Globe terrestre sur Les Césars de l'Empereur Julien,
Denys Mariette, 1696. Photo : T. Guinhut.
Une Histoire du monde
en trois tours de Babel.
Roberts et Westad, suivi de Fukuyama.
J.M. Roberts, O.A. Westad : Histoire du monde, Perrin, 1504 p sous coffret, 49 €.
I « Les Âges anciens »,
traduit de l’anglais par Jacques Bersani, 464 p, 22 € ;
II « Du Moyen-Âge aux temps modernes »,
traduit par Martine Devillers-Argouac’h, 512 p, 24 € ;
III « L’Âge des révolutions »,
traduit par Antoine Bourguilleau, 608 p, 24 € ; Perrin, 2016.
Francis Fukuyama : Le Début de l’histoire, traduit de l’anglais (Etats-Unis)
par Pierre Guglielmina, Saint-Simon, 2012, 472 p, 25 €.
« L’Histoire, nous devons bien le reconnaître, continue d’encombrer notre présent et rien n’indique qu’il puisse, un jour, en être autrement (III, p 585) ». Ainsi concluent J.M. Roberts et O.A. Westad au sortir des 1200 pages de leur Histoire du monde. Pourtant, malgré le format passablement imposant de leur trilogie, rien ne permet d’affirmer qu’elle encombrera nos bibliothèques. Au contraire. Ces trois tours de Babel balisent un immense passé, donc les ciments du présents, les fondations de notre avenir, enrichissent avec une séduisante facilité notre compréhension des marches successives de nos civilisations. Soudainement, grâce à nos deux compères historiens, et même si quelques points nous amènent à des réserves, nous nous sentons à raison, plus intelligents…
Des plus anciens outils trouvés en Ethiopie (il y a 2,5 millions d’années), en passant par la préhistoire, en 7000 avant J.C., à nos plus contemporains, dont ces « intellectuels chinois [qui] parlent aujourd’hui le langage du libéralisme ou du marxisme (III, p 584) », ces trois volumes ambitionnent à juste titre d’être une somme narrative, explicative et argumentative. Cultures et empires, religions et révolutions, techniques et structures politiques, migrations et conquêtes, nomadisme et urbanisation, tout concourt à emporter le lecteur dans le vaste fleuve de l’humanité.
Mais loin de se contenter d’une vision européanocentrée, même si les étapes, parfois erratiques, du développement de l’Europe sont longuement narrées, nos deux auteurs nous font entrer dans des zones plus excentrées et néanmoins fondamentales : la sphère byzantine des Chrétiens d’Orient, l’expansion de l’Islam, l’Inde classique, la Chine impériale, le Japon… Or l’épopée émancipatrice des Lumières, des révolutions politiques et scientifiques, s’accompagne, pour le meilleur et pour le pire de l’expansionnisme colonisateur, de l’hégémonie européenne et étatsunienne, bientôt contrée par les rivages asiatiques, voire le retour de l’infiltration musulmane…
Ainsi le premier tome, orné d’une mosaïque du XIIIe siècle, venue de la basilique Saint-Marc de Venise, va des prémices de l’humanité à la chute de l’empire romain d’Occident, mais aussi de celui des Han chinois, autour de l’an 500. Le second, orné également d’une construction de la tour de Babel, mais une peinture de l’école flamande du XVIème, siècle, venue de la Pinacothèque nationale de Sienne, embrasse non pas dix siècles, jusqu’au XVIème (comme l’annonce la quatrième de couverture de manière erronée), du Moyen-Âge à la Renaissance, marqués par la naissance de l’Islam et les grandes découvertes maritimes occidentales, mais douze siècles jusqu’aux Lumières du XVIIIème. Le troisième tome enfin, semble orné d’une tour de Babel Art Déco (car aucune de ces couvertures n’est hélas légendée), pour traverser les révolutions politiques et industrielles qui marquèrent l’aurore du XIXème, dès 1789, jusqu’à notre contemporain. Comme si le Big-bang de l’Histoire élargissait le cône de son expansion en enclenchant sa mondialisation et en s’approchant de nous…
Depuis la nuit de la pierre taillée et l’aube de l’écriture cunéiforme, le rôle de l’imprimerie et la diffusion de la lecture sont capitaux : en 1800, « le vieux continent recèle une proportion d’érudits plus forte que les autres cultures (II, p 472) ». Quoiqu’au XXème siècle, « la radio, le cinéma puis la télévision restaureront cette suprématie de l’oral et du visuel (II, p 473). C’est à l’occasion de telles phrases que l’on mesure la hauteur d’analyse de Roberts et Westad, eux-mêmes dépendants et successeurs de ces inventions du lettré et de l’Historien.
On ne lit pas souvent les introductions. Dans le cas de l’Histoire du monde, on aurait diantrement tort. Grâce à la plume d’Odd Arne Westad, qui continua l’œuvre de son camarade après sa mort, l’on apprend comment telle problématique est l’assise et le fil conducteur conceptuel de ces trois volumes : « J’ai cherché d’emblée à repérer, là où c’était possible, les éléments qui, par l’influence générale qu’ils exercèrent, eurent l’impact le plus large et le plus profond, plutôt que de me contenter d’aborder dans l’ordre, une fois de plus, les thèmes que la tradition juge importants (I, p 15) ». Aussi l’ « Histoire » ne débute pas, au regard de nos deux compères, dès la traditionnelle distinction avec la préhistoire, c’est-à-dire à la naissance de l’écriture ; mais quelque part dans les généalogies de l’anthropologie, lorsque les grands singes se lèvent, lorsqu’ils utilisent des outils, lorsqu’ils parlent, tous événements plus qu’ardus à dater.
De plus, en cette même « Introduction générale », on comprend que ne s’intéresser qu’aux successions des guerres reste insuffisant : « Roberts et moi sommes d’accord, par exemple, pour penser que les échanges et les alliances entre les cultures humaines ont beaucoup plus compté en général que les confrontations qui ont pu survenir entre elles, et nous sommes d’avis tous deux que ce schéma est appelé selon toute ressemblance à se répéter dans l’avenir (I, p 16) ». Il y bien là un sens de l’Histoire, évidemment pas aussi téléologique que celui d’Hegel, pas aussi iréniquement idéologique que celui de Francis Fukuyama.
C’est également en cette introduction qu’il s’agit de noter les tensions entre « l’Occident et nombre de sociétés islamiques (I, p 17) ». Il faut se reporter au chapitre sur la naissance de l’Islam et y lire ses succès civilisationnels au Proche-Orient entre le VIIIème et le XIIème siècle. Il y manque alors une analyse de l’idéologie prophétique chevillée par le jihad, qui conquit les deux tiers du pourtour méditerranéen, puis jusqu’à l’Indonésie, par le fer et le sang, non sans pratiquer le génocide, et dont quatorze siècles de tyrannie (malgré d’indéniables baisses de tension) n’ont pas fini de nous accabler de coups de boutoir. Songeons que le nazisme de sinistre mémoire, dura douze ans, eut pour conséquence, non seulement les guerres et massacres que l’on sait, mais la mainmise de l’Union Soviétique sur l’Europe de l’Est pendant quarante-cinq ans. Songeons que cette même idéologie communiste saccagea la Russie pendant soixante-dix ans, qu’elle balaya la Chine et autres satellites, qu’elle pétrifie encore la Corée du Nord et Cuba, voire le Venezuela, en son petit frère socialiste, et que les traces pérennes du marxisme ont de longtemps des conséquences dramatiques pour les libertés économiques et politiques en de nombreuses parties du monde. Aussi la poudrière Marx, qui a un siècle et demi de conflagration, voire encore un avenir assuré, n’est, avec divers fascismes plus brefs dans le temps, qu’une billevesée au regard des quatorze siècles d’Islam, hélas appelés à vouloir pérenniser jusqu’en un avenir imprévisible sa théologie et ses mœurs traditionnels et obscurantistes, malgré de notables dissidences plus modernistes en son sein. En ce sens l’Histoire, au-delà de Roberts et Westad, doit penser ses sources de tyrannies et de chaos autant que ses échanges de libertés.
On peut à cet égard noter, mais quel auteur, quel éditeur peut se targuer d’y échapper ? une belle coquille : « Mahomet nait vers 750 (II, p 31) ». Il s’agit en fait d’une inversion, puisqu’il est né vers 570. On l’aura deviné puisque quatre pages plus tard, on nous confirme que le départ de la Mecque, appelé l’Hégire, a lieu en 622.
Peu ou prou, c’est ainsi que nos deux gargantuesques historiens s’attachent en fait à séparer, quoiqu’avec une circonspection bienvenue, le bien et le mal dans l’Histoire. Si « les échanges et les alliances entre les cultures humaines » déjà cités font plus pour l’humanité que les guerres, les cloisonnements des nations, des empires, et la calcification des religions, il s’agit d’exalter une certaine conception de l’homme créateur de mondes.
Le concept de civilisation, qui guide les pas à la fois de l’humanité et de Roberts et Westad, dès le IVème millénaire avant Jésus Christ, est fréquemment récurrent : « interaction qui se produit entre des êtres humains, d’une manière très créative, lorsqu’une masse de potentiel culturel, si l’on peut dire, et un certain surplus de ressources se trouvent réunis. Le propre d’une civilisation, c’est de porter les capacités de développement qui se trouvent en l’homme à un niveau totalement inconnu jusqu’alors (I, p 76) ». Mais aussi comme pour répondre à la question d’une discrimination judicieuse entres ses divers avatars. Ainsi les Romains de l’époque de Justinien « appartiennent à une civilisation particulière, la meilleure que l’on puisse concevoir, aux yeux de certains d’entre eux du moins. En cela ils ne sont pas les seuls : on peut en dire autant des autres civilisations, des Chinois par exemple (II, p 13) ». De la Mésopotamie à l’Egypte, de la Grèce à Rome, une marche erratique vers les progrès techniques et culturels, en passant par l’invention de la politique, ignore cependant la Chine ancienne. « Le commerce, la flotte, la confiance en soi et la démocratie (I, p 265), qui caractérisent Athènes, deviennent le plus sûrement des invariants du développement, ce dont témoigneront plus tard l’Angleterre des Lumières et les Etats-Unis d’Amérique.
Au-delà des grandes figures dirigeantes de l’Histoire, le récit n’oublie pas les petites gens, tels ce « citoyen romain de nom, mais prolétaire de fait (I, p 319). République, oligarchie, dictature, culte de l’Empereur, sont les moteurs et les broyeurs de ces petites gens, soldats et paysans de Rome, où « le gangstérisme, la corruption et le meurtre défiguraient la vie publique et discréditaient le Sénat (I, p 322). Ce à l’aube de César et de l’âge d’Auguste qui fondèrent la dignité de l’Empire jusqu’à sa chute. Une chute due autant aux barbares qu’à la suradministration et aux impôts[1], ce « fardeau détesté (I, p 341) ». Alors que les religions passèrent de la tolérance pour toute forme de croyance, en passant par le culte impérial obligé, jusqu’au monothéisme chrétien peu tolérant. Ainsi, le socialisme romain, confiscatoire et tyrannique, prodigue de distribution de pains et de jeux du cirque, puis cette évolution religieuse, restent des modèles de compréhension de notre temps.
Petites gens également en Chine ancienne, lorsque « les millions de paysans chinois firent les frais de ce que la Chine fut à même de réaliser en termes de civilisation et d’organisation politique (I, p 201). Ce qui se vérifiera une fois de plus au XXème siècle, à l’instigation de Mao, trop fameux tyran communiste. Mais aussi dans l’Inde classique, où un « Conseil royal chapeautait une société fondée sur un système de caste (I, p 417) ».
Les civilisations fleurissent, fanent et meurent. Sous les coups des barbares, Huns ou Mongols. Sous les coups des Ottomans, lorsqu’en 1453, « Constantinople, la capitale chrétienne millénaire (II, p 111) », s’écroule, suivie par les Balkans, Trébizonde et l’Egypte, marquant « la fin de l’hellénisme (II, p 112) ». Lorsque la Méditerranée est un « lac arabe (II, p 120) », on assiste par ailleurs à la genèse de l’Europe. Plus loin, les empires du Ghana et du Mali sont des pays de l’or, avant de s’éroder dans les sables musulmans. Les Etats africains sont éphémères, les empires précolombiens, comme celui des Mayas, brillent puis s’effacent, sous les coups de mystérieux déclins bien moins que du fait des colonisateurs européens : « Si les conquistadors peuvent être considérés comme les destructeurs de cette civilisation, c’est uniquement dans le sens le plus formel : à leur arrivée, son effondrement est déjà une réalité (II, p 211) ».
En Europe, dès le Moyen Âge, l’Histoire « se fonde dans les débuts de la mondialisation (II, p 218) ». Le clergé puis l’architecture religieuse, surtout gothique, « dessine le paysage européen […] jusqu’à l’arrivée du chemin de fer (II, p 223-224) ». Mais les épidémies de peste minent la démographie du XIVème siècle… Lors de la Renaissance, outre le développement du commerce et des banques, la redécouverte humaniste de l’Antiquité, la floraison artistique et scientifique et la pépinière des universités, « avec la déferlante des expéditions maritimes, va commencer la véritable Histoire du monde (II, p 265) ». Pendant ce temps, « le christianisme a secrété une essence utilisable contre lui, laquelle permet un regard critique indépendant, en rupture complète avec le monde de Thomas d’Aquin et d’Erasme (II, p 282) ». Ce à quoi l’on peut objecter que le libre arbitre est un pilier du thomisme et que le travail d’Erasme a quelque chose d’encyclopédique.
Une fois de plus, mais à une puissance supérieure due à la mondialisation du XIXème et du XXème siècles, l’ère moderne voit l’Histoire devenir « un enchevêtrement graduel de luttes réciproques qui vont plonger le monde dans des guerres toujours plus complexes, un monumental iceberg dont la politique, l’impérialisme et l’expansionnisme militaire ne sont que la partie émergée (II, p 284) ». De plus, « En 1900, le contexte dans lequel les agriculteurs européens travaillent est, qu’ils le réalisent ou pas, mondialisé ; le prix du guano chilien ou de l’agneau néo-zélandais fixe déjà les prix des produits sur leurs marchés locaux (III, p 25) ». De quoi dessiller le lecteur naïf et permettre de visualiser l’imbroglio de l’histoire guerrière, économique et civilisationnelle. Et bientôt industrielle : « Ironie de l’Histoire, cette révolution industrielle met un terme à la primauté d’une agriculture à laquelle elle doit son émergence (III, p 26) ». L’évolution des mentalités suit évidemment, idéalisant alors la campagne, au contraire d’une « vision esthétique et morale négative de la vie citadine (III, p 31) ».
La masse d’informations est ici proprement stupéfiante, de l’anecdote remarquable de l’achat de territoires mexicains par les Etats-Unis, à la capacité de faire des deux guerres mondiales des récits entraînants, quoique tragiques et cependant édifiants. On trouve en la lecture de ce fleuve aux cent bras des perles étonnantes, comme lorsque les colonisateurs des Amériques, outre l’argent, l’or et le sucre, rapportent « la culture du tabac, une drogue que certains considèrent, avec la syphilis, […] comme la vengeance du Nouveau Monde après sa violation par la Vieille Europe (II, p 433) ». Toujours pourtant, le fil de la liberté innerve l’humanité, comme lorsque « les hindous anglicisés s’en sortent mieux que la plupart des musulmans », alors que la transformation graduelle de l’Inde est moins due au travail du gouvernement qu’à la liberté grandissante qui lui est accordée (III, p 153) ». On devine, à travers la « Révolution dans les sciences et les perceptions (III, p 363) », un enthousiasme de nos auteurs envers cette Histoire dont les développements ne peuvent que continuer à nous étonner, entre Spoutnik et Projet Génome Humain. De même, malgré « la stagnation du monde arabe (III, p 569) » et le dénuement endémique de certains pays, tels Haïti, la sortie récente de la pauvreté de la plupart des populations mondiales, grâce à la généralisation du capitalisme, permet à Roberts et Westad de conclure : « Mais s’il est une leçon à tirer de l’Histoire, c’est que la possibilité de changement est toujours présente, même aux moments ou dans les lieux les plus sombres (III, p 570) ». Souhaitons que la crise éruptive et tentaculaire de l’Islam puisse, par un apaisement libéral consenti, leur donner brillamment raison.
Tout juste pourrait-on tenter de mettre un brin de frein à leur confiance en la domination étatique : « L’idée qu’il serait possible d’obtenir des avancées majeures en contournant une institution aussi dominante que l’Etat parait aussi irréaliste que pouvaient être l’anarchie ou les mouvements utopistes du XIXème siècle (III, p 407) ». Une avance libérale telle que l’internet est bien là pour tempérer ce propos.
Si Francis Fukuyama, en son Début de l’Histoire, est plus touffu, un peu plus ardu que cette trilogie de l’Histoire du monde, il en sera un fort pertinent complément, en dressant un tableau fouillé des systèmes politiques en gestation, en consolidation et en déshérence. Encore moins européanocentré que Roberts et Westad, il montre comment s’est effectué le passage de l’état de nature à l’Etat de droit. Ce sont d’abord des sociétés tribales, où règne « la tyrannie des cousins (p 67) », avant de devenir les proies du Léviathan. L’Etat centralisé nait en Chine, avec les Han, se construit en Inde, en Grèce et à Rome, s’esquisse en Islam avant de se fortifier avec les Ottomans, se structure et s’acoquine avec les religions, jongle avec le despotisme et l’absolutisme, avant de se trouver une nouvelle voie avec le parlementarisme anglais, américain, puis européen, non sans sombrer dans les pétrifications du socialisme et du communisme…
Cependant, en digne historien et philosophe libéral, et comme pour contrer le propos de Roberts et Westad, il n’hésite pas à conspuer « L’Etat comme crime organisé (p 212) ». On se souvient en effet que Francis Fukuyama publia en 1992 son essai marquant, La Fin de l’Histoire et le dernier homme[2], dans lequel il postulait la démocratie libérale comme horizon de l’humanité et non l’Etat absolutiste. Il s’agit ici de remonter aux origines confuses où les peuples s’érigèrent en nations, en structures étatiques, avant de concevoir, malgré leurs divergences culturelles, que le respect de l’individualisme valait mieux que les idéaux de puissance et de tyrannie aux conséquences chaotiques et sanglantes.
Un étrange phénomène s’empare du lecteur de l’Histoire du monde : que l’on s’attelle au début ou que l’on ouvre au hasard, l’accoutumance, la dépendance, et même l’addiction la plus délicieuse, nous font craindre toute occasion de malencontreusement interrompre notre navigation parmi ces pages, et nous attirent à la reprendre, quelque-soit le chapitre, quelque-soit la page, lorsque le sens du détail n’invalide pas un instant la largeur de vue. Le rythme de l’épopée, jamais grandiloquent, toujours aisé, ne se départit jamais de la clarté et du soin de l’analyse. Si Francis Fukuyama, en son Début de l’Histoire, est plus complexe, il n'en dresse pas moins un tableau fouillé des motivations humaines au service des systèmes politiques en gestation, en consolidation. Cependant, à chaque seconde, l’Histoire avance, bifurque, s’efface et s’échafaude. Comme nous ne croyons plus guère aux oracles[3], encore moins aux destinations marxistes, nous laisserons une apéritive incertitude s’élever parmi les développements scientifiques, parmi les nébuleuses de l’imaginaire, pour effleurer le futur de l’Histoire, non sans être nourris de ceux qui ont pensé, après Edward Gibbon et Jules Michelet, en leurs pages vivifiantes, l’humus grandiose, mélancolique, exaltant et éclairant, du passé…
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Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.