L’imitation des chefs d’œuvre des Anciens était une vertu à l’époque du classicisme, sans cependant qu’il s’agisse de singer Homère ou Sophocle. La Fontaine[1] sut faire de cet art la merveille que l’on sait en imitant Esope, toujours avec ce pas de côté qui caractérise le goût, la personnalité, l’inventivité. Kamel Daoud, Algérien né en 1970, imitant la langue française pour mieux la faire résonner et raisonner, écrit aujourd’hui d’après des livres, occidentaux et arabes, mais sans servilité, les questionnant, leur retournant la peau, pour mieux interroger l’Histoire de l’Algérie et ses destinées en des réécritures tragiques, parfois marquées des flamboiements du conte. De Meursault contre-enquête – où l’on devine Albert Camus – au tout jeune Zabor ou les psaumes, et aux travers de ses doubles, il nous étouffe, nous régénère, nous ravit. Quand il ne craint pas de prendre des risques, alors qu’un imam lança une fatwa contre lui, alors que la dictature algérienne se targue de punir de peines d’emprisonnement et autre amendes sévères quiconque « utilise et instrumentalise les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ». La langue de bois interdisant d’exercer son intelligence au sujet de la guerre civile des années 90, l’on devine qu’avec Houris, Kamel Daoud saura incarner cette affreuse épopée. Pour une fois, comme si rarement, le prix Goncourt fait preuve de sagacité et de courage en couronnant le roman anti-islamiste de Kamel Daoud : Houris. Puisse-t-il ouvrir les yeux…
Immense massif de mémoire, Houris est placé sous l’égide d’un personnage féminin, ce qui est déjà transgressif dans un tel contexte algérien et historique. L’attachante héroïne s’appelle Aube, du moins dans sa « langue intérieure », qui est le français, alors que l’arabe « ne parvenait pas à la cheville de ma langue secrète ». Sa mutité est une métaphore de l’interdit. Cependant, si l’on s’approche, sa voix frêle est un ruisseau discret, et bientôt un fleuve abondant, non seulement autobiographique, mais également collectif, tant il convoque la destinée tragique de tout un peuple, entre bourreaux et victimes.
Sans fard, le romancier raconte à l’aide de la voix de sa houri le massacre de Had Chekala, qui fit mille victimes le 17 décembre 1997. Malgré ses cordes vocales blessées, conséquence d’une tentative d’égorgement à l’âge de cinq ans, mais aussi du silence et du voile imposés aux femmes, y compris si elles ont été engrossées par des violeurs, sa prise de parole tellurique est aussi précieuse que véridique, douloureuse, tant « c’est un couloir d’épines pour une femme que de vivre dans ce pays ». Elle ne peut que décider d’avorter d’un enfant conçu dans de telles barbares conditions. Qui sait si sa tendresse lui permettra d’assurer à sa fille l’espoir d’une vie meilleure…
Le monologue intérieur est une confidence au lecteur de confiance, bien qu’il puisse être durement éprouvé par une telle lecture. Même si, de par l’intensité de ce massif mémoriel, la narrativité peut souffrir d’un léger manque d’efficacité, le tableau est impressionnant, nécessaire au plus haut point. Cependant le français n’est pas pour notre romancier la langue du colonisateur, mais celle de l’intime et de l’érotisme. A contrario, en ce pays dévasté, l’on n’aime les femmes que « muettes et nues pour le plaisir des hommes en rut » !
Conçu comme un triptyque, ce sont trois parties, « La voix », « Le labyrinthe », « Le couteau », qui rythment le maelström du désastre. Ce couteau est celui de l’imam de Had Chakela, au cœur du réquisitoire à l’encontre du meurtre programmé, soit environ 200 000 victimes pendant une décennie. Meurtre général qui se voit blanchi lorsqu’en 2005 « on organisa un grand vote dans le pays pour dire que l’on pardonnait aux tueurs ». Comble d’hypocrisie, « on leur expliquait qu’il fallait ne rien raconter de leurs méfaits pour pouvoir bénéficier du pardon […] Toutes ces lois visaient à sauver les tueurs » !
Venu du persan, le mot « houri », désigne une femme qui a le blanc et le noir des yeux très tranchés, « dessinés comme des nuits dorées ». En passant par l’arabe, elle est cette beauté céleste que le Coran promet au Musulman fidèle dans le paradis d’Allah. Cependant c’est le plus souvent l’enfer sur la terre qui lui est réservée. Et toutes houris que l’on puisse les prétendre, l’au-delà ne leur est pas non plus conciliant : « nous sommes seules, car nous n’avons pas de place dans les livres sacrés du ciel ». L’hypocrisie est autant politique que religieuse, surtout si l’on connait dans la sourate « Des femmes », la soumission qui leur est imposée, sinon point de salut.
À la lisière du témoignage et de la forme romanesque, ainsi le dénonce Kamel Daoud, écrivain d’Histoire et de mœurs, qui fut un pauvre journaliste dans l’Algérie des années quatre-vingt-dix, et dont la haute tenue morale et intellectuelle doit nous préserver des tyrannies humaines et théocratiques.
Coincée entre l’étatisme socialiste autoritaire et l’islamisme totalitaire, l’Algérie ne sait assumer son passé, rejetant la faute sur une colonisation qui est déjà vieille de six décennies, ni préparer un avenir meilleur. La guerre d’indépendance est survalorisée, mythifiée ; au contraire, celle des années noires est occultée, tant une inhibition délétère empêche d’en comprendre les ressorts, de l’exorciser et de se prémunir contre une inévitable récidive d’un récurrent Groupe Islamiste Armé, faute de pouvoir se débarrasser du nationalisme arabisant et surtout d’une religion terroriste. Sans compter qu’une telle abomination ne fait pas que menacer le Maghreb et les pays arabes, mais aussi l’Occident, à son tour colonisé, en vue d’un « émirat au cœur d’une Europe contrite et aveuglée par la culpabilité et la lâcheté », soit au premier chef la Belgique. Car « l’islamisme a pris en otage le mouvement décolonial » ; car, à l’instar de l’actualité vénéneuse de Gaza et du Hamas, s’opère « une intoxication idéologique de la mémoire ». Alors qu’infailliblement en Algérie se met en place une « ayatollahisation de l’Etat[2] », alors que l’école se fait le lit de l’antisémitisme, du machisme, de l’interdit du corps, de la haine de la France et du ressentiment…
Originaire d’Oran, Kamel Daoud s’est fait exilé volontaire en France pour écrire sereinement – si possible. Chroniqueur hebdomadaire et avisé au Point, il est un modèle nécessaire de l’esprit libre.
Museo de la catedral, Oviedo, Asturias.
Photo : T. Guinhut.
Pour paraphraser son titre inaugural, Houris pourrait être sous-titré Algérie contre-enquête. Ce fut son premier roman qui le révéla. Meursault contre-enquête s’attaque en toute clarté à un morceau de choix, une vache sacrée de la littérature française, lue et relue, étudiée dans tous les lycées, on l’a compris, L’Etranger d’Albert Camus, néanmoins jamais nommé. Le récit apparaît de prime abord comme une sorte de règlement de compte à l’égard de ce « crime commis dans un livre », de cette histoire volée à la mémoire algérienne et arabe, car Meursault tue un « Arabe », également jamais nommé. Mais, peu à peu, ce récit laisse entrevoir, comme en son double fond, un réquisitoire contre l’Algérie, qui a son allégorie, la mère de cet Arabe fictif.
Ainsi Kamel Daoud donne un nom, Moussa, au grand vide qu’est la victime de Meursault, ce « roumi ». Quoique devenu personnage à part entière, il ne permet pas à sa mère d’en retirer bénéfice : le corps n’ayant pas été retrouvé, elle ne percevra aucune pension pour réparer la perpétuelle absence. De par cette mère qui fait de son affliction un destin, le jeune frère, Haroun, narrateur de son état, marqué au fer par la fatalité, subit sans cesse le poids de la malédiction. Anti-héros condamné à la déréliction, il subit une ascendance et une tradition délétère : « M’ma avait l’art de rendre vivants les fantômes, et, inversement, d’anéantir ses proches, de les noyer sous ses monstrueux flots d’histoires inventées ».
Plus tard, en 1982, donc vingt ans après, dès l’indépendance algérienne acquise, Haroun tue de deux coups de feu un « Français qui avait eu le malheur de venir se réfugier chez nous ». On entend la réécriture de la scène centrale et solaire de Camus : « Ce furent comme deux coups brefs frappés à la porte de la délivrance » – plutôt qu’ « à la porte du malheur ». La vengeance sordide apaise la mère, libère le fils, « comme après un coït ». ce qui dit assez la dimension de frustration sexuelle qui favorise la violence. Une brève arrestation pour crime commis hors temps de guerre officiel ne le perturbe guère. Une autre vie semble commencer lorsqu’une visite inattendue se produit : Meriem prépare une thèse sur le livre du meurtrier, titré L’Autre, avatar supplémentaire de la réécriture, pour, encore une fois, ne pas nommer Camus. Quelle sorte d’incandescence amoureuse connaîtra notre Haroun ? On devine que la trop libre étudiante restera un infini regret pour le vieillard qui se confesse à son lecteur…
Kamel Daoud emprunte une narration spiralée, qui ne progresse guère, hors dans la deuxième moitié du récit, à l’occasion du meurtre du Français et de la rencontre de Meriem, sauf si l’on considère que l’enfance du narrateur se dirige vers son inéluctable vieillesse. Par instant, l’on piétine, le ressassement, la longue lamentation, frise la répétition stérile. Néanmoins l’ensemble demeure considérablement efficace, marquant, ne serait que grâce à une écriture limpide et cependant somptueuse. L’autobiographie fictive, quoique cantonnée dans un cadre réaliste, déborde ce dernier, puisqu’il s’agit de se greffer sur des personnages que l’illusion mimétique ne consolide pas. Nés du livre d’autrui, Meursault et l’Arabe génèrent par association une famille pour ce dernier, un narrateur-personnage, encore plus fictionnels. Ainsi se mêlent l’intimité d’une mince famille et la fresque historique d’Alger et des villes algériennes, de leurs mœurs, de la fin de la colonisation à une libération décevante, à une indépendance qui n’en est pas une, faute de se libérer de la tradition et de l’Islam.
L’on sent que le romancier veut faire de Moussa, cet Arabe anonyme tué par Meursault, un symbole mémoriel, celui de tous les Arabes tués et oubliés par la colonisation française. Pourquoi pas. Mais une telle victimisation politique pourrait agacer tant elle va dans le sens du politiquement correct, contempteur de l’impérialisme colonisateur, qui d’ailleurs oublie allègrement celui des Arabes et des Ottomans, ainsi que les lendemains de la décolonisation. Car elle « s’en est même prise aux cimetières des colons et on a souvent vu des gamins jouer au ballon avec des cranes déterrés ».
À moins que Kamel Daoud, de toute évidence, soit plus subtil ; à moins qu’il s’agisse d’une satire d’une Algérie confite en ses ressentiments, un pays incapable de faire son propre procès, de se métamorphoser, de se projeter vers un avenir plus ouvert, plus libre : « Si tu m’avais rencontré il y a des décennies, je t’aurais servi la version de la prostituée/terre algérienne et du colon qui en abuse par viols et violences répétés. Mais j’ai pris de la distance ». Son personnage a vu « se consumer l’enthousiasme de l’indépendance, s’échouer les illusions », il laisse entendre le poids putrescent de la religion sur le pays. Ne restent qu’ « un minaret hideux qui provoque l’envie de blasphème absolu en moi […] une meute de bigots ». L’imam qui vient lui parler en vain de Dieu est l’écho du prêtre dérisoire qui vient visiter Meursault dans sa cellule, la veille de son exécution.
Or la dénonciation de l’Islam, du Coran est sans ambigüité : « je déteste les religions et la soumission ». Plus loin : « C’est l’heure de la prière que je déteste le plus ». Plus loin encore : « Je feuillette parfois leur livre à eux. Le Livre, et j’y retrouve d’étranges redondances, des jérémiades, des menaces », ce en quoi il ne se trompe pas[3]… L’on ne s’étonnera pas qu’une fatwa ait été prononcée contre l’écrivain. En 2014, suite à la parution de Meursault contre-enquête et diverses apparitions médiatiques, il fut ainsi menacé de mort pour hérésie et apostasie par un imam salafiste algérien, ancien de ce Front Islamique du Salut qui ensanglanta longtemps l’Algérie. Fort heureusement, l’imam en question fut condamné par la justice algérienne. Ce dernier reprocha également à l’écrivain de s’être attaqué à la langue arabe. Péché salvateur parfaitement assumé par Haroun, ici alter ego de son auteur : « cela me poussa à apprendre une langue capable de faire barrage entre le délire de ma mère et moi ». Ou de l’Algérie et l’arabité comme mère indigne…
Comme et mieux encore que dans Meursault contre-enquête, où le narrateur exprimait la volonté de se faire « une langue à moi », cet autre orphelin, cette fois de mère, Zabor, qui vit avec sa tante et son grand-père mutique, est rejeté par la communauté. D’abord par sa famille, par sa belle-mère et son père, car l’un de ses demi-frères prétend avoir été jeté dans un puits sec par ses soins, puis par sa différence, sa chétiveté, sa propension aux rêveries et sa fringale de lecture. Mais en contrepartie, il sait se constituer une intense identité grâce aux mots français, aux livres et à l’écriture. Surtout, à l’instar du réalisme magique de Salman Rushdie[4], il écrit de manière compulsive dans ses surabondants cahiers pour « contrer la mort », « pour sauver des vies ». Il s’agit d’un don divin : « quand je me souviens avec netteté et que j’utilise les bons mots, la mort redevient aveugle et tourne en rond dans le ciel, puis s’éloigne ». Sa réputation de guérisseur des agonisants gagne peu à peu le village. Ce qui n’empêche pas ses brutaux demi-frères de le mépriser. Pourtant, ils viennent le prier de sursoir l’agonie de leur riche et détestable père égorgeur de moutons (ce pourquoi Zabor ne mange pas de viande) au moyen de ses écritures. C’est « saisir la bandelette pour inverser la momification », comme par allusion au Livre des morts égyptien. C’est entrevoir « trois déesses grecques dans le corps d’un imbécile », par allusion aux Parques. Il sera cependant frappé, chassé par le « scandale », par l’appel aux imams. S’il tente encore, mais de loin, de repousser la mort cancéreuse de la bouche du père gagnée par « des insanités incontrôlables », c’est compter sans la « panne du don »…
Notre Zabor ira jusqu’à couvrir les murs, les trottoirs, de ses écrits, accrocher ses carnets dans des sacs, ce pourquoi, comme Haroun, il passera un jour en prison. Malgré un « cahier parfait », le dernier, la mort du père sera pour lui un sévère échec. Ou peut-être une nouvelle liberté, si l’on peut imaginer que le monstrueux paternel est la terrible allégorie d’une société patriarcale oppressante, pourtant absolument pas prête de lâcher la bride.
Une société rurale et clanique, consanguine et bestiale forme le terreau de cette Algérie obscurantiste, coagulée dans ses coutumes, étranglée par la religiosité, à peu près fermée au monde de l’humanisme, de la science et de la raison. Heureusement, « le véritable sens du monde était dans les livres », quoique Zabor reste confiné dans le merveilleux, dans l’irrationnel, comme échappatoire. Reste que ce « Robinson arabe », n’a pas son pareil pour fixer et griffer d’un trait de plume vigoureusement satirique les Algériens qui l’entourent et pour brosser d’un pinceau de couleurs et d’amour les paysages, montagnes, désert, nuit, bourgades, en un hommage permanent à la beauté qui n’est jamais celle des hommes.
Quant aux femmes, on les voit peu, cloîtrées, incultes, « décapitées » par une idéologie repoussante, ou soudain magnifiées par l’amour et la prose de Zabor. Sa tante, abandonnée par son promis, est devenu une réprouvée, de même pour sa mère qui fut répudiée ; quant à Djemila, « qui ne sait ni lire ni écrire », cachée derrière sa fenêtre, Zabor ne peut l’épouser car divorcée. La plaidoirie de l’écrivain tente de rendre justice à ces femmes.
Devant ce lyrisme continu, touffu, parfois oppressant, d’aucuns seront un peu déçus du peu de péripéties, de la « prédilection pour les digressions » et les paragraphes en italiques. La progression en un triptyque (« Le corps », La langue », « L’extase ») aide peu au dynamisme. La tension qui était celle de Meursault contre-enquête, n’est pas toujours au rendez-vous. Beaucoup plus empreint de sensuelle prose poétique, à la lisière du conte fourmillant, Zabor ou Les psaumes, de par la connotation biblique de son sous-titre, a quelque chose de la prière, mais en direction de la vie et de l’univers, a contrario de ce qui est explicitement le livre-repoussoir, le Coran, (« un Livre sacré qui n’était plus unique »), parfois cité, dans la traduction de Malek Chebel : « les poètes sont suivis par les égarés ».
En conséquence, au-delà des « près de sept mille livres lus », de ceux que Zabor réécrit, comme Robinson Crusoé,ou Le Seigneur des anneaux changé en histoire de « vendeur de bague devenu éternel », et de ses « psaumes » lancinants, l’on pense à l’imaginaire foisonnant (quoique avec bien moins de récits que par la grâce de Schéhérazade) des Mille et une nuits. Notre auteur ne se fait pas faute de pas le prendre en compte, ne serait-ce qu’en reprenant les histoires du père, dont celle de la famine et de sa misère qu’il ne peut s’empêcher de reprocher à sa descendance. Cet anonyme chef d’œuvre de l’humanité, que l’on a retrouvé en arabe, même s’il est très probablement d’origine persane et s’il est fort cosmopolite, s’adosse à la multiplicité des livres et des cultures pour défier, non sans perspicacité polémique, et rejeter ce qui se veut le « Livre unique », cet abêtissant et aliénant Coran, pour ne pas le nommer. En ce sens, non seulement Kamel Daoud propose un manuel d’écriture, par la vertu des réécritures et de la métaphore, qui « était une sorte de verset qui allait du corps vers le ciel et pas l’inverse », mais il manifeste une intention politique, une nécessité d’exil intérieur, de libertés et d’indépendances. Ainsi il échappe à son « village et à son sort de caillou ». Ce par la vertu du réalisme magique.
Journaliste engagé, Kamel Daoud tint des régulières chroniques dans Le Quotidien d’Oran, où il vécut longtemps, outre aujourd’hui ses interventions de chroniqueur de l’état du monde, parmi les pages de l’hebdomadaire français Le Point. Plus de deux mille textes, témoignant d’une plume agile et affutée, mais aussi très lue. Parmi ceux-ci, cent quatre-vingt-deux figurent dans Mes Indépendances. Chroniques 2010-2016[5]. Là il pourfend l’Islam politique (ce qui est un pléonasme), la déliquescence du régime militaire et socialiste algérien, tout en saluant ces révolutions arabes qui ne tinrent pas leurs apparentes promesses de liberté, mais aussi, et surtout, condition sine qua non de la liberté, celle des femmes, si malmenée, si niée dans le monde islamique. Une chronique sur la misère sexuelle arabe lui valut la grotesque accusation d’islamophobie, qui d’ailleurs ne devrait pas être une accusation, mais une saine et humaniste réaction après analyse critique. Depuis, il dut interrompre ses contributions au journal algérien. Plus isolé dans son pays, Kamel Daoud est en fait plus intégré au monde tel qu’il se doit. Les livres de l’écrivain et de ses doubles, Haron et Zabor, paraissent encore chez Actes Sud, puis Gallimard (et Barzakh en Algérie), les chroniques du journaliste paraissent encore – jusqu’à quand ? – dans Le Point, rare magazine à assurer sa mission humaniste et critique, dans un pays qui veut croire encore aux libertés.
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Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.