpinisme et des universitaires pointus, se lit en fait avec aisance. Il progresse en toute rigueur, s’appuyant sur une documentation précise et abondante, une bibliothèque admirablement réunie, des anecdotes sur des personnalités paradoxales et des aventures exceptionnelles, embrassant plus de deux siècles, depuis les gentlemen anglais et « les structures fondamentales du pouvoir », voire jusqu’à la prétention à un « esprit supérieur » que n’eût pas démenti Nietzsche. Il établit de surcroit - on l’espère sans anticapitalisme - une filiation entre cet « esprit » et « l’esprit du capitalisme », selon la formule de Max Weber[12]. La hiérarchisation entre la haute montagne et la basse plaine est aussi sociale.
Affirmant que l’alpinisme, roi des montagnes, est aussi le « roi des sports », l’essayiste, qui s’appuie sur de nombreuses autobiographies, n’oublie ni les alpinistes, ni les poètes (Lord Byron, Samuel Taylor Coleridge), ni les philosophes, historiens et sociologues (Jeremy Bentham, Pierre Bourdieu, Françoise Héritier, Paul Veyne, Max Weber), ce dont témoignent une bibliographie et des index bien utiles.
Essayiste surtout, romancier également, Pascal Bruckner[13] confie à son lecteur combien il vit Dans l’amitié d’une montagne. Son « Petit traité d’élévation », pour reprendre le sous-titre à la lisière de l’oxymore, est d’abord autobiographique. En effet, dès sapremière année, il fut envoyé en Autriche pour soigner un début de tuberculose. Une telle initiation précoce l’a marqué durablement : « Je suis né dans la montagne et je n’ai pas passé une seule année de ma vie sans y aller, été comme hiver ».Ce retour récurrent vers une enfance de neige, ce « cadeau des dieux », permet de renouer avec le meilleur de sa jeunesse, mais également de transmettre cet amour alpin à sa fille. Sa fascination n’a eu de cesse de le dynamiser, tant les montagnes sont l’espace de l’élévation et de l’allègement,au contraire des villes affairées et dénaturées. Ainsi associe-t-il le lyrisme et l’effroi en évoquant les glaciers et les chalets, en faisant l’éloge des vaches et de la Suisse, en exaltant « la forme minérale de la transcendance »…
Mais en narrant des souvenirs, des anecdotes recueillies au cours de maintes et régulières randonnées et ascensions, avec des imprudents et des inconscients qui menacent leur vie et celles d’autrui, l’humour n’est pas absent, à l’occasion du « matamore de la verticale », des « adeptes du piolet phallique », ou se moquant de la surenchère : « Tous collectionnent les pics et les faces comme un maréchal soviétique les médailles sur son torse ». Et de se rire du « néo-bouddhisme mâtiné d’écologie », de faire la satire du « néosauvagisme » qui ramène les loups par les montagnes au détriment des bergers, des « végans prosélytes » qui voudraient rééduquer les carnivores en les contraignant à se nourrir de légumes…
Le tropisme de l’essai permet à ce livre une dimension autant attachante que didactique. La montagne et ses « touristes » sont le symptôme de l’évolution des mœurs, du romantisme à la démocratisation. Viennent des réflexions sur cette particulière amitié qui lie les ascensionnistes d’une cordée, d’une course. Il y a paradoxe lorsque la douleur de l’effort, la peine de l’escalade deviennent une jouissance une fois au sommet, y compris lorsque la descente fatigue les genoux. Ce « marcheur qui musarde sur les sommets » est un Sisyphe « dans la conversion de l’adversité en joie ». La pratique montagnarde de Pascal Bruckner reste cependant modeste : « À la morale de la prouesse, je préfère une sagesse du possible ». Ce au rebours des alpinistes célèbres, ces « princes de l’altitude », qui ne cessent de se jalouser. Reste à protéger le « romantisme de la solitude » contre l’enlaidissement des montagnes, l’envahissement grégaire. Il faudrait alors « en restreindre l’approche par la délivrance de permis », adouber la « personnalité juridique » d’un glacier et légiférer contre le « crime esthétique » : sages idées ou barrage à la liberté ?
Pourquoi pense-t-on qu’une métaphysique de l’absolu est là-haut tangible ? En quoi cet effort défie-t-il le temps, la vieillesse en route et le danger, de façon à trouver une sorte d’illumination, une sérénité en tous cas ? Il est possible qu’en nos temps post-héroïques, une trace de l’héroïsme de nos pères, voire du surhomme nietzschéen, puisse animer l’alpiniste et le marcheur au long cours…
Joliment illustrée par une crête neigeuse du peintre Samivel, la couverture invite les pas à mentalement danser : ce que réussit Pascal Brukner en son essai, où l’on ne s’ennuie jamais. Car s’il est surtout narratif et documenté, c’est sans ostentation qu’il instille une pensée philosophique, parfois proche de l’aphorisme, en cet espace « qui appartient déjà au cosmos ».
Sport certes, l’alpinisme, dont l'esprit a quelque chose d'une utopie, a peu ou prou la chance d’échapper à la dimension spectaculaire des médias, même s’il existe des compétitions d’escalade, d’échapper à ce que nous avons appelé la vulgarité sportive[14], même si l’on croise sur les sentiers, parmi les parois et les glaces, de louches individus obnubilés par la performance, le chronomètre et l’altimètre, par le narcissisme et l’exhibitionnisme enfin. N’ont-ils jamais connu la contemplation, l’altitude de la pensée, tout ce dont n’a pas démérité notre cher René Daumal, dont la trop brève existence nous fait regretter tous les monts qu’il n’a pu gravir ? Sans compter l’auteur de Zarathoustra[15], qui vit éclore les versets de ses fulgurances philosophiques parmi l’air pur de la Haute Engadine.
:
Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.