Claude Vignon : Crésus réclamant le tribut au paysan de Lydie, 1629,
Musée des Beaux-Arts, Tours, Indre-et-Loire.
Photo : T. Guinhut.
Un demi-siècle d’impéritie étatiste.
Ou l’attentat contre les prospérités & les libertés.
Agnès Verdier-Molinié : On va dans le mur…
Albin Michel, 2015, 272 p, 19 €.
Nicolas Bouzou : Pourquoi la lucidité habite à l’étranger ?
JC Lattès, 2015, 250 p, 18 €.
Anne-Sophie Simpere & Pierre Samuel :
Comment l’Etat s’attaque à nos libertés, Plon, 2022, 288 p, 19 €.
Eric Delbecque : L’Insécurité permanente,
Cerf, 2022, 290 p, 20 €.
Aurélien Taché : Voyage d’un homme libre au pays de l’absolutisme,
Seuil, 2022, 224 p, 18 €.
Philippe Nemo : Esthétique de la liberté, PUF, 2014, 200 p, 18 €.
Comment ? Vous ne voyez pas les dents de l’engrenage rougeoyer ? Ces signaux et feux virulents de la décadence et du tiers-mondisme alarmer la France… Car un demi-siècle d’impéritie française coïncide avec cet étatisme prétendument protecteur, en fait nuisible, dégradant et menaçant les libertés. Poids de l’Etat obèse et premier voleur légal, pléthorique, dispendieux, hydre infiltrée dans nombre de secteurs en perte de vitesse : hôpitaux publics, santé, transport ferroviaire, agriculture, industrie, Education Nationale… Déficit récurrent, dette exponentielle, chômage entretenu sans être jugulé, importation de l’Islam et des conflits ethniques, pénurie énergétique, tout se conjugue au profit du déclin. Sans vouloir prétendre que la perfection fut auparavant de ce monde, l’on peut compter que la déchéance commença avec la crise pétrolière de 1973, à laquelle ne répondit aucun programme d’exploitation du pétrole en France, car il en existe. Mais également avec la décision prise par Valéry Giscard d’Estaing du regroupement familial, couplée avec un droit des réfugiés dévoyé. Et surtout à l’occasion du grand bond en avant du socialisme mitterrandien, à partir de 1981, qu’aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n’a réellement depuis remis en cause, tant la croissance de la fiscalité, de la distribution sociale, de l’hydre étatique étranglant l’économie, avantageusement aidée en cela par l’emprise de l’écologisme, le mépris du gaz de schiste, les délires des énergies renouvelables ineptes - sans compter les amendes que l’Europe menace d’infliger à la France pour ne pas avoir atteint ses objectifs en la matière - n’ont fait que prospérer, au profit de la décroissance de la prospérité et des libertés. Le nécessaire constat du monstre étatique est fait par Agnès Verdier-Molinié, la France est comparée au reste de l’Europe, à son désavantage, par Nicolas Bouzou, tandis que divers essayistes, Anne-Sophie Simpère, & Pierre Samuel, Eric Delbecque, Aurélien Taché, chacun à leurs manières, y compris à cause de l'insécurité, dénoncent la perte progressive des libertés. Alors qu’avec Philippe Nemo il faut en relever le défi esthétique… Comment s’aggravent et d’où viennent cette hypertrophie de l’Etat délétère et ce mépris de la liberté ?
Trois cent-soixante, 400 000 et 10 500, deux millions, 103 et 3 500, 61 384 et 1851, 36 769 et 39, 1244… Quelle fastidieuse énumération à lire ; et à taper sur le clavier, donc ! Et qui tapent sur la tête des Français, de l’économie et de la croissance rouleau-compresseurisés… Car la pyramide des privilégiés, des lois, normes, taxes et impôts écrase la France en passe de s’écrouler sur elle-même. Ce sont, pêle-mêle, les chiffres aberrants et exponentiels des impôts et taxes, des normes et lois, des jours de grève par an, des différentes aides sociales, des pages du Code du travail, des élus et des primes, des communes, des régimes de retraite et agences publiques ! Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’iFRAP (Fondation pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques publiques) n’a pas peur de se coltiner ces brouettées de chiffres, de les décortiquer tour à tour, et d’en montrer l’inanité, là où On va dans le mur, en France d’Absurdie… Car ailleurs, à l’étranger, du moins dans les pays d’Europe les plus dynamiques, les choses sont plus légères en Lucidie : Pourquoi la lucidité habite l’étranger ? demande Nicolas Bouzou. Poser la question, c’est y répondre par nos yeux grand fermés.
L’apparente modestie du format (quoique 272 pages tout de même) cache un travail de fourmi pharaonique : Agnès Verdié-Molinié avoue avoir eu du mal à dénicher quelques-unes de ses informations, tant l’Etat lui-même a de la peine à connaître le nombre exact de ses fonctionnaires, de ses commissions, de ses décrets, des « mandats syndicaux de la Sécurité sociale ». Qui connait ces chiffres ? Ainsi ce n’est pas sans risque que le lecteur plonge dans ce réquisitoire argumenté, chiffré, pléthorique. Dégoût, stupéfaction se partagent notre entendement à la lecture de cette gabegie, de ces gaspillages, de ces freins tout serrés, de ces privilèges éhontés. Et si le constat date de 2015, ne doutons-pas que la gabegie ce soit aggravée.
Nous frisons les 45% de prélèvements obligatoires, les 60% de dépenses publiques par rapport au PIB, quand la dette dépasse allègrement les 100% de ce dernier : racket et tonneau des Danaïdes ! Serait-il urgent d’agir ? Déroulons alors la liste ubuesque et surréaliste des taxes qui ne nous honorent qu’à hauteur de l’invention et des capacités d’enfumages de nos Ministres et députés. 46 nouvelles taxes depuis 2007, dont la perception est fort coûteuse, et le rendement faible… « 153 taxes, pesant 72 milliard d’euros par ans, sur les entreprises de France, alors que l’Allemagne n’en compte que 55 ! » Taxes souvent venues des collectivités locales. Pourquoi une TVA unique ne suffit-elle pas ? Niches fiscales et sociales contribuent à l’exponentiel casse-tête paralysant le travail et la croissance…
Les agents de la Fonction publique sont 5,4 millions ; soit 15% d’augmentation en dix ans, surtout dans les collectivités territoriales. Ces dernières sont 36 769 communes, 15 903 syndicats intercommunaux, 27 régions, puis 15 sans que cela entraîne une diminution des dépenses, 101 départements. Ne faut-il pas penser que le mille-feuille serait dégrossi « par la suppression de l’échelon départemental et la fusion des communes françaises en 5000 super-communes » ?
Quand les ambassades sont 163 (bien trop), on compte 193 ambassadeurs. Cherchez l’erreur ! Les aides sociales sont 103 pour 700 milliards de dépenses sociales. Voilà comment occuper des fonctionnaires superfétatoires ! Ce qui peut d’ailleurs « permettre à ceux qui ne travaillent pas, ou très peu, de toucher autant qu’un Smic ». Voilà qui contribue au déficit des branches famille, santé, vieillesse… La Sécurité Sociale et ses nombreuses caisses arrosent généreusement leurs cadres et 1es bénéficiaires, souvent syndiqués, de 100 000 mandats paritaires, tout en observant une productivité modeste, et en étant la victime consentante des fraudes aux allocations pour environ 10 milliards d’euros. L’assurance chômage de même est une pompe financière pour les syndicats, le MEDEF…
« Un mandat électif pour 104 habitant », n’y-a-t-il pas pléthore ? « Un parlementaire pour 70 000 habitants », quand c’est un pour 600 000 habitants aux Etats-Unis ! Sans compter que leurs rémunérations généreuses sont aussi opaques qu’incontrôlées. Aussi scandaleuses que les 300 primes d’Etat : saviez-vous qu’il existe une prime de chauffage ou d’habillement et de chaussures, et pour les membres du Conseil d’Etat une « prime d’égout » ? Et pour nous, lecteurs et contribuables corvéables à merci, une prime de dégoût ! Ces primes sont une « chasse gardée des syndicats ». Dont le gibier est encore une fois le contribuable éreinté… Quant aux 5 millions de chômeurs, l’Etat-providence ne leur réserve que des « mesures inefficaces et coûteuses ».
Quoique personne - un comble - ne sache le nombre réel d’enseignants, l’on peut en 2015 les évaluer à 915 138. Soit un enseignant pour 14 élèves. Etrange, quand les classes de lycée tournent souvent à 35 ! D’où vient la différence ? Par exemple des lycées professionnels. Passer « à 20 heures de cours par semaine » (au lieu des 15 pour les agrégés et de 18 pour les certifiés) reviendrait à « économiser 47 000 postes d’enseignants », alors que l’on en manque. Pourquoi pas ? Presque rien n’y vient récompenser le mérite… Qui sait également à quoique servent, sinon à s’empiler, les 1244 agences publiques, sinon à recaser des fonctionnaires, et dont les budgets augmentent sans cesse ? Par ailleurs, les « participations tentaculaires » de l’Etat dans les entreprises sont moins un gage de réussite que de déficit.
Normes, lois et décrets sont, en 2015, 437 500, quand « nul n’est censé ignorer la loi » ! Lois sur la quantité d’œufs durs dans les cantines, sur les normes sismiques dans des régions où l’on ne tremble que de rire ! Le droit de l’Environnement et le Code des Impôts prolifèrent pourtant aux dépens de l’investissement et de l’activité entrepreneuriale. Complexité et illisibilité se conjuguent. Le pire en ce domaine est le Code du travail avec ses 3500 pages. Pourquoi ne pas le changer pour les 85 pages de son équivalent suisse (3% de chômeurs) ? En ce domaine l’employé (surtout syndiqué) finit par exploiter le patron jusqu’à le détruire. Licencier est un parcours impossible et coûteux, où l’employeur est plus souvent condamné qu’à son tour. Il faut alors une bonne dose d’héroïsme pour embaucher ! L’oppression est contreproductive. Surtout quand la France pratique le disqualifiant principe de « 10,3 semaines non travaillées par an en moyenne »…
Pamphlet argumenté, réquisitoire exact, l’essai salutaire d’Agnès Verdié-Molinié se veut cependant « optimiste ». Hors les précieuses « Annexes », où s’empilent les chiffres accablants, sa conclusion, « Et si demain on changeait tout » est rafraichissante. Et loin de rester dans le trop fameux « ya qu’à », elle répond à chaque problème par un « Comment on fait », fort pragmatique. Ainsi elle imagine l’année 2022, avant laquelle un gouvernement a eu le courage, en trois semaines, de faire un ménage salutaire. Simplification, réduction drastique du nombre des taxes, des élus, des dépenses de l’Etat, des mandats syndicaux, des fonctionnaires, plus que 5000 super communes, impôt sur les sociétés à 18 % : « La France respire, on a évité le mur. » Hélas nous avions deviné que c’était un rêve, rêve jamais abouti. Agnès Verdier-Molinié Présidente de la République ! Cela vaudra mille fois mieux que nos tyrans obèses de socialisme (de droite et de gauche confondues) qui se sont succédé depuis 1981. Lorsque la Loi santé propose un amendement contre « la maigreur extrême des mannequins », elle ferait mieux de se préoccuper de l’obésité d’un Etat proche de la déroute cardio-vasculaire…
Si l’on excepte l’incorrection syntaxique du titre (dire : « Pourquoi la lucidité habite-elle l’étranger ? ») l’essai de Nicolas Bouzou est aussi documenté qu’éclairant. En un mot, étant donné l’état désastreux de la France, pourquoi ne pas s’inspirer des pays voisins où les solutions ont fait la preuve indubitable de leur efficacité ? Entre 3 et 6 % de chômeurs en Suisse, Autriche et Allemagne, sans compter que les Pays-Bas, le Danemark soient assez bien lotis en ce domaine, que le Royaume Uni crée des centaines de milliers d’emplois (si le retour au Travaillisme ne l’handicape pas), que même l’Italie et l’Espagne sont sur la voie des réformes. Voilà des pays lucides, quand la France est aveugle. Nicolas Bouzou bataille pour lui ouvrir les yeux et réalise pour nous « le tour d’Europe d’un économiste qui guette le réveil français ».
En cette ère où l’économie mondiale se situe « au début d’un cycle d’innovations au moins aussi fort que celui de la Renaissance européenne », les nanotechnologies et biotechnologies, la robotique et l’impression 3D, l’intelligence artificielle et les réseaux d’information ouvrent un cycle de croissance et une élévation extraordinaire du niveau de vie. Certes, des pans de l’économie disparaissent conjointement, mais il s’agit, pour reprendre Schumpeter, de « destruction créatrice[1] ». Quand les Français ne croient plus au progrès, il se réalise au-delà de nos frontières. Ainsi, Nicolas Bouzou confesse : « Je revins avec beaucoup d’idées nouvelles pour la France, mais aussi moins d’indulgence. »
Nicolas Bouzou aurait pu construire ses chapitres pays par pays ; il a justement préféré œuvrer par problèmes et solutions : « L’hyper-révolution » précède « La destruction », avant d’aboutir à « L’Europe de la croissance » et à « À la recherche du changement civilisé ». Le trio Portugal, Espagne, Grèce, engage des réformes qui commencent à porter leurs fruits. Même si les démagogues, en particulier de l’extrême gauche « se fourvoient dans le contresens classique qui veut que la crise européenne soit une crise du libéralisme, alors que c’est exactement l’inverse, puisque c’est, pour une large part, une crise de la mauvaise gestion des finances publiques », et ajouterons-nous, des législations fiscales et du travail. Sans compter la frilosité devant les nouvelles technologies : qui, dans l’hexagone, a entendu parler de neurotechnologie ? Certes l’innovation ne va pas sans destruction des pratiques industrielles obsolètes, mais pour de nouveaux emplois, de nouvelles extensions du domaine de la vie humaine : « la troisième hyper-révolution économique recèle des potentialités colossales en terme de revenu, de bien-être social, de santé ». Par exemple, une économie curative de la santé sera remplacée par une économie préventive.
Le tourisme économique de Nicolas Bouzou est un concept neuf et dynamique. Au-delà de Londres, Manchester fut la ville de l’industrie du coton, de Rolls-Royce et d’Alan Turing, ville industrielle dévastée puis en pleine renaissance. Trèves ensuite, en Allemagne, où est né Karl Marx, selon lequel l’économie est bien « l’infrastructure de la société », quoique l’exploitation capitaliste ait « une efficacité qui profite aux plus pauvres », car « c’est la classe des prolétaires qui s’est le plus enrichie ». Aujourd’hui, le nouveau capitalisme est celui la gestion de l’information, de l’invention permanente ; ainsi le capitalisme éducationnel des « Free school » est-il fondamental. Alors que « le délire anticapitaliste et la fatigue du progrès sont des luxes d’enfants gâtés ».
À Berlin, l’on s’interroge avec un pragmatisme hésitant : « Comment pratiquer l’eugénisme et le clonage après Auschwitz ? » Car la génomédecine peut avoir des objectifs justes et bienveillants : éradiquer des maladies, optimiser notre destin grâce au clonage thérapeutique, et notre liberté. Il n’est pas interdit de se demander quelle est « la part génétique de la surintelligence » ? Réfléchit-on avec un plus de rationalité sur Organismes Génétiquement Modifiés en Allemagne, quand en France ils sont diabolisés ? Le plein-emploi allemand reste cependant un modèle, certes perfectible, mais digne qu’on en examine et reproduise les recettes, sauf dans le domaine de l’énergie, où l’arrêt des centrales nucléaires fut un non-sens et reste une catastrophe.
À Varsovie, une étonnante embellie économique fait oublier le communisme. En Suisse, notre auteur se demande avec justesse pourquoi la France n’adopte pas sa politique économique, plus abondante en ingénieurs des nouvelles technologies et, rappelons-le, nantie d’un chômage à 3%. La dépense publique helvète représente 35 % du PIB, soit 22 points de moins que notre affreux hexagone.
En Autriche, un chômage à 4,5%, une croissance à 3% ! Tout cela grâce à la « flex-sécurité » (comme au Danemark), association de facilité de licenciement et de formation, de dégressivité de l’indemnisation chômage, parmi un « marché du travail désétatisé ». On y trouve « un système national d’assurance maladie obligatoire géré par des assurances privées en concurrence ». De quoi faire rêver, sans oublier « des salaires élevés, une protection sociale équitable et efficace ». Hélas, en France, « nous n’en tirons aucune conclusion » : « l’enlisement est préféré au changement ». Au-delà de la « peur écologique », et du constructivisme idéologique de la décroissance, ne peut-on imaginer que le capitalisme libéral œuvre en faveur d’une confiance en nos capacités à réenchanter le rapport entre natures et technologies ; à la façon de l’artiste et architecte autrichien Hundertwasser…
Au Pays-Bas, gouvernement limité et individualisme concourent à une prospérité et à une liberté sur laquelle nous ne voulons pas ouvrir les yeux. Pire, nous sommes des « critiques qui rationalisent l’échec de leur propre pays » en dénigrant la réussite d’autrui avec une mauvaise foi sans pareille.
Alors que la France préfère les séries qui « célèbrent les services publics et les antiquaires », en Suède, notre essayiste se demande si la série Real Humans, qui imagine une robotique capable de créer des « hubots », n’est qu’une préfiguration de notre monde de demain. Cependant les Suédois, dans le cadre d’un « renoncement au keynésianisme » savent autant diminuer la dépense publique que les impôts. Là, également, la thérapie génique et la biologie synthétique permettront bientôt de régénérer les organismes : nanotechnologies et intelligence artificielle permettront-elles un juste transhumanisme ? Mais c’est en Californie et en Chine (hélas au service du communisme) que ce dernier fait rêver à une humanité augmentée…
Pourtant, à l’occasion de la Suède, de ses émeutes ethniques et islamiques, Nicolas Bouzou note que « le plein-emploi ne suffit pas à assurer l’accueil harmonieux d’une immigration abondante ». Nous ne pouvons que partager le rejet de l’auteur du nationalisme et être avec lui favorable à une société ouverte ; hélas il ne semble pas prendre conscience de l’incompatibilité d’un Islam totalitaire avec les valeurs occidentales et libérales…
Si la démarche intellectuelle de Nicolas Bouzou est parfois un peu erratique, mais à la façon de son voyage européen, son récit-essai, mêlant histoire des villes (Venise, Athènes, Milan) et des idées, réalités et perspectives économiques, est bien stimulant pour l’esprit, entre vulgarisation historique et économique d’une part et enthousiasme d’autre part. Non, la croissance heureuse n’est pas un rêve niais mais une hypothèse autant en cours que réalisable, n’en déplaise aux pusillanimes Cassandres français… La « destruction créatrice schumpetérienne » n’est un prélude nécessaire aux progrès. En lecteur attentif d’Hayek, il nous fait relire son éloge de « l’ordre spontané » du marché, son « ordre politique d’un peuple libre[2] », au détriment des politiques étatistes, d’autant que « les politiques publiques ne peuvent que prolonger les crises ». Pourquoi, en cette évidence, les Français ont-ils coutume de vilipender le libéralisme qu’ils ne connaissent pas ?
Reste que Nicolas Bouzon semble ignorer qu’il existe des entreprises françaises aussi performantes qu’investigatrices. Neurospin, par exemple, s’intéresse aux applications de l’imagerie médicale pour les neurobiologistes ; l’Inria est un Institut de recherche en informatique et en automatique ; Aldebaran Robotics est le leader mondial des robots humanoïdes intelligents ; Cellectis produit des « ciseaux ADN » qui permettent de détruire les cellules cancéreuses. En mars 2015, le Salon des nouvelles technologies de Las Vegas réunit pas moins de 66 jeunes pousses (ou « start-up ») françaises, parmi lesquelles, iSetWatch, Holi ou MyFox, qui affectent toutes des noms anglophones pour exister au mieux, s’intéressent aux alarmes connectées, à l’éclairage, à l’arbitrage… La partie n’est sans doute pas aussi perdue qu’elle semblerait l’être.
Pauvre France absurde, étranglée par le socialisme, le syndicalisme et les privilèges étatiques. Quand sauras-tu devenir enfin rationnelle, gérer des budgets avec l’avarice nécessaire, faire confiance à la liberté d’entreprendre ? Car en dépit de tes menottes fiscales et législatives, de ton esprit borné, des entreprises magnifiques savent encore réussir, des initiatives fleurissent. Voyons, entre cent exemples, Bertin Nahum, classé quatrième entrepreneur le plus révolutionnaire du monde, patron de Medtech, une entreprise montpelliéraine, qui œuvre dans l’assistance robotique à la neurochirurgie. Que serait-ce si l’on voulait bien suivre les conseils avisés de nos deux précieux essayistes et s’ouvrir aux accessibles solutions à peine cachées derrière nos frontières ? Agnès Verdier-Molinié Présidente de la République, vous dis-je ! Et Nicolas Bouzou, Ministre de l’Economie !
Les Français par eux-mêmes, Curmer, 1840.
Photo : T. Guinhut.
Si le qualificatif de totalitaire est encore une hyperbole en France étatiste, il n’est pas indécent de sainement constater l’approche d’une tyrannie dont les filets plus ou moins invisibles se resserrent en toute régularité. Particulièrement française certes, mais aussi européenne, sinon mondiale, aux mains du club de Davos, par le moyen des banques centrales et de leurs planches à billets inflationnistes, du quota et de la taxe carbone, sans compter l’identité numérique qui nous pend au nez comme un reflet de la surveillance omnisciente du communisme chinois.
Ainsi, « Galaxie » porte bien son nom totalitaire : ce logiciel sophistiqué du fisc permet de surveiller tous les contribuables dans leurs échanges, y compris parmi les courriels et les réseaux sociaux, ensuite de traiter toutes les données personnelles et de recouper toutes informations diverses au service d'un imparable contrôle fiscal, dont on sait pourtant l’effet destructeur ; l’enfer fiscal n’ayant pas la vertu de ses métamorphoser en paradis[3].
La crise sanitaire fut un joyeux prétexte pour étrangler le et les pays sous les lacets de l’étatisme, y compris européaniste. Incarcérer l’économie en imposant des confinements ; s’endetter de manière une fois encore exponentielle, ornée du trop fameux « quoiqu’il en coûte », sans compter la généralisation imposée de vaccins expérimentaux, à l’efficacité discutable, voire délétère, toutes décisions désastreuses. Ce qui n’empêche guère les citoyens ayant approuvé toutes ces mesures comme un seul homme abreuvé par la servitude volontaire de se précipiter pour couvrir les boulevards de manifestations plus ou moins violentes pour contester bruyamment les conséquences inflationnistes et les pénuries dont ils ont par leur consentement et leurs votes étatistes préparé le terrain.
Pour refaire le coup de maître de « l’union de la gauche » mitterrandienne, qui imposa le socialisme à quatre décennies, pour le porter à son comble communiste, un Jean-Luc Mélanchon, Leader Maximo de La France Insoumise, à lui soumise, y compris avec l’aval des soumis de l’Islam qui vote en nombre pour lui et son islamogauchisme tactique, tente de phagocyter ce qui reste du Parti socialiste et les Ecologistes de parti.
En face, frères ennemis de la gauche étatiste, mais tout aussi étatistes, les orateurs du Rassemblement National et de la zémourienne Reconquête n’envisagent guère - et pourtant - l’union des droites. Alors que depuis longtemps la droite républicaine à force de colbertisme, d’écologisme et de culpabilisation par la gauche a rejoint les attendus économiques et administratifs du socialisme. Entre violences terroristes et islamistes d’une part et violences politiques extrême-gauchistes, anarchistes voire vegan de l’autre, les libertés doivent se sentir menacées par les dents d’une tenaille. D’autant que les règlements européens ôtent nombre de compétences aux Etats, voire laminent toute leur souveraineté.
Hélas, la « planification écologique », flanquée du ministère du Logement et du ministère des Transports, se double de « planification énergétique », alors que le maigre parti écologiste est boudé par les urnes. Ainsi les usines productrices et les centres commerciaux ne naissent plus, ou à peine, la Montagne d’Or de Guyane laisse la place aux orpailleurs illégaux et forts pollueurs, le terminal 4 de Roissy verra ses potentiels clients migrer vers les pays voisins. Toute espèce d’industrie et de progrès se voit vilipendée, quels que soient les richesses attendues par les Français et la régression vers la pauvreté qui en résulte. Le diktat écologique est tel que ses militants gourmands d’interdictions et de sabotages pratiquent impunément la tabula rasa et le vandalisme. Quand bien même la France émet fort peu de CO2, cet épouvantail à gogo alors qu’il n’est pas un polluant et au contraire un accélérateur de végétation, la terreur climatique[4], absolument imaginaire au demeurant, est devenue l’instrument idéal d’oppression d’une planification verte, dont le ressort idéologique est bien entendu le rouge communisme totalitaire. La preuve, s’il en était besoin, selon le Président de la République Emmanuel Macron : « les patrons n’auront pas d’autre choix que d’être éco-responsables ». Nous voilà privés de charbon, inexploitable et pourtant abondant sous notre sol, sauf sous l’emprise hypocrite des importations d’électricité allemandes fomentées par une industrie nucléaire à la dérive, éradiquée dans son développement qui promettait d’être un fleuron français. Privés de gaz, sauf en le payant fort cher venu d’outre-Atlantique ou d’outre-continents (y compris aux bons soins de pays qui ne brillent pas par leur démocratie et leur tolérance) alors que le gaz de schiste (la recherche en ce domaine fut interdite en 2017) et celui des mines de Lorraine nous assureraient des décennies de prospérité ; privés de pétrole, alors que la mer de Guyane en regorge, et très probablement notre Méditerranée, voire le bassin parisien. La main punitive de l’Etat n’y va pas de main morte : interdictions des « passoires thermiques » de façon à augmenter la pénurie de logements, pléthoriques sanctions financières et réglementaires sur les voitures essence et diésel, sur les carburant déjà taxés à 65%, interdiction prochaine des chaudières au fioul, voire à gaz, des véhicules thermiques en 2035 par la sainte grâce de l’Europe, alors que ceux électriques sont des aberrations infinies que nourrissent si mal et si peu des éoliennes tout aussi aberrantes… Pourtant, c’est en lâchant la bride aux entrepreneurs qui n’ont pour ambition que d’innover que nous pourrions exploiter Terre en la magnifiant. En l’occurrence, il n’y a qu’un pas pour faire de celui qui ne serait pas un membre de la sainte église planétaire un sous-citoyen, un criminel fomentant le meurtre de Gaïa.
Tel est le tableau pitoyable d’un Etat aussi tyrannique qu’obscurantiste…
Pour en donner une preuve supplémentaire, voici Comment l’Etat s’attaque à nos libertés, par le duo Anne-Sophie Anne-Sophie Simpère & Pierre Januel. Cette fois il s’agit de dénoncer une « politique sécuritaire » passant par un confinement sanitaire absurde, même s’il faut reconnaître qu’au début de l’épidémie les perspectives étaient peu assurées, montrant qu’une fois de plus l’intervention autoritaire de l’Etat et de son grand timonier républicain n’est une gesticulation d’ego pour signifier que l’on veille et agit, alors qu’il eût mieux valu ne pas agir. D’autant qu’il s’agissait de pallier l’impéritie suradministrée de l’hôpital public et sous-médicalisé par la débâcle économique. Mais aussi par un état d’urgence terroriste. D’une part parce qu’il s’agit d’enserrer les citoyens dans un filet de surveillances, d’autre part parce que l’erratique et incertaine efficacité de la chose ne nous assure guère la sécurité urbaine qui devrait être la règle. Nous ne sommes pas certains à cet égard de devoir récuser comme notre couple d’auteurs le laxisme de la Justice. « Tous surveillés et punis », annonce le sous-titre ; certes, mais combien échappent à toute punition justifiée ?
Si la méfiance envers les lois d’état d’urgence terroriste ou sanitaire doit être de règle, tant elles ont tendance à ne pas savoir s’effacer une fois hors de propos, il ne faut cependant pas jeter le bébé avec l’eau du bain comme aiment à le faire nos auteurs. En effet une surveillance, biométrique, par vidéo algorithmique, telle qu’elle se généralise à l’approche des Jeux Olympiques parisiens de 2024, doit pouvoir exclusivement contribuer à parer la délinquance et la criminalité ; rien d’autre. Et non permettre d’accumuler « l’absurdité des charges ». Hélas notre duo pêche par irénisme multiculturel, signalant combien « musulmans et étrangers » sont ciblés : ce n’est pas là racisme systémique policier (ou à peine) mais réalité statistique des comportements délictueux. Il faudrait aussi relever la différence de traitement des manifestants (quoiqu’il puisse s’agir là d’un euphémisme) entre Gilets jaunes matraquables à merci et Black Blocks extrême gauchistes aux vandalismes anticapitalistes et agressions contre la police récurrents et cependant à peine réprimés…
À cet égard, le sous-titre d’Eric Delbecque, « Les causes de l’impuissance française » est parlant. Son essai, L’Insécurité permanente, malgré d’impressionnants pandores casqués en couverture, ne rassure pas le quidam. Sachez que l’auteur est sérieusement informé, en tant qu’expert en sécurité intérieure et responsable de la sécurité de Charlie Hebdo suite à l’attentat de 2015. Malgré les niais politiques et médiatiques qui dénoncent le fantasme sécuritaire, finalement complices et responsables, les incivilités courantes, les délinquances ordinaires, les agressions violentes et les règlements de comptes entre bandes rivales, et la prégnance toujours menaçante des attentats islamistes, le Français vit mal en son territoire - qui ne lui appartient plus guère - s’il n’est pas blessé, tué. « Ensauvagement », « décivilisation », violence des mineurs, où git « la racine du mal », « haine du flic » et désinformations quant aux « violences policières » qu’il ne faut pas nier, mais bien dépassées par celles antipolicières, salafisme et jihadisme enfin, tout se conjugue pour qu’en quantités croissantes la poudre explose. Pendant ce temps les administrations des ministères de l’Intérieur et de la Justice temporisent, minimisent, espèrent en un apaisement impossible. Le tableau, documenté, comprend 150 000 vols de véhicules, 250 000 cambriolages, 700 000 vols sans violences, avec violence 100 000, dont 10 000 avec arme, et encore ne s’agit-il que de ceux déclarés chaque année. Laissons imaginer les homicides, soit 1,36 pour 100 000 habitants en 2019, sans compter « plus de 8000 personnes inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste » ; et s’il s’agit de la partie immergée de l’iceberg… En conséquence, face à « quarante ans d’inaction », Eric Delbecque plaide pour un réinvestissement des territoires perdus de la République, pour une stratégie sécuritaire assumée par les spécialistes en la matière. Car « la sécurité c’est la restauration de la République et la première de nos libertés »
Autre concept inhérent à l’étatisme forcené : l’absolutisme. Il est dénoncé, moqué, combattu par un député, quoique macronien, alors que ses coreligionnaires de tous bords n’ont guère tendance à être des amants de la liberté : Aurélien Taché, qui publie un Voyage d’un homme libre au pays de l’absolutisme. Ce dernier ne vient pas seulement d’en haut, mais de tout un substrat des mentalités, qui prônent et pratiquent le conformisme, l’uniformité, l’immobilisme et le gel des convictions, fussent-elles démenties par les faits, par les réussites hors de France, en une permanence de la « connaissance inutile », pour reprendre le titre de Jean-François Revel[5].
Huit chapitres plus ou moins autobiographiques sont autant de « voyages » : « à la campagne », « au cœur des pouvoirs publics », « à l’Assemblée nationale », « à l’école » « dans l’entreprise », « au pays des militants », « dans l’inconscient national ». Bien que le pire réside parmi la fonction publique et les cabinets ministériels, le constat est toujours le même, même si les variantes abondent. Tout du long Aurélien Taché se heurte au carcan et au lacis administratif, en particulier dans le domaine du logement, plaide pour plus de responsabilités en dehors du seul salut de l’Etat, et se veut libéral, par exemple en légalisant le cannabis, en pensant à un « compte-temps » personnel au lieu d’un système de retraite national, en prônant un « revenu d’existence » pour tous. Face au travail dépourvu de sens et à un système de subordination : « plus de salariés ou d’indépendants, tous coopérants ! » rêve-t-il en idéaliste fougueux. Le réquisitoire est particulièrement vif à l’encontre du système scolaire, une « institution disciplinaire », qui a bien failli broyer le jeune Aurélien venu d’un milieu modeste en Deux-Sèvres.
Enfin le « voyage au-delà des nations » qui laissait espérer des expériences un tant soit peu plus ouvertes, aboutit à une dénonciation de « l’ordolibéarlisme » européen et du « néolibéralisme », concepts pour le moins confus qui ne sont pas très cohérents avec son idée du « primat de l’individu sur le collectif ». En effet il pense à une connivence dommageable entre l’Etat, mais aussi l’Europe avec les grandes entreprises capitalistiques, ce qui n’est plus de l’ordre du capitalisme libéral. Autre approximation, son approche des pays relevant de l’Islam, tout en soutenant les aspirations à la liberté, relève d’un certain irénisme, surtout lorsqu’il méconnait le caractère totalitaire de l’islam en prétendant ne pas vouloir encadrer le port des signes religieux. Si le principe directeur de cet essai, bourré d’observations nées de l’expérience, de contrariétés, de faits, de suggestions, est judicieux, le parcours argumentatif est parfois sinueux…