Pour notre ruine, dans un rouge et manipulateur maelström socialiste de trente ans poursuivant une fantasmatique et biaisée justice sociale, droite et gauche confondues, nous y sommes. Là où Alexis de Tocqueville, dès 1840, nous attendait : « Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire (…) Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire (…) il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre-arbitre (…) le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule, il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète (…) un pouvoir unique, tutélaire, tout puissant, mais élu par les citoyens.[1] » Certainement, si Tocqueville revenait parmi nous, voici ce qu’il dirait, en une prosopopée plus juste et plus abondante que celle de Fabricius[2], en un réquisitoire sans concession :
« Que sont devenues, Français, notre prospérité et notre liberté ? C’est avec notre consentement électoral et notre servitude volontaire que, sous couvert d’égalité, nous avons plié notre population sous le joug d’une oligarchie de tyrans persuadés d’agir au bénéfice du peuple, d’un état-providence à bout de souffle et perclus de dettes. Ce au service de maintes catégories socioprofessionnelles privilégiées et de divers assistés, sans compter les gaspillages et autres errements budgétaires.
En effet, 56 % du PIB sont consacrés à la dépense publique, quand 52 % de ce même PIB sont des recettes publiques : c’est dépenser plus que ce qui est gagné (plus exactement ponctionné) ; les fondamentaux du calcul en cours moyen sont alors explosés. Quelle belle leçon de gestion et de rigueur !
L’Indice de Liberté Economique de la France est consternant : classé 19ème en 1975 ; aujourd’hui, parmi 185 pays elle est, en 2012, 62ème. Et encore n’osons-nous imaginer 2013… Il est évident que ce n’est pas sans conséquence sur l’emploi et la prospérité, sans compter la corruption et la délinquance.
Les aides publiques aux entreprises passent par environ 6000 dispositifs ; on imagine la surabondance de personnels pour une efficacité douteuse, qui ne profite réellement qu’aux grands groupes, eux-mêmes abondamment ponctionnés pour nourrir les circuits de cette usine à gaz. Etatisme et keynésianisme à tous les étages…
Archi-subventionné, le syndicalisme français, au premier rang desquels l’archéocommuniste CGT, ne sait à peu près que protéger l’improtégeable, concourir eficacement, faute d’adaptation, de travail, de concurrence, d’innovation et de goût d’entreprendre, à la destruction de l’emploi et du tissu industriel. Faute de négocier, sans compter leur mépris de la liberté de travailler lors des grèves, il conduit des entreprises à la faillite, comme le regretté Goodyear d’Amiens. Déjà les dockers, les Nouvelles Messageries de la Presse, pour ne citer que ces structures pétrifiées par la CGT, coulent l’activité économique portuaire et la liberté de la presse en s’arque-boutant sur d’indécents avantages acquis. D’accord en cela avec les gouvernements, otages consentants, qui ne sont que coercition de par les milliers de pages du code du travail, les milliers de normes abusives, les taxation et impositions pléthoriques, qui nous préparent un avenir semblable au présent de la Grèce…
Ainsi, une fiscalité confiscatoire empile l’impôt sur la fortune, celui sur le revenu, des taxes prolixes et variées, étrangle l’entreprise, contribue à l’assèchement des énergies et au flot des fuites de capitaux, quand d’entreprenants Français s’évadent vers les pays aux cieux fiscaux plus cléments. N’est-il pas juste de préférer le paradis fiscal à l’enfer fiscal ? Nos économistes connaissent-ils la courbe de Laffer, qui montre que l’adage « trop d’impôt tue l’impôt », n’est pas un vain mot, que l’augmentation de la fiscalité entraîne immanquablement une baisse des recettes d’un Etat qui s’autodétruit.
L’avalanche de subventions au bénéfice des biocarburants et des énergies éoliennes et photovoltaïque se fait évidemment au détriment du contribuable autant du consommateur puisque ces secteurs sont non rentables, tout cela au service d’une idéologie verte paranoïaque.
Le travail lui-même est invalidé par la lourdeur des charges sociales, par un coût parfois prohibitif (soit 20% de plus qu’au Royaume-Uni), par les inextricables difficultés à licencier si nécessaire, plombant mécaniquement les embauches, dans un contexte international sévère. Quant au profit des entreprises, il est en France deux fois plus faible qu’aux Etats-Unis, qu’en Allemagne, qu’au Royaume-Uni, entraînant un déficit d’investissement. Par voie de conséquence, l’industrie française achète deux fois moins de robots que l’Allemagne, quand le poids de l’industrie est ici deux fois moindre qu’outre-Rhin. Sans compter que le secteur du bâtiment (ne dit-on pas « Quand le bâtiment va, tout va » ?) s’effondre peu à peu…
La dette française dépasse aujourd’hui les 1800 milliards, soit 90 % du PIB, soit près de 27000 euros par habitant, soit des emprunts parfois jusqu’à 65 ans, soit un service exponentiel des intérêts de la dette. Ne parlons pas du déficit budgétaire et de la balance commerciale… Et l’on imagine que de si bons gestionnaires d’actifs et d’inactifs vont à travers une Banque Publique d’Investissement trouver la pierre philosophale de la croissance !
Que dire des inégalités honteuses entre le secteur public qui supprime le jour de carence du salaire pour maladie, alors que le secteur privé en aligne trois au détriment du salarié… Que dire de la marée montante des fonctionnaires embauchés par les collectivités locales, de ceux qui gèrent la perception d’un impôt sur la fortune qui ne rapporte guère plus que ce qu’il coûte à percevoir…
Nombreux sont les secteurs de l’économie sans concurrence, monopoles ou quasi-monopoles, préjudiciables à la liberté de choix, aux vertus de la concurrence, comme l’a prouvé, a contrario et au bénéfice du consommateur, l’arrivée de Free dans la téléphonie mobile, bousculant la troïka Bouygues, Orange, SFR, assise sur les avantages d’un capitalisme de connivence avec l’état. Ainsi SNCF, Gaz et Electricité de France, Sécurité sociale sont des territoires fermés qui retiennent captifs leurs usagers, sans compter leur productivité faible, les avantages souvent indus de leurs salariés, et qui mériteraient d'être privatisés.
A qui appartient le sol ? A son propriétaire public ou privé, bien sûr. Mais le sous-sol ? Exclusivement à l’Etat qui, de fait, contrecarre toute exploitation qui pourrait ne pas être politiquement et vertement correcte, ce dont témoigne l’impossibilité d’imaginer de jouir de notre gaz de schiste, qui, aux Etats-Unis, a permis de réduire considérablement la facture des usagers, de créer des centaines de milliers d’emplois, de redynamiser la production d’énergie et le secteur industriel…
Faut-il rire ou pleurer, lorsque les mosquées sont financées par les collectivités locales, au mépris de la séparation de l’église et de l’état, ce par électoralisme et clientélisme ? Lorsque la viande halal, au mépris de l’humanité envers les animaux, envers la sécurité sanitaire et la laïcité, est une pratique en expansion et que le paravent du modeste scandale de la viande de cheval est agité pour faire croire que le gouvernement veille…
Pour rester dans le domaine de la santé, sans compter les impérities gestionnaires de l’hôpital public et de la Couverture Maladie Universelle, ne faut-il pas pointer l’absurdité d’un numerus clausus qui a été abaissé, ou si peu augmenté, alors que la population augmentait ? Voilà pourquoi les médecins manquent, ces affreux riches exploiteurs de l’insécurité sanitaire du peuple, alors que l’appellation médecine libérale n’est plus qu’une antiphrase.
Pensons alors à nos retraites, là encore verrouillées par le monopole de l’état, sans compter de consentir à un surcoût auprès de complémentaires privées. Outre que la gestion des caisses de retraites ne doit pas être un modèle de productivité, on n’ignore pas que la retraite par répartition est un système de Ponzi qui permet aux premiers de bénéficier de la générosité du système et aux derniers de ramasser les miettes, autrement dit condamné à la faillite, étant donné le papy-boom et l’augmentation de l’espérance de vie. A moins de juguler le chômage et de retarder la retraite à 67 ans comme en Allemagne.
Les emplois « aidés » sont-ils utiles, pompant la richesse produite au détriment de ceux qui, sans cette redistribution coûteuse, auraient pu naître et ne naîtront pas… Pendant que les agitations des ministres du Développement Durable, de l'Economie Sociale et Solidaire et du Redressement Productif, fidèles aux « principes du Novlangue [3]» orwellien, obéissent à la coûteuse impéritie des épouvantails…
Trois décennies de socialisme, sans oublier les traces délétères de la planification gaullienne et du poids des communistes dans l’échiquier politique de l’après-guerre, une contre-culture -plus exactement une sous-culture économique- de l’interventionnisme et de la règlementation étatique, voilà le legs en forme de chaînes et de boulets que notre croissance malade doit porter sur ses frêles épaules..
Quand sangsues et police économiques sont plus efficace que celle des crimes et délits, quand des quartiers entiers voient fleurir la charia, au détriment de la République, ne peut-on admettre que deux tyrannies se donnent la main pour nous opprimer ? »
Pauvre Tocqueville, si tu revenais parmi nous… Voulant assurer l’égalité économique, écrêter les riches pour donner aux pauvres, notre Etat dévore ses enfants et n’en rejette que les os, à force de se dévouer à la justice sociale et redistributive. Voici fleurir, sous nos yeux pour le moins inquiets, pour revenir à notre Tocqueville, « les périls que l’égalité fait courir à l’indépendance humaine[4]. » Même Rousseau, qui s’y connaissait en récriminations contre les inégalités, en répondant d’ailleurs par avance à John Rawls qui certifia, « Même dans le meilleur des cas, la répartition et la vertu ne tendent pas à coïncider[5] », prévenait : « La justice distributive s’opposerait même à cette égalité rigoureuse de l’Etat de Nature (…) C’est en ce sens qu’il faut entendre un passage d’Isocrate dans lequel il loue les premiers Athéniens d’avoir bien su distinguer quelle était la plus avantageuse des deux sortes d’égalités, dont l’une consiste à faire part des mêmes avantages à tous les Citoyens indifféremment, et l’autre à les distribuer selon les mérites de chacun[6] ». C’est alors que la récompense du mérite, du travail, de l’innovation et de l’esprit d’entreprendre serait une richesse, non pas enviée, ni indue, ni furieusement ponctionnée, mais rayonnante de prospérité générale.
Heureusement, bien des créateurs, des entrepreneurs, faute de faire la grève en s’exilant sous des cieux économiquement plus cléments, comme le John Galt d’Ayn Rand[7], résistent. Le potentiel de nos talentueuses grandes, moyennes et petites entreprises reste encore intact si l’on voulait bien leur lâcher la bride, leur faire confiance, au service de leur enrichissement et de notre prospérité retrouvée…
Que faut-il faire ? A peu de choses près, le contraire de ce que font nos gouvernements, et, en ce qu’il semblera, pour beaucoup trop d’entre nous, une impraticable provocation :
Faute de telles indispensables mesures, sommes-nous sans retour aux prises avec un Socialisme National ? Que nous avons à peine la mauvaise foi de lire à l’envers, tant le spectre qui va du Front de Gauche au Front de droite se conjugue dans l’inconnaissance et la haine du libéralisme économique et politique. Notre tyrannie est bien celle présagée par Tocqueville : du Socialisme National consenti au National Socialisme historique, ne reste plus qu’un pas, que l’on se gardera peut-être de franchir, celui de la privation de liberté par des murs de béton, par des lames de sang. La justice distributive postulée par le socialisme est non seulement attentatoire à la liberté, à la propriété et à la dignité, mais contreproductive, appauvrissant ceux qu’elle devait secourir, hors bien sûr les nombreux privilégiés, oligarchies de l’état et des collectivités locales, la clientèle des fonctionnaires et des séides des syndicats, jusqu’à l’écroulement du système, comme tomba, heureusement de façon pacifique, le mur de Berlin. La foi en un Etat, un gouvernement plus à même de juger du bien-fondé et des fins de l’économie au détriment des acteurs économiques eux-mêmes, a de longs jours d’illusion et de peine devant elle. Car, nous prévient Hayek, « aussi longtemps que la croyance à la justice sociale régira l’action politique, le processus doit se rapprocher de plus en plus d’un système totalitaire[8] ».
Ecoutons, après Tocqueville et Hayek, Adam Smith : « Dans un Etat bien régi où l’on a bridé le gaspillage des gens improductifs apparaît inévitablement une prospérité générale sensible jusque dans les catégories les plus basses de la population. Elle se forme obligatoirement si les gouvernements se conforment à l’idée de ne pas entraver le grand métier à tisser et la main invisible qui l’actionne.[9] »
Notre déclin s’achèvera-t-il dans une pauvreté hébétée, dans une guérilla urbaine de classes, dans une guerre urbaine entre communautés laïques et poches de charia fanatiques ? A moins qu’un sursaut salutaire, une Margareth Thatcher providentielle jaillisse tout intellectuellement armée des urnes… Il nous reste, plutôt que de vainement l’attendre, à la penser.
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Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.