Stalles de l'abbatiale de Saint-Maixent-l'Ecole, Deux-Sèvres.
Photo : T. Guinhut.
Démocratie libérale
versus tyrannie constructiviste...
Nous croyons vivre en démocratie, ce concept fétiche de notre temps… Mais s’agit-il d’une démocratie des libertés, qui devrait rayonner de ses Lumières ? Certes, le peuple est souverain. Pourtant, nanti de cette souveraineté comptable dans les urnes, il aboutit non à une extension du domaine de sa liberté, mais à une extension socialiste du domaine de l’Etat aux dépens de la propriété et des initiatives économiques. Comment en sommes-nous arrivé à cette dangereuse extrémité ? Sinon par une insatiable demande à vivre aux dépens d’autrui et de sa prétendument indécente richesse, au nom de cette envieuse égalité qui parvient non seulement à castrer les libertés, mais à s’appauvrir elle-même…
Parler de seule démocratie n’a aucun sens : un peuple peut majoritairement voter pour une tyrannie, donc démocratique. Il faut qu’il ait démocratie libérale, c’est-à-dire incluant le respect des libertés individuelles, politiques, à savoir de penser, d’expression, de publication, d’association, en dépit de tout diktat religieux et sociétal, enfin économiques, à savoir d’entreprendre, d’investir, de dépenser et d’épargner. Cela doit passer par un gouvernement constitutionnel et représentatif, une séparation des pouvoirs, mais aussi un gouvernement le moins intrusif possible, aussi bien dans la vie privée qu’économique de ses citoyens que dans le domaine fiscal, forcément minimal, dans le cadre d’une société ouverte.
Quant au constructivisme, il s’agit d’une propension politique selon laquelle les choix publics doivent être guidés par la nécessité et la volonté de construire un certain type de société, qu’elle soit fasciste ou théocratique, socialiste ou communiste, ou encore théocratique, voire écologiste. Il est de toute évidence contraire à l’individualisme libéral qui, selon Friedrich Hayek consiste à « reconnaître l'individu comme juge en dernier ressort de ses propres fins, [à] croire que dans la mesure du possible ses propres opinions doivent gouverner ses actes[1] ».
Grâce au pouvoir du peuple souverain, de cette volonté générale rousseauiste, de cette oppression perpétrée par la majorité que dénonça Tocqueville, nous sommes depuis trois décennies, à des degrés divers, en démocratie socialiste. Une démocratie dans laquelle le peuple et ses représentants, drogués à la dépendance et à la toute-puissance de l’état conduisent, avec application, persévérance et succès, la France autour des dix pour cent de chômeurs et vers la récession économique. Ainsi, la démocratie, quelques soient les alternances politiques, conduit les édiles des collectivités locales et de l’état selon son cœur antilibéral et selon la poche percée de sa faim de subsides publics.
Faut-il citer le droit au logement opposable, le blocage des loyers et les menaces de réquisition de logements vacants, pour montrer combien la propriété est bafouée, aggravant encore plus la raréfaction et la cherté de ce même logement ? Faut-il citer les fantasmes de nationalisation d’entreprises, surtout lorsqu’elles ne sont plus rentables et en dépit de toute rationalité comptable et économique, fantasmes partagés parmi à peu près tout le spectre politique ? On n’aura là que deux exemples des aspirations démocratiques décidées, contre tout bon sens, à chasser les pauvres restes de libéralisme économique de l’espace français…
Quand l’Etat est plus lourd, plus pesant, plus lent, plus dispendieux que les libres entreprises privées, il ne faut pas s’étonner que son soviétisme latent, par le biais des prélèvements obligatoires, des contraintes et des normes, aboutisse à l’appauvrissement généralisé. Y compris à l’appauvrissement des esprits qui ne parviennent plus à imaginer pouvoir voler de leurs propres ailes et prendre le risque de la liberté, le risque des start-up, de l’investissement individuel et du capitalisme de chacun.
Quand l’Etat pompe l’énergie des forces vivantes de l’économie en absorbant près de 57 % du PIB, alors que la Suisse, par exemple, n’en consomme que 35%, nous ne nous étonnerons pas que la capacité à la croissance soit arasée. Quand on parvient à contrevenir au droit de propriété du revenu au point de voler 75 % d’une ressource pour la satisfaction égoïste d’un état-providence à bout de souffle, il ne faut pas s’étonner de l’éradication et de la fuite de l’aristocratie des affaires et de l’entreprenariat. Sans compter que selon le célèbre adage, trop d’impôt tue l’impôt, le rendement de l’impôt est inversement proportionnel à l’augmentation de son taux, donc, non seulement confiscatoire, mais aussi autophage et finalement autodestructeur…
Quand le principe de précaution et les diktats écologistes, partagés au-delà de la microsphère des militants, lacèrent la recherche et le développement, préférant le statut quo sur les produits phytosanitaires cancérigènes à l’innocuité des OGM ; quand les gaz de schistes sont des démons attentatoires à la déesse Gaïa ; quand la rétractation nationaliste du patriotisme économique se conjugue avec l’atonie devant les atteintes aux libertés proférées par l’acculturation islamiste, ne faut-il pas craindre que l’obscurantisme ouvre la porte à la disette et à la censure ? Enfin, quand les penseurs libéraux, du lycée à Sciences-Po, ne sont guère ou pas enseignés, à l’égal des keynésiens et des marxistes, le formatage dans l’éducation ne peut aller que jusque vers l’hémiplégie intellectuelle et politique.
Hélas, la cécité généralisée devant l’incurie financière et gestionnaire de l’état, dont le château de dettes menace de s’effondrer en écrasant le bas peuple, la cécité devant l’évidence du bon sens économique bafoué, aboutissent à une négation suicidaire des fondements comptables de la réalité, donc à l’assèchement des initiatives entrepreneuriales. Nous n’avons jamais été aussi près de la tyrannie communiste, non par la faute d’un putsch léniniste, mais à la faveur de la volonté démocratique. Au contraire de la Suisse, de l’Allemagne, de la Suède et du Canada qui, à des degrés divers, ont réduit le poids de l’état, permettant leurs succès, non seulement économiques, mais aussi sociaux, puisque le chômage y est deux fois moins lourd que dans notre cher hexagone…
« La démocratie libérale prétend être un gouvernement responsable, un ordre politique dans lequel le gouvernement doit répondre de ses actes devant les gouvernés », imaginait Leo Strauss[2]. Hélas, le gouvernement étant l’émanation, la créature et le produit désirés d’une volonté générale perverse, c’est alors à peine s’il doit et peut répondre de ses actes et de leurs conséquences. Une énorme majorité désirant plus de prestations sociales, plus de prélèvements et de prêts, par voie de conséquence plus de dettes, aux dépens des prétendus exploiteurs que sont les chefs d’entreprises, les actionnaires, les financiers, sans compter les classes moyennes, il est dans l’ordre de sa logique de ne pouvoir demander à elle-même des comptes sans se décrédibiliser. C’est ainsi que la démocratie autodétruit sa prospérité et sa liberté d’action. En ce sens le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes va à l’encontre de la finalité attendue : le devoir des peuples d’aller vers plus de liberté et de prospérité est bafoué par la course des peuples vers leur fossoyeur.
Dans le cadre de cette tension entre libéralisme et démocratie, Serge Berstein nous avertissait : « là où les libéraux choisissent la liberté et la propriété, fût-ce aux dépens de l’égalité, c’est sur cette dernière qu’insistent les démocrates, fût-ce au risque de la suppression des libertés et de l’atteinte à la propriété.[3] » Nous y sommes : la France a choisi la pente savonneuse de l’addiction démagogique à la démocratie socialiste. A contrario, la démocratie libérale n’est soumission ni aux préjugés et décisions de sa majorité, ni, cela va sans dire, au matérialisme, ou à quelque religion que ce soit ; elle doit rester la garante des libertés individuelles, non seulement économiques, mais intellectuelles et spirituelles. Faute de quoi, sans sagesse de savoir être libérale, la démocratie flirte avec la tyrannie et la servitude volontaires. Reste à savoir si nous pourrons redresser la barre d'un tel pourrissant bateau rouge, sans violences…
Qui eût cru qu’après l’effondrement du bloc soviétique, les contrées paisibles de la démocratie européenne, et surtout française, puissent être saisies par les pieuvres de la tyrannie constructiviste ? Pourtant, force est de constater que, sur les plans pénal et policier, fiscal et social, économique, sans compter la pensée, les bras torves et puissant de la bête viennent étreindre la France de leurs ventouses répugnantes.
De paisibles manifestants sont aspergés de gaz lacrymogènes, parfois violentés, emmenés en garde à vue, certes dans le cadre de manifestations non déclarées, non autorisées, mais aussi de « veilles » sans attroupements. Quoique l’on puisse penser de la légitimité intellectuelle de la conviction des « anti mariage pour tous », de l’opportunité d’encore manifester contre une loi démocratiquement votée, les moyens policiers employés sont pour le moins disproportionnés. Au point que le Conseil de l’Europe ait cru bon de tancer la France pour son « recours excessif à la force ». Le cas du jeune Nicolas, condamné à deux mois de prison ferme, est à cet égard alarmant. Pour s’être verbalement élevé (et on le comprend) contre une arrestation abusive, et avoir refusé un prélèvement ADN, en la demeure on ne peut plus indu… Police et Justice se font ont ici craindre en toute brutalité, rompant le lien de confiance qui aurait du s’établir entre ces institutions républicaines et le simple citoyen. D’autant que les manifestants d’extrême-gauche, les agriculteurs saccageurs, les racailles pilleuses bénéficient de forces de police moins lourdes et surtout plus conciliantes. Pourquoi ? Parce qu’ils assurent la base de l’électorat de gauche, parce qu’ils sont plus violents. Pensons aux casseurs syndicalistes et cégétistes, qui ont failli bénéficier, sur proposition du Sénat, d’une loi d’indulgence et de relaxe pour leurs méfaits. Une police aux ordres, une police politique… Quand la justice relaxe ou du moins offre le sursis à de réels délinquants, de plus n’osant pas revoir sa position sur les mineurs, d’autant plus actifs et délétères qu’ils sont à peu près inattaquables. Pire, la police et la justice, dites républicaines, abandonnent de nombreux quartiers qui à des mafias, qui à la charia…
Pourtant, la justice parait d’une sagacité, d’une vélocité admirables lorsqu’elle va fouiller les poubelles de la corruption affairiste et politique : haro sur l’affaire Bettencourt, haro sur l’affaire Tapie ! Enfumage médiatique et acharnement de magistrats roses et rouges sur de vieilles lunes, pour faire oublier au présent les nombreux édiles socialistes menacés ou réellement condamnés. Au point que la transparence de la manœuvre -viser et abattre Sarkozy- en devienne obscène, que l’on finisse par se prendre d’amitié pour ce dernier et pour Tapie. Ne serait-ce que parce que la faute est aux textes sur le financement des partis, qui devraient être, au lieu de pseudo-moralement contingentés, absolument libres et publics. Par ailleurs, quand on sait combien Tapie fut spolié à l’occasion de la nationalisation du Crédit Lyonnais (l’une des plus grandes banque mondiales, ainsi dévastée, et dont les archives ont opportunément brûlé) on parviendrait à prendre fait et cause pour lui. Peut-être, « en bande organisé », a-t-il pu infléchir son dossier et bénéficier d’un arbitrage et d’un remboursement indus, il n’en reste pas moins que ce qui n’est peut-être pas un vol d’un particulier aux dépens de l’Etat, est passible du pénal quand le vol institutionnalisé et permanent de l’Etat et de son oligarchie à l’encontre des entreprises et des individus est sanctifié au nom du mythe coûteux et contreproductif de la solidarité sociale.
Car la pieuvre, outre des bras policiers et pénaux, à de longs bras fiscaux et sociaux. Une fiscalité à plus de 50 % qui est un flagrant désaveu au droit de propriété tel qu’inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; une dépense publique (57% du PIB) qui croit sans cesse ; un déficit public qui, malgré les véreuses promesses, se creuse à 3,7% ; une dette abyssale creusant le dos de chaque citoyen vivant et à naître ; une courbe du chômage qui ne se s’inverse pas (sinon au moyen d’emplois de fonctionnaires, d’emplois aidés, d’artifices statistiques, grâce à des changements de catégorie) ; un exil entreprenorial exponentiel ; un travail au noir incommensurable… Sans compter le contrôle fiscal, dont on se demande parfois s’il est, moins que comptable, politique. Un projet de loi fiscale (n°1011) est à cet égard éclairant : il prévoit d’autoriser à recourir « à tout mode de preuve, y compris illicite », pour pratiquer l’inquisition. Notre Etat aurait donc tous les droits, y compris illicites ? Jusqu’à ce que la tyrannie devienne licite au vu de tous.
La « police de la pensée[4] » voit ses bras fourmillants lui pousser de partout. Il y a une pensée correcte, progressiste et sociale, de gauche, keynésienne et multiculturelle (y compris si ce multiculturalisme est offert à une monoculture rétrograde, intolérante et criminelle). Il y a des pensées dites « populistes », « néo » ou « ultralibérales », qui ne méritent que le mépris et la stigmatisation. Les lois Pleven, Gayssot, Lellouche et Perben, ces lois mémorielles, permettent à des associations comme SOS Racisme, voire d’obédience islamiste, de jeter devant les tribunaux ceux que la liberté d’expression chatouillerait… Que certaines pensées soient nauséabondes, antisémitisme de Céline ou phrases d’un livre prétendument saint que nous ne nommerons pas, soit. Mais faut-il sonder, les pages, les reins et les consciences devant des tribunaux qui, par ailleurs, feraient mieux de s’occuper de la réelle criminalité ? Qu’il soit nécessaire de pouvoir, sur un site gouvernemental, « signaler des comportements illicites sur internet », quand il s’agit d’escroqueries ou d’usurpations d’identité, bien. Mais ne risque-t-on pas là de signaler un discours de haine qui n’en est pas un et qui, de plus, n’est qu’un discours ? La haine musulmane -des Juifs, de l’Occident, des libertés- est tolérée, quand la critique de celle-ci est soupçonnée des pires bassesses. Sans oublier que pensée et information ne vont pas l’un sans l’autre. Il ne faut pas dire l’origine ethnique et culturelle de la délinquance, le coût de l’immigration (dépenses sociales sans compter sa délinquance) supérieur de 0,2 % aux gains. Quant aux journalistes qui publieraient des informations sur le consultable patrimoine des élus, ils pourraient encourir jusqu’à deux ans de prison, ce dans la cadre d’un projet de loi sur la Transparence. Risible transparence. Si ce n’était si grave…
Si « l'art du possible peut être assimilé à la capacité de protéger l'espace de la politique contre les prétentions de l'impossible[5]», il s'agit de nous protéger contre cette utopie constructiviste génératrice de dystopie. Car ce n’est plus en ironisant qu’il faudra qualifier la France de dernier Etat communiste d’Europe. Sa pieuvre étatique s’accommode et s’emmêle des pieuvres délinquantes et théocratiques, ce aux dépens du citoyen et de la démocratie libérale enfuie. Comment briser leurs bras ? Quelle explosion ? Quelle paisible vague de conscience et de libertés ? À cet égard, Friedrich Hayek, toujours judicieux à l’encontre du planisme constructiviste, conseillait : « Il vaut mieux créer des conditions favorables au progrès que faire des plans de progrès[6] ». Reste qu’entre peste brune des partis d’extrême droite, peste rouge et rose des socialismes et communismes, pestes vertes de l’écologisme et de l’Islam, la pieuvre constructiviste s’étale comme hydre de Lerne aux bras lourds et sans cesse renouvelés, complices ou concurrents, tous cependant ligués contre la démocratie libérale…
pourquoi ne traitez vous pas,dans cet article, de la gravissime question de l'immigration ?<br />
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immigration massive, véritable invasion, organisée, imposée par toute la classe politique qui se succède au pouvoir depuis des décennies.
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Bonjour,<br />
Si je ne traite pas dans cet article de l'immigration, ce n'est pas pour négliger cette grave question. Mais pour cadrer mon sujet; mais aussi parce que je l'ai déjà traitée ici :<br />
http://www.thierry-guinhut-litteratures.com/article-lettre-a-une-jeune-femme-politique-105859615.html<br />
et :<br />
http://www.thierry-guinhut-litteratures.com/article-sommes-nous-islamophobes-74420873.html<br />
Cordialement Thierry Guinhut<br />
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Présentation
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thierry-guinhut-litteratures.com
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Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.