Punaises arlequin et ombelles d'angélique. Photo : T. Guinhut.
Tyrannie ou rhinocérite ?
Eloge et blâme de Donald Trump
et réponse à Timothy Snyder :
Timothy Snyder : De la tyrannie. Vingt leçons sur le XX° siècle, traduit de l’anglais (Etats-Unis)
par Pierre-Emmanuel Dauzat, Gallimard, 112 p, 9,50 €.
J. D. Vance : Hillbilly Elégie, traduit de l’anglais (Etats-Unis)
par Vincent Raynaud, Globe, 288 p, 22 €.
Quelle est cette étrange punaise à la crinière maïs accrochée à la tête de l’Amérique ? Le genre « épidictique », selon Aristote[1], rappelons-le, comprend également l’éloge et le blâme, ce pourquoi, à l’égard de cette bête rousse de la politique planétaire, nous nous appliquerons à tenter de séparer le meilleur du pire, l’enthousiasme colérique du sens de la nuance et de privilégier l’analyse mitigée. Il conviendra, non sans jeter un œil du côté de quelques électeurs de l’Amérique profonde vu par l’autobiographe J. D. Vance, de se demander de quelle tyrannie Donald Trump est le nom. Et, quoi qu’en dise Timothy Snyder dans son De la tyrannie, au risque d’agacer notre lecteur, de peut-être en conclure : d’aucune ; et plutôt de la prospérité.
Une incroyable rhinocérite anti-Trump s’est emparée du monde, et peut-être plus encore de la France : demandez si l’on a une opinion négative de l’hurluberlu, et une forêt de mains se lève. Malheur à qui viendrait l’idée saugrenue de le défendre. En 1959, Eugène Ionesco publiait son inoubliable pièce intitulée Rhinocéros, au cours de laquelle toute la population reçoit de bon cœur cette abjecte métamorphose animale. Seul Béranger prend toute la mesure de cette effrayante inversion des valeurs, pour demeurer un homme : « Je ne capitule pas[2] », conclut-il. L’on se souvient qu’il faut y lire un apologue : celui de la montée des totalitarismes, qu’ils soient nazis ou communistes.
Ne capitulons donc pas devant la meute des donneurs de leçons bien intentionnés, et commençons par nous interroger : pourquoi un tel déferlement de haine, un tel tombereau de quolibets ? Après deux présidences libérales (au sens américain du terme) et « progressistes », sans compter un faciès de beau gosse black qui témoigna sur ce dernier point d’une réelle évolution des mentalités, voici le retour du fantôme républicain, qui comme l’on sait a une mémoire d’éléphant, de surcroit un mâle blanc capitaliste, ce qui suffit à faire de lui un monstre. Résumons-nous, il n’est pas de gauche, il est populiste (entendez : il entend et harangue le peuple qui l’élit, comme il se doit en démocratie), il entend parachever le mur frontalier avec le Mexique, auquel Obama contribua, il ferme la porte aux ressortissants de pays musulmans aux intentions plus souvent qu’à leurs tours désastreuses, quand Obama, en 2015, désignait la plupart de ses mêmes pays dont les ressortissants devaient faire l’objet d’enquêtes approfondies. Pour paraphraser La Fontaine, selon que vous soyez blanc ou noir, les jugements des médias vous rendront puissants ou misérables[3]. Aussi les rhinocéros n’ont pas la trump d’un éléphant, mais, aveuglés par leur hystérie idéologique, et de plus leur ressentiment de mauvais perdants, la corne acharnée de ceux qui lancent une perpétuelle offensive contre le nouveau Président.
Ainsi, bien qu’aucune réelle catastrophe se soit faite jour, et à l’occasion de l’anniversaire de l’élection, nos magazines rivalisent de brio. Le Point offre « Les pires tweets de Trump » (où sont les meilleurs que l’on cache ?) ; Courrier international titre « Trump le démolisseur », avec une rare finesse de rhinocéros dans un magasin de porcelaine. The Atlantic, qui aime faire dans la dentelle, parle d’un « monstre de Frankenstein, composé du pire des attributs des 44 Présidents qui l’ont précédé ». Le tréfonds du pire étant atteint avec Incroyable mais Trump de Natacha Tatu[4] vulgairement sous-titré en franglais « le worst of du président des Etats-Unis » (sans majuscule à Président), ramassis de faits et mots avérés et de mauvaise foi partisane.
Certes, le tweeteur compulsif aux 42 millions d’abonnés, le Lucky Luke qui tweete plus vite que son ombre des mots d’esprits qu’il eût mieux fait de laisser macérer dans sa poche-révolver, - même si leur sans-gêne et leur crudité plaisent à son populaire électorat lassé du politiquement correct - parait abaisser ce qui devrait être la noblesse de la politique à la vulgarité des trottoirs de la téléréalité. Certes le sabreur de subventions gouvernementales aux associations prônant l’avortement et la contraception (faut-il que l’Etat subventionne ce que les citoyens peuvent très bien faire financer par eux-mêmes ?) peut avoir mauvaise presse. Sa propension à faire de la politique un show racoleur et démagogique, son peu d'élégance verbale et physique (qui ne sont pas celles de son épouse d’ailleurs capable de parler cinq ou six langues) ne plaident pas forcément en sa faveur. D’autant que ses meetings sont des florilèges de vociférations et d’argumentations entremêlées, d’excitation des foules et de désignation des journalistes présents (surtout ceux de CNN) à la vindicte populaire : en ce sens, il est un ochlocrate, qui tient son pouvoir d’un bas peuple qu’il flatte en ses bas instincts.
Il faut en effet admettre que l’animal politique (au sens d’un Aristote qu’il ne lit probablement pas) accumule quelques bourdes parfois fort lourdes, auxquelles la rumeur ne reste pas sourde (mais qui prétendrait ne pas dire des bêtises ?). « J’ai gagné le vote populaire si vous déduisez les millions de gens qui ont voté illégalement », dit-il, quoique l’on n’ait pas trouvé trace de ces derniers. Il parla de remettre en cause la licence de CNN, alors qu’elle n’en a pas. Il interdit le recrutement des transgenres dans l’armée, au motif des « coûts médicaux énormes », provoquant un tollé parfaitement justifié. Ce n’est pas toujours avec des mots choisis qu’il mène la charge, parfois méritée, contre les coups de corne des médias qui font systématiquement front contre lui.
On a beaucoup glosé, tempêté, vidé de fiel sur l’affaire des ingérences russes présumées dans la campagne électorale de Trump. Cependant, si son ex-directeur de campagne, Paul Manafort, vient d’être inculpé, il n’est pas inutile de lire le Washington Post : il révéla que le Parti démocrate et l'équipe de campagne d'Hillary Clinton, avec la complicité du FBI, auraient financé un rapport sur les liens entre la Russie et Donald Trump, rapport peut-être truffé de mensonges ; de plus il apparait que le Président Obama avait fomenté une enquête illégale sur le candidat Trump. D’autant que des liens plus troubles, de l’ordre de la corruption manifeste, entre Bill Clinton et la Russie de Poutine se font jour dans le cadre d’une colossale vente d’uranium américain, « Uranium one[5] ». À cet égard, souvenons que la favorite des sondages, des cœurs purs et des médias, traîne un lourd passif : mails confidentiels défense non sécurisés, financement de sa campagne par les pétromonarchie du Golfe, Fondation aux fonds nauséabonds…
Pour revenir aux métaphores animalières, l’on se souvient que l’éléphant est le symbole des Républicains aux Etats-Unis. Malvenue est alors le retour de l’autorisation d’importation de trophées éléphantesques, bien en accord avec la passion viriloïde de la chasse de nombreux américains, et le goût puéril affiché par l’un des rejetons du Président pour les queues d’éléphants à l’issu d’un combat titanesque. Heureusement -et nous le redirons- Trump n’est pas seul. Son administration, son parti, ainsi que la pression d’organisations de protection de l’environnement, ont permis qu’il recule et gèle la mesure controversée. Reste que toute cette bonne intention animalière n’est qu’hypocrisie, rien en cela ne luttant contre le braconnage et les Etats africains corrompus, tels que le Zimbabwe. D’autres voix signalent que la privatisation de la gestion et de l’élevage des éléphants, en prélevant l’ivoire sans les tuer, aurait plus d’efficacité.
Une intelligente charge est livrée par un rhinocéros pour le moins cultivé en philosophie politique (ce qui n’est guère le cas de sa bête rousse), l’historien Timothy Snyder. Il a en effet publié des analyses judicieuses sur le nazisme et le stalinisme[6]. Il a en cet essai, De la tyrannie. Vingt leçons du XX° siècle, la sagesse de mettre sur le même plan les tyrannies nazies et communistes.
Timothy Snyder parle d’or : « Nous ne sommes pas plus sages que les Européens qui ont vu la démocratie succomber au fascisme, au nazisme et au communisme au XX° siècle ». Ce pourquoi, il propose « vingt leçons ». De « l’obéissance anticipée » à bannir, il passe à la nécessaire « défense des institutions », qui ne sont pas aussi éternelles que les Juifs allemands l’imaginaient en 1933. Il est évident qu’il faille « prendre garde à l’état de parti unique », veiller à ce qu’une oligarchie ne confisque les leviers du pouvoir, conserver les « bulletins papier » pour le vote. De même il faudra « se souvenir de l’éthique professionnelle » et non « ne faire que suivre les ordres ». Cependant, s’il commande avec raison de « se méfier des paramilitaires », ne pense-t-il qu’aux Nazis quand il ne sait pas penser aux ultra-gauchistes cagoulés de noirs et aux barbus du califat islamique qui agitent leurs drapeaux dans quelques avenues américaines ? S’il est vrai que Trump encouragea ses militants à chasser les opposants de ses meetings, il ne s’agissait pas de forces armées, et ces opposants n’œuvraient pas toujours dans la délicatesse. Timothy Snyder propose encore « Se distinguer », comme Rosa Park refusant de céder sa place à un blanc, comme Teresa Prekerowa, qui sauva des Juifs du ghetto de Varsovie. En effet ; mais n’est-ce pas ce que nous faisons, bien plus modestement en cette page, et ainsi « contribuer aux bonnes causes » ? Sans oublier que nous tentons de « prendre soin de notre langage », d’être « attentifs aux mots dangereux », à la propagande, à la doxa et au novlangue[7]. De surcroit, il vous conseille de lire des livres, de « comprendre par vous-même ». Il fait évidemment et pertinemment allusion au Viktor Klemperer de La Langue du Troisième Reich, au Bradbury de Fahrenheit 451, à Hannah Arendt[8]. Si Trump a bien attisé une haine populaire contre les médias et les journalistes à cause de ces allégations fausses, de ses saillies virulentes, force est de constater que ces derniers ne sont pas en reste. Quant à l’enthousiasme de la presse envers Hillary Clinton, il eût dû être l’occasion d’appliquer à son égard, et au moins tout autant, ces conseils.
Méfions-nous également d’une politique gangrenée par les travers vulgaires de la téléréalité, dont Trump fut un promoteur et animateur, et préférons un journalisme qui prend le temps de vérifier ses sources (ce que nous avons tenté de faire). Pour notre essayiste la collusion de Trump avec Poutine serait un péché capital, alors qu'il s'avère bientôt qu'il s'agit d'une machination clintonienne. On connait les travers tyranniques de ce dernier, mais il reste moins à craindre que l’islamisme[9].
Là où Timothy Snyder est le plus redoutable pour son adversaire, c’est lorsqu’il rappelle combien le « patriote » autoproclamé Trump a échappé à la conscription et au Vietnam, non grâce à un tirage au sort favorable, mais grâce à un prétendu problème de talon alors qu’il était un sportif ; combien il n’est guère patriotique d’échapper aux impôts -fussent-ils excessifs- ; ou de « nommer conseiller à la sécurité nationale un homme qui a reçu de l’argent d’un organe de propagande russe »…
Cependant, retenir contre Trump le slogan « America First », sous prétexte qu’il fut utilisé par un Charles Lindbergh qui s’opposait à la guerre contre les Nazis, est bien de la plus pure mauvaise foi : les faits infirment l’argument lorsque l’administration Trump n’a pas cessé de combattre le Califat islamique. Il faut en effet renoncer « à la différence entre ce que l’on a envie d’entendre et la réalité des faits », comme le dit si bien lui-même Timothy Snyder. Il est vrai que Trump manie volontiers le mensonge, l’ignorance et la reprise incantatoire de slogans, y compris pour déprécier ses adversaires. Sauf que notre essayiste s’emmêle les pieds : pour lui se contredisent les promesses de « réduire les impôts pour tous, d’éliminer la dette nationale et d’accroître les dépenses sociales et le budget de la Défense », alors que la baisse de fiscalité produit une baisse du chômage et entraîne la prospérité ; quant à accroître les dépenses sociales, il faut admettre qu’une telle promesse ne vaut que si on la considère par individu la méritant. Et lui aussi connaît Rhinocéros d’Ionesco, sauf qu’il l’applique à sa manière, et que l’auteur de ces modestes lignes aura à cœur de changer de tête à corne si les faits l’en convainquent. Nous ne serons ni rhinocéros à trump, ni rhinocéros anti-trump primaire.
Son présent essai est étrange : autant il est méritoire du point de vue de l’analyse politique, des leviers et des mécanismes de la tyrannie, autant son acharnement à la dépister chez Donal Trump parait être de l’ordre du canon chargé d’obus à pulvériser les éléphants et dirigé vers un éléphanteau un brin malpropre qui n’en peut mais, quoiqu’il vienne du parti républicain, dont rappelons-le, le symbole est justement un de ces éléphants, qui, une fois élus, n’ont jamais fait du pays de la bannière étoilée ni une parade à la Nuremberg, ni une Kolyma sibérienne, malgré quelques errements plus que dommageables, dont l’esclavage, le Vietnam ou le maccarthysme. Il y a là quelque chose de la « connaissance inutile », pointée par Jean-François Revel[10]. Même si nous avons le mince avantage d’écrire un an après Timothy Snyder, qui va jusqu’à parler des élections de 2018, en ajoutant « à supposer qu’elles aient lieu » ! La paranoïa à l’égard de sa bête rousse d’anti-prédilection lui ôte par instant tout entendement, jusqu’au ridicule, tant les velléités d’abus de pouvoir du matamore Trump sont limées par ses proches et son parti, tant les Républicains les premiers tiennent au respect de la Constitution américaine, dont le but premier reste de se protéger de la tyrannie…
Préférait-on la notoire islamophilie d’Obama ? Et Huma Abedin, conseillère chérie d’Hillary Clinton, éditrice d’un journal musulman radical et dangereusement proche des Frères Musulmans, dont le mari, Anthony Weiner, est impliqué dans de nombreux scandales sexuels, comme le mari de notre délicieuse Hillary, par ailleurs fan du producteur hollywoodien Harvey Weinstein, grand harceleur devant l’Eternel, qui finançait sa campagne ? Quelques sorties lourdement sexistes de Trump font le tour des médias, surexcités d’avoir un osselet à ronger, à tel point que la « Women’s March » remplit les avenues de Washington de féministes outragées en janvier dernier. Là encore deux poids, deux mesures ! Quoique circulent quelques plaintes pour harcèlement sexuel autour de l’animal à trump, dont une ancienne candidate de ses émissions de téléréalité, Summer Zervos. Il est à craindre en effet, même si l’on ne prête qu’aux riches et que la cible est trop belle pour ne pas lui faire essuyer un monceau de salissures, que notre éléphant roux ait la patte et la lippe peu délicates… Il est alors temps pour lui, dont les propos misogynes, sur la place des femmes à la maison ont trumpété, de se refaire une beauté en préconisant l’embauche des femmes et leur accès au capital dans les entreprises, tout en nommant sa fille Ivanka vice-présidente de sa société d’immobilier, au risque de se voir taxé de népotisme lorsqu’il l’implique dans la rencontre avec le premier ministre canadien sur le sujet.
Imagine-t-on que Donald Trump, certes héritier, ait pu faire fructifier une fortune immobilière, créer, gérer et animer une émission de téléréalité à succès (certes vulgaire), financer sa campagne électorale avec son propre argent, distancer ses concurrents républicains, puis vaincre le clan Obama-Clinton, en étant un imbécile ? Que ces contempteurs tentent d’en faire autant et il est à craindre qu’il ne restera qu’à en rire…
Le prétendu « démolisseur » est cependant en train de mettre en œuvre la réforme qui confirme les promesses de la campagne. La Chambre des Représentants et ensuite le Sénat adoptant le projet de réforme fiscale de Trump, (quoique avec des variantes qu’il faudra lisser), la loi vient bientôt simplifier le code des impôts, réduire le nombre de tranches d'imposition de sept à quatre, de façon à abaisser les taux, et faire passer de 35 à 20% le taux d'imposition des entreprises. De plus l’avantage fiscal pour les enfants sera revu à la hausse, et la taxe sur les héritages allégée. N'en doutons pas, une telle réforme, jamais vue depuis Reagan, est un gage de prospérité, jusqu'aux plus modestes.
Il s’agit également d'abolir l'obligation faite aux Américains qui ne sont pas déjà assurés par leur employeur de souscrire une assurance maladie auprès d'une compagnie privée. Ce qui reviendra à alléger les travailleurs indépendants de la charge pesante que représentent les primes d'assurance réglementées par l’Obamacare de 2010, par ailleurs recueillies par seulement trois compagnies, en un capitalisme de connivence éhonté avec l’Etat. Mieux vaut d’abord diminuer drastiquement le chômage, ce qui revient à rendre une assurance aux citoyens, pour ensuite permettre d’une manière plus souple que chacun soit assuré, d'autant que subsiste Medicare. Comme quoi l’Obamacare était loin d’être une panacée. En outre, son promoteur est comptable d’une explosion de la dette américaine et des assistés, de l’exacerbation du racisme anti-blanc, d’une indulgence coupable, y compris financière, à l’égard de l’Iran toujours arcbouté sur ses mollahs.
Souvenons-nous qu’en juin 2016, Obama fourbit la campagne d’Hillary Clinton. Il annonce alors que les emplois ne reviendront pas. Il brocarde le candidat Trump en demandant au public si celui qui promet de créer des millions d’emplois nouveaux a une « baguette magique ». Las, le premier mois de la présidence, ce sont 298 000 nouveaux emplois qui éclosent, ne serait-ce que grâce à la confiance, même s’il faut en imputer une part à l’excellence de la conjoncture mondiale. Fin octobre 2017, ce sont deux millions d’emplois nouveaux qui ont fleuri, donc en une seule année, puis cinq millions fin 2018. Enfin, le taux de chômage est au plus bas depuis 17 ans à 3,8%, ce malgré deux ouragans dévastateurs. Le nombre de personnes subsistant au moyen de bons alimentaires est tombé à son plus bas niveau depuis 7 ans, le chômage des Noirs est au plus bas. Les salariés voient le salaire moyen et leurs primes augmenter. Que nos moqueurs patentés de la rhinocérite trumphobique en prennent de la graine !
Comment se peut-il ? Il s’agit d’ordonner de réelles coupes dans les réglementations, d’alléger la lourdeur bureaucratique, d’éradiquer des restrictions environnementales destructrices d’emploi, comme l’interdiction du pipe-line du Dakota, ou de l’exploitation du charbon (certes fort polluante) alors qu’il faut plutôt songer (et les entreprises s’y attellent) à améliorer la sécurité et la propreté de telles activités. Réduisant la fiscalité des entreprises, il s’agit de les dynamiser, de rapatrier des activités, de voir naître de nouvelles initiatives créatives et industries, sans oublier le retour des milliards de bénéfices placés hors des frontières pour se garder des taxes confiscatoires. Ainsi Bayer, Ford, Monsanto, IBM, Walmart, General Motors, Sprint, Amazon -et nous en passons- créent des emplois à tours de bras, sans compter les milliers de petites structures qui croissent, celles dont les embryons deviendront bientôt l’enfance de l’art et la maturité de la prospérité. La croissance économique, dépassant 3% par trimestre, et la Bourse (donc par contrecoups les dividendes des actionnaires et les caisses de retraites) sont déjà dans un état de pétulance oublié depuis longtemps, quand les salaires et l’immobilier frémissent vers le haut…
Que n’a-t-on vidé d’ordures sur la décision de Trump de se retirer de l’accord de Paris sur le climat ! En faussant compagnie aux idéologues du réchauffement climatique d’origine anthropique (alors que l’extinction des taches solaires induit un refroidissement probablement déjà engagé), notre Président s’est délivré de contraintes colossales qui entravaient les entreprises américaines ; pendant que les pays les plus pollueurs, Chine et Inde en tête, étaient exonérés de tels inconvénients, saturant leurs atmosphères et fleuves de métaux lourds et autres joyeusetés, alors que la science américaine fit bien mieux pour l’écologie que mille tyrannies écologistes patentés et nourries au lait de l’argent ponctionné aux flancs des contribuables.
Evidemment notre Trump préféré est un vilain tout sale pollueur en permettant à la Pennsylvanie d’excaver de nouvelles mines de charbon. La verte Allemagne, qui s’est exclue du tout pas beau nucléaire, arrose de lourdes vapeurs toxiques la moitié de l’Europe grâce à ses mines de charbon et de lignite (l’une à ciel ouvert est aussi vaste que Paris), à la bénédiction générale. Que vous soyez Trump ou Merkel les jugements de cours vont rendront blancs ou noirs de grisou ! de plus, ne voyons-nous pas que le premier tient à desserrer les Etats-Unis de l’étau du pétrole arabe ?
À cet égard la maestria diplomatique de Trump va jusqu’à stupéfier le modeste auteur de ces lignes. Sommant à Ryad les pays arabes, et au premier chef l’Arabie Saoudite, de lutter au nom de Dieu contre le terrorisme et le fanatisme, alors qu’il contribue à détruire le Califat islamique, qui sait si le nouveau Président ne contribue pas à isoler (outre l’Iran qu’il compte remettre à sa place) les Qatar, Koweit et autres contributeurs du terrorisme, voire à la pincée de libéralisme politique et religieux qui semble animer le nouveau roi de Ryad, qui réalise que la manne de son pétrole touche à sa fin (à moins qu’il s’agisse d’une ruse habile, digne de l’ancestrale taqiya)…
Ses opiniâtres voyages diplomatiques en Extrême-Orient, du Japon au Vietnam en passant par la Chine, vont, qui sait, permettre de rajuster les accords commerciaux, et permettent déjà d’engendrer des commandes colossales au bénéfice de l’industrie américaine. Sans compter la nécessaire intimidation du tyranneau nord-coréen qui n’aime rien tant que jouer de ses doigts bouffis avec des bombinettes atomiques. On s’est pourtant bien offusqué d’entendre Trump dire « Le temps de la force est venu », lui reprochant sa provocation, le réduisant au même ridicule et à la même dangerosité que le potentat affameur du peuple nord-coréen. Préféreriez-vous le temps de la faiblesse ? Il semblerait que sous la pression de Trump, la Chine puisse modérer son soutien, en particulier économique, à son encombrant voisin, qui risque bientôt de faire patte blanche…
Restons cependant méfiants devant les velléités protectionnistes de Trump. Pourtant, il ne ferme pas la porte aux accords commerciaux bilatéraux avec tous les pays, à la réserve que les libertés soient également partagées et qu’elles soient au service des intérêts américains, de façon à concourir à la réduction du déficit commercial, en particulier avec la Chine. Il prétend ne prendre des mesures protectionnistes que si ces mêmes intérêts se voient lésés. Ce fut l’objet de la rencontre de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) à Manille, qui ambitionnait de lutter contre le protectionnisme économique. Mieux, en préconisant un réel libre échange, il risque de divulguer l'hypocrite protectionnisme européen.
Que n’a-t-on vilipendé le Trump pourfendeur des « violeurs mexicains » ? Bouh, le vilain xénophobe ! Il n’en reste pas moins que les crimes sexuels pullulent encore du côté du Sonora. Certes, l’on ne tombera pas dans la généralisation abusive qui est un péché peu mignon de l’orateur. Certes, imaginer de faire payer l’achèvement du mur frontalier (construit d’ailleurs aux deux-tiers par ses prédécesseurs) fut une fort puérile billevesée. Mais, là encore, lorsqu’Obama confirma le déploiement de ce mur, il bénéficia d’une indulgence entière, tandis que notre éléphant roux se voit traité comme l’animal malade de la peste de La Fontaine.
N’ignorons pas que l’immigration illégale des Mexicains, qui contraint les salaires des non qualifiés à stagner au plus bas, a déjà baissé considérablement. Il est certes bien dommage de devoir en arriver à de telles murailles, mais plutôt que de huer les Etats-Unis, ne vaudrait-il pas mieux s’interroger sur l'explosive criminalité mexicaine, sur le socialisme et la corruption récurrents qui minent l’économie mexicaine, dont le niveau de vie de la population stagne depuis bien des décennies, malgré des richesses potentielles considérables, en particulier pétrolières ?
Encore un point à mettre à l’actif de Trump en ce qui concerne l’immigration : en avril dernier, il signait un ordre exécutif pour éjecter le programme de visa par tirage au sort, au profit d’un programme au mérite, bien plus judicieux, en terme de sécurité, de respect des individus et in fine au service d’un melting-pot américain digne de ce nom.
Pourtant l’abrogation du programme DACA, qui protégeait de l’expulsion les enfants immigrés clandestins et leur permettait d’étudier et de travailler aux Etats-Unis, a provoqué un bruyant tollé. Certes l’on sait que de prétendus mineurs s’y glissent avec des intentions peu avouables, mais la mesure parait aussi peu charitable que digne des Lumières, et des intérêts des entreprises américaines qui y trouvent parfois un vivier de créateurs…
Le milliardaire (l’on sait combien c’est mal de l’être si l’on est un capitaliste, et pudiquement tu si l’on prospère en mettant à son service la fiscalité), est bien entendu un xénophobe avéré conspué par de gauchistes juges dont le multiculturalisme est un retors angélisme, lorsqu’il refuse l’entrée à des ressortissant de pays musulmans. Cette interdiction, certes brusquement édictée avec une maladresse insigne, est bientôt jugée conforme à la Constitution par la Cour suprême. Il n’y a par ailleurs rien de xénophobe à lutter vigoureusement contre les gangs latinos violents, et contre l’islam radical.
Combien l’on a reproché à Trump de quitter l’UNESCO ! Pourtant il argue avec justesse que cette organisation, financée à gogo par les Etats-Unis, et prétendument chargée de favoriser l’éducation et la culture, a intégré la Palestine, pseudo-Etat, de surcroît terroriste (c’est d’ailleurs à cette occasion qu’Obama suspendit les financements), que cette organisation démesurément islamophile tente de réécrire l’Histoire en prétendant qu’Israël est une force d’occupation à Jérusalem. Ajoutons que cette organisation publia en 1981 une « Déclaration islamique universelle des droits de l’homme » qui considère « qu’Allah (Dieu) a donné à l’humanité, par ses révélations dans le Saint Coran et la Sunnah de son saint Prophète Mahomet, un cadre juridique et moral durable permettant d’établir et de réglementer les institutions et les rapports humains », et autres abjections concomitantes… Devinez qui depuis aspire à la Direction générale du dit organisme ; mais c’est bien sûr, en digne lèche-charia, … La France !
Bien d’autres domaines bénéficient de l’attention de l’administration Trump. Il est question d’une réforme de l’éducation (notoirement incompétente dans le public), de permettre le libre choix scolaire pour les ressortissants de quartiers défavorisés. Reste à savoir ce qu’il en adviendra. Il serait indécent de qualifier ce Président de tranquille pépère pantouflard, une fois la place prise. Reste que les craintes hystérisées autour de la législation Pro-vie en cours ne prouvent pas qu'il s'agirait de menacer qui aurait légitiment besoin d'avorter.
Que l’on soit Trumpmaniaque ou Trumpophobe, il est bon de s’interroger sur ses électeurs, dont les petits blancs déclassés de l’Amérique profonde. Le livre de J.D. Vance, Hillbilly Elégie, publié en 2016 aux Etats-Unis tombe à point. S’il se présente comme le roman autobiographique d’un enfant puis d’un jeune homme venu du tréfonds du Kentucky et de l’Ohio, il n’en est pas moins un document sociologique d’une rare pertinence.
Les usines ferment ou s’enfuient, le chômage gronde, le déclin économique ronge les consciences : « toutes les grandes entreprises comme Armco sont en train de mettre la clé sous la porte, et c’est une population dont les qualifications sont peu adaptées à l’économie moderne ». L’on comprend alors combien une génération confite dans le chômage par une mondialisation qui défavorise l’Amérique profonde, aspire à retrouver travail et dignité, ce que promit et réalise déjà, du moins en partie, l’administration Trump.
Mais loin de se complaire dans la rhétorique victimaire de l’ « Elégie », Vance souligne : « Vous pouvez traverser une ville dont 30% des jeunes hommes travaille moins de vingt heures par semaine sans trouver personne qui ait conscience de sa propre fainéantise ». Plutôt que de se plaindre du monde tel qu’il évolue, les habitants doivent affronter la vérité sur eux-mêmes : « Jackson est assurément pleine de gens charmants, mais la ville est également pleine de drogués, et il y a au moins un homme qui a trouvé le temps de faire huit enfants et pas celui de travailler pour les faire vivre ». Sans oublier l’alcoolisme et la violence. Le réquisitoire est cruel, mais réaliste.
Comment notre auteur s’en est-il sorti ? « Maman m’a emmené à la bibliothèque de la ville avant même que je ne sache lire, m’y a inscrit, m’a montré comment emprunter des livres et fait en sorte qu’il y en ait toujours à la maison ». Avocat pour un fonds d’investissement, écrivain chéri des médias, marié avec Usha dont il loue les qualités, il vit aujourd’hui à San Francisco. CQFD.
Vance a su radiographier ceux qui ne sont pas les seuls à avoir élu Trump, pour de bonnes et de mauvaises raisons. Sans vouloir faire de la prédictologie[11], toujours risquée, il n’est pas impossible que ce Président rempile pour un second mandat, voire avec un résultat électoral plus généreux…
Le procès Trump est loin d’être achevé. Hors de tweetesques sorties inconsidérées, des convictions populistes sans nuances, il conviendra de le juger sans a priori idéologiques sur les résultats. Il sera cependant d’autant plus haï que les résultats économiques et diplomatiques seront bons. Tout ce qu’il réussit et réussira sera inaperçu par les yeux qu’obscurcit l’idéologie ; tout ce qu’il ratera sera la poutre fichée dans son œil.
L’on dit souvent que l’Histoire se répète ; certes. Mais parfois sous des formes métamorphosées. Le socialisme de Bernie Sanders est bien plus dangereux que Trump, en particulier pour les libertés économiques et la prospérité, y compris du petit peuple ; les violences de l’extrême gauche anticapitalistes sont avérées. D’autres formes de totalitarisme, masquées par de bons sentiments sont également à craindre : la tyrannie écologique, par exemple, ou le politiquement correct qui pousse des étudiants à ne pas vouloir étudier des auteurs mâles et blancs, en un racisme aussi étroit que leur pensée, ou encore le cancer théocratique de l’Islam. Si Donald Trump, malgré ses errements et velléités agités comme ceux d’une puce rousse, n’est le nom d’aucune tyrannie, il ne manque pas de concurrents bien plus redoutables, dont Thimothy Snyder, le doigt pointé sur un éléphant plus débonnaire qu’il n’y parait, n’a pas su voir les forêts de cornes aux virales rhinocérites. C’est avec une indispensable prudence, en particulier à l’égard d’un avenir pour lequel nous nous garderons de toute prédiction, que le modeste auteur de ces lignes, dont les informations restent cependant lacunaires, tente de contribuer à la vérité, au risque que bien des lecteurs velléitaires ne soient pas parvenus à cette ligne, irrités, scandalisés par une telle prose, qui ne respecte pas la doxa de la condamnation péremptoire, idéologique et a priori.
Il y a bien des exagérations, voire des hyperboles insensées, dans la pléthore de satire, de dénonciation, qui se jette en meutes sur Trump. Voyons comme l’on s’est mis, vaillamment, en signe d’héroïque résistance (on n’est pas aussi vaillant face à l’hydre de la théocratie islamique) à manifester, comme ces 125 psychanalystes et psychiatres qui défilèrent à New-York en dénonçant la santé mentale défaillante de notre éléphant roux, « populiste, ploutocrate, fou à lier », réclamant l’impeachment, alors que l’on s’est moins excité devant les symptômes avérés d’Hillary Clinton. Prenons garde à ne pas suivre aveuglement la rhétorique haineuse des démocrates et non les faits. Par exemple pour les enfants mexicains retenus aux frontières pendant des semaines que l’on reproche à Tromp, quand c'était déjà le cas sous Obama, alors qu'il s'agit de les protéger de leurs parents, des gangs, des viols, ce qui ne faisait pas scandale (et ne prétendons pas que cela soit parfait) : selon que vous soyez blanc ou noir, les jugements de cour vous rendront puissant ou misérable (ceci en paraphrasant La Fontaine). Voyons comme l’on a relu et brandit Impossible ici de Sinclair Lewis[12] qui voyait un fasciste s’élever au sommet des Etats-Unis, ainsi que La Servante écarlate, de Margaret Atwood[13], autre anti-utopie marquée par une tyrannie contre les femmes réduites à la seule procréation. La reductio ad hitlerum est aussi manifeste qu’abusive et mensongère, quand de plus réelles tyrannies sont les hydres de notre temps…
Thierry Guinhut
Une vie d'écriture et de photographie
[1] Aristote : Rhétorique, 1358a, Œuvres complètes, Flammarion, 2014, p 2611.
[2] Eugène Ionesco : Rhinocéros, Théâtre, III, 1968, Gallimard, p 117.
[3] La Fontaine : « Les animaux malades de la peste », Fables, VII, I : « Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »
[4] N atacha Tatu Incroyable mais Trump, Plon, 2018.