Petz, Scilliar Catinaccio, Schlern Rosengarten, Trentino Alto-Adige, Südtirol.
Photo : T. Guinhut.
Monstrum œcologicum.
Raisons et déraisons écologistes,
entre éolien et nucléaire.
Avec le concours de Ferghane Azihari, Marc Lomazi,
Pascal Perri, Fabien Bouglé, Timothy Morton.
Ferghane Azihari : Les Ecologistes contre la modernité,
La Cité, 2021, 240 p, 18 €.
Marc Lomazi : Ultra ecologicus, Flammarion, 2022, 351 p, 19,90 €.
Pascal Perri : Le Péril vert, L’Archipel, 2021, 224 p, 18 €.
Fabien Bouglé : Eoliennes. La face noire de la transition énergétique,
Editions du Rocher, 2022, 240 p, 16,90 €.
Fabien Bouglé : Nucléaire. Les vérités cachées,
Editions du Rocher, 2021, 288 p, 15,90 €.
Timothy Morton : Être écologique, Zulma, 2021, 256 p, 20 €.
Alors que la préservation de la nature et son harmonie avec l’homme devraient être un but commun, elle est prise en otage par un écologisme qui vise à tyranniser, voire éradiquer l’humanité. D’où vient ce Monstrum œcologicum ? Alors qu’il n’a plus guère à voir avec l’écologie au sens scientifique du terme, d’où vient sa généalogie, son archéologie, pour employer pompeusement des termes nietzschéens et foucaldiens ? Si l’on doit se souvenir que ses thuriféraires ont leur origine dans le mythe de l’âge d’or, dans le rousseauisme et le romantisme[1], l’on ne mesure pas assez combien ils sont animés par la pulsion totalitaire, avatar d’un idéalisme communiste délétère. Sous l’action de l’homo technologicus, la planète ne court rien qu’à sa perte, le réchauffisme climatique inondera les continents, le gaz carbonique étouffera toute vie. Les solutions décroissantes, taxatoires, lumineuses et électriques ne sont en fait que du vent, que des miroirs aux alouettes, dont quelques essayistes avertis démontent les impostures. Ferghane Azihari dénonce la doxa « contre la modernité », Marc Lomazi rhabille les verts pour l’hiver, en énumérant ces « nouveaux croisés de l’écologie », alors que Pascal Perri part à la chasse du « péril vert ». Enfin, en un tir croisé, Fabien Bouglé démonte les éoliennes et réhabilite le nucléaire. Et de façon à éviter le biais de confirmation, qui consiste à ne lire que ce qui va dans notre sens, nous nous demanderons cependant si l’homo ecologicus n’est qu’ultra ou monstrum, si, avec Timothy Morton, il peut être plus mesuré. Ne s’agissant pas ici de dénier l’intérêt de la dépollution et de la biodiversité, au-delà des raisons invoqués par les écologismes, il y a bien des déraisons à écarter pour raison garder.
Grâce à la merveilleuse gestion de nos Etats et de l’Europe, les prix de l’électricité bondissent. Centrales nucléaires indûment fermées en Allemagne et en Belgique, à Fessenheim en France, réacteurs fermés pour maintenances non anticipées, retards scandaleux pour l’ European Pressurized Reactor, imprévoyance au point de ne pas avoir lancé la construction d’autres exemplaires, ineptie scientifique en ne considérant pas la solution du thorium, tout se conjugue pour non seulement devoir recourir à de polluantes centrales à charbon, mais passer honteusement sous les fourches caudines des diktats écologistes les plus obscurantistes. Résultat : on achète au prix fort le gaz russe ou algérien, dont nous sommes dépendants. Alors, pour tenter de pallier toutes ces hausses de prix infligés aux usagers, l’Etat invente des « chèques énergie », des gels des prix, des boucliers tarifaires, autres monstres technocratiques, qui pèsent de toute évidence sur la réalité des marchés et sur les finances publiques dont la dette et le déficit sont faramineux.
Lorsque l’on proclame la fin des investissements dans le gaz, le pétrole et le charbon, leurs prix s'envolent, non sans conséquences économiques, sociales et politiques délétères, accompagnées de la hausse du prix du carbone, cette fiction sucée par des lobbies. L’inflation verte flambe. D’autant que la faiblesse intermittente des énergies renouvelables rend l’approvisionnement aléatoire.
Véritable jugement divin séparant les justes et les injustes, le « malus écologique automobile » établit des taxes à l’achat du véhicule en fonction du gramme de CO2 émis, d’un niveau évidemment de plus en plus réduit pour abonder la fiscocratie. Car l’on a décrété en vue des prochaines années la fin des véhicules thermiques, au profit de chimères. Tant vantées à coup de propagande, plans étatiques et subventions, toute trahisons du sens du marché et du réel progrès, les voitures électriques, dont les performances diminuent considérablement en hiver, nécessitent des batteries lithium-ion constituées de dizaines de kilogrammes de lithium, cobalt, nickel, graphite et cuivre, tous métaux rares et stratégiques, ce qui est une autre aberration écologique, sans compter la soumission à la Chine communiste, souvent productrice de tels métaux.
Ainsi vous ne direz pas ne pas avoir été avertis : Monstrum œcologicum est aux manettes ; pour notre malheur. Thèse que nous pouvons étayer avec le concours d’une poignée de sérieux analystes.
Le pamphlet est aussi argumenté que bien senti. Ferghane Azihari montre dans Les Ecologistes contre la modernité, combien ces derniers dressent à charge « le procès de Prométhée », pour reprendre son sous-titre. Contre-procès, l’essai de notre analyste en sciences publiques démonte les raisonnements spécieux de ces antimodernes qui forment les rangs de l’écologie politique. Loin de se contenter de dénoncer les travers verts, il engage « un plaidoyer en faveur d’un modèle de société dont le bilan est remarquable », dans le cadre d’une « écologie des Lumières ». Il lui faut rappeler qu’au contraire du mythe rousseauiste du bon sauvage, c’est l’agriculture puis l’industrialisation et les technologies qui ont considérablement diminué la pénibilité, éradiqué le travail des enfants, du moins dans les pays développés, tout en assurant la croissance presque planétaire de la prospérité. De plus la guerre meurtrière était bien plus répandue dans les temps primitifs et anciens que dans notre époque moderne. De plus encore, ce développement, loin d’éliminer la nature, permet de diminuer la pollution, de préserver des espaces de biodiversité. En effet, « nos sociétés sont de moins en moins toxiques ». Aussi « Catastrophisme », « collapsologie », « extinction », « décroissance » font le mantra d'un discours écologiste asséné comme une révélation prophétique, pour qui le développement économique et industriel, le progrès en un mot, est le synonyme d’un suicide programmé. Tout cela n’est que contre-vérités ; au regard des faits, cette religion mâtinée de paganisme est pire que le mal prétendu : « Gaïa déifiée, Sapiens profané »…
Le tropisme anticapitalisme a trouvé un nouvel exutoire, après la chute du communisme meurtrier en Union Soviétique et son avatar chinois têtu : c’est cet écologisme qui réussit à dépasser le marxisme dans son injonction non plus seulement sociale, mais planétaire : « Opposer l'embourgeoisement du monde à la qualité de l'environnement n'a pourtant aucun intérêt. L'idée qu'il suffirait de s'affranchir du matérialisme pour assainir notre planète ne correspond à aucune réalité historique ou géographique. Les pays les plus propres et les plus résilients face aux aléas naturels sont les plus riches : ceux qui ont les moyens de se doter des technologies les plus avancées. Le changement climatique ne change pas le fait que le progrès économique et technologique reste le moyen le plus juste et le plus sûr de lutter contre les nouveaux risques, sans renoncer à améliorer le sort des pauvres. Une société d'abondance pour tous est donc possible et souhaitable » ; ainsi sait penser notre essayiste.
La persistance de la vision malthusienne saute aux yeux à la lecture du rapport Meadows élaboré par le Club de Rome, qui certifiait la fin du pétrole en l’an 2000 ou l’irrépressible pollution des mégapoles. Quoique la réalité eût démenti de telles allégations, ce rapport reste une icône de l'écologisme. L’entêtement idéologique est de l’ordre de la « connaissance inutile » dont Jean-François Revel[2] avait montré les errements. De surcroit la concurrence incite à économiser les ressources : pensons au développement du recyclage et des échanges de produits d'occasion. Sans compter qu’une solution technologique à laquelle personne n’a pensé jusque-là ne peut manquer de survenir, l’inventivité étant le moteur de la civilisation.
Dans une recherche d’authenticité, l'on oppose naturel et artificiel. Cet écologisme romantique idéalisant un éénique passé et la tradition est politiquement ancré à droite : « L'écologie réactionnaire est le pendant droitier de la tentation de préempter la nature pour recycler un agenda politique sans rapport avec l'environnement. Là où la gauche voit dans l'écologie un prétexte pour ressusciter l'anticapitalisme, les réactionnaires voient dans le mythe de la nature vierge l'opportunité d'étendre le rejet de la modernité aux questions sociales. Il s'agit de verdir l'éternelle haine du pluralisme des mœurs et du cosmopolitisme qui constitue la modernité ». L’analyse Ferghane Azihari est plus que pertinente.
Ce rejet de la modernité, au nom de l'urgence face à la catastrophe supposée, risque bien d’être imposé par un pouvoir autoritaire, attentatoire autant aux principes de la démocratie libérale qu’à l’éthique des Lumières.
Selon le sous-titre, « Le procès de Prométhée », c’est en fait à un éloge de ce dernier que se livre l’essayiste. En fait, celui qui déroba le feu des dieux, donne les moyens à l’humanité d’accéder à la civilisation au-delà du sordide état de nature : « Prométhée nous a donné le feu sacré de l'Olympe. À nous d'en faire bon usage en ignorant ceux qui ne rêvent que d'humilier les hommes ». L’écologisme est un « prophétisme » qui ne reconnait pas les bienfaits de la modernité industrielle, en termes de paix, de santé, de confort et de liberté intellectuelle, et qui ne rêve que de nous replonger dans une vie maladive et brève, dans une condition humaine opprimée et dans un milieu dégradé. L’« écologie profonde » et sa « théocratie verte », la « décroissance volontaire » ne sont qu’une resucée des « lendemains qui chantent » promis par le communisme avec les conséquences abominables que l’on sait.
Alors que « nos sociétés sont de moins en moins toxiques », que « la surpopulation et la surconsommation n’existent pas », les catastrophes naturelles de moins en moins meurtrières, que « le développement économique est le meilleur procédé d'assainissement », que le niveau des mers ne monte que de quelques centimètres, l’on nous promet la punition ultime de l’homme, le déluge et le feu, dignes d’un chantage à l’apocalypse !
Rhétoricien judicieux, cultivé tant philosophiquement que scientifiquement, Ferghane Azihari déplie un essai qui est à la fois un blâme sévère des fous de pouvoir écologique et un courageux éloge de la capacité humaine et scientifique d’œuvrer pour un monde meilleur, y compris dans ses acceptions naturelles indispensables.
Plus largement, ces « nouveaux croisés de l’écologie », pour reprendre le sous-titre de Marc Lomazi, forment une convergence des luttes, une mouvance sectaire que cet essayiste balaie d’un beau revers de livre : Ultra Ecologicus. Le bal des idéologues, activistes et combattants se déroule sous nos yeux effarés. Ils sont écoféministes, zadistes, antispécistes et végans de « Boucherie Abolition », collapsologues prophétiques, utopistes décroissants, commandos d’« Extinction Rébellion », survivalistes et autres « anarcho-primitivistes », sans compter leur anticapitalisme, antiracisme et décolonialisme vindicatifs et radicalement intolérants. Le nucléaire est leur enfer à conjurer, les Organisme Génétiquement Modifiés leur Satan. Les plus fondus de la « deep ecology » veulent revenir au paradis des chasseur-cueilleurs, détruire toute civilisation. Quant aux élus verts, les voilà insurgés contre les sapins de Noël, les menus viandeux, les voyages en avion…
Autour du Basque Etcheverry et d’« Alternatiba », de la jeune Suédoise Greta Thunberg, des « XR » des « Red Rebels », d’« ANV-COP21 », ou des plus violents « Earth Liberation Front » aux Etats-Unis, l’on entraîne les moutons de Panurge dans des manifestations, l’on saccage le siège du gestionnaire américain de capitaux BlackRock, l’on souffre d’« éco-anxiété », l’on bloque les ponts de Londres, l’on goûte le sabotage et l’on est financé par des fondations et de grands capitalistes, dont Georges Soros ! Une force de frappe écoterroriste[3] inquiétante n’attend plus que l’épuisement de la pandémie (dont l’Etat joue pour tenter d’en retarder les actions) pour se jeter sur le monde libre, s’il l’est encore.
L’écoféminisme, dont l’une des têtes de l’hydre est Sandrine Rousseau, se propose des programmes autoritaires, totalitaires, pour faire régner la paix mortifère du climat à coups de redistribution sexuée de la population et d’interdictions de tout ce qui contrarie la doxa la plus verte. Sur un autre versant, les guérilleros anti-antennes cumulent près de 170 attaques explosives dans l’hexagone en 2020. Les technophobes récusent la « dictature numérique », quoique non sans raison[4]. Pêle-mêle, ils dénoncent les Organismes Génétiquement Modifiés, le nucléaire, les vaccins… Dans la tradition des luddistes, vieille de deux siècles, mais aussi de philosophes comme Günther Anders[5] et Jacques Ellul[6], ils peuvent pratiquer le sabotage des machines. Quoique certains viennent de la droite traditionnaliste, la plupart sont aussi verts que rouges et noirs, comme les zadistes s’attaquant aux projets de barrages, scieries, aéroports, aérogares, site d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Les plus extrémistes sont aux Etats-Unis des anarcho-primitivistes, résolus à revenir à l’ère des chasseur-cueilleurs ! Les plus violents sont quant à eux les « Black Blocks », absolument anticapitalistes et antiétatistes.
D’autres mouvances, celle des néo-utopistes, sont tentées par le mysticisme paysan, comme le localiste fumeux Pierre Rabhi, par les « écolieux » en pleine nature, dont l’inventivité architecturale et agricole en fait des laboratoires in vivo, mais aussi des révélateurs des faiblesses du collectivisme et des conflits humains.
Les décroissants ne sont pas moins totalitaires, visant à interdire la publicité, les produits chimiques, l’automobile, à remplacer les supermarchés par des centres de produits locaux, l’Etat par des « biorégions », à instituer la semaine de 20 heures et un salaire de 1000 €, ou plus exactement des « fournitures gratuites », sans obligation de travail. L’utopie de la sobriété ascétique cache à peine une douloureuse dystopie. En toute logique le virus de la décroissance croît à gauche…
Pire, si possible, les délirants de la tragédie climatique agitent le chiffon vert de la peur au service de l’écoanxiété et se font les apôtres de la collapsologie jusqu’à des dérives néopaganistes et obscurantistes. Gageons que, si la catastrophe civilisationnelle arrive, elle aura d’autres causes ; ce qui n’empêche pas de prendre des précautions préconisées par les survivalistes.
Et si l’on doit aux animaux une réelle humanité, il ne s’agit peut-être pas de suivre les antispécistes et les « animalistes radicaux », soit la protection accordée jusqu’au rats et punaises, soit l’abolition de l’élevage, du cuir, le véganisme obligatoire ; au risque d’abonder les entreprises biotechnologiques qui préparent des viandes de synthèse et autres faux laits. Sans compter les violences contre les éleveurs et les bouchers par les affidés de « Boucherie abolition », qui, malgré la vertu de ses reportages à charge contre la violence sadique exercée dans les abattoirs, associe l’abattage animal à la Shoah, tout en faisant la plupart du temps silence sur l’abattage halal !
En sus du document à charge de Marc Lomazzi contre le « despotisme vert », Pascal Pérri, nettement plus pugnace, vilipende Le Péril vert, en chargeant la liste des fauteurs de troubles graves. Il y ajoute les « anti-chasse », « anti-corridas », les « anti-sapins de Noël », les « anti-tour de France », les « anti-mâles blancs », « anti-aviations », « anti-vaccins », « anti-OGM », en un fourre-tout ubuesque, tant la vénération écologiste, la fidélité obtuse à la nature sont des moteurs anti-libéraux et contraires à la raison scientifique, en relevant par exemple combien le financement de la recherche contre les maladies génétiques, via le Téléthon, est plébiscité par les Français qui en toute incohérence rejettent les Organisme et Plantes Génétiquement Modifiés. Même si corrida et chasse, en dépit de leur valeur culturelle, sont le plus souvent des cruautés sans nécessité, sans compter une campagne blindée de cartouches et de plomb.
À l’énumération des foudres brandies par les purs de la doctrine écologiste, le plus souvent issus de l’extrême-gauche, quoique parfois des Chrétiens traditionalistes et de l’extrême droite régressiste, au réquisitoire contre ce « nouvel opium » de la jeunesse, ce « retour des grandes peurs » millénaristes, Pascal Perri ajoute un plaidoyer bien senti en faveur d’une écologie non-punitive et rationnelle, plaidoyer intelligemment argumenté. Car à l’encontre du « cauchemar vert », d’une « société de contrainte et de rationnement, il ne faut pas méconnaître que le génie humain est « une ressource inépuisable », capable de créer ce que nous n’imaginons qu’à peine, par exemple une énergie nucléaire propre, infinie, des matériaux post-naturels sans nuisance pour l’environnement et notre santé…
Cañada Vellida, Teruel. Photo : T. Guinhut.
Coup sur coup, Fabien Bouglé réalise un beau doublé polémique avec Eoliennes. La face noire de la transition énergétique, puis Nucléaire. Les vérités cachées. Jamais l’expression « Ce n’est que du vent », ne fut plus appropriée qu’aux éoliennes. Sacrifiant au dieu Eole, elles paraissent une icône indiscutable de la modernité écologique et de la transition énergétique et climatique, ces vaches sacrées affichées par l’idéologie et la propagande. Pourtant, il ne s’agit rien moins que d’un « scandale écologique et financier mondial » ! Métaux rares et batteries souvent venus de Chine communiste, broyage des oiseaux et des chauvesouris, centaines de tonnes de béton pour les ancrer dans un sol qui ne les retient pas lors d’ouragans, recyclage quasi-impossible, pollution carbone lors de leur fabrication et transport, infrasons délétères, durabilité guère au-delà de vingt ans. Et encore les subventions ventent en arrosant les lobbys industriels et financiers. Elles sont bien les seules car la faible productivité des machins dépend d’un vent souvent absent lorsque l’on en a besoin. Ce qui entraîne la nécessité de réactiver des centrales à charbon pour pallier les pénuries et aux rejets carbones assurés. Et encore faut-il payer plus cher une électricité non rentable, « au détriment des citoyens rackettés »… L’on commence à s’apercevoir ailleurs, mais guère encore en France, que nous nous sommes laissés vendre du vent avec une « technologie obsolète ». Fabien Bouglé nous révèle combien la mafia, la « Cosa Nostra », et les Organisations Non Gouvernementales comme Greenpeace rôdent sous le vent, que corruption et prises illégales d’intérêt gangrènent un marché juteux afin d’« accentuer les bénéfices colossaux des industriels du vent ». Sans compter les menaces sur l’emploi et le tourisme dans des zones piquetées et rayées éoliennes… Face à cette « arme de destruction massive de l’environnement », il est à souhaiter que cet essai fort convainquant devienne ce qu’il mérite d’être : un avertissement salutaire.
Il doit en être de même pour Nucléaire. Les vérités cachés, du même Fabien Bouglé, décidemment dans une forme éblouissante. Ce qui aurait pu passer pour une amère ironie après la catastrophe de Tchernobyl, au demeurant peu mortifère, puis celle de Fukushima, dont le tsunami seul fit des victimes (une seule est avérée pour l’accident nucléaire) est bien un éloge paradoxal, tant les préjugés et les incantations alarmistes ont déconsidéré la science de l’atome. L’éloge de l’énergie nucléaire, « face à l’illusion des énergies renouvelables » est de plus en plus crédible, ce dont témoignent les plus raisonnables dans le camp écologiste.
Il n’est pas question ici d’être naïf et de prêcher le pour en oubliant le contre. Les inconvénients sont connus : si sûre qu’elle soit, « aucune électricité ne relève d’une immaculée conception ». Le démantèlement de centrales sénescentes risque de coûter des fortunes. Les déchets nucléaires restent encore préoccupants. Cependant les voilà bientôt recyclés dans les European Pressurized Reactor, puis dans de futures centrales au thorium, minerai bien plus abondant que l’uranium et infiniment moins dangereux et militairement inutilisable.
Non, les centrales ne rejettent aucun gaz à effet de serre. Non les déchets ne sont pas des monstres radioactifs, alors que ceux provenant de la combustion du charbon sont autrement pluriels (plomb, arsenic et uranium !), abondants, radioactifs et dangereux. Ils ont pour la plupart une faible activité et une vie courte, devenant semblables à la radioactivité naturelle de régions granitiques comme la Bretagne ou le Massif central, donc sans danger. D’autres, très dangereux, ne représentent que « 3,1 % du volume et 99,8 % de la radioactivité » et leur retraitement sépare l’uranium réutilisable (96 %) des déchets hautement radioactifs (4%) destinés à être vitrifiés (l’archéologie du verre montrant que cette technique résiste à des milliers d’années). Le compactage et colisage des autres déchets complète ce qui doit être enfoui et rester accessible dans les argiles de Bure. Cependant la « transmutation par laser », sous l’égide du professeur Mourou (Prix Nobel 2018), permettra bientôt de « réduire la radioactivité de 30 millions d’années à 30 minutes » ! Même s’il faut encore une ou deux décennies de travaux, la découverte est d’importance. Par ailleurs ces déchets pourront être utilisés dans des réacteurs à sodium liquide…
Quoique le nombre de morts à l’occasion de la production des énergies soit infiniment plus faible au bénéfice du nucléaire, à l’encontre du charbon, du gaz et de l’éolien (à cause des chutes des techniciens), la sûreté des centrales reste cruciale, même si elles ne sont en rien menacées d’exploser comme une bombe atomique. Les draconiennes normes de sécurité, qui expliquent le surcoût et le retard de l’European Pressurized Reactor français, mais aussi finlandais, sont une sauvegarde, même si l’on peut soupçonner une part d’impéritie chez nos organisme étatiques, voire ce que Fabien Bouglé appelle avec pertinence une « politique de sabotage du nucléaire français », notamment à l’occasion de l’arrêt de Superphénix, qui consommait des déchets nucléaires. Songeons que pour un coût d’investissement égal, intégrant les futurs démantèlements des réacteurs (90 milliards), le parc éolien ne produit que 6 % de notre électricité (à l’encontre des 70 % pour le nucléaire) dont l’intermittence (24% de leur capacité) conduit au retour du charbon, et dont la durée de vie est de 20 ans (comme le photovoltaïque) alors que l’on parvient à prolonger la vie d’une centrale jusqu’à soixante ans ! Sans compter que les éoliennes nécessitent 500 fois plus de surface qu’une centrale à production équivalente. Au gouffre financier s’ajoute le gouffre de la raison. L’on se doute qu’une sortie du nucléaire, outre le « danger pour l’emploi et la souveraineté », se ferait au prix d’une « explosion des factures et des coupures ».
La « face cachée des Organisations Non Gouvernementales et des lobbys antinucléaires » est alors révélée dans son idéologie, son inculture scientifique, sa mauvaise foi, son parasitisme et sa dangerosité. En particulier Greenpeace, ce « mercenaire vert », dont les troubles financements ne laissent pas d’interroger sur l’indépendance géopolitique de son activisme antinucléaire, complice des lobbys industriels de l’éolien, comme le World Wilfife Found d’ailleurs, et complice d’une Allemagne résolument antinucléaire.
Il n’en reste pas moins que la France - et ses irresponsables responsables politiques - si elle produit encore 70 % de son électricité grâce au nucléaire, prend un retard considérable. En fermant Fessenheim encore bonne pour le service pour complaire aux écologistes obscurantistes. En ne renouvelant pas un parc qui risque d’être obsolète dans les décennies à venir, et qui, déjà, à cause de maintenances et d’insuffisance, doit recourir aux importations et à des centrales à charbons polluantes, au risque de la panne géante, le tout en dilapidant l’argent public dans les éoliennes et le solaire, tout aussi poussifs, intermittents et bien peu recyclables. Il est urgent, répétons-le, alors que d’autres pays y travaillent activement, de concevoir des microcentrales, d’autres au thorium, la fission nucléaire…
L’ouvrage de Fabien Bouglé, une fois de plus, est scientifiquement informé, rigoureux, clair, imparable, ses notes et références sont inattaquables. À lire et méditer, vous dis-je !
Il ne s’agit pas là de s’opposer au droit de vivre en harmonie avec la nature et les durs travaux dans des yourtes cévenoles, comme le fait une Sylvie Barbe. Ni de déprécier qui veut vivre d’agriculture biologique. Mais de se défier de la rhétorique folle qui prétend lutter contre « le patriarcat blanc, hétéronormatif, capitaliste et écocidaire ». S’il est loisible de vivre d’une manière plus éco-responsable, de limiter sa consommation, de travailler les jardins partagés, il serait alarmant que l’homo economicus devienne un ultra ecologicus à ses dépens et aux mains d’une tyrannie planétariste.
Hélas Marc Lomazi, dont l’ouvrage est abondamment et précisément documenté, qui, donne la parole aux ultra écologistes autant qu’à leurs détracteurs, semble ne pas remettre en question cette « urgence climatique » fantasmatique[7]... Et il en est de même pour Pascal Perri, dont Le Péril vert chasse sur des terres voisines. Cependant nous apprécierons d’user de technologies peu gourmandes en ressources, recyclables, non polluantes, mais on ne peut réellement y compter sans les innovations scientifiques et technologiques. Certes il faut déplorer que la biodiversité puisse se rétrécir. Mais outre que la nature elle-même se charge de faire disparaître des espèces, songeons que lorsqu’un biotope retrouve ses conditions naturelles, les espèces viennent proliférer, voire laissent apparaître quelques-unes que l’on croyait effacées.
Monstrum œcologicum ? Lisons de l’intérieur et de Timothy Morton : La Pensée écologiste. Synthèse, manifeste ? Extrêmisme ou modération ? Si nous avions choisi cet ouvrage de par son titre, nous en attendions une cohérence à tout le moins. Il faut dire que l’introduction désarçonne tant la clarté n’est pas son fort, sauf pour affirmer que cette pensée est globale et que tout est dans tout : « la pensée écologique c’est l’interconnectivité », il est question de « collectivité écologique » ; de là au collectivisme il n’y a qu’un pas. Il ne suffit plus pour lui de « verdir » les consciences et les programmes électoraux, la démarche doit être « globale ». Des affirmations pour le moins hasardeuses pullulent : « Le réchauffement climatique a déclenché la sixième extinction de masse » ; que faire alors des successions de réchauffements et de refroidissements qui ont marqué les derniers millénaires ? Il n’en reste pas moins qu’il est du devoir de l’humanité de se préoccuper des espèces menacées. D’ailleurs, l’une de ses préoccupations est de savoir si les animaux (les « non-humains », selon le novlangue) peuvent apprécier l’art.
« Esthétique et pensée politique », pour ce philosophe, doivent observer un virage écologique, ce pourquoi nombre d’artistes, plasticiens et musiciens trouvent chez lui leur inspiration. De chapitre en chapitre, il s’intéresse « à la notion d’étranges étrangers, les formes du vivant auxquelles nous sommes connectées », revenant à Darwin. Evidemment Timothy Morton est anticapitaliste et préfère le monde des poètes de la nature, comme Wordsworth, Shelley. « La nature romantique est une construction artificielle », dit-il pourtant. Si nous apprécions ce tropisme poétique en direction des écrivains et poètes romantiques, chez Timothy Morton ce n’est qu’une preuve de plus de son manque de rationalité. Et si son regard vers le roman et le cinéma de science-fiction, La Trilogie martienne de Kim Stanley Robinson, Blade Runer ou Solaris, peut-être revigorant, il s’embourbe dans les fumées conceptuelles.
Parmi cet essai verbeux, plus encore que Bruno Latour[8] dont il est proche, l’on trouve cependant des éclairs de lucidité, des métaphores coruscantes : « les étendues sauvages sont des versions gigantesques et abstraites des produits exposés dans les vitrines des centres commerciaux », la critique de la surconsommation faisant ici mouche. De là à dire qu’il faut « tout penser écologiquement », jusqu’au papier du poème », c’est risquer une immixtion et une surveillance idéologiques générales[9]. À tel point que cet idéaliste - qui récidive avec Être écologique[10]- est « loin de dénigrer l’écologie profonde en tant qu’objectivation religieuse », ajoutant : « Peut-être que les nouvelles éco-religions offrirons un soupçon de coexistence postcapitaliste ». Nos lecteurs savent combien nous sommes ici attachés aux vertus du capitalisme réellement libéral, à ses capacités d’innovation, y compris écologistes aux sens scientifique du terme, aux libertés individuelles que de telles perspectives religieuses vertement prétotalitaires menaceraient gravement…
Thierry Guinhut
Une vie d'écriture et de photographie
[3] Eric Denécé et Jamil Abou Assi : Ecoterrorisme, Tallandier, 2016.
[6] Jacques Ellul : Le Bluff technologique, Pluriel, 2017.
[8] Bruno Latour : Politiques de la nature, La Découverte, 1999.
[10] Timothy Morton : Être écologique, Zulma, 2021.
La Villa La Badia, Trentino Alto-Adige, Südtirol.
Photo : T. Guinhut.