Ammanite tue-mouches, bois du Soussouéou, vallée d'Ossau,
Pyrénées Atlantiques. Photo : T. Guinhut.
Retour surLes Bienveillantes
de Jonathan Littell,
Roman historique
et intertextualité mythologique.
Jonathan Littell : Les Bienveillantes,
Gallimard, 2006, 924 p, 25 € ; Folio, 13,80 €.
Nous sommes dans la sécurité de la fiction, assis dans un bon fauteuil, une tasse de thé à la main ; et pourtant nous avons peur. De ce que nous lisons et ne vivons pas, de ce que d’autres ont vécu, que nous aurions pu vivre. De ce que nous croyions connaître à fond, sujet rebattu et cliché du roman estampillé sérieux et profond à peu de frais. Traverser l’existence dans les années trente et quarante du dernier siècle, être Juif pendant la solution finale ; pire -si tant est que ce soit possible- être Max Aue, le héros sans bienveillance des Bienveillantes… Autant que le meilleur documentaire historique, cet ambitieux volume nous prend dans sa terrible orbite pour dresser une fresque plus que réaliste d’une sombre époque : celle de la carrière époustouflante, fulgurante et crépusculaire (au sens du Götterdämmerung) du nazisme. Reste qu’il s’agit d’un roman, ce qui n’est pas sans ajouter à l’ouvrage une dimension problématique, sans compter l’allusion mythologique du titre qui n’est reprise que lors de la dernière phrase, après plus de 900 pages.
L'on a abondamment reproché à l’historien Jonathan Littell sa complaisance envers les massacres perpétrés, narrés et décrits jusqu’à l’écœurement, cet « appel vaguement lascif de souffrance à distance » pour reprendre les mots de Georges Steiner sur Soljenitsyne, dans une de ses Chroniques du New-Yorker (1). De cette souffrance, peut-être le poète Paul Celan dit-il plus en bien moins de mots, lorsqu’il compose « Fugue de mort »(2) où les Juifs ont « une tombe au creux des nuages ». On sait qu’il s’est appuyé sur le film Shoahde Claude Lanzmann et sur maints ouvrages, dont La Destruction des Juifs d’Europe de Raul Hilberg (3) et Les Jours de notre mort (4) de David Rousset pour nourrir son œuvre, dans laquelle abondent les interventions de personnages historiques, Himmler, Mengele, Heydrich, Hitler lui-même, jusqu’aux écrivains : Jünger, Brasillach et Rebatet. Malgré la documentation sourcilleuse, collectée dans les archives et sur les lieux, de Stalingrad à la Pologne, amassée, sélectionnée et distribuée dans le corps nombreux de la fiction (documentation d’ailleurs corrigée lors de la réédition en poche) on peut avoir l'impression de d’être plongé un film porno particulièrement répugnant ou la violence tient le rôle du sexe. Salo ouLes 120 journées de Sodomede Pasolini malgré la distanciation née de l’association d’un régime aux dernières extrémités et d’une fiction inspiré par Sade. Mais avec le sans faute de la froide détermination systématique et bureaucratique : les cadavres tombent et s’entassent, le sang et les cervelles jaillissent sur les bottes et les yeux des exécutants (notons l’esthétisation du pire interdite aux historiens), jeunes soldats du Reich que Max Aue tient à protéger du traumatisme pour qu’ils puissent continuer d’exécuter leur mission avec zèle et santé dans l’intérêt de la grande Allemagne. Il est commis à la gestion de la « capacité productive » du « réservoir humain » juif qu’il défend toute peine perdue. Rarement (mais efficacement) meurtrier lui-même, quoique n’approuvant pas l’holocauste, toujours digne observateur, il sait rester un parfait inspecteur de la solution finale, même si, « écœuré », il perd son sang-froid devant les « antisémites viscéraux, obscènes » ; ses « nausées » pourtant semblent n’être que paravent de dignité qui pourrait lui être comptées par on ne sait quel tribunal intérieur. Une telle lecture en effet exige la plus grande froideur et dignité de la part de celui qui participe -ne serait-ce qu’en tournant ces pages- à la fiction néanmoins historique, sans devenir complice ni victime par l’exhibitionnisme qui pourrait en être consubstantiel, salissant l’œil voyeuriste du lecteur, quoique jamais mis en situation par le romancier d’être Max Aue.
Reste que Jonathan Littell n’est pas un historien. Les historiens de profession le lui ont bien reproché. Non seulement Max Aue n’est qu’une fiction dangereuse, qui introduirait une subjectivité suspecte, mais il risque de faire de l’ombre, par son succès séducteur, aux ouvrages sérieux et scrupuleusement documentés sur le nazisme et la solution finale. Son lecteur risquerait de prendre des vessies pour des lanternes, en d’autres termes un roman pour la vérité historique. Outre qu’il paraît difficile que le lecteur soit dupe (l’incipit si subjectif et si romanesque, en tant qu’autobiographie fictive, est clair à cet égard) les historiens feraient ici preuve de mauvaise foi, voire de jalousie pitoyable en imaginant qu’ils seraient ici évincés. Le lecteur de Littell au contraire, peut éprouver le désir de se tourner ensuite vers eux pour vérifier et croiser ses sources. Quitte à se demander s’il était nécessaire de créer le personnage de Mandelbrod pour organiser l’extermination des juifs, ce dont Hitler et Himmler se sont parfaitement passé pour mettre leur dessein à mal.
On a également critiqué avec vigueur la thèse inlassablement répétée par le monstrueux héros. Certes le message -si message il y a- du personnage, c'est que n'importe qui parmi les « frères humains » peut basculer du côté nazi en fonction des circonstances. Bourreaux et victimes, c'est du pareil au même, c'est juste une question de malchance, on est seulement du bon ou du mauvais côté du fusil. Bref nous sommes tous des salauds, tous fascinés par le sexe le plus glauque et la violence la plus crue. Ce qui est en grande partie vrai, car nombre d’allemands innocents se sont rendus coupables, non seulement d’obéissance forcée, mais encore d’être les bras armés, idéologiques et militaires, sans compter leur silence. Et en partie fort faux, car bien des personnalités restent irréductibles à la propagande, au panurgisme. Ce dont témoignent les nombreux exilés à l’extérieur des frontières (Heinrich et Thomas Mann), exilés de l’intérieur (Ernst Jünger) sans compter les étudiants résistants de Munich et les officiers autour de Stauffenberg qui tentèrent d’éliminer Hitler, même si l’attitude de cet officier à l’égard de l’extermination des Juifs reste à déterminer.
Si Les Bienveillantes se résumaient au roman à thèse, ce serait en effet bien piètre. Mais Max Aue est un narrateur peu fiable, sans même encore examiner jusqu’à la question de l'assassinat de la mère qu’il refuse d’assumer. Devant le tribunal final des Bienveillantes, il se livre, en même temps qu'à la fresque historique, à une autobiographie qui est avant tout une plaidoirie, charpentée de cynisme, nimbée de mauvaise foi, surtout utilisant l'argument trop facile du tout le monde est un nazi potentiel... Ce qui amène certains lecteurs à déplorer que l'auteur n'apparaisse pas pour porter un jugement sur son personnage, ni pour incarner une valeur morale surplombante. Ouf ! Tant mieux... Ce qui nous évite le moralisme convenu, les évidences justes, mais néanmoins implicites, car le personnage porte en lui-même sa propre condamnation. Inutile d'en rajouter. Le lecteur est seul devant cette création hallucinante et documentée, à lui de se débrouiller, de prendre ses responsabilités. Une fois de plus il est hors de question de confondre narrateur-personnage et auteur. Ne cherchons pas à savoir ce que Monsieur Jonathan Littell en pense... Nous n’en avons nullement besoin, surtout sachant son origine juive et son engagement humanitaire en Tchéchénie et Bosnie-Herzégovine. A chacun de penser devant son livre, même si la tâche n'est guère aisée.
Car Jonathan Littell a le mérite de créer un personnage d’abord et éminemment romanesque. Qui n'est pas tout d'une pièce, qui n'est pas que la caricature du Nazi, mais une personnalité complexe, y compris dans ses dimensions familiales, sexuelles... L'absence d'émotion du SS Max Aue devant les violences est peut-être de l'ordre du syndrome d’Asperger. Pourtant, il fait tout son possible, presque toujours en pure perte, pour alléger les souffrances de ceux qu’il préfèrerait voir utilisés comme forces de travail saines, plutôt que brutalisés, affamés, glacés, tués… Quant à l’absence d’émotion apparente de l'auteur qui a su totalement s'abstraire au-dessus de son personnage, elle est le signe de la maîtrise, de la distanciation salutaire et clinique. La fiction et la richesse de la matière romanesque permettent restitution et recréation de la psyché d’un criminel autant que d’une société devenue folle. Plus vraie que le réel, la fiction dépasse l’Histoire et l’embrase…
Vaut-il mieux relire La mort est mon métier de Robert Merle (5)? Dans lequel la narration épouse le point de vue du personnage principal, un SS, le rend humain et compréhensible sans tomber ni dans le moralisme ni dans l'empathie. Les mécanismes d'adhésion à un totalitarisme y sont parfaitement décrits. Il a le mérite de précéder Littell. Cependant ce dernier lui est immensément supérieur, pour l'ampleur de la composition, la mise en scène polymorphe. De plus Les Bienveillantes est un roman superbement écrit, avec une richesse de pensée, une exactitude obsessionnelle et une science des rimes thématiques et des métaphores...
Sept parties en effet, chiffre éminemment mystique, comme pour les Sept dernières paroles du Christ en croix d’Haydn, de la « Toccata » à la « Gigue », pour exposer la composition musicale venue de Rameau, évidemment aussi ironique qu’une danse macabre. Certes le déroulement narratif reste classique, chronologique et linéaire, hors le premier chapitre qui dresse le tableau de la vie du narrateur post bellum, dans les années soixante-dix, en industriel français qui « fait dans la dentelle », marié, deux jumeaux, comme sa sœur dont on ne sait plus rien (coïncidence qui n’est pas innocente). Loin de se contenter du récit historique et guerrier, le narrateur se fait argumentateur implacable (la justification des plans d’extermination comparés à ceux des Soviétiques), poète lyrique (les paysages), anthropologue et linguiste au Caucase, sociologue discutant la situation de l’Allemagne et de l’Allemand, des nimbes du nazisme à son accomplissement et jusqu’à son effondrement. Le genre romanesque évolue également sans cesse, roman d’apprentissage et roman philosophique, délire érotique et même polar lors de l’enquête du duo policier, roman à suspense et familial, psychologique, voire psychanalytique, onirisme pour le moins fantastique lors du coma de Max après Stalingrad. Sans cesse Littell nous surprend par une pensée éclairante (certes pas au sens des Lumières), cynique, décalée, par un changement de registre. Malgré le tragique omniprésent, le burlesque ne se fait pas faute de pointer son nez : lorsque Max mord le nez du Führer ou lorsque nos deux commissaires paraissent des « Laurel et Hardy » particulièrement teigneux. Roman surréaliste enfin, lorsque dans un morceau de bravoure aussi réaliste qu’halluciné, le zoo ruiné par les bombes sur Berlin laisse échapper ses animaux, et la bestialité avec eux… L’écriture apparemment académique est cependant animée par ce cynisme qui désosse les préjugés, évacue les lieux communs, par une déflagration baroque sans cesse renouvelée.
La question du mal est le fil rouge des Bienveillantes. L’obsession raciste, la haine antisémite semblent être un masque devant la nécessité de faire le mal. « Je suis certain que l’homme ne renoncera jamais à la vraie souffrance, c'est-à-dire à la destruction et au chaos » affirme Dostoïevski dans Le Souterrain. En ce sens Littell vise l’universel, au-delà du seul génocide juif. La « banalité du mal » -pour reprendre le concept d’Hannah Arendt- se heurte à double nature du narrateur personnage : Faust et Méphistophélès à la fois, Max Aue est l’exécutant et le tentateur du mal, celui qui va voir jusqu’au bout du mal en même temps qu’il est la nature du mal, tout cela au cœur du vortex d’une Allemagne à la fois faustienne et wagnérienne. Tout en proclamant la relativité du bien et du mal. Sa culture raffinée va contre le mythe de la brute nazie quoique nombre de dignitaires et exécuteurs furent, on le sait, violemment incultes. En effet, nombre d’officiers étaient fort cultivés, ce qui de l’avis général, valida l’idée de l’inanité de la culture incapable d’empêcher la Shoah. Ce à quoi, Georges Steiner répondit qu’il s’agissait d’une culture du kitch, incapable, dirons-nous, d’accéder aux vertus de l’Aufklärung… Personnage trop riche, que la hiérarchie nazie n’aurait pu tolérer, impossible dans le réel ? Peut-être, mais possible dans la fiction qui dit mieux le réel que le réel lui-même. Ou trop littéraire, avec sa culture buissonnante, son substrat homosexuel à la Genet, pas assez Allemand ?
On s’est également demandé ce que viennent faire là les obsessions sexuelles, homosexuelles, onanistes et incestueuses du personnage par ailleurs séducteur et fêtard (en particulier dans l’onirique chapitre « Air » où il mène une orgie solitaire dans la propriété de sa sœur malgré l’avancée menaçante des troupes russes). Ses fantasmes érotiques au sujet de sa sœur sont bien allés jusqu’au passage à l’acte consenti. Malgré le non dit persistant, il est à peu près évident qu’il assassiné sa mère, probablement à cause de ses soupçons sur les relations qui unissent ses deux enfants, eux-mêmes parents de deux jumeaux, même si Max paraît ignorer sa paternité. Comme le Stavroguine de Dostoïevski, dans Les Démons, qui a copulé avec sa jumelle au sortir de l’enfance, violeur sadique et meurtrier qui finira par se pendre, peut-être le pire héros et héraut du mal dans la littérature. On peut imaginer que cette union avec la sœur jumelle soit une hiérogamie, comme pour les pharaons égyptiens, de façon à fonder une nouvelle génération national-socialiste, purement aryenne et gémellaire. L’homosexualité du narrateur n’est qu’une fidélité impossible à l’égard de sa sœur, hygiénique et dépourvue de tout sentiment. Elle a par ailleurs failli lui coûter sa carrière parmi les hautes sphères nazies, seule l’intervention de son ami Thomas lui permettant de rebondir. Cette différence sexuelle, de l’aveu de l’auteur lui-même, permettrait un recul narratif et critique vis-à-vis des nazis ouvertement anti-homosexuel, hypothèse peut-être discutable.
Outre la dimension sexuelle du fascisme, des totalitarismes, qui est alors évidente, l’intertextualité mythologique, d’abord discrète, finit par suinter par tous les pores du roman. Si le sens du titre n’est explicitement révélé qu’à la dernière phrase, à près de 900 pages dans l’édition en grand format, L’Orestie d’Eschyle est bien le sous-texte constant.
Les Erinyes, ces furieuses vengeresses des Enfers, finissent par se changer en Euménides apaisées, pour signifier le passage de la vengeance vers le pardon, la loi violente du talion transmué en loi bienveillante. Sauf que pour Max, c’est par antiphrase qu’elles sont ainsi nommées. Les deux commissaires qui, au nom d’une justice qui dépasse la temporalité nazie, le pourchassent sont deux Furies. Mais la troisième, car les Erinyes, ou Bienveillantes, ou Furies, sont trois, et la dernière, non moins terrible n’est autre que Max lui-même. Ce pourquoi « Les Bienveillantes avaient retrouvé ma trace. » clôt le roman. En ce sens l’esthétique de Littell ne fait en aucune manière l’économie d’une éthique nécessaire.
Le mythe d’Electre est réinvesti dans la figure du père disparu et la rupture avec la mère remariée : à Antibes, Max revient massacrer à la hache mère et beau-père, reflets de Clytemnestre et d’Egisthe (« de la même hache par laquelle mon père a péri » dit Euripide). Il est donc une sorte d’Oreste qui a pour Electre une sœur, prénommée Una, puisqu’elle est pour lui l’unique, l’indépassable, comme Lolita est la réplique d’une Annabelle qui est également fixation sur un stade enfantin de l’amour. En sus d’Eschyle, Jonathan Littell ne nie pas avoir relu les tragiques grecs : Sophocle, mais surtout Euripide, dont l’Oreste est frappé de folie par les Érinyes.
Thomas, qui sait parfaitement louvoyer parmi les hautes sphères nazies, serait un des rares personnages assez sympathiques du roman, hors son antisémitisme inflexible. Doué d’une indéfectible amitié pour Max, il le sauve à plusieurs reprises. C’est le Pylade de notre Oreste. Pourtant, même après qu’il l’ait délivré de la vie importune des deux commissaires, Max le sacrifie sans arrière pensée, pour s’emparer des papiers du STO français et ainsi sauver sa peau dans le Berlin de la dernière heure. Ce meurtre de l’ami, du frère symbolique, achève la dégradation du héros, descendu aux tréfonds de l’anti-héroïsme, de la monstruosité glacée. Celui qui peut produire une argumentation brillante (s’appuyant sur les arguments d’autorité venus de maints philosophes, de Schopenhauer à Marx) sur le darwinisme social, en est la plus parfaite abomination, car reposant sur une adaptation qui exclut toute empathie, toute dimension morale. Le kitsch philosophique paraît alors dénier toute vérité à la philosophie.
En quelque sorte Max Aue, cet « homme qui ne peut voir une forêt sans songer à une fosse commune », paraît se résoudre à (ou se masquer derrière) une fatalité du mal digne de la tradition tragique grecque. A moins que sa blessure cérébrale lors de la bataille de Stalingrad ait accru son addiction au meurtre, auquel cas la cause serait également clinique, biochimique, sans compter l’hypothèse psychiatrique qui l’aurait précédée. A moins que l’hérédité soit de la partie, puisque son père fut un tortionnaire de la Première Guerre Mondiale, rejouant après lui un plus parfait meurtre collectif qui laverait le passé impur. Tout cela en espérant lui trouver des circonstances atténuantes, évacuer sa responsabilité, donc toute dignité humaine, devant un tribunal humain, puisqu’il écrit sa confession, mais en aucun cas devant la Némésis : « nous avons mérité notre sort, le jugement de l’histoire, notre dikè ». Certes le recours au mythe, sans compter les allusions à Eurydice, aux Muses, s’il est d’un apport passionnant dans le cadre romanesque et philosophique, peut avoir tendance à déréaliser l’Histoire. Quoiqu’il ne faille pas oublier l’attachement nazi aux mythes germaniques : tout sauf le mythe judéo-chrétien.
Intéressant personnage que celui de Jonathan Littell, même s’il est plus que délicat de penser s’y identifier. Malgré (ou de par) ses infamies, il est infiniment humain, dans toute sa complexité. Et ce en étant secondé par un dynamisme narratif et argumentatif à toute épreuve qui lui permet de combiner la mauvaise foi la plus acérée à l’humanité dont il peut faire parfois preuve, plus à l’égard des victimes juives, de ses victimes juives, que de ses victimes familiales et amicales… Toute proportion gardée, Max Aue est le Humbert Humbert du nazisme et les Juifs sont sa Lolita. Il serait risqué d’affirmer que Max Aue est chacun de nous, certes sous la forme d’une hyperbole nécessaire ; mais c’est peut-être le secret du succès de ce roman tragique qui est un « opéra fabuleux », pour reprendre les mots de Rimbaud. Indubitablement une pléthore d’assassinats considérée comme un des beaux-arts, pour paraphraser De Quincey. Au point de se demander si un tel roman ne serait pas devenu, aux côtés de Si c’est un homme (6) de Primo Lévi, la référence suprême. Et sublime… Edmund Burke, en 1756, évoquait pour illustrer le sublime « une sorte d’horreur délicieuse » (7) ; n’est-ce pas ce qu’avec Les Bienveillantes, nous éprouvons ?
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Bonsoir Thierry,<br />
J'ai grandement apprécié votre analyse.<br />
Puis-je me permettre, très modestement car je n'ai pas votre niveau littéraire, loin s'en faut, de vous soumettre les quelques lignes que j'avais rédigées il y a quelques temps déjà sur cet ouvrage<br />
?<br />
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http://www.premiumorange.com/dialectikon/page21.html#LITTEL<br />
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Bien cordialement<br />
Alain Toullec<br />
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Bonsoir Alain,<br />
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Je vous remercie de votre indulgence. Mais je savais bien, que dans un perspective littéraire et historique, j'étais loin d'aborder tous les aspects utiles. Votre texte a le mérite de convoquer<br />
Hannah Arendt ( à laquelle j'ai fait trop allusion) et d'insister sur l'identité des deux socialismes: nazi et communiste. J'ai appécié votre critique du "révisionisme" de Nathalie Crom qui met<br />
sur le même plan les méfaits américains en Irak et la tyrannies d'Hitler et de Sadam Hussein. Entre les abominations des totalitarismes et les manquements des démocraties libératrices, il y a<br />
fossé que la raison héritée des Lumières ne peut franchir...<br />
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Merci encore. Cordialement<br />
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Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.