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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 18:30

 

Grand'Rue, Poitiers, Vienne. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Ayn Rand, d’Atlas shrugged

 

à La Grève libérale.


Roman populaire et roman philosophique.

 

 

Ayn Rand : La Grève, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Sophie Bastide-Foltz, Les Belles lettres, 1168 p, 29,50 € et format poche : 1336 p, 19 €.

 

Alain Laurent : Ayn Rand ou la passion de l'égoïsme rationnel,

Les Belles Lettres, 240 p, 24 €.

 

 

 


      Les voies du succès sont-elles impénétrables? Dans le cas de La Grève d’Ayn Rand, cette romancière et philosophe américaine, rescapée de la révolution bolchevique, qui vécut entre 1905 et 1982, il s’en faut de peu pour que nous arrivions à totalement élucider les raisons qui ont permis de faire de ce livre le plus lu aux Etats-Unis après la Bible, avec dix millions d’exemplaires vendus, grâce à l’adéquation du roman populaire et de son efficace philosophie politique. Hélas, bien moins vendu en France…


     Au cours de cette apocalypse programmée de l’économie ses Etats-Unis, parmi laquelle se débattent la féminine Dagny Taggart, entrepreneuse en chemins de fer, l’industriel de l’acier Hank Rearden et le mystérieux John Galt, les ressorts du roman populaire et d’aventure, venus d’Alexandre Dumas et d’Eugène Sue, sont utilisés avec autant de dynamisme que de finesse. En effet, complot, filatures mystérieuses, enlèvement, amours lointaines et romanesques, suicide mélodramatique, adultère infâme, attaque d’usine par les émeutiers sont le lot de ce fleuron romanesque. Suspense et rebondissements ne cessent d’irriguer ce roman feuilleton large, intense, foisonnant et coulant comme un fleuve. A ceux qui trouveraient cette accumulation dramatique un peu trop hollywoodienne, qui la traiteraient de bruyante et racoleuse boite à outil de la facilité démagogique, on ne peut que leur demander pourquoi ils n’en font pas autant, voire mieux. Car la vie est une aventure. L’érection du capitalisme libéral également. Les héros que sont les entrepreneurs, Dagny, Hank et John, réussissent à construire des rails d’une nouvelle qualité, des ponts et des lignes audacieux, un moteur révolutionnaire qui fait de l’électricité statique de l’air une électricité cinétique.
     Hélas, devant la rapacité du social étatisme, la disparition mystérieuse des entrepreneurs et des travailleurs créatifs est bien cette « grève » des meilleurs qui refusent de cautionner une société collectiviste et confiscatoire, captatrice de leur bonheur et de leur richesse : finalement destructrice de l’économie du pays entier et source de pauvreté, hors quelques parasites au sommet de l’état, là où un capitalisme de connivence égalitariste gère bien mal la pénurie inévitable. Contre le Léviathan, le mystérieux John Galt (« Qui est John Galt ? » étant la phrase inaugurale, puis récurrente et devenue magique) se dresse, humble et fier, débauchant l’élite.
      Evidemment, pour poser les limites de l’exercice, on peut arguer du type marmoréen de ces héros, durs et inflexibles, élégants et acérés, à la limite de la vraisemblance, où la compétence et le mérite n’ont rien de coupable. Ils sont opposés à celui veule et mou d’un James Taggart qui se couche devant le gouvernement et sa redistribution tentaculaire, de la conventionnelle, bête et poisseuse femme d’Hank, Lilian, des grands patrons suçant les aides publiques et castrant la concurrence, et de bien d’autres, revanchards et plaintifs ou pontifiants intellectuels envenimés par le communisme. N’oublions pas à cet égard qu’Ayn Rand écrit dans un contexte historique particulier : celui de la guerre froide.
       Cette somme est également un tableau géographique, entre New York et la Californie, grâce à la dimension symbolique des chemins de fer qui innervent la conquête du continent américain, de ce réseau économique qui nourrit les échanges ; mais aussi grâce au lyrisme intense des paysages évoqués. A cette nouvelle conquête de l’Ouest par la construction de la « John Galt Line » dans les Rocheuses (ce en quoi Ayn Rand observe une continuité avec une mythologie fondatrice américaine) s’ajoutent les péripéties exaltantes de la réussite.
       Mais les forces de la réaction, dans un combat titanesque et archétypal entre le bien et le mal, détruisent tous leurs efforts en prenant aux riches pour engraisser de paresseux fonctionnaires, des assistés et d’incapables et tonitruants idéologues au prétexte de l’égalité. Ce qui permet une satire pénétrante des intellectuels progressistes et altruistes (traduisez : tyrans marxistes et collectivisateurs à leur profit). Contrer les entrepreneurs, les faire échouer, entraîner la ruine générale, les révoltes, les pillages et la famine du pays entier, tout cela ressemble à un film à grand spectacle. Qui parait s’achever par une apocalypse économique définitive, d’abord pathétique, ensuite profondément tragique. Bien sûr, en une sorte d’happy end promis, après que l’héroïque, le surhomme nietzschéen, John Galt ait ridiculisé ses geôliers et soit délivré par ses amis, le continent pourra relancer, sur ces gravats fumants, la production de l’acier, du chemin de fer et du fabuleux moteur, mais aussi l’activité des intellectuels, écrivains et musiciens, des génies de la constitution américaine révisée. De façon que, même si cela peut paraître un peu trop messianique, l’utopie concrètement réalisable de la prospérité libérale s’installe sur le monde. Mais n’est-ce pas ce qu’ont, en grande partie, réussit les Américains, depuis l’idéal des pionniers et de la constitution de 1787, quoique entravé par des guerres intra et extraterritoriales, par des épisodes désastreusement keynésiens…


      La dimension anti-utopique, dans la lignée de Zamiatine, Huxley, Orwell ou Bradbury, est criante : au gouvernement idéal et planétaire de l’entraide universelle, d’inspiration évidemment léniniste et communiste répond la réalisation effective de l’incurie, de l’irresponsabilité et de l’égalitarisme : l’effondrement économique, la paupérisation généralisée et le chaos criminel. Alors qu’une réaliste utopie, plus pragmatique et mesurée que celle de Thomas More, et soumise aux seuls devoirs du travail échangé et de la liberté, réussit à s’implanter grâce à cette création de John Galt : « Atlantis » (p 703) ou l’Atlantide dans les Rocheuses ». Cette cité idéale cachée « du libre-échange et de la libre pensée » (p 1066) est le fruit de la bonne volonté d’esprits d’élite, avec un banquier, un juriste, un compositeur et bien d’autres, chacun travaillant là de ses mains, après avoir lâché le monde pourri du collectivisme. D’Anconia va plus loin que la grève, il peaufine faillites et krachs pour précipiter la chute et espérer, après la table rase, construire un nouveau monde. Notre John Galt, loin d’être un richissime financier, est un étudiant et ouvrier modeste, animé par la raison et la sérénité.
        Si l’on voit dans La Grève l’ascension des créateurs et des travailleurs au service de leurs propres intérêts égoïstes, l’on y voit également cette « vertu égoïste », (pour reprendre le titre de l’essai d’Ayn Rand ) opposée à l’altruisme, qu’elle appelle « mal absolu » et « cannibalisme moral » (Laurent p 74). Car la solidarité obère en effet la liberté et l’égoïsme nécessaire de la créativité et du mérite récompensé. Certes, mais c’est un peu trop faire fi d’une empathie, d’une charité privée qui doit rester possible si elle n’a pas pour effet pervers de déresponsabiliser celui qui la reçoit…

      Une réflexion éthique sous-tend également la richesse des portraits psychologiques. La critique de la notion de péché originel (p 1023) en tant que culpabilité innée au détriment de la pensée libre permet d’expliquer pourquoi la femme de Hank, Lilian, ne peut voir l’amour que comme une salissure. Quant à la précieuse et pathétique Cherryl qui se suicide après son mariage prometteur avec l’infect James Taggart, voilà tout un roman réaliste et social dans le roman, qui montre comment les aspirations les meilleures peuvent être fauchées par la veulerie d’un homme qui prétend être aimé pour lui-même, comme par une sorte de charité universelle, alors qu’il ne le mérite en rien. L’amour n’est pas un dû, son besoin ne permet en rien sa légitimité. De même le « à chacun selon ses besoins » de Marx est ici invalidé par la tyrannie des besoins des employés d’une usine dont ils détruisent les capacités, au détriment des valeurs du travail et du mérite, car « toutes les valeurs sont relatives ! » (p 992)
      Ainsi en cet apologue dont la morale est explicite, rien de cette société avilie  ne résiste à l’exigence d’Ayn Rand en grande redresseuse de torts. L’éducation « ne peut laisser la moindre place à l’irrationnel » (p 786). Les arts n’échappent pas à sa vindicte  : « Des galeries d’art où elle retrouvait le style de dessins qu’elle avait vu tracés à la craie sur les trottoirs des quartiers déshérités de son enfance ; des romans qui prétendaient prouver l’absurdité de la science, de l’industrie, de la civilisation et de l’amour, dans un langage que son père n’aurait pas employé dans ses pires moments d’ivrognerie. » (p 874) La justice n’existe plus : « les questions du bien et du mal n’avaient pas leur place dans une salle d’audience et que les hommes chargés de rendre la justice étaient assez sages pour savoir que la justice n’existait pas. » (p 930)  
      L’amour, en tant qu’indispensable élément romanesque, est traité non sans les égards de la raison, dans le cadre de l’objectivisme d’Ayn Rand, ce qui ne lui ôte aucune poésie. Qu’importe que Dagny ait trois amants d’amour successifs, d’Anconia, Hank Rearden et John Galt. Qu’importe que le second soit marié. Ce lien strictement conventionnel n’a aucune réalité devant le sens de l’amour fondé sur l’admiration juste et réciproque, en de belles pages lyriques. Le mariage, s’il n’est que convention sociale, n’est bon qu’à être méprisé, jeté, ce dont témoigne la façon méritée dont Lilian est abolie par son mari Rearden, dont l’adultère, un moment considéré en son for intérieur comme coupable, devient aussi juste que l’est Dagny elle-même. Ainsi ces amours romantiques et cependant réalistes se vivent au-delà des préjugés et des interdits. Et il est juste qu’il en soit ainsi.

 

Triptyque par Decoechoes.

 

      Au-delà et au cœur du roman, conjointement à l’enchaînement des actions, intimes ou à grand spectacle, conversations et argumentations permettent d’assoir le substrat philosophique. Les soixante pages du vaste discours radiophonique de John Galt sont évidemment une mise en abyme du roman tout entier : ce que l’action mettait efficacement en place est ici théorisé en une énorme production argumentative. Lorsque l’éditeur demanda des coupures, elle rétorqua : « Couperiez-vous la Bible ? » (Laurent, p 101). Superfétatoire pour les uns, hautement nécessaire pour les autres, on peut imaginer que ce discours est inaudible pour l’immense majorité des auditeurs radiophoniques, mais il est le coup de tonnerre de l’expression de la liberté intellectuelle, surtout sachant que son auteur bloque toutes les émissions nationales pour propager à la place ses principes. Parmi lesquelles la démonstration de la ruine obligée d’un système collectiviste étouffant toute initiative, sauf celle de « la grève » des meilleurs en attendant de pouvoir revigorer le pays. C’est un réel essai de philosophie politique à l’acmé du roman, le morceau de bravoure du mystérieux héros en même temps que le manifeste « objectiviste » d’Ayn Rand, grande lectrice d’Aristote : le réel est connaissable au moyen de la raison, de l’identité et de la causalité, et l’égoïsme est rationnel car il permet le développement de soi et de chacun pour soi dans le cadre d’une société juste et non biaisée par la redistribution. L’égoïsme y est valorisé au contraire de cet altruisme obligatoire qui plombe les réussites pour encourager l’assistanat : « Je jure, sur ma vie et sur l’amour que j’ai pour elle, de ne jamais vivre pour les autres, ni demander aux autres de vivre pour moi », conclue John Galt (p 1068).
       En « Atlantis » (p 703), ce dernier martèle : « nous échangeons des réussites, pas des faillites ; des valeurs pas des besoins. Nous sommes indépendant les uns des autres et pourtant nous nous développons ensemble. » (p 724) Ce qui n’est pas loin de la main invisible du marché d’Adam Smith et réduit la part nécessaire de l’état. En effet le capitalisme libéral de l’industrie et du commerce rendent bien plus de service à l’humanité que les états dont le rôle doit se limiter à maintenir la paix et protéger propriétés et contrats. Ce pourquoi « un gouvernement légitime a trois fonctions régaliennes » (p 1062), police, armée et justice, ce qui est  conformes aux conceptions limitatives du philosophe Robert Nozick. Reste, ajouterons-nous, à convenir d’un état, d’une constitution et de législateurs qui protègent avant tout les libertés, individuelles, de propriété, de contrat et de concurrence. Développer les potentialités de tous, bien ; mais que faire des plus faibles ? Certes ils dépendent d’une économie de la richesse qui leur assurera emploi et reconnaissance, mais pense-t-on aux faiblesses physiques et mentales, aux plus déshérités de la vie ? Le roman n’aborde pas cette question pourtant judicieuse…
     Egalité des chances, principe de précaution, collectivisation des moyens de production, redistribution des riches spoliateurs vers les besoins des plus pauvres, tels sont les dogmes de l’état tyrannique honni qui oppresse cette Amérique de fiction jusqu’à laminer toutes ses richesses. Ainsi le titre américain, Atlas shrugged, est bien ce titan qui porte le monde sur ses épaules. Mais à force de le surcharger du poids de l’état et de l’altruisme, vient le jour où doit secouer le joug et faire grève. La Grève d’ailleurs était le titre préparatoire, abandonné pour éviter d’éventuelles confusions avec celles des syndicats.
       Nous savions depuis les premiers chapitres qu’il s’agissait d’un roman à thèse, catégorie trop facilement méprisée, puisqu’ici le gros de la doctrine est bien corroborée par l’Histoire qui a pu constater l’échec des communismes et la réussite des démocraties et économies libérales, y compris pour le plus grand nombre. Les titres de chapitres relancent alors l’intrigue ou abordent des points doctrinaux (« A but non lucratif », « Exploitants et exploités », « Le signe du dollar ») quand les dialogues des personnages sont truffées d’idées, d’arguments et de contre-arguments, sans empêcher le plaisir de la lecture. Ainsi liberté individuelle, égoïsme objectif, respect et vertu de l’argent, travail, créativité et poursuite du bonheur, sont les valeurs infrangibles du livre et de la pensée d’Ayn Rand. Sans compter le féminisme, puisque Daggny est une femme d’affaire intrépide, talentueuse et libre de préjugés, quoique capable de soumission, voire de masochisme, devant l’amour charnel du mâle, fait rare et conspué encore en 1957 quand le roman parut. Ce « réalisme romantique » (Laurent p 123) selon Ayn Rand elle-même, et pétri d’idéaux n’est pas sans participer à la persuasion romanesque de ce roman total et non totalitaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    Certes, cette épopée du libéralisme économique et des mœurs peut sembler un brin caricaturale, voire trop manichéenne. Mais on répondra que le socialisme, cette « route de la servitude » pour reprendre le titre d’Hayek, a mené la Russie à la même abomination. Ayn Rand, née en 1905 à Saint-Pétersbourg, a vécu cette spoliation par les médiocres, les idéologues et la violence de la révolution bolchevique, de l’intérieur. Le rayon de la mort fabriqué par les sbires du gouvernement en son roman est l’image de cette volonté d’éradication de toute vie libre. C’est en 1926 qu’elle réussit à fuir le communisme afin de brillamment construire sa liberté de scénariste et d’écrivaine aux Etats-Unis, ce dont témoigne avec autant de précision que de clarté la biographie d’Alain Laurent.
       Le biographe en effet ne se contente pas d’un récit de la carrière hollywoodienne et d’écrivain d’Ayn Rand, de ses amours controversées, mais il déplie avec soin la pensée de son héroïne, son athéisme (récusant la droite religieuse, ses communautés peu individualistes) son antiracisme et son anticommunautarisme, respectueuse en cela de la dignité de l’individu. Comme les Libertariens, elle postule qu’ « esprits libres et marché libre » vont de pair (Laurent p 134). Sans être un panégyriste, il n’oublie pas son côté despotique (en contradiction avec l’éthique de La Grève), sa propension à caricaturer les philosophes qu’elle connait bien trop peu, ses lourdeurs péremptoires comme le « A est A » (p 1013) répété du discours de John Galt, les dérives sectaires de ses disciples propagandistes. Cependant le peu d’intégrité de l’auteur ne doit pas occulter l’intérêt indubitable de l’œuvre, même excessive. Ce pourquoi nous ne ferons pas de La Grève une Bible, ni de la Bible d’ailleurs…
        Il reste une talentueuse écrivaine qui sait insuffler dramatisme à son intrigue, vastitude à son épopée, pénétration intellectuelle à ses idées et psychologie dynamique à ses personnages, parfois repoussants, parfois magnifiquement attachants. Avec des héros enfin positifs, sans niaiserie. Serait-ce excessif de compter Ayn Rand parmi les grandes auteures mondiales, au côté de Murasaki Shikibu, de Mary Shelley, d’Emily Dickinson ?


       Quant à la France, elle n’est plus, dans le roman d’Ayn Rand, qu’une de ces « républiques populaires d’Europe » (p 552) où « produire et faire du commerce étant illégal, les meilleurs hommes d’Europe n’ont de d’autre choix que de se réfugier dans l’illégalité » (p 583) parmi des « populations réduites à l’état primitif » (p 825). Zones déshéritées par la tyrannie social-communiste, que l’on doit par solidarité (l’autre nom de la tyrannie) abreuver de subsides, d’aides, par bateaux entiers, ce contre quoi s’insurge Ragnar Dönneskjold en les coulant par le fond. Lorsque notre écrivain composait son manuscrit, dans les années cinquante, le parti communiste était fort influent dans l’hexagone.  S’il le parait moins aujourd’hui, ce n’est qu’une illusion tant l’idéologie socialo-marxiste imprègne les mentalités. La dette française est abyssale, l’Etat providence est une fiction clientéliste et contre-productive, son prétendu modèle social est un panier percé, son industrie n’est pas encore complétement exsangue, saignée par les prélèvements obligatoires, ses créateurs de richesses sont conspués, s’exilent trop souvent… En regardant son nombril malade, sans voir que près de nous des pays savent réussir en pratiquant une politique économique plus libérale : Suède, Allemagne ou Canada. L'on ne s’étonne pas, hélas, que La Grève soit, au pays d’un Voltaire trahi, si peu lue, ou du bout d’un bec méprisant, en fait dangereusement ignorée. La prédiction d’Ayn Rand est-elle en train de s’accomplir ? Il y a bien urgence à lire Atlas schrugged.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

Lire également : Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

 

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 13:58

 

Carnets de blog. Photo : T Guinhut.

 

 

 

 

 

Du Blog comme œuvre d’art.

 

 

 

      Lorsque l’anonyme artiste d’Ampurias sculpta son Aphrodite, probablement dans la tradition de Praxitèle, il élevait la nature au-delà de la reproduction du réel - en ce cas un corps féminin - pour lui offrir une dimension synthétique, universelle, pour dire des canons esthétiques révélateurs de la géométrie intime du corps et de l’univers, ainsi que pour obéir à la nécessité d’une idéalisation surhumaine, de l’ordre de la transcendance. L’art a depuis bien d’autres fonctions, plus modestes : la précision du bonheur visuel, intellectuel et plastique peut se suffire d’un panier de fraises des bois par Chardin ou d’une simple botte d’asperges par Manet. Sans compter que le comble de la bassesse, un urinoir, pût être, dans sa dignité monacale et blanche, qualifié d’œuvre d’art par la seule décision du regard de Marcel Duchamp… Outre les romans de Stendhal et les Cantates de Bach, les photographies de Gursky et les aphorismes de Nietzsche, l’objet sans objet qu’est l’iconicité d’un écran internet peut-il parvenir à la dignité de ces derniers ? Comme un sonnet de Shakespeare ou de Brodsky peut être une œuvre d’art miniature, un blog, un site internet peut-il être considéré comme une œuvre d’art ? Qu’il s’agisse de son visuel, de son architecture ou de son contenu de pensée, sans compter son public, donc de ses qualités esthétiques, intellectuelles et morales, il ne faudra plus en douter.

      Le projet esthétique du blog est primordial. Séduction immédiate, beauté classique ou surprenante, convulsive ou apaisante, beauté lovecraftienne et rock métal, il va retenir l’œil, le laisser glisser et s’accrocher. Couleurs baroques, vides cisterciens, mise en page aux marges respirables où se distribuent les icones de l’index, ingéniosité de l’imagination, les possibilités sont infinies, sans devoir obéir à un canon prédéterminé, sinon une lisibilité répondant aux fonctionnalités du média, aux capacités cognitives de l’esprit humain, ainsi qu’aux attendus toujours trop restrictifs d’un public visé…

      Ainsi les photographies, vivantes et colorées, venues d’IPhone et carré frangé, répondent aux articles, aux essais, aux sonnets et aux romans : illustratives, abstraites, allusives, symboliques ou ironiques, elles vont des plages de l’Ile de Ré aux Alpes suisses, des musées de Roma, de Paris, de Bilbao, de Sevilla et de Leon, des architectures de Luzern et de Grenada, du bric-à-brac d’Emmaüs au raffinement des villas Borghèse et d’Este, du nuage au bol à thé japonais, du jardin aux graffs urbains, des montagnes d’Aragon aux cathédrales de Bourges et de Poitiers, de l’infime pétale et insecte au paysage cosmique, en passant de toute évidence par l’immensité temporelle et spirituelle de la bibliothèque…

      Retable aux multiples volets, de culture et d’esthétique, de par sa construction logique, aux chemins labyrinthiques, le blog est un espace plié qui se déplie au gré des doigts du lecteur cliquant sur une si bien nommée icône, sur un lien, au sens affectif autant que du synapse. L’architecture du web est déjà, depuis une longue histoire qui parait rejeter les autres esthétiques dans une préhistoire, un vaste champ des possibles où la navigation du regard, les choix, les clics de souris ou les caresses tactiles de l’IPhone vont entraîner le voyageur en des sites nouveaux, en des langues nouvelles, en des services divers, de par une arborescence qui peut aller jusqu’aux fractales multiplicités de nouveaux univers. Un seul blog est alors la mise en abyme du web entier. Un modeste projet d’infini peut alors naître sous les doigts du créateur, comme une bibliothèque potentiellement ouverte en chacune de ses pièces, de ses rayons et de ses pages…

 

Carnet de blog. Photo : T. Guinhut.

 

 

      Malgré la fragile impermanence du net qui nous délivre d’éphémères photons -tant que l’électricité, la technologie informatique et le réseau mondial fonctionnent- ce type d’architecture inédite au livre, cette liberté du publiable et de l’ailleurs impubliable (sauf à recourir aux servitudes et aux coûts du compte d’auteur et malgré la plus sûre pérennité de l’encre, du papier et du livre) sont un équivalent de la cité idéale du politique. Non pas au sens où une utopie platonicienne ou marxiste déboucherait sur sa suite logique tyrannique et totalitaire, mais au sens de la libéralité et de la disponibilité démesurées de l’information, de l’intellect et de l’esthétique, à condition de recourir à la curiosité du disciple et de l’impétrant autant qu’au respect du sage.

      Au-delà de la vulgaire fonction de réaction quotidienne voire épidermique aux événements publics et privés, aux mouvements d’humeur qui risquent d’entraîner l’obsolescence programmée sinon immédiate du contenu, le blog doit présenter comme un cerveau réalisé, ouvert sur la toile. Un minimum d’ambition intellectuelle se doit de présider à cette liberté politique et religieuse, à ce libéralisme en acte et en interface, qu’il s’agisse du lyrisme absolument désengagé d’un vers aux métaphores sensuelles et pétillantes de pensée, ou de l’argumentation de la critique littéraire ou philosophique…

      Ainsi, en ce blog, l’on tentera de ne pas avoir d’opinions, mais des convictions, appuyées sur des faits, des connaissances, sur les sources lettrées et philosophiques de l’humanité, sans ignorer notre condition d’être erroné, ni que ces dernières sont sans cesse révisables, en vue d’œuvrer parmi un chemin de justice et de vérité. Car, disait Mirabeau, « la plupart des citoyens, énervés par l’influence du gouvernement, aveuglés, soit par ignorance des faits, soit faute d’examen, soit faute de prévoyance et de sagacité, embrassent plutôt une opinion, qu’ils ne suivent des principes fixes et réfléchis[1] ».

 

      Dans le cadre d’une hyperbole nécessaire, il s’agit enfin de beauté esthétique, par la photographie et la mise en page, de beauté intellectuelle et de beauté morale, de par la fidélité éthique au libéralisme des Lumières et du « Ose savoir » kantien. Il faut alors se garder de toute immodestie devant de telles ambitions à demi surhumaines. Narcissique et exhibitionniste, limité dans ses moyens et sa portée, un blog est forcément une vanité : le mien parmi les premiers. Qu’importe si la critique d’auteurs plus ou moins reconnus, les micro-essais de naïve philosophie politique, voire les commentaires et dissertations destinés aux lycéens et étudiants, recueillent incomparablement plus de lecteurs que l’incompétence de mon œuvre personnelle, tant romanesque que poétique. Qu’importe si ce que je parais offrir à autrui n’est que le masque du manque affectif ou de la suractivité petitement intellectuelle, le blog est prise de risque et bouteille à la mer, invitation au dialogue et aux îles de la pensée : là où l’arbre de ma connaissance cache la forêt de mon ignorance… Il est et peut contenir ce que l’on peut dire à tous et à personne, ce qu’il n’aurait pas valu la peine d’écrire sans éditeur disponible et sans lui, ce qui n’intéressera personne, qui restera invisité, secret et cependant disponible, mais qui trouvera peut-être, parmi les milliards de possibilités exponentielles du net, son secret lecteur dans l’espace, sa secrète lectrice dans le temps.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 


[1] Gabriel-Honoré Riquetti-Mirabeau : Essai sur le despotisme, Le Jay, 1792, p 69-70.

 

Carnets de blog. Photo : T. Guinhut.

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 07:03

 

Val de Cestrède, Gèdre, Hautes-Pyrénées, photo T. Guinhut

 

 



TROIS VIES DANS LA VIE D’HEINZ M.

 

Ein Jahr im Leben des Heinz M.

                                                                              Au secret lecteur dans le temps


I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel


I


Une année sabbatique 1.

 

 

 



Lire Hölderlin dans la nuit encore du matin,
où ai-je laissé ma tête
pour désaxer le cours du jour
et le prendre à rebours,
songer à la poésie,
ayant depuis longtemps tiré la chasse d’eau sur elle,
et me conduire en bouffon
dans le désarroi du sans jour ?

***

A sept heures du matin,
fraîcheur des cris pour quoi faire d’oiseaux,
sur le balcon Vénus froide,
la tête enfin vide,
un quotidien dévasté sur le sol,
niais tranquille m’imaginant portraituré
dans l’œil collé au parking d’un écureuil
vu de lampadaire.

***

Dans la ville,
le jour sonne sur les cartes de crédit.
Tous magasins bureaux ouverts,
les portes des hommes sont fermées.
Trottoir des solitudes de groupe,
Voies rapides et sourdes des foules,
bruit batteur de rock and disco standard.
Sortir de la ville des fils de pères…
Et dans la montagne,
marcher le ciel terreux dans la bouche,
le cri soudain bleu cherchant à exister,
trouver un arbre à passion
et semer, l’écorce aux lèvres,
le poème qui ne fera pas de vertes feuilles,
dans le temps des rocades post-industrielles,
des machines à écrire anciennes éclatées sur les décharges.

***

Les barres des banlieues
répétées quinconces sales sans cases de sortie,
la dingue seringue au caillot de néant
craquant sous la sculpture du brodequin,
le gravât défait de marelle pavillonnaire…
Où écrabouiller d’encre
la plume or d’une vie ?

***

Derrière,
comme écartant d’un geste de lâcher de tête,
derrière,
un au-delà ?
Dans le no monde’s land
happant l’air post-nucléaire,
bouche à bouche avec l’échappement des fumées,
comptant les bétons chus jusqu’à la poussière…
Où vivre du compte-chèque de solitude,
son talon d’Achille de sérénité
déchiré de sa reliure de société ?
Où vivre la drôle d’année sabbatique du poème ?

***

Le bleu du moi dans la rage,
dans les traînées de sans rencontre…
Vieilleries semi-urbaines du paysage,
cubes gris de dieux et d’hommes dans la pourrissure…
La nuit en plein jour de pluie,
la sortie de ville sans Massif central encore,
sans hauteur d’alpe :
dans le sang animé de rouge du voyageur,
le vent de fureur,
l’avalanche taurine,
la plus légère montagne de mots.

***

Entré, résolument,
dans la lisière nivale du jour,
ayant cru, on ne peut plus faussement,
plus en deçà qu’hier,
que le jour était une réponse métaphysique essentielle,
je marche avec mon sac à dos de mondes ruinés,
la vigueur rebelle au long du corps,
celle des jambes et des pensées,
sur l’espace aux déchets de plastique.
Odeurs, volumes, couleurs et sons semi industriels,
ne serait-ce qu’en abord de neige dure
la buée du souffle…

***

Ligne ivoire du soleil avant midi
sur la perspective haute tension d’une plaine à pylônes,
les bras animés du mouvement de la marche,
un homme qui a avalé les hommes de travers,
pour quelques minutes
à l’unisson des planètes
qui jouent avec lui d’un imprévisible flipper
dans le temps cosmique des dieux gelés.

***

Jour,
près de la toute lumière et cendre anthracite,
derrière les panneaux publicitaires éclairés de côté,
je te parle
comme un homme qui a foi dans l’ange du lyrisme,
un homme qui a pourtant depuis longtemps avalé la poésie de travers,
et joue des coudes
au travers des épanchements convenus et mièvres,
des métaphores désertiques,
leurs vers muets,
pour avancer
dans son chemin terreux du poème.

***

Dehors,
Toujours en dehors de quelque chose,
en désaccord avec des fragments naturels et humains du monde,
avec les éclaboussures du banal tragique sur le monde…
Bric et broc des champs et des villes,
le médiocre sommet du moi monté
à l’écart de la plate autoroute,
les secondes inégales continues des véhicules
sur la flèche de l’espace moi-temps…
Un mouvement de bassin derrière le talus :
ciel ouvert et bousculé de gris,
terre de sentes et d’obstacles,
en l’accord.

 

***
Matin,
labourant des genoux la courbe terrestre
comme si après trois siècles des Lumières
l’homme avait allumé la mèche du globe,
sur le roide plateau de Millevaches,
le café bien loin,
je veux casser la glace pour boire,
pour exister à la proximité immédiate
de la géologie, du gel, de l’eau
et du boire.

***

Par la vallée de la Maulde,
immersion dans le sans lumière rauque d’une fin d’après-midi,
couleurs cuivres et rousseurs
des bois chaotiques et interminés,
un homme descend,
un homme affamé de mondes,
avec son feulement tranquille de loup,
le long des strates animées du temps.

***

Ecrire,
une seule phrase libre,
sous l’amorce d’une montagne,
j’aimerais pour m’envoler en mots vivants…
Cassant la larmoyante musiquette à remontoir
du piteux poète,
chantant faux
dans la fureur hirsute,
la douce inspirée,
trouvant des nids de coléoptères
prêts à l’envol doré
sur le chantier de l’autoroute
lyrique et bleutée.

***

M’en allant,
je cherche et crois toucher
comme une narrativité orphique du poème,
comme l’haleine aubépine des nuées,
sous le ciel cocaïne :
l’haleine imbuvable des dieux morts de terre
ou ma seule respiration
de sang et de cervelle ?

***

Traînant ma viande sur la terre,
au lieu de vivre sur écran télé reflété gris,
le creux d’estomac
chassant le restaurant de village
qui ne sert pas du vent,
à peine une trace de spirituelle nourriture
sur le tranquille tablier de boucher
de l’époque.

 

Sankt Gertraud / San Gertrude, Südtirol / Trentino Alto-Adige.

Photo : T. Guinhut.

***

Une rue de crépi sans montagne au bout.
Un quidam âgé d’humanité
en veston, parfois,
sur les chaos du Massif central.
Qu’est-ce qu’on peut faire dans un bled pareil ?
Est-ce vivant
comme la poussière en feuilles dans une bibliothèque
a goût de cerisier sauvage,
de femme,
de sa cuisse et de sa bouche,
comme peut-être encore jeune le monde ?

***

Sur un plateau violet
(l’âge des bruyères)
aucune définition autre qu’un court lointain,
approche et mur de la pluie.
Je pisse contre une saute d’humeur du vent,
contre l’odeur des tanneries du bas-Limousin.
le pantalon humide et plaqué sur la cuisse,
j’avance,
m’empoignant avec le souffle soleil
qui fait aux nuées des jambes d’ange illusoire,
pour scruter ce que je fais là.

***

Quoi, dans la contemporain,
j’irais flirter
et me rouler dans le moi du poème,
dans ses phrases-mots trop belles et sans réels,
dans ses vieilles images à bousiller,
dans sa quasi-narration délinquante ?
J’irais me griser dans des boues de demi-montagnes
et trouver un noisetier d’exode
pour ma respiration sonore,
sans fuir le contemporain ?

***

Plus loin,
une zone de montagnes basses en Creuse.
Quand sentir la hauteur ?
Quand sentir les chaos qui élèvent,
les eaux qui rabotent,
les vents qui secouent et lissent et neigent ?
Quand sentir
sur les pelouses arbustives
le grondement des dieux écroulés en tas ?

***

Un bureau d’esprit sur la montagne,
des temps se télescopent,
des mois de poème et de terre
fermentent et pourrissent aussitôt
pour l’éclair senti pensé du moi…
Irais-je croire au poème,
au puits de mine du rêve
dans les cadavres secs des hommes et des dieux ?
Un dépit de moi et du monde
sur la montagne en Creuse,
un dépit de l’esprit…
Un reste sec de neige dans la buée de la vue…

***

Mais cette angoisse
dans le temps,
trouvant sans cesse le cherchant,
elle est dynamique…
Marche de nuit sans voir le pourquoi de l’univers,
Au-dessus de l’électrique tableau à vivre en Creuse ,
sentier de loin vers luisants,
de lune étoiles entre les nuages,
d’ici je ne vois pas
l’empreinte de pied sur son cratère…
Comme joyeux au rythme des pas sur le monde.

***

Heinz M.,
tu écris de la poésie au lieu de vivre,
au lieu de travailler au monde.
Tu te retires
dans des vieux coins de Corrèze et de Creuse
sans pouvoir brancher ton traitement de texte.
Tu écris de la poésie de défonce à la main
comme du plain chant agité dans une retraite
comme le vieux mort demain
fait un jardin de légumes et de dahlias sous la pluie,
de laurier sauce trempé
avec son chapeau de toile sale,
aussi sale qu’un homme d’hier à jeter.

***

Une chenille crevée en Haute-Loire
qui ne deviendra même pas papillon…
Ou papillon de poème dans le moi,
les ailes au soleil de l’illusion,
entre deux noirs d’averse
et de neige mouillée…
Est-ce l’éclair humide du poème,
son pétard mouillé ?

***

Un instant de trouée,
Sous le plein branchu d’un plateau…
Le vent vif de solitude
jouant des cordes sur la falaise,
la rivière couleur de lait des mères vers la source,
le soleil blessure rouge blessure caillée vers l’aval,
tranquille.

***
A peine des montagnes,
des forêts sans besoin d’homme au lieu du monde,
au lieu du contemporain.
Et tu joues sur le monde
ton petit clavier bien intempéré,
l’artiste d’une autre regard sur l’harmonie
à tête de cochon.
La mousse humide et verte
sur un tronc de sous-bois noir
au lieu de l’humide et vif regard
de la joue, lèvre et cheveux
du féminin.

***

Ce dos neigeux de bois de Cantal,
ce moi éclatant de givre
et le sang d’une mésange frais tuée…
Que faire du bavard
qui comprend les crimes de la gent ailée
(anges et rapaces)
et pas ceux des hommes,
entre eux et sur leur terre ?

***

Qui es-tu monde ?
Quand pas un dieu n’a planté ce carré de forêt
tombé au cri des tronçonneuses
quand le contreplaqué gémit
sous les télés aphones.
Poète efflanqué loup solitaire,
pas une miette de pain dur totalitaire
pour ta gueule inutile
pour ta langue tempête et passion.
D’une pousse de noisetier libre
Ferais-je ma sérénité haydnienne,
Ma paix classique ?

 

***

 

Sans doute,
dans le contemporain,
Orphée s’est tué en quittant la route du poème…
On écrase les corps imaginaires des Muses
sous les pneus à sculptures du réalisme…
Et je croirais les ressusciter avec des mots ?
Sous mes yeux et leurs ailes,
l’avalancheuse banlieue de Clermont.
Le volcan éteint des pentes
qui ne s’éveillerait
que pour la mort.

***

Soudain,
chaman de fiction,
homme à la baguette en bois de poème,
je suscite ce qui n’a jamais été,
ce qui est par la langue :
l’arbre insoupçonné du printemps,
le coup d’aile opalin du ramier dans l’air,
le bonheur échangé de mot en mot,
l’œil aux couleurs du monde,
le monde aux couleurs d’Aphrodite…
Ces boues fermentées splendides,
ces boues de l’idéalisation,
ce réel auparavant invisible…

***

Comme entrevue dans une rue d’Aurillac,
la déesse aux fesses grecques,
l’onde des cheveux dans le dos,
l’essence de narcisse du plaisir
qui a chair de sexe et duvet d’esprit…
Comme le rêve à mains réelles par le poète,
la rue vide,
une montagne au bout.

 

***

 

Avec ton lourd sac à dos de mythologies,
sais-tu voir, Heinz M.,
l’écrou tombé sur la route,
et qui ferait tenir le contemporain,
le vélo déglingué poussé à la main du grand père dans la côte,
ou le blanc montagneux
dont une eau brille encore
dans un fossé d’herbe drue ?

***

Faut-il rentrer chez les hommes pour exister ?
Ou s’éreinter sur les chemins désertés du monde
comme au détour d’un puy boisé du Forez,
sous le vent boueux,
le ciel nu aiguisant la tête,
les flaques en train de geler,
les pieds de s’échauffer sous la laine et le cuir,
la poitrine raboteuse et vide de présences aimées…

***

Quand l’inquiétude du poème cessera-t-elle ?
De ta vieille eau polluée de vers
je ne veux plus pour croupir,
sinon pour m’abattre
comme la queue humide de truite
dans le splash de l’eau-rivière.
Voulant écrire pourtant
le poème du contemporain,
le déconnecté poème rêveur,
le décohérent poème…
Marquer un instant d’air et de moi,
matière et couleur volatile,
comme sous la baguette d’or
d’un portrait de jeune femme ancien.

 

                                                  (...)

 

 

 

Ein Jahr im Leben des Heinz M.



Einmal mehr
kotz ich das Gedicht aus,
dem ich widerwillig nachgegeben hatte…
Sirenen der Anmut
Nutten der Anmut,
(lyrisch-elegisches Schnarchen der Verse),
ich dreh euch langsam denn Hals um.
Und dennoch,
könnte ich, Heinz M., den leben
ohne das Gedicht, im Zeitgeist…

***
Scheiße und sonstwas aufs Gedicht,
Gedicht von süßem süßem Klang…
Sich ernähren und entleeren, ist das Gedicht?
Unterm Wind stehend scheien,
auf dem Lande ums fetttriefende Hoch-Wien
und sich zuletzt ein deutsches Bier reinsaugen
in eine Granitdorf
schafft mir das Sinn genug,
Licht genug?

***
Ich muss mit dir brechen,
zu junger, zu alter Hölderlin,
die auf die Frese spucken, wenn’s sein muss,
und andernort, wo du nicht sein kannst,
mein Sprache sprechen.

 

Thierry Guinhut

 Une vie d'écriture et de photographie

Dans une précédente version, la première « vie » est parue en trois livraisons

dans les revues Europe, Po&sie et Détours d’écriture.


Traduit du français en allemand par Manfred Ratzenböck,
paru dans la revue Konzepte, Dezember 1988.

 

Benasque, Alto Aragon. Photo : T. Guinhut.

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 19:34

 

T. Guinhut : Contemplation, crayon, gouache et collage sur papier.

 

 

 

 

 

Trois vies dans la vie d’Heinz M.

 

I

 

Une année sabbatique 2.

 

 

 

 

 

Une après-midi morte

Du jour le plus court de l’an.

Un archipel de vie,

Un grand bonhomme de hêtre,

Voudrait se déployer,

Plus loin que la feuille de hêtre du poème.

Où ne reste-t-il qu’à mâcher la poussière d’hiver,

Payer le prix quotidien des morts

Sur la table rase du temps ?

 

***

 

D’une poignée pourrie de feuilles

(Ramassées ou crées ?)

Ai-je assez pour un arbre ?

Des arbres dans plusieurs paysages,

Dans ce val vert en bas,

Sur cet aride rocher près du sommet,

Sur des versants divers comme autant de moi…

Cet arbre nain va-t-il grandir ?

En cette saison de vent acide,

Plus une seule feuille lisible aux forêts.

 

***

 

Trouvant les baies nourricières gelées,

La neige sale, blafarde,

Traitre pour les doigts et la plume bientôt…

Dépassant la limite des arbres,

La neige nue,

L’homme nu pour le souffle.

Seul sur le dos du Forez,

Horizon nettoyés,

Le craquement mien des empreintes,

L’aspiration à la limite de l’air,

Bien au-dessus du bois de Chorsin,

Oblique, hachuré de noir,

Bien au-dessus du moi rayé,

Troué de blanc vif.

 

***

 

Ce n’est qu’un instant d’altitude,

De blancs et de vallonnements,

Les provisions du jour dans le sac...

Une eau nue bue à mains terreuses,

Sans urgence,

Des pommes et des noix trouvées sur la terre,

Au premier froid.

En montant, des noisettes et des cèpes,

Sur la gelée.

Petites réserves

Pour le grand aplat d’en haut, en vide et en neige.

Pourquoi verte, encore et déjà,

Au plus haut bois,

Une feuille de hêtre ?

 

***

Envisageant le réel,

Ses montagnes rabotées de villes enneigées,

Sous les espèces précises de la lumière

Et sous les espèces noires de l’inconnaissable,

Je me fragmente, je me rassemble,

Et comme un bousier,

Je roule ma boule elliptique,

Mon sac à dos de planètes,

De pensées jeunes et désirantes…

 

***

 

Dans le temps, sur la montagne,

Sur la terre boule et bleue dans l’espace,

Quoique ce soit pour éclater la coque du non-vivre…

Une pluie sur la lourdeur touffeuse de l’air,

Une femme-fantasme nymphe et libre et nue

Dans une eau de torrent et de nuée,

Un tremblement de poème

Sur la noix d’encre du sentir…

 

***

 

J’ai besoin des images du monde,

Ne serait-ce que la silhouette

D’un château d’eau devant un bois,

Ne serait-ce qu’un journal vieux d’une semaine

Dans un fossé,

Besoin de la literie des hôtels,

Ou d’une botte de paille sous l’auvent d’une grange,

Besoin des boulangeries

(Je pousse la porte,

La patronne se lève dans l’odeur de farine),

J’ai besoin quelquefois du sexe,

Du regard,

Et du toucher d’un autrui.

 

***

 

Selon les contraintes,

Le poudroiement d’angoisses et de joies

De la marche,

Vivre m’a semblé mortel

(J’ai pu vérifier qu’il en était ainsi).

Bords escarpés des feuillages,

Roches et fougères à demi-écroulées.

Remontant la vallée de la Maronne

À l’entrée du Cantal,

Le sentier,

Tout à l’heure s’amenuisant,

N’est plus.

Mes pas se démènent et se débattent lentement,

À coups d’écarts et de détours,

Visant le tendre pubis

D’un sommet de Cantal herbacé,

Qu’en métaphore on nomme « Mont de Vénus »,

Bouton de sein physique

Sur le ciel vaporeux.

 

***

 

Moi, Heinz M.,

Ayant trouvé un point solide dans l’univers

(« Moi »),

Point mobile dans la fumée du monde,

Comme le frisson dispersé du désir…

Sur la courbe en montée de la départementale,

Les empreintes dessinées du tracteur

Avec terre, herbes et coquillages minimes

Des temps anciens.

 

***

 

Avec mes mots de bric et de broc,

Le cône disséminé de mes phonèmes,

Lèverais-je sur un bout de miroir

La buée de l’aventure ?

Fourrager dans le vide omnivore du moi,

Marcher dans le mouvement du vers,

Construire dans le grand massif ajouré du poème…

Petite cabane devant l’espace,

Peut-être dans la lumière

Et l’ange du poème :

Le vert de ses ailes,

Un mouvement de branches et de feuilles

Sur le soleil.

 

***

 

Un moi gonflé de paroles,

Crapaud croassant dans le rien,

Cherchant l’amicale femelle,

Saura-t-il

Ce peu de tintinabulement

Sur le dedans noir des tombes,

Sur l’étang noir des Dombes ?

 

***

 

Inquiétude de midi

Au lieu de la certitude solaire,

Moi qui me vanterais presque

De toucher à la sérénité…

Peut-être ne s’agit-il que du manger et du boire,

Ou du visage d’une femme entre deux amandes de la vision…

Me faut-il être prêt à saisir le soleil par les cuisses

Aux trouées d’un stratocumulus ?

Ridicule pour courir le féminin cosmos

Et boire quelque part le suc d’accomplissement…

 

***

 

Matin d’herbes et de rosée,

De fils de la vierge dans le soleil,

Je désire vivre clair.

Matin à chaque fois lustral,

Cette impression non révolue…

Me suis-je levé pour l’amour des plantes et des corps,

Pour le versant mêlé

Des accidents, des hasards ?

Sur un univers qui n’a pas de pourquoi,

Champ ouvert et fraîchement labouré de Limagne,

Une mouette blanc vif, incongrue,

Remue.

 

***

 

Et cet arbre,

Parce qu’il est lointain,

Effilé,

Et plus haut…

Un petit arbre jaunissant,

Un rapace tournant.

On pourrait y rester tout un instant.

Comme sur un moi un souffle d’hiver

Alternant avec l’été

Sur des décennies de bois noirs et verts…

 

 

Voir : Trois vies dans la vie d'Heinz M.

 

Thierry Guinhut

Vers publiés dans la revue Paysages écrits, juin 2016.

Une vie d'écriture et de photographie

 

Valle de Roda de Isabena, Alto Aragon. Photo : T. Guinhut.

 

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 14:57

 

Agordo, Trentino / Alto-Adige. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Trois vies dans la vie d'Heinz M.

 

 

II

Hölderlin à Tübingen

 



L’Alpe souabe au loin,
le tremblement du cœur auprès,
j’ai voulu rester seul
pour aller à la maison.
Parquets cirés, vitrines,
une poignée de livres et de manuscrits.
Rien ; sinon la graphie par sa main.
Dehors, le jardinet à ras d’eau ombreuse,
roulant l’ocre jaune de son bassin-versant.
Deux passereaux communs, seuls,
m’ont donné le chant.
Hölderlin,
où es-tu,
chien tapageur,
preneur de fibre sensible,
vieux tapeur de lyre ?
Viens !
Peut-être est-ce déjà là,
Au plus en dedans.

***

A Tübingen,
Jardin et saules devant le Neckar boueux,
où Hölderlin brisait son chant…
Les oiseaux chantent-ils là mieux qu’ailleurs ?
Goethe dormit aussi dans une de ces maisons.
Un souffle de seule mythologie passe
pour les petites têtes révérantes de la poésie.
Je dois rompre avec toi,
trop jeune et trop vieil Hölderlin,
te cracher au talon s’il le faut,
et dans un lieu où tu ne peux être,
parler ma langue.

***

Cher et fol Hölderlin,
Rilke est-il allé voir ta maison ?
Jardinet vide,
saules et leur ombre
sur la lumière de l’eau
(grasse, gonflée de l’orage de la veille).
Il semble que peut me parler encore
une voix,
toute de moi,
mais aussi de ce jardin.
Les choses parlent, dit le poème…
Sentirais-je quelque chose à Duino,
A Rien-sur Rivière,
à Lieucomunville ?

***

Aller chercher le Tübingen d’un poète,
des siècles et rêves de retard,
même dans son présent.
Un jardin cultivé d’illusion près du Neckar,
perdu loin derrière l’agroalimentaire.
Une main fugace à ticket,
un mark pour un halo de parquet,
un ami à Tübingen
fut-il mort et enterré.
Futile…

***

Tübingen, lâche-moi,
vieille urne de la poésie,
ville belle où je pourrais vivre,
où coulent eau fluviale et bière,
où circulent libraires et jeunes filles,
ville-égout de l’onde démodée beauté,
ville piège à rage
pour qui nomme par le poème.

***

L’orage en gris de la veille sur Tübingen,
comme le ciel de la poésie
éclaboussé, sali par les vivants
par leur lie de vie et de mort sur le monde,
il s’abattait sur moi
qui comptait sur le beau langage
pour empêcher l’orage.
De mon vêtement
pissait la soupe du poète…
sans nourrir un homme.

***

Du poème, vieil Hölder,
on ne fait que bateau de papier sur le chaos du Neckar.
Et, comme chacun sait,
le fleuve du temps,
comme il est violent, secoué, guerre, famine, peste et sida,
avant et depuis l’ère Hölderlin.
A moins qu’un souffle venu des dieux improbables,
d’un homme ou d’une femme,
le change en papier-avion pour l’étranger,
le secret lecteur dans le temps,
en alouette au chant de poème.

***

Plutôt Marine, Myriel ou Mathilde
que me nourrir de la bouche de tes vers,
vieil Hölder,
de tes lèvres noires et bleues
de révolte de poème.
Plus simple de courir l’Hölder,
Son illusion des dieux agitée vers moi…
Tandis que toi, M. et M…
ta chair de rire,
ta bouche inconnue et difficile d’aimer
qui ne salive pas
de mon vers d’illusion.

***

Quoi, Hölderlin,
Je succombe avec toi à l’idéalisateur poème !
Devant ta vieille tour,
je crèverais de désir
pour l’au-delà du vieux temps fané des rêves ?
Non, c’est le mouvement du vivre
sur la façade nuageuse, verre et acier,
pure de tout sentiment humain,
pleine et vide tour à tour
d’ombre, ciels, couleurs, brume,
fragment de ville et de vivants répétés,
vaste panneau d’images
qu’un seul orage volatile, de mode ou de guerre,
fera tomber,
sans même la mémoire
des mots d’une image.

***

Et les autres,
les habitants de Tübingen,
les autre êtres humains,
plus divers que les feuilles du hêtre,
parlent-ils, sentent-ils
ce que je parle, ce que je sens ?
Près, une différence,
loin, une connivence.
J’écoute, je saisis des bribes,
nous n’avons tous qu’un fragment de monde,
leur vie de cuisine, de commerce et de bureaux,
leur langue blanche ou marronasse…
où trouver
dans cette ville
dans ce pays de bois jardinés sans loups,
celui ou celle dont la langue rose
aurait couleur de poème ?

 

 

***

Ah, me débarrasser du poème !
Comme l’aiguillon d’or
d’une seringue à venin drogue dans le flot du caniveau de Tübingen,
une autre sensation de vivre et de monde possible,
non pas abolir les contraires,
mais s’écouter, se regarder calmes
dans l’utopie stupide
du poème universel sur la terre…
Mais qui fait mal à la cuisse
comme l’ivresse d’avoir trop marché,
la subsistance assurée,
dans le poème de l’espace.

***

Quand retrouver le calme,
le raisonnable de la prose,
où tout n’est pourtant pas entendu,
moins suractivé et tendu
(certes une corde sympathique à Hölderlin vibre)
que le rythme fou aisé du poème…
Quand retrouver le travail reposant
sur le réel le plus commun,
le travail du professeur ou du menuisier,
avec qui tu n’as fait que semblant,
Hölderlin,
de pactiser.

***

Les dieux,
des spectres,
des fictifs,
séduisants et magnifiques,
le sein rond d’Aphrodite,
le fil sourire de Bouddha,
le profil d’Hölderlin aussi en médaillon…
Pas même une lectrice
à qui envoyer
cette carte postale.

***

A Tübingen,
malgré moi dévolu au poème ;
faire sens n’est plus un problème,
scènes et facettes,
instants et rencontres
ont le gout mobile et nourricier,
le vert translucide
des feuilles penchées au Neckar.
Ai-je quelque chose à vivre à Tübingen,
un autre moi,
amande au-dedans de moi
qu’il suffirait de jeter en terre,
en celle-là seule,
même si je n’ai pour moi
que la vitre molle des mots.

***

Même à Tübingen,
que peut-on faire du poème ?
A-t-il promis de nous sauver des morts ?
Ils riront,
ceux qui vivent là,
d’entendre poser
mes brodequins de poèmes
derrière la poussière effacée
(un siècle et demi plus tard)
des pieds nus d’Hölderlin.

***

Hölderlin, je te hais.
Toi, et si peu de pareils,
tu me pousses à la poésie,
la position sociale à peu près morte de la poésie,
pendant que le monde est à vivre.
Qu’y a-t-il
dans ton ciel de poèmes
sinon l’impossible lyre du sensible et des pensées
à chaque instant d’être ?

***

Parmi les réalités,
jusqu’à Tübingen j’ai marché,
le pistolet mental de la poésie sur la tempe,
jusqu’à toi, Hölderlin,
abattu, crevé, pourri,
sec sous terre,
jusqu’à ton paysage d’amitié,
tes feuilles de pleurs sur le Neckar
que j’ai reconnues.

***

Pourtant, cher Hölderlin,
je te rencontrerais au bord d’une route,
Que je ne te reconnaîtrais pas,
hirsute,
que je ne saurais ni ne voudrais te parler,
un ballot de poèmes sur ta folle épaule,
à travers ton Massif central vers Bordeaux.
Ah, tu n’es pas un modèle,
un crane mort sous le sol
qui n’a jamais embrassé le sexe de sa Diotima,
pendant que dans tes collines de Tübingen
je bavasse de poèmes
sans toucher d’un instant de vivant
la chair et la voix
d’une femme.

***

Croiserais-je un dieu,
Que de mon poème il chancèlerait.
Pareil pour toi, Hölderlin.
Non des muscles de mes bras et de mes plumes,
à moins de mes mollets de marcheur
et des pieds boiteux de mes vers
arc-boutés sur l’Alpe souabe entier.
Simplement,
du souffle,
je le ramènerais
à la poussière d’esprit humain d’où il vient.
Poussière d’homme en homme transmise
qui, fumier toujours chaud,
laisse lever fleurs et légumes oubliés…

***

Jazzant la pure spéculation lyrique,
La fanfaronnade
Et la poigne imaginaire,
Les pattes sur mon globe,
comme ce peuple de plantes pourries et vertes
piétinées au hasard
sur un pré de Tübingen,
je me change en bousier pousseur de poème,
en mouche du coche sur la terre…
L’Indien au front peint
de bleu adorable
et de noir montagne.

 

                                (...)

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

Sierra de Partacua, Alto Aragon. Photo : T. Guinhut.

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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 22:16

 

Cabane de Banious, Campan, Hautes-Pyrénées. Photo T. Guinhut.

 

 

 

 

Trois vies dans la vie d’Heinz M.

 

III

 

Elégies à Liesel.

 

 

 

 

Heinz M., maintenant tu enseignes à Tübingen

et tu as mis longtemps avant d’aimer.

Elle enseigne la botanique,

quand tu enseignes le poème que tu ne sais pas.

Préparant pour elle un cours sur la poésie

que tu ne pourras dire,

tu enseignes et tu ne sais pas comment aimer.

Déchiffrant les casiers pour savoir son nom,

Liesel, lis-tu, comme si elle avait écrit avec un lichen orangé,

sans que tu aies su le lire dans son œil couleur d’amour,

sur sa bouche restée lisse.

 

***

 

Heinz M., tu veux perdre ton nom,

pour t’appeler en toi Liesel,

pour écrire qu’écrire est une ombre

et te faire lumière d’elle…

Pour approcher la beauté visible

jusqu’à ce qu’elle te boive de près le cœur,

le pétale de sa joue

où un seul baiser permis

te laisserais mourir de la mort des roses.

Heinz M., seul, tu te racontes,

joueur d’inaccessible,

tu ne lui parles que séparé.

 

***

 

Heinz M. aime,

c’est le secret de son nom,

une femme aux yeux pervenche,

nez droit, cheveux courts,

aux ongles digitale pourpre.

Il ne sait même pas danser le rock synthétique des post-adolescentes,

ni ne connait les Fondements de la botanique de Linné.

Il cogite sur ses croquenots partis avec elle

dans des montagnes intérieures

dont elle n’a peut-être que faire de rire,

y compris de ses métaphores idiotes et botaniques…

 

***

 

Heinz M., doux dingue d’aimer,

craindrait-il, de ses brodequins de marche,

d’écraser la poussière de plus féminins escarpins ?

Pauvre Heinz M.,

couillon au jus de roses,

quel poème ou pollen

veux-tu distiller dans sa bouche aimée,

que tu te laisses faire croire à l’amour ?

 

***

 

Ce fut le jour, Liesel,

Où ma bouche prit de tes yeux feu et eau,

Jour où la chasse d’Amour

Me coursa dans ses champs déserts

Pour m’ôter toi,

Corps dessiné d’amour perdu dès que gagné.

Sûr, rêvais-je,

Si j’ai cru voir la première syllabe d’aimer sur tes yeux ;

Sûr rirais-tu, si tu me savais dans le poème

Que peut-être on a voulu t’enseigner à coups d’ennui dans les oreilles…

 

***

 

Qui es-tu, Liesel ?

Dont je ne sais qu’imaginer l’être flou,

et dessiner la plénitude du corps ?

On t’aurait cru tout à fait nue sous ton tee-shirt de fil blanc,

plus nue ton âme, fragment du mot amour,

âme rêvée nue sur tes yeux…

Sot Hölderlin je suis,

si je te prends pour Diotima !

Puis-je écrire à tes yeux jusqu’au centre amour noir de la pupille aimée,

jusqu’au brun des cheveux,

au rouge de la robe mobile,

aux lèvres pleines du babil aimé d’aimer…

 

***

 

La mûre claire soleillée à la bouche,

pour la boire et la mordre sensible

dans le fondu doux de nous deux,

belle inosée qui marche sans fleurs dans les mains,

qui affiche un silence d’églantine sur la lèvre supérieure,

dans un Tübingen qui n’est pas

l’élastique support

d’une femme toi vers moi.

La sale couleur des larmes sèches sur le temps,

la plate couleur du poème sans l’érogène toucher

de tes phalanges approchées

quand tu me regarderais…

 

***

 

Liesel…

Où est ma bouche ?

Où est ton oreille ?

Quel vent sur Tübingen les sépare ?

Assez de heurts dans ma voix,

dans ces mots qui me font et ne me font pas l’amour,

pour rêver toucher les coins du monde,

les muets leviers de la physique et des dieux,

ou l’intime cyprine et salive du plaisir dans ta voix…

Lecteur,

Ou Liesel,

lectrice qui touche mon livre,

toi dont l’éros et l’être

babilleraient devant le temps,

dans mon poème.

 

***

 

Le silence parlé entre les corps…

« C’est beau, c’est simple, c’est pur, c’est moi »,

projeté entendu intérieur

dans une pause de tes yeux, de tes seins.

Je ne te connais

que par l’à côté visible de ton corps.

autant dire rien,

l’image chair et beauté au filtre de mes pupilles.

Que te donner ?

Sinon l’amour du poème,

le soupçon, la force éparse d’un vécu,

Le secret lecteur dans le temps…

Ailleurs, loin du désir,

la lyrique de ton corps…

Toi, est-ce toi, Liesel ?

Aimée.

 

***

 

J’avoue, j’ai peur,

de la beauté

de son masque,

du masque de banalité qui la couvrirait,

comme aujourd’hui la poussière démodée du poème.

Sous tes cils baissés,

sous tes jeans bleus lavés clairs

et tee-shirts de garçon,

il faudrait te parler, comme si plus tard

tu trouvais le vif de ton prénom

mêlé à la poussière de mon nom,

à la poussière d’un vieux poème,

soudain vivant.

 

***

 

Que te donner ?

Une enveloppe aux fleurs séchées glissées,

avec la carte et le nom d’Heinz M.,

dans le désert de ton casier,

suffira-t-elle ?

Séchées pour fleurir dans tes mains,

Dans tes yeux adressés aux miens…

Suffiront-elles ?

Pour le balbutiement de l’amour…

 

***

 

Liesel,

je ne sais même pas si tu es morte

ou nue dans les bras d’un homme.

Où es-tu ?

Le silence alentour aurait toi

pour se changer en parler de poème…

Qui es-tu ?

Poème qui ne sait même pas dire

la plastique de ton corps,

l’intelligence des sens perceptible

où tu regardes

celui que tu ne sais pas

se croire vanité de poème,

dans le contemporain.

 

***

 

Moi aussi,

lans le silence tendre, étonné, de tes yeux,

j’étais en Arcadie de Tübingen.

Liesel,

sais-tu lire aimer

ces fleurs séchées qui ont déserté ton casier ?

Est-ce ta main : pour les aimer ?

L’amour fait et fou,

en se pensant,

en se fleurant.

 

***

 

Heinz M. Plus même moi.

Autre : à Lisel.

Il quitte la défroque faite et pleine de lui.

Qui est-il ce « je »

Posé en tas d’os défait sur le trottoir de Tübingen ?

Il abandonne sa vie,

ou la reprend,

pour le drame minuscule du poème amour,

pour un beau corps

aux yeux froids pleins de doux intérieurs.

Il cherche une agate d’eau du Neckar

pour contenir l’or des sens et des pensées,

une boite lumineuse où se tient une larme.

 

***

 

Liesel,

Au creux du ventre vide de sens,

la main féminine du poème

aurait l’éclair,

si tu venais,

délicieux et ravageur

du sperme couleur de pollen

pour toi montant…

Vanité.

 

***

 

Cherchant le fin amor du poème

en une lointaine Liesel entraperçue,

l’harmonie pure tombée sur moi,

le sensuel amoureux madrigal enveloppant…

Sûrement,

je me trompe

et préfère-t-elle

le rock psychédélique ou le bruyant disco sucré…

Ou, qui sait,

le seul mot amour qui l’éveillerait,

comme un bourgeon né sur une feuille séchée,

serait-il si imprononçable,

parmi les habitants de Tübingen,

qui n’hébergent plus de poète fol,

dans le contemporain.

 

***

 

Des fleurs inconnues séchées pour Heinz M.

Une enveloppe à son nom dans le verger de son casier,

Des fleurs qu’il ne sait pas nommer.

Heinz a tout un feuillage vibrant de fleurs dans la poitrine.

Il quitte le retrait de la poésie

-la pure détestation extinction de la poésie-

l’art insensé, puéril et trompeur,

celle qui bêle amour,

devant le réel enfin ouvert

ou la trouvant enfin.

Et Liesel, près de lui, a le souffle parfumé du poème

En un bisou de pétales sur l’oreille.

Syllabe épelée amour du poème de la peau touchée sentie..

« Liesel », lui parles-tu…

« Heinz M. », répond-elle…

 

***

 

Liesel poursuivie,

Une vie d’à-coups sensuels.

Peu de mots avec elle,

La chair des bras au soleil,

Les mains caressées, les doigts enlacés,

Les « approche-moi »,

Les mots superflus,

Toucher de papilles gustatives,

La peau, les bouches…

Il coule, le jus translucide de la poésie

Qui a le goût translucide de ta langue…

 

***

 

Liesel a des mains de pétales,

une langue de pistil,

elle prend la sève d’Heinz M.,

asséchant ses métaphores filées.

Les marches avec elle dans les jardins et les forêts de Tübingen…

elle m’épelle sa botanique,

je suis sa tige et sa dispersion de pollen,

nos nus se roulent dans les herbes sèches,

parmi nos corps terreux et feuillus

Où se collent les mots du poème.

 

***

 

Calmerais-tu,

avec le corps, avec la langue enfin,

l’arc bandé d’amour en moi furieux…

Oui, vivante, tu reçois, tu es

le souffle sensuel du poème,

en ton ventre sa sève liquide,

en nous la suavité extrême des peaux, des muqueuses,

qui n’est bonheur que par Liesel éblouie.

Dans la forêt des draps,

Liesel sait être le silence botanique des corps.

 

***

 

Le jeu vif et léger,

le tee-shirt de fil blanc tombé

et le goût rouge des seins

dans l’oreille interne des sens,

et de la langue

fondue dans le nu de ton corps…

Tu effeuilles ton peu de mots essentiels.

Où sommes-nous ?

Sinon dans le nous sans nom

comme au ciel des muqueuses de la déesse et du dieu,

montée sur moi,

jouant à cheval sur le corps vivant du poète

le lent galop dans le temps,

le cri mortel et joui

contre la peau étoilée partagée du ciel…

 

***

 

Mériteras-tu, lue, plus que nue, d’être

plus que les lettres que je trace ?

Liesel nue,

admise de beauté,

nos sens gavés avec la parcimonie juste des dieux,

ces dieux qui ont pillé Hölderlin à Tübingen,

celle énamourée jusqu’au feuillage du temps…

 

(…)

1989-1993


Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

Trois vies dans la vie d'Heinz M, vers libres

 


Sankt Gertraud / San Gertrude, Südtirol / Trentino Alto-Adige.

Photo : T. Guinhut.

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 21:34

 

Catedral de Siguenza, Guadalajara, Castilla La Mancha.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Juan Francisco Ferré :

 

Providence du lecteur et Karnaval capitaliste ?

 

Suivi par Juan Filloy : Op Oloop.

 

 

 

Juan Francisco Ferré : Providence,

traduit de l’espagnol par François Monti,

Passage du Nord-Ouest, 640 p, 25 €.

 

Juan Francisco Ferré : Karnaval,

traduit de l’espagnol par Inés Introcaso et Brigitte Jensen,

Passage du Nord-Ouest, 621 p, 24 €.

 

Juan Filloy : Op Oloop, traduit de l’espagnol (Argentine) par Céleste Desoille,

Monsieur Toussaint Louverture, 256 p, 18,50 €.


 

 

 

 

 

 

      Comment faire son Grand Roman ? Sinon en projetant sur la trajectoire d’un alter ego le retable baroque de nombre d’images du monde et de fantasmes universels. La recette parait simple ; au risque du narcissisme et de l’explosion désordonné des thèmes et des strates culturelles. Nous avons cru ainsi nommer la tentative esthétique de Juan Franscisco Ferré (né à Malaga en 1962), fantasmant le roman total avec son Providence et brassant la satire dans Karnaval ; dont le burlesque n’est pas loin de celui d’un autre romancier de langue espagnole, cette fois argentin : Juan Filloy, détenteur de l’ambitieux et dérisoire Op Oloop.

 

     Providence est très vite un livre intrigant, bavard autant que riche, comme une sorte de météore de poids, plutôt bien ficelé. Car ce ne sont pas les ficelles qui manquent : allusions souterraines à un grand écrivain culte et occulte -Lovecraft pour ne pas le nommer- histoire de se donner un parrainage édifiant, ironie haute en couleurs envers les « vertus du capitalisme béni » histoire de se poser en trop facile moraliste économique, mythe faustien pour la caution profondément philosophique, et satire du cinéma hollywoodien pour l’inscription mode dans l’air du temps, sans compter les épices érotico-pornographiques pour se la jouer coquin et transgressiste… On hésite alors entre le défi au Grand Roman Américain brillamment relevé par un écrivain espagnol et la pantalonnade bourrée de clichés mis en scène avec art. Le fourre-tout parait parfois somptueusement réussi, parfois aussi flapi qu’un collage qui se décolle…

      Pour peut-être y réaliser une projection biaisée de son auteur, et comme pour exorciser son homonyme politique, le narrateur se nomme, Alex Franco. Cinéaste plus ou moins d’avant-garde, il voit son film sélectionné puis dédaigné à Cannes où il rencontre une superbe sexagénaire qui lui ouvre autant son lit que la parfaite réplique artificielle du corps de ses vingt ans, en lui proposant un contrat cinématographique prometteur et mystérieux. Jusque-là, malgré le ton -un peu trop jeune frimeur- et des scènes superfétatoires avec des entraîneuses louches, et en passant par la rencontre d’un étrange tentateur nommé El-Razed qui lui propose -en une scène splendide- de changer sa vie grâce à « des opportunités exclusives », puis « le succès », le roman parait plus que prometteur. D’autant que le scénario qu’il se doit de mener à bien postule l’existence d’un jeu vidéo nommé « Providence » qui serait plus addictif et plus dangereux que le terrorisme du 11 septembre. L'on a compris les nombreuses allusions à l'écrivain Lovecraft[1]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Le principal reproche que l’on peut légitiment faire à cet opus est la disproportion entre les ambitions parfois hautement relevées du roman gothique, du roman total et celles de la pauvrette satire à peine convenue du milieu cinématographique et surtout du roman universitaire (ou campus novel). Dans la ville américaine de Providence, entre quelques cours sur l’histoire du cinéma et sur Les Dents de la mer, un brin prétentieux et prétendument provocateurs, qui lui valent l’inimitié de ses étudiants, notre Alex Franco, professeur invité par le biais de ces méphistophélétiques commanditaires, passe son temps à vaguement brasser son ennui. Dans sa maison de location couverte de posters procommunistes, il consomme une drogue nommé « Blue moon » qui lui est mystérieusement fournie, couche avec toute jeune femelle qui bouge à sa portée, en un puéril sex movie. Les scènes sexuelles sont hélas d’une platitude à faire bailler un érotomane : des dizaines de pages alignées de coucheries de hasard et sordides, sans intérêt aucun, que (non par pudibonderie) l’on se refuse à cautionner ; même s’il appelle sans nécessité ses vulgaires partenaires des « muses » En cette piètre satire des moeurs, jusqu’à une sodomie vexatoire, il n’y a aucune extase, aucune nécessité dramatique, à moins que les Noires et Noirs puissent être associés à la résurgence d’un racisme venu de Lovecraft et dépassé…

      En oublie-t-il le projet de film qui lui a été confié, à partir d’un scénario à retravailler, autour d’un écrivain russe, auteur de « Cristal liquide » et d’un jeu vidéo justement nommé « Providence », comme la ville où Resnais tourna son film, comme la ville où écrivit Lovecraft, comme celle où il doit enseigner pour préparer sa création et servir d’on ne sait quelle tête de pont pour une organisation secrète complotant dans l’ombre : « une conspiration pour imposer le monde virtuel au monde réel ». D’où l’impression un peu facile de se trouver aux lisières des théories du complot les plus poisseuses de ridicule ainsi que des romans paranoïdes, mais autrement complexes de Thomas Pynchon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     Le conglomérat romanesque prend de l’épaisseur avec les lettres d’un mystérieux Jack Daniels qui l’entretien d’une « Eglise écarlate » et de son « application rigoureuse du sentiment orgiastique vital », sans que notre anti-héros en prenne de la graine avant qu’il ne soit trop tard. Et lorsqu’un de ces étudiants lui confie un manuscrit déjanté, évidente mise en abyme du roman : « une constellation d’histoires reliées par des personnages, des éléments ou des images». Qui sait si ce fragment fantasmatique mettant en scène un Lovecraft meurtrier en série en fait partie ? A moins qu’il s’agisse d’une « biographie filée et irrévérencieuse » fomentée par notre velléitaire Alex…

      Entre science-fiction et fantastique, ce capharnaüm fascinant peut être compris comme les étapes hallucinées, entraînant souvent la déception, d’un jeu, dont les « niveaux » sont ceux du roman : « une monstrueuse page web, un jeu vidéo maléfique », qui devient parfois « Providenz », comme pour faire écho à eXistenZ, cet excellent film de David Cronenberg. Providence est une ville, un film qui ne verra peut-être jamais la lumière, un jeu-vidéo sournois et apocalyptique, un être-là, un désir, une peur. Les divers niveaux de lectures parviennent à multiplier l’intérêt pour cet étrange habitant de la borgesienne bibliothèque de Babel. Ce dont la préface du grand Julian Rios se fait l’écho, quoique en paraissant un peu manquer et hyperboliser son objet. Le postmodernisme de Ferré est bien sûr flagrant, jouant avec les références métafictionnelles, les réécritures renégates des grands mythes, depuis celui de Faust au petit pied jusqu’à celui de Cthulhu, le dieu plus qu’ancien de Lovecraft, prêt à ravager un gratte-ciel par le feu, avant de ravager le monde entier, en s’infiltrant dans une « Confrérie des amis du crime organisé » et dans un jeu vidéo : « Le nom secret de la Jérusalem du futur (…) est PROVIDENCE. Ce paradis de l’esprit a un prix élevé : le corps. Le condamner afin de sauver l’esprit est un des objectifs les plus élevés du jeu. » L’initiation aux démons de l’Amérique, à la grotesque quincaillerie apocalyptique cinématographique -parodique ou désirée ?- est finalement sans pitié.

         Quel est alors le degré de réalité où évolue Alex Franco ? Tout cela n’est-il qu’un artefact dû à sa drogue, que les facettes éclatées du diamant de la création littéraire, qu’une collection de fantasmes, qui vont de la haute dignité faustienne au bas prurit adolescent entre coucheries et jeu-vidéo ultime ? A moins qu’il devienne un « réseau neuronal artificiel »… Le roman est alors comme un cerveau réalisé, exposé en ses pages excellentes et médiocres, assurant après le long orgasme de la création, la survie science-fictionnelle de son créateur. Si Providence est un échec, une allégorie de la condition humaine et de ses ambitions frustrées, il est de toute évidence plus exaltant que cent réussites.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      À moins que son Karnaval, dans lequel « DK », ex-directeur du Fonds monétaire international (on aura compris l'allusion) prépare son Grand Soir, soit la satire explosive attendue... « Le dieu K », qui n’a pas grand-chose de kafkaïen, est bouffi de toute-puissance, y-compris sexuelle, y-compris jusqu’à la certitude de son impunité astronomique. Las, la rencontre avec une modeste femme de chambre dans laquelle son sexe se serait faufilé en toute innocence, signe sa descente aux enfers de l’impuissance sexuelle et politique. C’est farfelu en diable, comme lorsque son épouse, Nicole, lui propose, en guise de soin physique et psychologique, une cérémonie d’exorcisme se soldant par une anale excrétion d’œufs multicolores. L’économiste socio-démocrate, alias « Dionysos K », s’imagine être le héros d’une tragédie grecque (d’où vient le mot carnaval via les dionysies), fantasme l’abolition de la propriété privée, écrit aux grands de ce monde, Obama, Sarkozy, Lady Gaga, Chomsky et autres économistes. Scènes homosexuelles, zoophiles, parodies de divers écrivains, entre Sollers et Houellebecq, le fourre-tout du tout contemporain fait rire et cependant fatigue rapidement son lecteur. La concision n’étant pas le péché mignon de Ferré, le monstre, qui se veut « orgie effrénée » et « Theatrum Philosophicum », accouche d’une poignée de lubriques souris, d’autant que le roman use et abuse avec inconscience de la caricature d’un « capitalisme totalitaire » honni et cependant précieux lorsqu’il est libéral[2].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Totalement loufoque ce Op Oloop… Le titre de l’Argentin Juan Filloy tient on ne peut mieux sa promesse : avec un nom pareil, le personnage éponyme est excentrique à souhait, à son corps défendant. En effet, il brille d’abord par sa mesure, sa rigueur, sa « méthode » par lui réputées infaillibles pour bien conduire sa vie vers « l’art supérieur d’être un homme ». En bon statisticien finnois, il mesure au millimètre son temps et ses actes, épouvanté par le moindre accroc. Hélas, des irritations inopinées, un modeste incident de la route, le font déjanter. Jusqu’à faillir être assassiné, jusqu’à entraîner sa fiancée Franziska malgré l’opposition de son père qui « préfère la voir se morfondre, hâve et languissante, dans les souffrances du délire virginal, que de laisser s’épanouir les fleurs du désir ancestral sur ses joues et ses seins ». Conduit par un style baroque époustouflant, ce roman hors normes est animé d’une écriture ampoulée, alambiquée et néanmoins entraînante, riche d’allusions culturelles, voire mythologiques. La langue de Filloy et de son personnage, un rien désuète, est absolument désopilante, pétrie d’ironie surréaliste, sinon d’un zeste de jeu oulipien. L’acmé du suicide de cet anti-héros aux prétentions hyperboliques est une satire des ambitions humaines, puisqu’il constate « l’échec retentissant de l’amour » et découvre « la face cachée de la vanité ». Une fois de plus les éditions Monsieur Toussaint Louverture nous révèlent une œuvre singulière, un roman philosophique et ludique interdit en 1934 pour pornographie. Ce journal testamentaire d’un excentrique intellectuel passablement libidineux a été commis par un auteur lui-même plus qu’insolite. Juan Filloy fut arbitre de boxe et centenaire (1894-2000), juge et polyglotte, ami de Borges et auteur de vingt-sept romans aux titres de sept lettres qui impressionnèrent Cortazar. Vite, que l’on traduise encore de ces bijoux étonnants !

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

Catedral de Siguenza, Guadalajara, Castilla La Mancha.

Photo : T. Guinhut.

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31 décembre 2011 6 31 /12 /décembre /2011 14:15

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Isaac Babel ou l’écriture rouge.

 

Isaac Babel : Œuvres complètes, traduit du russe par Sophie Benech,

Le Bruit du temps, 1312 p, 39 €.

 

 

      Voici une découverte de poids, de charme et d’horreur rouge, qui n’est pas sans laisser planer une grave interrogation éthique. Certes, nous connaissions déjà Cavalerie rouge[1] et les Récits d’Odessa[2], mais les mérites de cette édition, dont le papier ivoire et le format soigneusement relié écartent tout danger de concurrence par la lecture sur IPad ou Kindle, sont sa dimension encyclopédique, enrichie de préface et de notes, sans compter sa traductrice fervente. Isaac Babel (né en 1894) n’est pas un romancier, mais un prolixe et néanmoins perfectionniste polygraphe, un styliste fabuleux au cœur de la démesure bolchevique et stalinienne.

      Dès le cycle autobiographique, jusque-là éparpillé chez divers éditeurs en français, nous voilà pris par le charme de sa prose, qu’il s’agisse de L’histoire de mon pigeonnier  ou du Journal pétersbourgeois, par ses souvenirs d’enfance, comme lors d’un voyage sur la Volga : « nous revenions chez nous dans cet état d’âme attendri et exalté que peuvent susciter cette contrée extraordinaire, le jeunesse, la nuit, et les anneaux de feu se liquéfiant sur le fleuve » (p 124). Outre le scénariste prolifique (pour Eisenstein), le dramaturge et l’essayiste, ce sont bien sûr les qualités stylistiques qui emportent l’adhésion. La forme brève et son bonheur culminent dans les choses vues des Récits d’Odessa et des Récits odessistes, pleins d’humanité, à l’écoute du petit peuple, et surtout dans cette juxtaposition des tableaux qu’est Cavalerie rouge : éclats journalistiques, narratifs et descriptifs, qui prennent la dimension de l’épopée. Où le styliste amoureux des mots et des images frappantes, charmeuses, insolites, brille sans cesse, épiçant ses textes d’expressions populaires ukrainiennes ou venues du yiddish (Babel était Juif) et de néologismes, d’où le défi relevé par la traductrice.

     Mais l’on sait que l’épopée, semée de crimes, a souvent tendance à exalter les héros -ici « rouges »-, une nation, une idéologie. D’où l’interrogation du lecteur devant ce qui est une adhésion passionnée de la part de notre prosateur qui probablement travailla comme traducteur pour la Tcheka, cette délicieuse police politique qui, à partir de décembre 1917, permit à 140 000 personnes de périr sous la Terreur rouge[3] : « Et nous sommes partis en direction du crépuscule héroïque. Ses rivières bouillonnantes se déversaient sur les serviettes brodées des champs de paysans. » (p 531). Rivières bucoliques ou rivières de sang ? Ne reculant pas devant l’exposition des violences sordides, inhérentes à toute guerre revancharde et impérialiste, comme l’exécution d’un moine profiteur et espion, la prose poétique de Babel est aussi suggestive qu’au fond désespérée, voire empreinte de sadisme, « en proie à une exaltation morbide » (p 537). Etre un observateur aussi précis, est-ce prendre plaisir aux exécutions sommaires abondantes où les dénoncer sans pathos ? Car il confie : « La chronique des crimes quotidiens m’oppresse sans répit comme une malformation du cœur. » (p 530). Au-delà des lieux communs de la littérature de guerre, les instantanés sur les croyances et les exactions religieuses du peuple, sur la vigueur cruelle de la soldatesque et sur la certitude tyrannique de la hiérarchie militaire, sont nombreux. Passionné qu’il était de Flaubert et de Maupassant, Babel fait preuve d’un réalisme inattaquable et d’une acuité sans pareille de la notation. On sort de cette prose, si talentueuse pourtant, écœuré par la violence et la vilénie de la race humaine que la révolution et la guerre permettent de laisser jaillir jusqu’à l’absolu quotidien du mal. Ce qui ne manqua pas de susciter de violentes critiques : était-ce là une façon correcte de présenter l’héroïsme rouge ?

 

      Quant aux Récits d’Odessa, ils révèlent la curiosité de leur auteur, voire sa passion pour les brigands, pour les aventuriers de la démence politique qui se jouait depuis la révolution de 1917, et dont il se sentait solidaire : des ouvriers occupent un monastère, des Anglais viennent commémorer le souvenir de Lénine… On y trouve bien sûr la dénonciation des pogroms, les marques de l’antisémitisme récurrent. L’écriture sensuelle est d’un esthétisme qui peut paraître déplacé devant de telles scènes qui pourtant révulsent l’écrivain.

      On ne peut que se demander comment Babel put survivre aussi longtemps dans le régime communiste, entre les monstres léninistes et staliniens de la Tcheka. La façon réaliste et colorée dont il décrit les exactions de l’armée soviétique au cours de la campagne de Pologne de 1920 dans Cavalerie rouge aurait pu lui valoir aussitôt condamnation. Que l’on se rassure, l’erreur sera bientôt réparée : c’est en 1940 que le NKVD l’arrêta, le tortura, l’assassina, confisquant ses manuscrits depuis disparus où l’on lirait peut-être son intime conviction, d’où des Œuvres complètes toujours incomplètes…

        Ses livres eurent du succès dans les années vingt. L’écriture de Babel est en effet fascinante, explosives d’images. On se surprend à être ravi par la sensualité visuelle de son style aux phrases souvent brèves, y compris dans les pires moments de la guerre civile entre Rouges et Blancs, qu’il met en scène avec une apparente légèreté, d’autant plus efficace et inquiétante. Ecriture très colorée, très rouge, d’une esthétique envoûtante : « un ruisseau écumant d’un rouge corail a jailli de sa gorge ». (p 590) Rouge éthique sûrement bien reçue en ce havre du communisme, mais bien moins envoûtante pour le lecteur que nous sommes…

     Que pensait vraiment Babel du régime communiste ? L’on sait qu’il fut un admirateur romantique de la révolution de 1917. En était-il un propagandiste infatigable ? Dans son Journal pétersbourgeois, autour de 1918, il dénonce la paresse des soldats de l’armée rouge ou l’état du chômage, laissant transparaitre d’indulgentes critiques : « La justice est arrivée. Elle a été mal instaurée. » (p 159) Ce au sujet d’une usine d’acier. Mais sur le régime lui-même, qui ne dit mot, au moins consent. Dans les années trente, il commence d’écrire un ouvrage sur la « collectivisation » : « Avec la guerre civile, c’est l’un des plus grands monuments de notre révolution » (p 1270). Merci de cette allégeance à la collection des tyrannies totalitaires ! Mais qui sait si ses manuscrits disparus lui rendraient justice ? En effet, le seul récit paru (en 1931) dresse un tableau peu flatteur, même si le pouvoir a pu -ou non- le lire comme un rapport sur la stupidité des paysans : « il a collectivisé Voronko en vingt-quatre heures… Il a mis neuf fermiers à l’ombre… Le matin, ils devaient partir pour Sakhaline. » (p 921) On les retrouve pendus plutôt que de rejoindre le goulag… Babel, prenait bien conscience du désastre. Mais un peu tard. On ne s’étonne guère qu’ils ne fusse plus en odeur de sainteté auprès des sbires de Staline.

        Ses convictions, son amour immodéré pour la Russie et pour la langue russe l’empêchèrent de prendre le chemin de l’exil, alors qu’il put voyager à l’étranger, dont la France. Sous Staline, se taisait-il pour continuer à vivre, à écrire en secret, louvoyant comme le compositeur Chostakovitch entre son intégrité créatrice, son instinct de survie et son quand à soi moral, voire son fatalisme ? Au lecteur de s’interroger sur une éthique politique qu’à la place de l’écrivain il eût bien eu du mal à affirmer au péril de sa vie. Babel ne critique pas le régime, au contraire, même s’il n’en semble pas non plus un absolu panégyriste. En témoigne en 1934 son « Discours au 1er Congrès des écrivains Soviétiques » (p 1031) où les écrivains doivent être des « ingénieurs des âmes ». Malgré l’humour, c’est un éloge obligé de Staline : « Regardez comment Staline travaille ses discours, comment sont forgés ses mots peu nombreux, combien ils sont musclés ». Ce à quoi répondait dès 1933 Mandelstam dans son « Ode à Staline[4] »: « Il a des doigts épais et gras comme des vers / Et des mots d’un quintal précis comme des fers ». Malgré l’allégeance que l’on espère forcée au « goût bolchevique », Babel parvient peut-être à affirmer son esthétique en passant sous les fourches caudines du réalisme socialiste : « la vulgarité c’est la contre-révolution » ou « notre tâche c’est d’ennoblir les mots ». Etait-ce une façon voilée d’émettre des doutes et de mettre la puce à l’oreille de son auditeur complice ? A la veille de son exécution, se demandait-il si le stalinisme avait tué les promesses du communisme, ou s’il résidait in nucleo dans cette idéologie mortifère ?

        Dans sa « Lettre ouverte aux écrivains soviétiques[5]», Mandelstam, en 1929, fulminait : « la Fédération des Ecrivains soviétiques s’est révélée être un poste de police ». Il allait être bientôt écrasé, suite à son poème satirique contre Staline. Babel, plus prudent, n’en fut pas moins la même victime de cette orwellienne « Police de la Pensée[6] » qui sous des formes sans cesse renouvelées n’a hélas pas fini de nous menacer.

 

 Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

L'auteur remercie la traductrice Sophie Benech de ses judicieuses

remarques qui lui ont permis (espérons-le) d'affiner sa réflexion.

 


[1] Rieder, 1928.

[2] Actes sud, 1996.

[3] Selon l’estimation de Nicolas Werth dans Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997.

[4] Ossip Mandelstam : Les cahiers de Voronej, Circé, 1999.

[5] Ossip Mandelstam : La Quatrième prose, p 141, Christian Bourgois, 1993.

[6] Georges Orwell : 1984, p 13, Club des Libraires de France, 1956.

 

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27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 10:08

 

Cañon de Balces y Monte Perdido, Sierra de Guara, Alto Aragon.

Photo T. Guinhut.

 

 

 

 

Le Passage des sierras

 

et autres récits pyrénéens et espagnols.

 

Prologue.

I Un état libre en Pyrénées.

II Vihuet, une disparition.

III Le Passage des sierras.

IV Une mort en Cotiella.

 

 

III

 

Le Passage des sierras.

 

 

      Coupant le cordon ombilical du pays maternel, je m’élançai dans le névé glacé de la pente espagnole. Vers quelles aventures de la vision, de la pensée ? Vers des plateaux gonflés de bubons, ravagés de lits d’érosion, vers des falaises cannelées, des gorges rainurées, des scintillements de lointains sud. Peu de marcheurs avaient choisi ce côté. Parmi des pentes rocheuses, des alpages désertiques, je trouvais des vagues et des flèches de calcaire étranges, d’une beauté lunaire, où je n’osai poser la main tellement elles étaient acérées. Des ruisseaux naissaient et s’interrompaient. Des chardons faméliques se desséchaient parmi une herbe d’anémie. En début d’après-midi, je débouchai à l’aplomb du canyon d’Ordesa. Au bord duquel un troupeau de brebis et son berger paraissaient un semis de pollen blanc sur l’herbage. Je ne m’arrêtais qu’un instant au refuge de Goritz, pour boire une boite sucrée et demander renseignement quant à une certaine cabane que j’avais surprise sur ma carte. Bientôt je vis s’élargir la courbe du canyon qu’alimente la cascade de la Colla de caballo. Et, méprisant le sentier boulevard du fond du cirque, je glissai sur le côté pour m’aventurer entre deux étages de falaises, sur la Faja de Pelay.

      Très vite, d’animée de promeneurs, la Faja se fit austère et théâtrale, étonnante cage de résonnance entre les colosses des parois et les profondeurs des sapinières. Sur ce balcon piqueté de points noirs, parmi le fil d’un sentier perché entre deux immenses tabliers rocheux, troué d’aplombs vertigineux, bruns et verts, je me faisais peu à peu une image de femme qui, à ma rencontre courait la montagne.

      Je la voyais grande, un short chamois au-dessus de ses longues jambes, une poitrine aussi forte qu’émouvante sous la chemise scout. Et surtout, à l’aplomb magnétique du visage, cette lèvre supérieure bombée qui légendairement traversait mes songes et ma biographie… Je lui dessinais et gonflais de longs cheveux bruns, moussus et attaché sur la nuque. Sans compter un nez légèrement retroussé sur le frémissement des narines, une peau de suave pain d’épice, des yeux piquants et noirs, souvent inquiets, agités, cherchant, à la mesure de leur quête ardente, des objets passionnés, de grands projets sauvages et doux…

      Evidemment, je ne croisais rien de tel sur le sentier de la Faja, parmi les flammes blanches de ses falaises, les verts de ses gouffres et les bois torturés de ses pins. Aurais-je croisé la silhouette qu’avait peinte mon rêve que je n’aurais eu ni le temps ni l’adresse de la retenir. C’était bien le fruit d’une insondable et ridicule idéalisation romantique, à peine digne du plus conventionnel roman rose de cinéma. Car si peu crédible. Pas à mon aspiration, pas à mon désir, pourtant. De bonne foi, en une compensatoire séquence, je la voyais fouler les rocs de la Faja, et me rencontrer. A ses yeux, j’aurais pu offrir ce nid d’édelweiss dans le dévers caillouteux…

      Sous un dévalement d’eau claire, je pus remplir ma gourde. Et marcher encore une heure attentive avant de toucher les rondins dont ma cabane était faite. Ce n’était pour deux ou trois personnes accroupies qu’un fruste abri, largement ouvert sur une clairière de conifères et sorbiers des oiseleurs aux baies rouges penchés sur l’abîme du canyon. Ce serait bien suffisant pour coucher un solitaire qui dormirait avec le respiration des fossiles d’oursins et de mollusques pris dans les roches rousses et claires des cirques  et des gradins environnants jusqu’au Mont Perdu. Sur le gazon du songe d’une nuit d’été, j’attendis que les cuivres montent aux couleurs de la Fraucata, rugueuse et verticale falaise séparée de mon belvédère par la gorge cendreuse  et comme vue de parachute.

      La nuit venue, je me couchai sous l’écorce de mes rondins et contre ma naïve fiction. Dans un souffle qui happait, en même temps que le sommeil de tant d’enjambées, la jambe subtile et la lèvre supérieure bombée du fantôme de mes pensées, je la nommais Karina. Sous les deux mille étoiles violemment visibles, je croyais ingérer aux yeux de Karina une aspiration à d’autres mondes. Ces yeux agités de l’inquiétude de la passion, de l’appétit de la connaissance et d’une farouche liberté. Sûrement, avec elle, que je créais étrangement idéale, ma semblable, même à mes dépens, ma double, ma sœur sensuelle et solitaire, sensible et curieuse, cependant si différente, si irréductiblement elle-même pour justifier l’allant et la poursuite de ma passion autant intellectuelle qu’érotique, j’aurais pu marcher pendant des années, que dis-je des ères géologiques entières, parmi le renouvellement des sierras.

      Je ne me réveillai pas avec le corps satisfait de mes rêves près de moi. Mon lecteur -ou ma lectrice qui peut-être en Karina se reconnaîtrait- me fera justice en m’accordant d’être resté raisonnablement serein devant ce peu de porosité que nous connaissons entre le rêve et la réalité.

      Cependant, la réalité du matin n’avait rien d’indigne : canyon d’ombre, hauteurs poreuses d’avec la matière claire et bleue du ciel, isards soudain venu visiter mon campement, tourelles de calcaire ivoire et velours des sapinières insondables dans l’ombre encore. Face à ma contemplation, là-bas, la lumière du jour traversait pour les rendre presque transparentes les parois de la Brèche de Roland qui, hier, avaient consenti à me laisser passer sans tempête.

      Sur la Faja, une fois jeté le sac sur mon dos, les marcheurs commencèrent d’affluer, jusqu’au refuge, vitres brisées sur le sol, son mirador ouvert sur les pointes bleues et ocres du massif de la Tendenera. Mais une fois rejoint la gouttière pierreuse et ascendante du sentier des chasseurs, parmi les squelettes dansants des pins morts, les raides traces pierreuses, éprouvantes, les à-pics et éboulis mêlés, j’eus la sensation de retrouver cette fureur de découverte personnelle qui me guidait aux premières sierras. Irrésistiblement, Karina était mentalement et fantastiquement en ma compagnie lorsque je pris pied sur la crête de Diazas. D’où un autre panorama de vallées et de monts indigo m’attirait dans l’orbite tournoyante des sierras giflées de lumière.

      Ce fut une longue descente de larges lacets poussiéreux où pour la première fois je me frottais à ces genets épineux que l’on nomme ici « erizon » et dont le coussinet est gonflé des cruelles défenses de l’animal rétracté sur lui-même. Passé une chapelle dans une éclaircie des forêts, puis un pont rugissant, je pus observer à une terrasse de bar de Torla qu’un groupe de gamines espagnoles n’allait pas jusqu’à compter le visage de Karina. Je n’en avais pas moins d’application à observer les formes du village, ses ruelles, son clocher rustique contre l’arrière-plan massif des falaises d’Ordesa. Mais, me dis-je, je n’étais pas là pour faire du tourisme. Et enfiler des perles mollement pittoresques, avec une midinette fictionnelle au bas du cervelet ! La courbe de la route, qui n’échappais de la banalité que par ce que je collais d’hispanité aux verts des prés de la vallée, me fit glisser jusqu’au bourg de Broto où l’hôtel Pradas me fournit l’antithèse de l’abri de rondins : lambris vernis, tentures et courtepointe fleuries composaient une chambre où j’aurais tremblé de frôler le bleu des veines sous les seins de Karina.

      L’inconnu des cartes commençait là. Des traits reliaient des points nommés sur des ombres. Comme sur le délicat dessin veineux où j’aurais voulu lire le battement de mon destin, je devais me confier à une manifeste imprécision, à un flou filigrané de vagues et minces cours d’eau, peints de verts poussiéreux et ponctués de villages aux noms musicaux, mais ne me renseignant en rien sur leurs qualités, importance ou ravitaillement. Sans compter une présence humaine à mettre en doute.

 

Canyon de Balces, Sierra de Guara, Alto Aragon. Photo T. Guinhut.

 

 

      Vers le sud, puis vers le sud-est, je marchais toute la journée, d’abord sur la route. De son clocher, neuf et sans grâce, Sarvise témoignait que nombre de ses murs avaient été détruits lors de la guerre civile par l’avancée des troupes du Général Franco. Derrière moi, au-dessus d’un petit oratoire à Saint-Georges tuant le dragon -sûrement ce dernier avait-il été parmi les Républicains puisque ceux-ci avaient décimé des religieux et exhibé des cadavres de bonnes sœurs- la montagne d’Ordesa se couvrait de nuages écroulés et lumineux. J’avais échappé à des bandes temporelles ; soixante ans plus tôt, sous le feu franquiste et aujourd’hui sous le brouillard de là-haut, je n’avais pas été. En vertu de quel hasard ?

      Cependant, dans le couloir de la vallée, les sierras m’étaient cachées, hors à droite et à gauche, leurs contreforts boisés de chênes verts et de pins. Fâché de me traîner sur l’anonymat du goudron, je piquai au travers des graminées sauvages et passai le rio Ara par un gué instable et bouillonnant. Sur une piste de pollens, tour à tour claire et ombrée de feuillages mobiles, je retrouvais l’allant du marcheur, l’allant de qui conquiert le jour et les volets ouverts des paysages. Par des raccords de sentes discontinues et des embrouillaminis végétaux où je dus me frayer un passage en brassant des bras et des jambes, je me branchai sur une autre piste qui me conduisit -il n’y avait aucune difficulté d’orientation- à Fiscal dont le bar me fournit la conversation d’un ramasseur de champignons. Il détailla sous mon odorat ses cèpes et ses lactaires délicieux, sans qu’une omelette s’en suive…

      Etait-ce le peu d’effort de ce trajet, sa lumière de vallée spectacle qui me faisait cultiver encore plus l’évocation de Karina ? Je me laissais imaginer que, travaillant dans la publicité, elle allait fait faire à mes livres et à ma personne -excusez du peu- justement de la publicité, que nous poursuivions ensemble les chemins adjacents de l’amour et du succès, selon des modes intimes et théâtraux inédits… Doué d’une puérilité inavouable, je me laissais aller à de charmants et étonnants châteaux en Espagne. Pourquoi développons-nous ces fictions de midinettes en en connaissant la naïveté ? L’attrait de l’éros et de la beauté, des destinées clinquantes et hors-pair est-il donc si puissant qu’il passe ainsi les barrières du surmoi, des banales, médiocres et courantes vies, des conventions sociales et réalistes ? Je ne me conformais qu’à une autre convention, celle des clichés de magazines de stars de cinéma et romans roses de supermarché. Où les personnages brillent du miroir aux alouettes des valeurs vulgaires d’une société habile à projeter un rêve éveillé compensatoire par-delà ses déboires. En une narration qui renouvelait et répétait sans cesse ses moyens pour toujours parvenir au même but, je me nourrissais du désir de sucer ce symbole du succès, de l’élite et de l’amour comblé : la lèvre supérieure bombée de la haute et belle Karina en l’intime responsabilité de ma fiction. Désir qui prenait un tour métaphysique et incomblable, comme celui de saisir une galaxie spirale à mains nues, ou de fixer au firmament, avec le sperme qu’avec tendresse elle m’arracherait, au moins l’éternité d’une nouvelle constellation signifiante à laquelle je donnerais son nom.

      A ce point de mon délire, la vallée s’était considérablement élargie, me rendant visibles les contours bleutés de sierras. L’intérêt du marcheur allait pouvoir se tourner vers autre chose que d’inconsistantes bulles de savon mentales. Le village duquel je m’approchais sous la chaleur vibrante n’avait rien de vivant, ni même de l’émotion sensible des vieilles pierres polies et envahies par le temps naturel. Les maisons de Janovas étaient des cadavres, pans de murs ocres et noirs, dépecés de leur poutres, de la moindre apparence de mobilier et de menuiserie, conspués de graffitis et bombages : « Bandido Barbastro », « Pantano, no ! » et autres têtes de morts de goudron et drapeaux noirs, tandis que le « Viva la muerte » du Caudillo Franco avait visiblement recouvert une faucille et un marteau rouge de sang.

      Je compris en observant au bout de la rue vide le verrou d’arides sierras barrer la vallée en ne laissant se faufiler que les flots du rio. Comme un peu plus au sud, où plusieurs vallées des pré-Pyrénées avaient été noyées par de vastes barrages, l’on avait ici projeté depuis des décennies un monument d’hydroélectricité qui n’avait pas été construit, mais restait au programme. C’était un de ces maillons encore manquant de la politique des grands travaux franquistes pour lequel on n’avait pas hésité à dynamiter le village de Janovas après l’expropriation. Fallait-il désapprouver le légitime besoin d’énergie et de réserves d’irrigation du bassin de Saragosse ? Imaginer une alternative nucléaire ? Et déplorer que la vie d’une vallée disparaisse sous les eaux, laissant par exception apparaître la pointe ruiniforme d’un clocher…

      Je ne me voyais pas passer la nuit dans de tels ossements du passé rural. J’aurais au moins rêvé ici de bombardements, de guerre civile où communistes et fascistes purifiaient également par le feu, les balles, les geôles et les tortures. Il me restait encore suffisamment d’heures de jour pour m’éviter ce cauchemar et marcher libre sur le sol d’une démocratie qui avait su, sous l’égide discrète d’un roi, pacifier l’après-Franco. Je ne me voyais pas non plus, dans des ruines qui mimaient celles de la guerre civile, partout ailleurs rebâties, déposer la vivante impulsion d’une  Karina que sa liberté de mœurs aurait, sous le franquisme, condamnée.

      En cette région enclavée de Sobrarbe, la poche républicaine de 1938 se vit augmentée de groupuscules anarchistes incontrôlés qui saccagèrent des églises et donc une grande partie du patrimoine artistique local. Bielsa et Sarvise furent bombardées, les colonnes de fuyards vers les cols français mitraillées. Une répression sauvage suivit la victoire des troupes franquistes qui durent encore lutter une dizaine d’années contre d’idéalistes, têtus et parfois criminels maquisards tapis dans les sierras. Me trompais-je si je croyais voir des traces de mitrailles sur une pierre d’angle de Janovas détruite ?

    Quittant cette désolation qui m’avait semblé une image encore chaude des exactions franquistes, je découvris sur la rive d’un ravin une délicieuse fontaine où deux serpents étaient taillés dans la pierre. Devais-je y voir ces deux monstres ennemis : fascisme et communisme, qui, une fois changés en pierre historiques pour les conjurer, laissaient au voyageur la jouissance d’une eau libre…

       A l’entrée des gorges, je négligeai une passerelle de câbles et de planches qui conduisait à la route, puisqu’une sente sinuait et tressautait parmi les rochers du défilé. Au-delà, dans le bruit montant du rio, s’élevaient les ossatures calcaires de l’anticlinal de Boltana, comme les dents démesurées d’un peigne courbe au front de la sierra vaporisée par l’altitude et la chaleur. La gorge se fit plus étroite, torturée, à tel point que l’écho de mes pas sur la roche me parut renvoyé par les plis raides et également broussailleux de l’autre versant. Sous une famélique cascade, je me laissais rafraîchir avant de louvoyer encore dans la rocaille chaude. Sur une piste je débouchai enfin pour voir la vallée s’adoucir et descendre vers un pont routier. Ce qui me permit de claquer mes semelles endolories sur un dernier goudron avant d’atteindre le bourg de Boltana : j’avais fait aujourd’hui plus de trente kilomètres.

      La chambre de tourisme rural, où la maîtresse de maison restait laconique devant mes velléités de conversation, était d’une désarmante banalité. Des deux lits jumeaux, je ne pouvais utiliser qu’un seul. Et je ne pouvais imaginer y recorporer la fade serveuse dont la liste de desserts était si longue et si rapide que j’y perdis mon espagnol. Quant au dessin de la pensée pure, il n’avait pas plus le pouvoir d’y matérialiser les odeurs intimes de dentelle, de peau mûre et de brune toison qui feraient de Karina les prémisses d’une femme réelle. On se demande d’ailleurs comment une intrépide marcheuse pouvait tirer de son sac à dos et d’une salle de bains sans chichis de telles fragrances, à moins d’un seul et noir soutien-gorge finement brodé… Je n’eus pas le temps de résoudre une si cardinale question, assommé par la fatigue de la journée.

      Sous la ruine d’un château médiéval où les sorcières passaient pour se réunir les samedis soirs, je quittai Boltana, où aucune visite vénéneuse et femelle n’était venue troubler ma nuit. Et, renouant avec le pont de la veille au soir, je me lançai à l’assaut des sierras, à l’aide du ruban ascendant d’une route méchamment déserte. Passeur de sierras solitaire, j’avais toujours avec moi mon interlocutrice mentale. Et j’en avais bien besoin, au vu de la longueur et de la roideur des courbes et des lacets goudronnés sous le solide soleil du matin. Bien sûr, ma Karina ressemblait moins à une sorcière qu’à une poupée Barbie sur laquelle mon désir aurait soufflé pour lui donner la chair spéciale et personnelle de la vie. Vie que je ne voulais pas assimiler à un Prince charmant féminin, dont la fade joliesse et la contradiction m’écœure. Je la voulais, dû-t-il m’en coûter, libre, capable d’opposition, passablement féministe, cultivée et critique, peut-être sauvagement indépendante.

Thierry Guinhut

Extrait de Le Passage des sierras et autres récits pyrénéens et espagnols (A paraître)

Une vie d'écriture et de photographie

 

Rio Vero, Sierra de Guara, Alto Aragon. Photo : T. Guinhut.

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23 décembre 2011 5 23 /12 /décembre /2011 18:45

 

Iglesia de El Pueyo de Morcat, Serrablo, Alto Aragon.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

José Maria Arguedas ou « l’utopie archaïque » :

 

Awar Fiesta, El Sexto

 

lus Par Mario Vargas Llosa.

 

 

 

José Maria Arguedas : Yawar Fiesta (La fête du sang),

traduit de l’espagnol (Pérou) par Cécilia Hare et Domninique Jaccottet,

Métailié, 2001, 204 p, 16,24 €.

 

José Maria Arguedas : El Sexto,

traduit par Eve-Marie Fell, Métailié, 2011, 192 p, 18 €.

 

Mario Vargas Llosa : L’Utopie archaïque. Jose Maria Arguedas et les fictions de l’indigénisme,

traduit par Albert Bensoussan, Gallimard, 1999, 408 p, 160 F.

 

 

 

 

      L'on ne cherchera pas chez Arguedas, universitaire et militant, de virevoltantes métaphores ou de vastes mises en abyme narratives, mais d’universels problèmes de civilisation, intéressant autant l’anthropologue spécialisé que l'humaniste, au point que Mario Vargas Llosa lui ait consacré, dans le cadre de son Utopie archaïque, un essai dénonçant « les fictions indigénistes ». Yawar fiesta se présente comme un roman documentaire sagement construit, une histoire qui, par son caractère symbolique et le sacrifice sanglant de la bestialité, acquiert soudain un relief extrême. El Sexto quant à lui est un roman autobiographique et politique dont le réalisme scrupuleux n’est pas sans rejoindre la dimension de L’Enfer de Dante.

 

     Dans un village perdu des Andes péruviennes, une lutte contre le taureau d’Yawar fiesta (publié en 1941 à Lima) va cristalliser toutes les tensions sociales. Sur le ton de la légende, mais une légende tragique, un narrateur anonyme conte la progressive invasion des hauts plateaux par les colons espagnols, leurs exactions, leur appropriation des terres, chassant toujours plus haut, vers les solitudes des herbes rases et des glaciers, des indiens réduits à la famine ou à de bas emplois s’ils se résignent à redescendre parmi la civilisation nouvelle… Bientôt, le reportage se pare des prestiges de la fiction romanesque. Lorsque résonne le leitmotiv de la corne annonçant l’arrivée d’un fabuleux taureau sauvage: « le Misitu », que les indiens affronteront à la dynamite, non sans se faire encorner. Mais cette fois, progrès oblige, le sous-préfet décide, avec l’aval de Lima, de substituer au carnage « l’art de la corrida civilisée ». On devine aussitôt le conflit, le choc culturel, entre les tenants d’une archaïque tradition locale et ceux d’une civilisation plus évoluée et prédatrice. Roman prévisible, mais haut en couleurs, qui évite de justesse le manichéisme en se gardant d’idéaliser l’indigène. Cependant, comme aux plus beaux jours du réalisme socialiste, le sentiment des vertus locales pousse le chroniqueur à glorifier les milliers d’indiens et de métis qui fendent la montagne pour construire une route transandine, puis migrent vers la capitale pour concourir à son développement. Indubitablement, Arguedas écrit son ode à la nation, défendant « les droits des communautés contre les abus des propriétaires terriens, des autorités et des curés ». 

      Pour un premier roman, publié en 1941 et obéissant aux canons d’un réalisme documentaire lyrique et coloré, ce fut une réussite. Plus tard vint le succès avec Les Fleuves profonds[1] qui narre un voyage de découverte ébloui du Pérou et la difficile initiation d’un collégien, puis Tous les sangs[2], ambitieux et truculent tableau de société où les composantes de la population péruvienne s’agitent dans une apocalyptique lutte des classes bien représentative de l’idéologie marxiste. En plus d’un manichéisme caricatural où les blancs sont les méchants et les Indiens les bons (tandis que le métis est le traître patenté) ce roman véhicule une vision de la femme, vierge pure ou putain, révélatrice d’une mentalité sexiste traditionnelle autant que des traumatismes subis par Arguedas jeune.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      C’est à 27 ans, qu’Arguedas vécut une de ses pires expériences. Après avoir manifesté contre l’arrivée d’un représentant de Mussolini en 1938, il fut arrêté par la police politique péruvienne et fut enfourné en prison. Cette expérience est le terreau d’El Sexto, publié en 1961, relevant de la littérature carcérale. Quoique l’on puisse se demander, au vu de sa puissance, de son acuité, et de l’arbitraire de la condamnation, ni formulée, ni venue d’un quelconque procès, ni balisée dans le temps, s’il ne s’agit pas là de littérature concentrationnaire. « El Sexto », nom du pénitencier de Lima, est un bâtiment de trois étages, peuplé de voleurs célèbres, de délinquants sexuels, d’assassins, de trafics divers, d’insultes et de violences sanglantes.

      Au moyen d’un réalisme saisissant, ce sont non seulement les conditions de vie des prisonniers qui sont peintes par le jeune Gabriel, mais aussi la permanence du mal dans la nature humaine. L’Enfer de Dante et ses spirales n’ont plus ici la justification morale de la Divinité : pêcheurs ou non, on est maître ou victime de la lutte pour un pouvoir infâme, jusqu’à ce que l’assassinat d’un « géant noir » cruellement nommé « Estafilade » déclenche une répression que l’autorité pourtant légale ne prendra sur elle ni de légitimer, ni de modérer. Les idéalismes et dogmatismes des « Apristes » (Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine) et des communistes (depuis condamnés par le jugement de l’Histoire), leur juste dénonciation des oppressions politiques et économiques n’a de cesse : « Là, dans ma poitrine, brille l’amour des malheureux et des opprimés ». Le tableau de la vie politique contrariée du Tiers-monde est édifiant, à travers des personnages hauts en couleurs, des dialogues percutants, où dominent Camac, le syndicaliste communiste, l’un des rares à être un peu honnête et amical, mais aussi Maravi, Rosita et Estafilade, rivaux sans pitié dans la guerre pour le pouvoir sur cette fosse ignoble qu’est la prison, « pire qu’une nécropole ». Occupés par leurs éternelles et bavardes querelles idéologiques, les militants incarcérés ne parviennent pas à être doués d’une humanité que les droits communs du premier étage et les assassins du bas n’approchent jamais. La satire est alors sans concession, dénonçant la propension des gauchistes à l’étripage pseudo-intellectuel, et ne donne pas cher ni de leur capacité à renverser le fascisme, ni de leurs promesses politiques qui ne sont que du bla-bla dogmatique, avant de devenir, s’ils en ont les moyens, les formules de leur totalitarisme. Seul le narrateur, Gabriel, héros peut-être un peu idéalisé, en sa projection de l’auteur, fait preuve de générosité, et tente de se révolter contre les hiérarchies, les tyrannies que les gardiens, presque absents, ne veulent pas voir, à moins qu’elles leurs profitent, qu’ils s’en amusent. Car personne ne tente de porter remède à cette société qui survit dans une immonde et sadique promiscuité, les amours homosexuels se mêlant aux humiliations, les drogues à la prostitution, les meurtres aux suicides, parmi lesquels se détache le calvaire du « Pianiste », violé, devenu fou, puis tué… Ce bref roman initiatique est, en même temps qu’une épreuve pour le lecteur, un témoignage affolant, où l’apprend les rouages du vice et l’hypocrisie de l’idéologie. Si le récit s’achève sans apparence de sortie pour Gabriel, sur une acmé de meurtres sordides, Arguedas, lui, put n’effectuer là qu’un assez court séjour, bien suffisant pour le marquer à jamais. Que le destin nous épargne de telles expériences, à nous qui pouvons les lire dans la sécurité du documentaire et de la fiction…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      José Maria Arguedas n’aurait pas paru à ce point remarquable si Mario Vargas Llosa ne lui avait consacré un essai pertinent: L’Utopie archaïque. José Maria Arguedas et les fictions de l’indigénisme . Le régionalisme de Yawar fiesta devient universel si on considère ce livre, à l’instar de Vargas Llosa, comme « un plaidoyer contre la modernisation du peuple andin, une défense subtile et vigoureuse de ce qu’on appelle aujourd’hui le multiculturalisme ». Selon Arguedas, l’identité indigène, même apparemment barbare, ne doit souffrir aucune altération. Tout apport étranger, occidental et colonialiste est néfaste et ne vise qu’à dégrader le paradis perdu de la collectivité altruiste quechua… Hélas, ici pointe « l’utopie archaïque », bel oxymore qui oppose à une projection vers un avenir supposé meilleur la régression dans un passé brutal. La « fête du sang », symbole de la valeur d’une culture indigène qui s’est approprié la course de taureaux, n’est qu’un rituel machiste : bravoure, alcool, sang et mort. Certes, la corrida, reliquat du culte antique de Mithra, est de même nature, quoique raffinée par les siècles, par l’élégance des toréadors et la passion des aficionados. Mais à vouloir camper sur les champs barbelés de son identité culturelle, ne risque-t-on pas de refuser toute évolution, tout accroissement du capital technique et humain ? Si « désindianiser les Indiens » est le crime suprême, vouloir les confiner dans leur identité et les exclure de la modernité n’en est-il pas un autre ? Quant aux femmes, elles sont tellement absentes des romans, sauf pour être battues, humiliées, que la question de leur identité humaine est bien sûr superflue… « Peut-on imaginer une fiction qui, malgré sa dénonciation et son indignation devant les iniquités qu’infligent les « Mitsis » (blancs et notables) aux Indiens, soit plus conservatrice que Yawar Fiesta ? » conclut Vargas Llosa.

      À une lecture sociale par la lutte des classes se superpose une lecture culturelle par le choix de l’indigénisme. C’est ainsi que l’individu est réifié par des notions qui l’enferment. Peut-on voir là une des sources du malaise d’Arguedas ? Fils de blancs aisés, c’est parce qu’enfant il fut relégué parmi les serviteurs indiens et traité comme tel par sa marâtre, qu’il épousa la cause de l’indigène. Ethnologue, folkloriste, militant révolutionnaire, intellectuel anti-impérialiste, il devint au fil de ses livres, l’homme du « rejet de la civilisation urbaine, du marché, du monde industriel ». Il conspue « l’individualisme égoïste » comme un « phénomène de la ville ». Où donc l’universitaire Arguedas, pouvait-il trouver sa place si la nature et le collectivisme animiste sont des valeurs sine qua non ? Pour lui, même l’idéologie marxiste devint l’ennemie de cette magie andine qu’il idéalisait. Ce qu’il ressentait comme une trahison vis à vis d’un idéal de solidarité idéologique internationale. Même si, peut-être, le tableau idyllique perpétré par la propagande n’empêchait plus de voir sous le vernis idéologique les béances d’une répression que l’ampleur du Livre noir du communisme[3] n’avait pas encore révélé… Et sans doute, la situation politique complexe du Pérou, pétri d’oppressions, de fascisme et de barrières à la liberté d’entreprendre, ne laissait pas espérer de miracle…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    A ces contradictions, il faut ajouter l’équilibre psychique et affectif souvent compromis d’Arguedas, ses difficultés conjugales, sa conviction d’être « fini comme écrivain ». Parmi les lettres qu’il laissa survivre à son suicide, celle à son éditeur est significative : « Comme je suis sûr que mes facultés et armes de créateur, professeur et directeur de recherche se sont affaiblies au point d’être nulles et qu’il ne reste que celles qui me relègueraient à la condition de spectateur passif et impuissant de la formidable lutte que livre l’humanité dans le Pérou et partout, il ne me serait pas possible de tolérer ce destin. » Destin encore plus intolérable si Arguedas avait su que sa veuve, Sybilla Arredondo serait plus tard condamnée à la prison à vie pour avoir été l’une des dirigeantes du terroriste Sentier Lumineux…

     Ce sont, parmi une oeuvre riche d’une vingtaine de volumes, les seuls livres d’Arguedas publiés en français. Sans doute faudrait-il traduire El zorro de arriba y el zorro de abajo qui, bien qu’inachevé, tente de représenter le Pérou côtier et celui d’en haut, le Pérou d’aujourd’hui et celui d’un utopique archaïsme indien, non sans intégrer d’étranges « journaux » où l’auteur livre quelques-uns de ces démons intérieurs. Qui pouvait imaginer que, ligoté par ces aspirations, ses contradictions idéologiques, l’auteur, né en 1911, allait en 1969 se tirer une balle dans la tête, devant un miroir, dans les toilettes de son université ?

 

      Lire Arguedas, c’est au-delà du destin d’un homme et de celui du Pérou, s’interroger sur le difficile chemin vers la démocratie libérale de l’Amérique latine dont l’Histoire fut tiraillée entre fascisme et socialisme. Si certains états, le Chili, le Brésil, s’en tirent mieux, le Venezuela délire avec le caudillo gauchiste Chavez, admirateur de Fidel Castro, le Pérou peine à sortir de ses ornières, après avoir omis d’élire en 1990 le libéral Mario Vargas Llosa à la présidence…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

Les parties sur Hawar fiesta et sur Vargas Llosa ont été publiées

dans La Revue des deux mondes, mai 2001


[1] José Maria Arguedas : Les fleuves profonds, Gallimard, 1966.

[2] José Maria Arguedas : Tous les sangs, Gallimard, 1970.

[3] Le Livre noir du communisme, Robert Laffont, 1997 

 

Alcala de la Selva, Teruel, Aragon. Photo : T. Guinhut.

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Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

V bis Le fantôme du CouloirdelaVie.com

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De Natura rerum. Montée vers l’Empyrée

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V L'Hôtel-Monastère Santa Cristina

VI Le Club des tee-shirts politiques

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder ; Un été sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Seiobo est-descendue sur terre

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Histoire des pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Sonnets pour Hélène LXVIII Commentaire

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

Steiner

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

Trias de Bes

Encre, un conte symbolique

Encre

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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