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23 avril 2024 2 23 /04 /avril /2024 13:25

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Pléiade, poésie, poétique

 

& Belle liberté de Pierre de Ronsard :

 

commentaire littéraire.

 

 

La Pléiade. Poésie, poétique, édition de Mireille Huchon,

Gallimard La Pléiade, 1632 p, 69 €.

 

 

Bouquet céleste venu de la mythologie grecque, les Pléiades sont les filles de Pléione et d’Atlas, lesquelles furent métamorphosées en étoiles, et placées sur la poitrine du Taureau, l’une des douze figures du Zodiaque. Leur père ayant voulu lire dans le ciel pour découvrir les secrets des dieux, ainsi furent-elles châtiés. Elles étaient sept, à savoir : Alcyoné, Astérope, Céléno, Electre, Mérope, Taygeté, et Maïa, la plus brillante enfin. Ils étaient sept également, lorsqu’au XVIème siècle, sous le règne d’Henri II, effaçant leur premier nom de groupe, « La Brigade », ils choisissent de renouveler le geste antique de sept poètes alexandrins pour s’affirmer en nouvelle « Pléiade », sous l’égide de Ronsard, avec, à ses côtés, Du Bellay, Jodelle, Baïf, Pelletier, Belleau, Tyard, auxquels l’on ajoute souvent Dorat, grand helléniste. Ainsi surent-ils donner un lustre jamais vu à la poésie française. Lors faut-il saluer cet indispensable et généreux volume, à la conception originale, intitulé La Pléiade. Poésie, poétique, réunissant plus que sept complices, prolixe en poèmes, théâtre et traités de poétique, fourmillant de textes rares, dont cette Deffence et illustration de la langue française, rédigée avec ferveur par Joachim du Bellay et jusqu’alors introuvable. De ce septuor, le plus brillant est sans conteste Pierre de Ronsard, et dont non lirons avec un soin que l’on espère précieux, le sonnet « Ah ! Belle liberté » au moyen d’un commentaire littéraire.

Curieusement, parmi ce pléiade de La Pléiade, sous l’autorité de Mireille Huchon, les textes ne sont pas classés par auteurs, ce qui pourrait désarçonner le lecteur, obligé de parcourir la table des matières pour réconcilier leurs œuvres. Pourtant une autre cohérence les rassemble. C’est l’ordre chronologique de parution de chacun des sept contributeurs qui est retenu, indépendant du genre, poésie, théâtre, essai. Ainsi l’on découvre qu’en une seule douzaine d’années, entre 1547 et 1560, une floraison exceptionnelle orne les lettres françaises. Françaises d’autant plus qu’il y faut à Joachim du Bellay en prendre la « deffence » en un manifeste, pour lui réclamer sa noblesse face à l’encore omniprésent latin, scholastique et sacré. Un peu à l’instar des « trois couronnes » de la langue italienne – Pétrarque, Dante et Boccace – ils fécondent notre langue, avec des créations lexicales venues du grec et du latin et autres dérivations. De ces trois auteurs transalpins ils retiennent le modèle, cultivant l’humanisme,  le pétrarquisme et le lyrisme. Une originale imitation des Anciens leur permet de dépasser l’héritage et les genres médiévaux, auxquels ils préfèrent l’ode, le poème épique et la tragédie, mais également le sonnet italien et l’alexandrin. Aussi L’Olive, recueil du sonnettiste Joachim du Bellay, remporte-il en 1550 un vif succès. Mais à Lyon, entre 1549 et 1552, la poésie amoureuse de Pontus de Tyard se fait remarquer, tandis que son cousin Guillaume Des Autels, dispute des genres littéraires. La voie est tracée pour Pierre de Ronsard, avec ses brillants Amours de Cassandre, en 1552 et 1553, de surcroit ceux de Baïf, et la première tragédie française à l'antique, par les soins de Jodelle : La Cléopâtre captive de Jodelle, sans compter le scandale des « Folastries », car l’on reproche volontiers à ces poètes des vers dignes des bacchanales et autres priapées. C’est à ce moment qu’avec Le Cinquième Livre des Odes, dans une édition augmentée, Ronsard comprend en son élégie à Jean de La Péruse, sa sélection de poètes, même si le mot « Pléiade » n’y figure pas encore. Il faut attendre 1555 pour qu’il apparaisse dans l' « Hymne à Henri II », avec une liste revue, car La Péruse n’est plus de ce monde : Belleau « vien[t] en la brigade / Des bons, pour acomplir la setiesme Pliade ». Tyard avoue ses Erreurs amoureuses. Ronsard et Baïf offrent de nouvelles dames à leurs vers. Et nonobstant ces deux seules mentions, le variable septuor, père d’une cinquantaine de recueils, et leur conjonction astrale firent florès dans l’histoire littéraire…

Bientôt, la consécration surgit de la Rhétorique de Foclin – soit la première rhétorique moderne – car ses exemples sont tirés des textes de cette nouvelle Pléiade. Près de cinq siècles plus tard, notre volume donne à lire des pièces poétiques célébrissimes, d’autres plus confidentielles, déploie pour le plaisir de notre intellect les débats poétiques et linguistiques. Outre la « Deffence », c’est ici abondance d’art poétique répondant en français à l’antique Horace, de tragédies et d’une comédie fondatrices, sous la plume avisée d’Etienne Jodelle… L’on aura même connaissance enfin des réactions des contemporains, entre « polémiques et témoignages ». Par exemple, d’un certain Macer, en 1577, une venimeuse Philippique contre les poëtastres

Le dialogue entre Ronsard et Du Bellay, amis et rivaux à la fois, ne cesse de se poursuivre, par exemple au travers d’une élégie dans laquelle le poète de la La Franciade parle au spectre – horriblement décrit – de l’auteur des Regrets, tout en l’assurant que c’est lui, Ronsard, qui le premier l’enhardit et lui forma « la voix / À célébrer l’honneur du langage François ».

L’on se délectera des nombreuses allusions à l’Antiquité, en particulier mythologiques, venues de l’étude d’Horace, Virgile ou Ovide, ou encire du « Démon de Jodelle[1] », peut-être le plus talentueux, et jeune de surcroît ; ainsi l’on peut constater, en quelque sorte en direct, combien « nostre Langue, qui commence encores à fleurir, sans fructifier », ce au chapitre trois de La Deffence, n’a cessé de donner les plus beaux fruits : « tout Arbre qui naist, Florist et Fructifie bien tost […] a longuement travaillé à jeter ses Racines ». En effet, en sus d’user de l’ode et du sonnet, le « Poëte Françoys » ne doit craindre « d’inventer des Motz ». D’un tel programme, le profus et élégant  Joachim du Bellay fait la démonstration dans ses Cinquante sonnets à la louange de l’Olive :

« Orne mon chef, donne moy hardiesse

De te chanter, qui espère te rendre

Egal un jour au Laurier immortel. »

Nul n’ignore en parcourant ce volume que le thème privilégié est amoureux et donc lyrique. Pontus de Tyard n’échappe pas à cette emprise :

« Au long discours de ma libre pensée

Raison vivoit, et Amour, son contraire

Taschant tousjours de son costé m’attraire »

À l’instar de Jean-Antoine de Baïf, dont la « Muse Françoise, ores dresse la teste », Ronsard aime autant, sinon plus, sa « lire » (entendez sa lyre) que les dames successives de ses Amours, bien qu’il soit « trop heureux, / D’avoir au flanc l’aiguillon amoureux ».

D’étonnantes pièces sont ici exhumées, tel ce Dialogue moral, en décasyllabes, de Guillaume des Autels, dont les allégoriques personnages sont le Ciel, l’Esprit, la Terre, la Chair, l’Homme, en une gradation descendante invitant à l’humilité.

S’il s’agit d’une anthologie, parfois illustrée de portraits et de frontispices en noir et blanc, la Déffence et les poétiques, ainsi que les pièces de théâtre sont données dans leur intégralité. C’est le cas de la comédie d’Eugène de Jodelle, ou, du même, la Cléopâtre captive, finalement « blesme et morte couchée / Sans qu’elle fust d’aucun glaive touchée ». Mais aussi de la vengeresse Médée, de Jean de la Péruse, deux ancêtres irréfutables de la tragédie du Grand siècle classique. De même l’intégralité de la Poétique d’Horace, traduite par Peletier du Mans, rejoint les pédagogiques et ordonnés Art poëtique françois de Thomas Sébillet ainsi que celui de Peletier du Mans. Pour ce dernier les vers du sonnet doivent être justement « quasi tout filososofique en conceptions ».

Et lorsqu’une certaine frustration agacera le lecteur face à ces bribes ronsardiennes, l’on ne manquera de lui proposer pas de compléter avec la nouvelle édition en un élégant coffret des Œuvres complètes de Ronsard[2].

Un tel volume de la pléiade, qui mérite deux fois son nom, est emblématique de la collection. L’on se doute qu’avec son soin coutumier une préface scrupuleuse, érudite, et une chronologie insèrent ces textes dans le contexte historique du milieu du XVIème siècle, où les allégeances au roi sont quasiment obligées. N’omettons pas de noter que l’orthographe et le « Languaige » du temps sont respectés, toutes obscurités plus ou moins légères ponctués de notes de bas de page pour aider à l’entendement de l’honnête homme de notre contemporain.

Et malgré notre goût immodéré pour Les Antiquités de Rome de Joachim du Bellay, rien de tel que de plonger, au moyen d’un commentaire littéraire, dans un sonnet pour Hélène, de Pierre de Ronsard, dont nous donnons ici les vers in extenso :

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 

LXVIII

 

Ah ! belle liberté, qui me servais d’escorte,

Quand le pied me portait où libre je voulois !

Ah ! que je te regrette ! Hélas, combien de fois

Ai-je rompu le joug, que malgré moi je porte !

 

Puis je l’ai rattaché, étant né de la sorte,

Que sans aimer je suis et du plomb et du bois,

Quand je suis amoureux j’ai l’esprit et la voix,

L’invention meilleure et la Muse plus forte.

 

Il me faut donc aimer pour avoir bon esprit,

Afin de concevoir des enfants par écrit,

Pour allonger mon nom aux dépens de ma peine.

 

Quel sujet plus fertil saurais-je mieux choisir

Que le sujet qui fut d’Homère le plaisir,

Cette toute divine et vertueuse Hélène ?

 

                                             Pierre de Ronsard

 

 

Commentaire littéraire :

 

Ah ! belle liberté.

 

 

« Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème »… C’est ainsi qu’en 1674 Boileau, dans son Art poétique, œuvre didactique et critique en alexandrins, louait le sonnet dont il connaissait la difficulté, au point de ne guère s’y risquer, surtout après Ronsard, même s’il l’avait laissé dans l’oubli. Le maître de la Pléiade, né en 1524 et mort en 1585, s’il n’eut pas le bonheur d’égaler Homère en concevant son épopée La Franciade, qu’il laissa inachevée, ne manqua pas d’y faire allusion parmi ses plus grandes réussites lyriques : Les Amours, parmi lesquelles se détachent, après les vers consacrés à Marie et Cassandre, les Sonnets pour Hélène (1578), dont nous allons étudier le LXVIII. En quoi l’opposition entre la liberté et l’amour permet-elle en ce sonnet l’éclosion lyrique la plus achevée ? Le poète, libre, puis prisonnier, met son lyrisme amoureux au service d’Hélène afin de concevoir un sonnet pétrarquiste et caractéristique de la Pléiade.

Le poète se livre en quelque sorte à un autoportrait. D’abord attentif à sa liberté, heureux d’en être escorté, voyageant à pied, en une synecdoque où le pied n’est mentionné que pour dire l’entier de sa personne, il fait de cette allégorie, dont il loue la beauté, une compagne bienveillante. Cette éthopée, ou portrait moral, est hélas l’objet d’un regret. Le registre élégiaque associé à la liberté perdue, accentué par l’anaphore exclamative de « Ah ! », prépare la « peine », elle plus pathétique.

La « liberté », en quelque sorte féminisée, mais comme une amie fidèle, qui n’a d’abord rien d’inatteignable et qu’il tutoie, est à l’antithèse face au « joug ». Cette métaphore agricole et bovine, une animalisation, montre combien l’amour le lie, car « étant né de la sorte », une fatalité l’entraîne à aimer, génétiquement dirait-on aujourd’hui. Pourtant le joug, qui est fait de bois, se trouve positivé lorsqu’il est opposé à « du plomb et du bois », métaphores et chosifications de son incapacité créatrice lorsqu’il est libéré de l’amour. Ainsi un nœud complexe enserre le poète, attaché à la liberté, plus encore attaché à l’amour qui libère sa « Muse » créatrice. Muse qui est également celle qu’il aime et qui l’inspire, permettant alors à son identité de poète de se constituer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce n’est qu’au dernier vers, à la chute, que l’on apprend l’identité de l’aimée : Hélène. Nous savons qu’il s’agit d’Hélène de Surgères, dame de la Cour, bien jeune pour celui qui frôle la cinquantaine, âge déjà vénérable au XVI°. Seuls les vers du poète, probablement en vain, sauront la séduire. Cet amour restera en effet platonique. D’où le lyrisme, l’intimité du sentiment personnel et de ses pronoms, tiraillé entre « plaisir » d’ « aimer » et de louer, et « peine », discrètement pathétique. Le lyrisme se fait chant sublime lorsqu’il fait l’éloge, par l’hyperbole, de « Cette toute divine et vertueuse Hélène ».

La prosopographie, ou portrait physique, est implicite puisque, dans l’Iliade  d’Homère, elle est la belle plus femme du monde -après Aphrodite, certes-, au point qu’enlevée par Pâris, elle fut l’enjeu de la guerre de Troie. L’éthopée, elle, est explicite, au point que « toute divine et vertueuse », elle soit une pure perfection morale. Ce non seulement dans une perspective platonicienne, où le beau, le vrai et le bien confluent en une seule entité et essence, mais aussi dans le cadre de la tradition pétrarquiste. Hélène est en effet idéalisée à l’image de Laure, dans Le Chansonnier de Pétrarque. L’argumentation amoureuse épidictique caresse de termes mélioratifs cette Hélène de Surgères avantageusement comparée à celle d’Homère. Ce pourquoi la question rhétorique n’attend qu’une évidente réponse : elle est bien le « sujet plus fertil ». Sans compter l’insistante répétition du mot « sujet », qui en montre la noblesse.

 Une autre argumentation, cette fois poétique et esthétique, innerve le sonnet. Au passé révolu de la liberté stérile, succède le présent de l’amour enchaîné et de l’écriture qui lui est consubstantielle. En conséquence, aimer est nécessaire à la création versifiée. C’est à la volta, cette charnière argumentative entre les deux quatrains et les deux tercets, que le poète soutien sa thèse : « Il me faut donc aimer pour avoir bon esprit ». Bon esprit, au sens de la courtoisie, du savoir aimer, mais aussi de l’intellect apte à la création esthétique et littéraire de qualité. Certes Ronsard a bien les moyens de sa prétention. Son programme esthétique, ici délibératif grâce à l’injonction à soi-même adressée, est à la fois théorisé et mis en œuvre au moyen de la preuve de sa réussite : le sonnet que nous lisons. Il est, après le verbe « concevoir » à double sens, l’un de ses « enfants par écrit ». La métaphore filée compense avantageusement l’absence de réalisation charnelle de l’amour par la naissance de poèmes ainsi personnifiés. Le « nom », synecdoque du poète, trouve ainsi sa perpétuation, voire son immortalité.

C’est parce que Ronsard, au sein de la Pléiade, a choisi le sonnet, amplifié par le choix alors moderne de l’alexandrin, au détriment du décasyllabe, que sa poésie prend toute son ampleur. Mais au moyen d’un texte que ses contraintes formelles, entre rimes masculines et féminines, entre même sons répétés à la rime quatre fois dans les quatrains, mais surtout sa concision, le passage obligé de la volta, la pointe à la chute, rendent autant séduisant que risqué. Le défi formel, intellectuel et musical (« la voix »), orné d’images évocatrices, rend chez Ronsard le sonnet irremplaçable. Depuis l’invention de ce bijou en quatorze vers par un sicilien anonyme au XIII° siècle, en passant par Pétrarque qui le popularisa en plus de trois cents variations en l’honneur de Laure, par Du Bellay et ses Regrets, par Baudelaire en ses Fleurs du mal, jusqu’à Bonnefoy aujourd’hui ou Vikram Seth, dans Golden gate[3], un avenir est toujours ouvert au sonnet, en ses métamorphoses…

Le mouvement littéraire de la Pléiade, autour de ses sept poètes, et de la Défense et illustration de la langue française de Du Bellay, n’est pas pour rien dans cette évolution. La langue de Ronsard en ce 68ème sonnet pour Hélène est encore la langue française, élégante et raffinée, d’aujourd’hui. Sa dimension humaniste est marquée une utilisation efficace des allusions mythologiques, depuis Hélène de Troie jusqu’à la « Muse », allégorie de l’inspiration poétique, probablement Erato, l’une des neuf sœurs nées de Zeus et de Mnémosyne, déesse de la mémoire, elle consacrée à la poésie érotique et amoureuse. Être moderne en fondant une langue, en rejetant la poétique médiévale, ne se fait qu’en s’appuyant sur la connaissance de l’antique, ce dans le cadre culturel de la Renaissance. Cultivé et cependant touchant, ce sonnet de Ronsard est autant un régal intellectuel qu’une émotion du cœur, une réussite esthétique.

Du lyrisme élégiaque à l’éloge amoureux, de la confrontation entre la liberté perdue et la prison d’amour d’où s’envolent les poèmes, Ronsard allie éloge de son Hélène et mise en scène de la création littéraire. L’imitation des Anciens n’est plus stérile, c’est un acte « fertil », où pétrarquisme et humanisme fondent en la Pléiade toute la modernité de la Renaissance. C’est après avoir franchi les Alpes, entre Pétrarque et Ronsard, que le sonnet franchira la Manche : les 154 Sonnets de Shakespeare sauront en 1609 aimer un jeune homme blond, une dame brune, pour figurer le tableau le plus blond, et le plus noir, des passions humaines…

 

 Thierry Guinhut

 Une vie d'écriture et de photographie

 

Photo : T. Guinhut.

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11 avril 2024 4 11 /04 /avril /2024 15:08

 

Cathédrale Saint-Pierre, Saintes, Charente-Maritime.

Photo : T. Guinhut.

 

 

Miscellanées littéraires :

Patrick Cloux, Odile Massé, Richard Canal,

Mary Elizabeth Braddon,

William Chambers Morrow, James Morrow,

Sarai Walker, Andreï Guelassimov,

Nino Haratischwili & Sofronis Sofroniou.

 

Patrick Cloux : La Bibliothèque gelée,

La Part commune, 2023, 104 p, 16 €.

Odile Massé : Forêt des mots, dessins de Paul Pignol,

L’Atelier contemporain, 2022, 160 p, 20 €.

Richard Canal : Cristalhambra, Mnémos, 2023, 304 p, 21,5 €.

Mary Elizabeth Braddon : La Bonne Lady Ducayne,

traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Jacques Finné, Corti, 2024, 80 p, 13,50 €.

William Chambers Morrow : Dans la pièce du fond,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Baptiste Dupin, Finitude, 2022, 192 p, 19 €.

James Morrow : Lazare attend,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sara Doke, Au diable vauvert, 2022, 496 p, 21 €.

Sarai Walker : Les Voleurs d’innocence,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Janique Jouin de Laurens, Gallmeister, 2023, 624 p, 26,40 €.

Andreï Guelassimov : Purextase,

traduit du russe par Raphaëlle Pache, Editions des Syrtes, 2023, 344 p, 23 €.

Nino Haratischwili : Le Chat, le Général et la Corneille,

traduit de l’allemand par Rose Labourie, Belfond, 2021, 592 p, 24 €.

Sofronis Sofroniou : Fonte brute,

traduit du grec (Chypre) par Nicolas Pallier, Zulma, 2023, 368 p, 23,50 €.

 

 

 

Selon le Dictionnaire de l’Académie françoise de 1776,  les miscellanées sont « un recueil de différents ouvrages de science, de littérature, qui n’ont quelquefois aucun rapport entre eux ». En effet, ce seront là dix éclats de lumières jetés sur un autel littéraire, au moyen de minces articles – mais pas forcément consacrés à de minces livres – que leur format presque lilliputien ne permettait pas de voir publiés sur ce blog, mais qu’il fallait rédimer, pour les offrir à la curiosité du lecteur, voire à quelque secrète lectrice qui en serait charmée. Ils ont le plus souvent, et de loin en loin, été publiés dans Le Matricule des anges, au risque d’avoir été oubliés. Les voici peut-être rédimés. Et puisque qu’aucune cohérence ne les relie, nous adopterons une démarche centrifuge, en partant de quelques Français, Patrick Cloux (ici bien inédit) et Odile Massé, en passant par des Anglais et une Américaine, sans oublier deux homonymes anglo-saxons, une Macédonienne, jusqu’à deux lointains Russes et un Chypriote. L’intime et le soin du langage côtoient ici le Space opera de la science-fiction, le gothique sentimental joue avec le fantastique du plus bel aloi, voire le surnaturel théologique ; quand le conte familial tragique culbute les mariages un brin burlesques, les trépidants souvenirs d’un rappeur et les désastres de la guerre, ou encore les structures labyrinthiques et oniriques du récit…

 

 

 

Patrick Cloux : La Bibliothèque gelée.

Un beau titre, quoique inquiétant, c’est le dernier opus de Patrick Cloux, intitulé La Bibliothèque gelée. Dont les livres vivent bien plus longuement que les humains qui les écrivent, les impriment, les publient, les lisent, les collectionnent. Que reste-t-il d’une femme aimée pendant quarante ans, face à la bibliothèque où elle a puisée ? Alors que disparue ne demeure, quoique en notre « part commune » (pour reprendre l’éditeur) aucun de nous ne demeure, que l’auteur du roman, ou plutôt le narrateur de ce récit, de cette confession intime, élégiaque et émouvante : « Nos livres préférés en sont devenus fades » pour « un homme fatigué corroyant son passé en une impasse où la vérité décline ».

Une fois de plus, il sait « marcher à l’estime », pur reprendre l’un de ses précédents titres[1]. Sans ordre apparent, sinon celui de l’émotion, Patrick Cloux égrène et conjoint des souvenirs de celle qu’il aimait avec des allusions livresques venue d’étagères choisies. Sa femme « ma courageuse aux dix mille nuances », n’est plus. Aussi avoue-t-il : « Ma vie a pris une couleur monochrome ». Comme en un reflet du passé, une purgation, il s’attelle à « reclasser et interroger dans les combles les restes de notre bibliothèque commune ». Les livres ne sont pas suffisamment salvateurs, croisant Kafka, les romantiques allemands, alors que « la parole nous fut un exutoire magique ». Toujours cependant, « les livres m’élisent comme un frère »…

Si le deuil marque la temporalité des êtres, peut-on avoir confiance en l’intemporalité de la littérature ? Avec la plume de Patrick Cloux, rien n’est moins impossible…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Odile Massé : Forêt des mots.

Quoique laconique, le titre dit assez l’intrication entre un espace et le langage, de plus la métaphore qui les unit : Forêt des mots. Une alternance de brèves proses et d’un vaste flux de vers libres compose ce qui est moins un recueil qu’un poème au long cours. Nous voici dans une forêt obscure dantesque mais sécularisée, dans laquelle s’aventurent des êtres parlants. Une tribu disparate avance dangereusement, frayant son chemin parmi les arbres à la manière de qui s’avance parmi les dangers du langage, « taraudant la moelle avec fureur ».

Le déroulé poétique parait puiser au fonds le plus ancien des littératures. En un conte mystérieux, l’on croise « la maison de l’ogre », les protagonistes sont « tourmentés par l’attente des loups ». Cependant le récit et son flux de paroles est intemporel ; il s’embrase par instants de lyrisme, il bruit de polémique et d’ironie, non sans véhiculer une ardente satire contre notre modernité.

Les paroles sont vivantes, « comme autant de lianes », les voix s’entremêlent, c’est « une mission d’enfer », tandis que le bavardage et l’urgence poétique parcourent les pages avec une intense vibration, dénonçant au passage les clichés et les attentats contre la langue, mais aussi son « leurre ». L’on croirait lire une fatrasie, une épopée de l’humanité à l’incertain destin. Parfois, dans la course et la rumeur langagière, des aphorismes signifiants pointent leur nez : « Qui n’a plus de mémoire n’a pas de devoirs ».

À la voix singulière d’Odile Massé sont associés les expressifs et dansants graphismes et sanguines arbustifs de Paul de Pignol qui illustrent cet ouvrage : le seul reproche que l’on puisse leur faire, c’est d’être trop peu nombreux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Richard Canal : Cristalhambra.

Space opéra, puissances politiques, ordre religieux, Richard Canal fait feu de tout bois pour alimenter sa science-fiction multi-planétaire, situé dans les sphères de Cristalhambra.

Parmi les huit « Quadrants », règne la Chancelière Farida Dontzen, dont l’univers est menacé par la chute de la planète « Déloria » sous les coups de l’énergie infinie des « mornes », non sans que les réseaux de la « Trame » soient également attaqués. Voilà le résultat de « l’essaimage de l’humanité à travers le vide intersidéral » et de la duplication des individus « dans l’Analog Word sous une forme solide, la personna ». De surcroit la mort prochaine de celui qui espérait l’immortalité, Kuniaki Toshigawa, maître du plus riche Quadrant, risque de faire s’écrouler la coexistence des puissances. À l’occasion de ce personnage, la culture japonaise est omniprésente. Cédant à la glace, « Cristalhambra, la ville vertige » est le reflet de cet équilibre menacé. Et qui sait si les âmes rejoindront la planète « Animamea » ? C’est l’enjeu d’un vaste conflit religieux, y compris avec les Templiers qui fomentent d’éliminer la Chancelière. Entre les adeptes de la « Congrégation du Retour » sur terre et les expansionnistes, le sort de l’empire est fort disputé. Un enfant, nommé Inti, va jouer un rôle prépondérant, car investi d’une mission par la ville…

Il y a plus de guerre que de paix dans cette monstrueuse épopée. L’orgueil et les dissensions économiques sont le signe qu’un tel roman est une métaphore de notre monde. En cinquante chapitres aux noms de personnages alternés et récurrents, la narration progresse jusqu’à l’épilogue avec la mécanique heurtée d’une horloge atomique. Peut-être Richard Canal, tant son imagination bouillonne, est-il le digne émule de Dan Simmons[2] dont la tétralogie d’Hypérion est probablement le plus ample et le plus subtil joyau de la science-fiction contemporaine…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mary Elizabeth Braddon : La Bonne Lady Ducayne.

Qui sait si nous sommes dans un roman à l’eau de rose ? Mais une eau peut-être teintée de pourpre, celle du sang. Car la Cendrillon du récit, la jeune londonienne Bella, doit se résoudre à devenir demoiselle de compagnie auprès de « la Bonne Lady Ducayne »,  pour contrer sa pauvreté et celle de sa mère, au péril de sa vie, quoiqu’elle n’en ait pas le moins du monde conscience.

Engagée par une fort vieille dame, « la rêveuse romantique » est derechef embarquée dans un voyage en Italie, qui lui « avait toujours paru utopique ». L’euphorie est au rendez-vous parmi les paysages méditerranéens. Mais le plaisir de Bella s’émousse : n’est-elle pas moins en forme ? Pendant que Lady Ducayne affecte une vieillesse indécente sous son « masque parcheminé », elle est assistée par le docteur Parravicini, qui la contemple en « artiste qui ressentait une immense fierté devant sa création ». Ce dernier panse également des piqures de moustiques « au sommet d’une veine » de la jeune fille, dont les prédécesseures ont vu leur santé décliner jusqu’à la mort. Les cauchemars et la mélancolie l’oppressent. Herbert Stafford, bien plus jeune médecin, qui avec stupéfaction reconnaît sur le bras blessé la marque d’une « saignée », saura-t-il veiller sur elle et sur son cœur ?

Auteure aussi originale que prolifique de roman policiers, Mary Elizabeth Braddon (1835-1915), aime cependant à flirter avec le conte, voire le fantastique, ce dans la tradition du courant gothique. C’est en effet, en 1896, soit un an avant le Dracula de Bram Stocker[3], dont elle était l’amie, une délicieuse variation sur le thème du vampirisme. Elle use d’une écriture vivante et colorée, d’un art du suspense consommé, non sans le sens de l’ironie, parfois ravageur. De ce côté de la Manche, une victorienne trop ignorée, en somme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

William Chambers Morrow : Dans la pièce du fond.

Traduit par un homonyme du détective Dupin créé par Allan Edgar Poe, voici entre ce dernier, Lovecraft et Stephen King, un chaînon manquant à redécouvrir. William Chambers Morrow (1854-1923) est l’inventeur d’un genre oxymorique : le fantastique policier, auquel il excelle parmi dix nouvelles. Leurs titres sont tout un programme : « L’automate hanté », « L’ombre fatale », « L’étrangleur écarlate ». Parmi une telle compagnie, « La femme dans la pièce du fond », qui donne son titre au recueil, acquiert son poids de mystère morbide.

Notre nouvelliste aime les automates : l’un répète : « Je suis hanté » pour jouer un tour à son acquéreur, un riche et vieil alcoolique qui séquestre sa nièce ; l’autre est un maléfique pendu qui s’anime à l’heure dite dans une pendule. Son sosie, qui a « le meurtre sur le visage », prend le temps de boucler le cycle de la vengeance. Non loin de là, les phrénologues discernent dans le crâne d’un jeune garçon, qui se trouve être le narrateur, le profil d’un « meurtrier », quoique moins virtuose que cet « étrangleur » au bras serpentiforme. C’est en glissant le doigt jusqu’au cerveau d’une victime que la fille du chirurgien découvre son identité, voire la criminelle… Le détective nommé Rutan est à la recherche d’un homme monstrueux et d’une femme fascinante qui sera victime d’un énorme python. Le principe du mal est-il humain ou animal ?

Les récits scrupuleux montent en puissance jusqu’à une amé palpitante, une chute surprenante. Angoisse, tension, folie, tout accuse un crescendo redoutable, non sans ironie lorsque le narrateur joue avec le suspense et avec les nerfs de son lecteur.

James Morrow : Lazare attend.

Venu des temps bibliques, Lazare, opportunément ressuscité par le Christ, s’offre une nouvelle résurrection sous le clavier impertinent de James Morrow. Prétendant que son histoire ancienne était un « tour de magie », le voici réincarné en « Larry » à New-York dans les années soixante. Un cinéma diffuse une pornographique « Salopmé » et autres « films bibliques à succès », il découvre Freud et les comics de super-héros.

Après un tel prologue, reprenant le fil de sa mémoire, il est forcé de fuir la Judée. Nouveau « Juif errant », il trouve refuge avec les deux Marie et Madeleine sur un bateau somptuaire égyptien, dont le timonier est un automate à tête de crocodile, qui use d’un « globe de vision ». Vaisseau spatial et temporel, « chevauchant frénétiquement le calendrier », il permet un voyage parmi des temps et des personnages hallucinants, entre Rome et Alexandrie, gladiateurs, thuriféraires d’Astarté, et une philosophe épicurienne, Celaeno, qui devient un moment l’épouse de Lazare, avec lequel elle met en œuvre  une bibliothèque philosophique.

Nos « chrononautes » filent vers l’époque de Constantin, pour, à l’aide de stratagèmes messianiques et prédictions, contribuer à sa victoire contre Maxence, permettant au Christianisme de devenir religion officielle, puis vers le Concile de Nicée, ou, malgré la « folie meurtrière » ambiante, les « hérésies et hystéries », Lazare espère en une tolérance universelle.

Prolifique, l’Américain James Morrow déplie le surnaturel jusqu’en des proportions cosmiques et chronographiques démesurées. Il fait feu de péripéties rocambolesques, d’une culture encyclopédique pour développer une dystopie fantasque, ce dont témoignent ses titres : L’Arche de Darwin ou La Trilogie de Jéhovah. Avec une écriture riche et intelligente, il est le maître de la science-fiction historique et théologique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sarai Walker : Les Voleurs d’innocence.

Un bouquet de jeunes filles… Elles sont six et portent des prénoms floraux. L’on sait pourtant que les fleurs sont mortelles. Car au sein de ces sœurs refermées sur elles-mêmes, une malédiction frappe la féminité. Malgré la prospérité qui comble cette famille américaine, au sortir de la deuxième Guerre mondiale, une chape de plomb sexuelle pèse sur les consciences.

Appelée « le gâteau de mariage », l’immense villa victorienne est sous l’égide du père, un immense industriel de l’armement, et de la mère, Belinda, douloureusement égarée, dont « le mariage en lui-même s’était révélé être la plus grande des indignités, à la façon qu’avait eu son mari de se servir de son corps pour son propre plaisir et de la tuer à petit feu avec cette grossesse ». Elle est viciée par l’odeur des roses, obsédée par des fantômes, des visions prémonitoires annonçant la mort de l’aînée, Aster, si elle commet son mariage ; puis après la conséquence sanglante de la nuit de noces, celle de la seconde, Rosalind, qui ne tient en rien compte de l’avertissement. Car, selon Iris, « notre lignée maternelle est un collier enroulé si serré autour de notre cou qu’on ne peut pas respirer ». Ce qu’illustre une comptine du village voisin : « Les sœurs Chapel : / d’abord elles sont mariées / Puis elles sont enterrées ». Hors de cette villa, en une frappante antithèse, le luxueux univers newyorkais semble permettre une vie rêvée avec un homme : « C’est quoi la vie sans amour ? », demande Zélie avant de succomber à son tour.

Les « voleurs d’innocence » du titre sont à n’en pas douter, mais avec une généralisation abusive, voire dommageable, les hommes : père aux armes meurtrières, « un nuage de pollution morale », maris sacrifiant leurs épouses sous la violence de leur sexualité. Daphne semble en passe d’y échapper car cultivant les amours saphiques ; pourtant elle préfère se noyer. Est-ce la pression sociale, le mythe de la famille heureuse avec des enfants, qui poussent Zélie à sauter le pas ?

Dans un cadre réaliste, le fantastique rôde autour de la maudite Belinda, des plus jeunes attendant le retour de l’esprit de leurs sœurs, alors que la tragédie fauche ses proies, sans pitié pour les plus enjouées, pour les plus douées, comme Calla écrivant des poèmes à la façon d’Emily Dickinson.

Seule la narratrice, Iris, sait échapper à la fatalité, à l’hécatombe. Elle devient l’allégorie de l’accession des femmes à la liberté et à la créativité, au travers de la découverte de l’expressionnisme abstrait, de la nécessité de peindre non plus les objets et les personnes, mais les sentiments. Puis de ses amours avec Lola. À cette occasion, le roman prend un nouvel envol, remarquable. Devenue célèbre, sous le nom de Sylvia Wrenn, elle pratique une peinture florale sexualisée, non sans faire penser à Georgia O’Keeffe, et rédige enfin ses souvenirs dans ses carnets.

Construit comme une tragédie grecque, où l’on lutte contre un implacable destin, le roman progresse au moyen de vastes tableaux vigoureux et sensibles, de détails signifiants, de portraits tendres, effrayants et affutés, d’un suspense récurrent. La mise en abyme de la création artistique n’est sa moindre qualité. Chronique sociale, conte gothique, apologue féministe : toutes ces dimensions irriguent le volume prenant de Sarai Walker, qui s’illustra avec (In)visible[4]. Au sein d’une trame policière, cet autre roman interroge les critères de beauté de notre société occidentale. Exagérément ronde, Prune est happée parmi la clandestine « Fondation Calliope » dont les femmes rejettent les diktats sociétaux. Quel prix chirurgical et mental payer pour devenir belle ? Une guérilla terroriste aura-t-elle raison des auteurs de violences contre les femmes ?

Rumena Buzarovska : Mon cher mari.

C’est à un jeu de massacre tour à tour hilarant et amer que se livre l’écrivaine macédonienne Rumena Bužarovska. Son titre, Mon cher mari, est à lire par antiphrase, tant l’ironie est à fleur de récit.

Très vite, l’admiration, la passion se sont fanées. Là où la vie conjugale n’est pas semée de roses, mais d’épines, ils sont tous plus ou moins ridicules, comme le « poète », vaniteux bien entendu, menteurs, alcooliques, brutaux, usant sans vergogne de « l’adultère ». Sans oublier « le gynécologue qui peint des chattes », dont la prétention artistique agace Madame. Elles sont parfois poètes, peintres, en dépit des vexations subies. Le sens de l’observation, l’écriture piquante et enlevée assurent le lecteur d’un plaisir immédiat et durable. Ainsi le temps du romantisme a irrémédiablement laissé place à un réalisme cruel.

Cependant, moins qu’un recueil de nouvelles, il s’agit d’une fresque de société aux onze facettes. Et ne croyez pas qu’il ne s’agisse que d’un brûlot féministe : ces dames, bien que narratrices, subissent en creux les égratignures de la satire. Elles ne sont guère parfaites en effet, tant l’une brandit « la pelle au-dessus de [sa] tête » pour commettre l’irréparable à l’encontre d’un type abject, tant l’autre est aussi « méchante » que son fils, en vertu des « gènes » ; la dernière se couvre d’un symbolique « vomi » avec son amant de passage en pensant : « Boban, mon mari bien-aimé, l’amour de ma vie ». L’un des moindres mérites d’un tel ouvrage n’est pas le sens de la chute, surprenante, cinglante, humoristique, permettant une efficacité redoutable. Et il ne faut pas omettre la verve de la traductrice, Maria Bejanovska, qui sut aussi révéler le Serbe Milorad Pavić.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Andreï Guelassimov : Purextase.

Le bruit du rap, la fureur de la guerre, le désordre russe, tout concourt à faire de ce roman un phénomène de génération. Si l’action parait se dérouler en 1996, ce sont toutes les années quatre-vingt-dix qui sont ici prises en écharpe, mais aussi, plus tard, en 2016, l’Allemagne de Dortmund, au moyen des souvenirs d’un célèbre rappeur. Qu’il s’appelle Pistoletto, Tolia ou Booster, selon ses divers pseudonymes et selon les trois parties successives du roman, le narrateur traverse le chaos postsoviétique à Rostov-sur-le-Don ou Moscou, ses violences, ses trafics. Il trimballe une vipère domestique, alors qu’il se veut « le dieu des piqures », entame une carrière de « vulgaire toxicomane », doit rembourser une « dette aux truands pour de l’herbe [qu’il avait] incendiée » ; bien entendu les flics déboulent. Le voilà ressassant des « conversations psychothérapeutiques » avec la doctoresse Natacha. Un « concert en prison » côtoie des liaisons amoureuses pas toujours reluisantes, comme lorsque la possessive Maïka écarte une nana canon : « Oublie. C’est pas ton niveau. Pour toi c’est à peu près… Comme le cosmos pour un cafard ». En somme, constate notre personnage, « Tout s’écroule dans ma vie ».  Ne s’ingénie-t-il pas à faire « de sa vie le dernier cercle de l’enfer »…

Avec inventivité, non sans humour, il rapporte sans ambages le langage parlé des protagonistes, le rythme haletant des vies, des fantasmes et du son : « Tu es à côté de moi… C’est la plus purextase » !

La musique peut-elle donner un sens à la vie ? Certainement. Et si l’on n’est guère amateur de rap, l’on préfèrera certainement le rythme romanesque trépidant de ce picaresque opus. Car, né en Sibérie, à Irkoutsk, en 1965, Andreï Guelassimov, anime en son Purextase des personnages déglingués pour une fresque de société déjantée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nino Haratischwili : Le Chat, le Général et la Corneille.

Plutôt qu’une fable, à laquelle peut faire penser le titre animalier, Le Chat, le Général et la Corneille est une épopée aux acteurs hauts en couleurs et en noirceurs. Le premier est le surnom de Sesili, actrice en devenir qui a fui  la Géorgie pour l’Allemagne et parait être un alter ego de l’auteure. Le second, Alexander Orlov, est un oligarque russe richissime dont la fille s’est suicidé devant la monstruosité du monde, d’où sa froideur vengeresse. Onno Brenner, journaliste parmi les conflits les plus meurtriers, tient de son oiseau-totem la capacité d’annoncer le malheur.

Ces personnages alternés dessinent une fresque de de la Russie à la suite de la chute du communisme, alors que la guerre de Tchétchénie est le pivot de l’horreur. Nuit fatale, viol et assassinat de la jeune Nura, culpabilité de Malish qui pense n’avoir pas su la protéger, théâtre, tout cela s’avance inexorablement, s’imbrique, pour enchainer le lecteur dans une vertigineuse tragédie. Et l’on se doute qu’Onno Brenner aura fort à faire pour démêler vingt ans plus tard les responsabilités du Général. L’indépendance des femmes est tour à tour brisée, développée, selon les points de vue et les destinées ; l’étrange ressemblance de Nura et du Chat permettant à l’actrice de se voir proposer par Orlov un rôle traumatique : « Dans cette galaxie noire, poussiéreuse, sans fenêtre, elle voulait fouiller, explorer tous les abîmes, et, tel un phénix, renaître de ses cendres, plus vide que jamais ».

Hors le peu de concision et la tension trop mélodramatique (surtout à la fin), Nino Haratischwili est en son roman déjà historique une conteuse éprouvée, maniant avec sûreté un réalisme cru, un rare lyrisme, une acuité psychologique prenante.

Sofronis Sofroniou : Fonte brute.

La métaphore du jeu d’échecs innerve ce roman, onirique météore plus qu’étrange qui défie les bulles temporelles. Car au voyage dans l’espace s’ajoute celui dans le temps, entre fantastique et science-fiction. Car une partie délicate s’engage, entre la vie et la mort, entre la mémoire et l’art.

Assassiné en 1948, à la soixantaine, le narrateur, un joueur d’échec new-yorkais, est projeté sur la planète « Petite Vie », retrouvant l’âge de vingt ans. Gagner dix ans de vie ne se fait pas sans contrepartie. Il lui incombe de se plier au « Mois du souvenir », de faire la preuve de ses facultés de réminiscence en confiant les précieuses données accumulées. Et surtout de recomposer une œuvre énorme, soit 4001, d’un certain Robert Krauss, dont le livre est un « océan de révélations intellectuelles ». D’autres comparses ont pour mission de reconstituer, qui une nouvelle de Tchekhov, qui un opuscule de Kant. Son travail se fera avec le concours de Bonadea, qui porte le même prénom qu’un personnage du roman recherché.

Un long parcours s’impose, labyrinthique, ponctué de stations fantomatiques et énigmatiques ; qui pourrait être borgésien s’il était plus laconique. Couloirs blafards, salles chirurgicales, pièces renouvelées où l’on se restaure et change de vêtements, immenses paysages, sollicitations érotiques diverses, « fulgurance mnésique » et « instabilité cognitive » s’accumulent en un cauchemardesque capharnaüm. Le carambolage des espaces temporels dispose un puzzle à l’inénarrable solution, tant le but annoncé, soit l’écrivain Robert Krauss, semble introuvable, oublié même : « Etions-nous livrés aux mains d’une caste déstructurée, ou bien existait-il un plan derrière tout ce qui nous arrivait ? »

La quête permet d’explorer les continents de cette planète, de rencontrer divers types humains, parfois menaçants, dans des atmosphères souvent kafkaïennes, de s’interroger sur le rétablissement ou l’éradication des souvenirs terrestres, enfin de « saper pour l’éternité les fondements de tout rationalisme ». Les épreuves initiatiques et symboliques se succèdent, comme lorsqu’il faut passer une cuve aquatique, voir Baxter « se faire aspirer l’intégralité du cerveau », être confronté aux cohortes des nombreux Hans acharnés à restaurer « le Mécanisme » : « un gigantesque mécanisme souterrain, conçu comme une tentative de reproduction de l’encéphale humain ». Cependant « la compréhension de l’univers et de l’existence » est l’enjeu de rivalités, de pillages : « une guerre est engagée au nom de la connaissance, de la préservation et de la survie de toute notre planète ».

Que le Chypriote Sofronis Sofroniou, né en 1976, ait étudié les neurosciences ne nous étonne guère, tant les facettes de la perception et le dédale des hypothèses interprétatives empreignent son onirique roman, qui fut d’ailleurs précédé par Les Géniteurs, non traduit.

Fulgurantes sont les premières pages. Aussi craint-on qu’au long cours les promesses ne soient pas tenues. Pourtant, malgré un rythme plus patient, une avalanche continue de péripéties, l’intérêt décroit, se ranime, tandis que le mystère reste intact. Ne serait-ce qu’à l’occasion d’allusions à la caverne de Platon, à Jules Verne, à L’Homme sans qualités de Robert Musil, à la Recherche de Marcel Proust. Ou encore lorsque les tas de vêtements deviennent ceux des camps d’extermination, dont le cinéaste Alfred Hitchcock aurait imaginé de tirer un film. Mais aussi à la mythologie grecque, jusqu’à une tragédie perdue de Sophocle « imprimée dans [l’] esprit du narrateur ». Récit testamentaire et postmoderne, au sens métalittéraire, cette recherche d’un écrivain mythique, butant sur des statues semblant « protégées du vieillissement », n’est pas sans rappeler celle d’Arcimboldo, dans 2666 du Chilien Roberto Bolaño[5], quoiqu’avec des moyens romanesques aussi différents qu’excitants.

Il n’y a pas de conclusion à de telles miscellanées. Pourrait-il y en avoir ? Le genre, si genre se peut imaginer en l’espèce désuète, mais soudain innovante, est toujours ouvert, poreux à de nouvelles découvertes, minimes, sinon, qui sait, capitales.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Patrick Cloux : Marcher à l’estime, Le Temps qu’il fait, 2023.

[4] Sarakh Walker : (In)visible, Gallimard 2017.

[5] Voir : Roberto Bolano ou l'artiste devant le mal : 2666

 

Cathédrale Saint-Pierre, Saintes, Charente-Maritime.

Photo : T. Guinhut.

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1 avril 2024 1 01 /04 /avril /2024 07:20

 

Ciudad Encantada, Cuenca, Castilla la Mancha.

Photo : T Guinhut.

 

 

Arthur Machen,

maître gallois du fantastique.

La Colline des rêves,

La Pyramide de feu & Le Grand Dieu Pan.

 

 

Arthur Machen : La Colline des rêves, traduit de l’anglais (Pays de Galles)

par Anne-Syvie Homassel, Aux Forges de Vulcain, 2023, 512 p, 30 €.

 

Arthur Machen : La Pyramide de feu, traduit par Francine Achaz et Jacques Parsons,

La Bibliothèque de Babel, Retz-Franco Maria Ricci, 1978, 180 p.

 

Arthur Machen : Le Grand Dieu Pan, traduit par Paul-Jean Toulet,

Petite Bibliothèque Ombres, 1993, 130 p, 54 F.

 

 

Jorge Luis Borges, dont le jugement est rarement mis en défaut, le plaçait parmi les légendes de « La Bibliothèque de Babel », cette précieuse collection d’une douzaine de volumes aux éditions Franco Maria Ricci. Arthur Machen (1863-1947) pionnier de l'imaginaire généalogique, aimait côtoyer des menaces subtiles, des terreurs profondes. Maître de la littérature fantastique, de cette anglaise « weird fiction » issue du roman gothique et cependant plus ancrée dans une étrange alliance des ressouvenirs de la mythologie gréco-romaine et du celtisme. De La Colline des rêves à La Pyramide de feu, en passant par Le Peuple blanc et Le Grand Dieu Pan, l’on aura connaissance des récits les plus marquants de celui qui fut un irremplaçable ancêtre et contemporain de l’américain Lovecraft. De toute évidence, Arthur Machen était préoccupé par le mystère du mal…

Fils unique d'un prêtre anglican, il naquit à Caerlon-on-Usk, dans une région séminale du Pays de Galles, où la légende situe le départ des Chevaliers de la Table Ronde en quête du Graal. Solitaire, ayant échoué à intégrer l'école de médecine de Londres, c’est un lecteur fébrile, que les volumes du décadent Charles Swinburne bouleversent au point de le persuader d’écrire. Il goûte également Allan Edgar Poe[1] et Thomas de Quincey, auxquels il faut souvent allusion, en particulier dans La Colline des rêves. Après l’éclosion d’une poignée de poèmes mystiques, il vit pauvrement à Londres en travaillant dans une librairie où il doit classer des collections qui lui permettront de publier en 1885 un Catalogue occultiste, puis en tant qu’enseignant. Son épouse, Amy Hogg, professeure de musique, l'introduit en 1887 dans les cercles littéraires londoniens. Outre des travaux journalistiques aux Evening News, il traduit L'Héptaméron de Marguerite de Valois, les Mémoires de Casanova. Soudain, grâce à un héritage, il peut se consacrer totalement à la littérature. Il rejoint en 1903 la Golden Dawn, société rosicrucienne à laquelle sont affiliés rien moins que W. B. Yeats, Bram Stocker, Sax Rohmer, Algernon Blackwood et Aleister Crowley. La mort de sa première femme lui donne l’occasion d’épouser en seconde noces Dorothie Hodleston. Ses ouvrages, une trentaine, se succèdent rapidement pour se signaler parmi la littérature fantastique la plus efficace, aux lisières des temps disparus et du surnaturel le plus horrifique. Outre La Colline des rêves, un roman largement autobiographique, en 1907, l’on compte les récits, ou novellas, du Grand Dieu Pan en 1894, La Pyramide de feu en 1895, Les Trois Imposteurs ou les Transmutations en 1895, Les Archers en 1914, et enfin La Gloire secrète en 1922.

Une lente promenade initiatique occupe les premières pages de La Colline des rêves, roman de formation de Julian, peut-être un alter ego de son auteur. La campagne du Pays de Galles se révèle touffue, escarpée. Le jeune homme, au travers des bois, des chemins creux, souvent obscurs, fait l’ascension de la « colline des fées », dans une atmosphère onirique. Là-haut, les vestiges d’un fort romain l’impressionnent grandement, alors que la contrée est également imprégnée par « la magie celte ». Quelle « sombre horreur » serait là dissimulée ? Des « masques d’hommes », la « vision lumineuse et charnelle d’un faune égaré », voilà qui occupe ses rêves nocturnes.

Méprisé par la société locale, parce que pauvre, Julian a cependant de vastes aspirations. Il dévore les livres. Il écrit. Un premier manuscrit refusé lui procure déception ; encore plus lorsqu’il constate qu’il est victime d’un plagiat éhonté. Pourtant, il ne se décourage pas : un nouvel enthousiasme le pousse de nouveau vers l’écriture, tandis qu’amoureux d’Annie sa capacité d’idéalisation est à son comble, au point qu’il vive dans une ville imaginaire : « il s’était mis à considérer la ville comme un étrange chef-d’œuvre de joaillerie ». Toute la beauté onirique du « jardin d’Avallaunius » se déploie dans son esprit, et bien entendu dans la prose poétique du romancier. La vision devient de plus en plus hallucinatoire, concrète et sensuelle à s’y méprendre, parmi les tavernes luxurieuses, « les prêtres de Mithra et d’Isis », à la recherche de « l’amphore sur laquelle est inscrite le nom de Faunus ». C’est au moyen du langage que se relève ce monde enfoui : « Là gisait le secret de l’art sensuel de la littérature : la suggestion, l’art de provoquer des sensations délicieuses par les mots ». Y compris d’un érotisme des dames romaines affriolant…

Le voici désormais à Londres, dans une mansarde, poursuivant ses songes et ses écrits. Vient alors l’héritage d’un lointain cousin, dont la rente lui permet d’assurer le quotidien et de ne penser qu’à « la grande aventure des lettres ». À l’opposition traditionnelle entre le « désert urbain » et la richesse de la campagne se mêle celle entre un passé somptueux venu de la civilisation romaine et un présent sordide, sans oublier une luxure mentale obsédante et une chasteté physique au refoulement ingrat. Reste une autre hypothèse pour explique sa solitude incorrigible : « le stigmate du mal défigurant son front ».

Le narrateur interne, rarement omniscient, transmet à notre patience attentive les rêves hallucinatoires de celui qui devient un anti-héros, ciselant le voyage au travers des espaces d’une âme tourmentée : « il ne pouvait atteindre à l’art des lettres et il avait perdu celui de l’humanité ». À tel point que sa mort, tombé sur ses manuscrits que personne ne lira, est peut-être due, qui sait, à une overdose de fantasmes, à la démence, à l’inanition, à une « communion avec le démon », à une créature venue des songes : « la mort habitait le visage de la femme qui l’avait, sans conteste, invité au Sabbat »…

Personnage éminemment romantique, le héros de La Colline des rêves nous permet de nous absorber dans un immense et beau roman, idéaliste et sombre à la fois, riche d’aspirations et d’images contrastées, tragique finalement, sans omettre la dimension métalittéraire, tant son auteur nous confie sa méthode et ses émotions, les souffrances et les extases du créateur, « son désespoir et son malaise [qui] étaient choses maudites ». Hélas, ce double et repoussoir antithétique de l’auteur ne rencontrera pas une professeure de piano pour l’épouser, ses livres resteront à jamais impubliés, y compris ce « chef d’œuvre au pied de l’arc-en-ciel ».

 

Ciudad Encantada, Cuenca, Castilla la Mancha.

Photo : T Guinhut.

 

À ce volume intitulé La Colline des rêves - et illustré par Bastien Bertine - s’ajoute un quatuor de nouvelles essentielles, dont Le Peuple blanc et La Terreur, toutes dans une nouvelle traduction, y compris Un Fragment d’existence, jusque-là inédit en français. Ce qui fait qu'un tel ouvrage ne doit en aucun cas manquer à une bibliothèque fantastique digne de ce nom.

De nouveau des forêts, des hauteurs, mais cette fois au sommet un champ de mégalithes. Il faut, pour découvrir le « peuple blanc », déflorer le carnet vert d’une jeune fille, trouvé par Ambrose dans un tiroir et confié au moyen d’un récit emboité ; le manuscrit découvert étant un topos romanesque, un accélérateur de mystère.

Si le récit parait d’abord de l’ordre du merveilleux, la conversation d’Ambrose avec une poignée d’amis en quoi consiste le prologue propose une vision du Mal pour le moins virulente. Car dans la partie centrale du triptyque, intitulée Le livre vert, une très jeune fille confie être initiée à de très anciens cultes maléfiques. Elle rencontre des petits visages blancs, chante « des chansons pleines de mots que l’on ne doit ni dire, ni écrire », prononce des mots anciens « dans le langage des fées ». Ainsi les contes de nourrice dont elle a été nourrie sont empreints de véracité odieuse, les nymphes claires et les nymphes sombres entraînant la victime dans un inconnu terrifiant que balisent les « lettres aklo » et la langue Chian ».

 Cependant l’épilogue, quoiqu’Ambrose prétende l’avoir connue, ne peut nous dire en quoi consiste cette vérité abominable qui conduisit la jeune fille à s’empoisonner. Ne reste que le souvenir d’une « statue romaine » qu’il fallut pulvériser car coupable d’avoir été « incorporée dans la mythologie monstrueuse du sabbat ».

Ambrose aime à cultiver les paradoxes : «  bien des saints les plus honorés n’ont jamais accompli ce qu’on appelle communément « une bonne action ». D’autre part, il y a ceux qui ont sondé les abîmes du péché sans commettre dans toute leur vie une seule mauvaise action ». Le vert manuscrit apparait alors comme la preuve de ses dires et d’un mal insoutenable et antédiluvien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De manière tout à fait réaliste et de bon aloi commence Un Fragment d’existence. Il y est beaucoup question d’argent et d’ameublement, entre un couple et quelques comparses de l’excellente bourgeoisie, parfois un brin dérangés. Darnell et son épouse Mary vivent harmonieusement dans « la réalité raisonnable ». Pourtant le premier chapitre se conclue de manière inattendue : n’avait-il pas « oublié les mystères et les splendeurs à l’éclat lointain du royaume dont il était l’héritier légitime » ? À Mary, émerveillée, il conte ses explorations d’un Londres qui lui réserve des visions féériques. Quelques péripéties secondaires plus tard, le « sang ancien » se réveille chez lui, depuis son vieil oncle et leurs ancêtres, leur « maison grise » dans les collines boisées du « pays de l’ouest ». Plongé dans « les manuscrits Iolo », il réalise que les merveilles et les fées côtoient « les forces essentielles du mal ». Le nouvelliste laisse là le couple, dont on ne saura plus rien, en une fin ouverte, à moins qu’il ait laissé tomber sa plume. Cette nouvelle, ou plutôt ce bref roman, associe satire sociale humoristique et changement progressif d’atmosphère habilement mené, u point que nous ayons tout à craindre de deviner les aventures de Darnell et de la délicieuse Mary.

Plus que le temps de la guerre qui couvre l’Angleterre, dans La Terreur, ce sont les conversations des habitants qui véhiculent à demi-mots des horreurs enfouies, malgré la censure infligée par le gouvernement afin que rien ne puisse dévoiler des événements qui frappent un certain nombre de zones reculées du pays, sans y rien comprendre. Pourtant le récit des étranges manifestations qui inquiètent au plus haut point « en sera secrètement transmis de père en fils, deviendra plus insensé à chaque génération, sans jamais réussir cependant à dépasser la vérité ». Quoique seulement infligée à la fin du récit, cette vérité se veut apocalyptique en diable.

Quant aux Archers, plutôt des à-côtés littéraires, leur sous-titre est assez parlant : « et autres légendes de la guerre ». Si nous sommes en 1914, sur le front, les fantômes des anciens archers anglais des batailles médiévales de Crécy et d’Azincourt reviennent combattre aux côtés des soldats anglais, ce qui donna l’occasion à la légende des « Anges de Mons » de perdurer. Le fantastique reste à l’ordre du jour, mais il a quitté les espaces londoniens et l’arrière-pays gallois pour perdre en efficacité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un feu d’artifice de trois nouvelles associe à La Pyramide de feu, l’opposition entre L’Histoire du cachet noir » et celle « de la poudre blanche ». Comme souvent chez Arthur Machen, la première commence par une conversation. L’incipit est efficace : « Hanté, dites-vous ? » Car le pays des collines est un « théâtre de drames ». Est-ce la même Annie, qui cette fois disparait ? Sans nul doute elle a « rejoint les fées ». Parmi les seuls indices est une « pyramide de silex », d’antiques pointes de flèches en fait. Puis au creux des vestiges d’un amphithéâtre, appelé le « Bol », s’élèvent des forces démoniaques, à moins que grouille le « ver de la corruption », d’où jaillit une « pyramide de feu » ; sont-ce les membres et le cri de la jeune fille ? Une broche résiduelle en témoignera. Il s’agit bien moins d’un récit policier aux intelligentes déductions dignes d’un Sherlock Holmes, que d’un sommet du fantastique ; pire de l’horrifique…

De même L’Histoire du cachet noir est confiée à un sceptique, mais par une jeune femme. Pauvre et démunie, elle est sauvée de la famine et du désespoir par un professeur londonien d’ethnologie qui en fait la gouvernante de ses enfants et sa secrétaire. Bien innocente, elle consent avec plaisir à l’accompagner dans ses recherches, au fond d’une région de collines. À leur stupéfaction ce cachet est exactement conforme à la « pierre Hexalithe », dont parle Solinus, un géographe de l’Antiquité. Les plus étranges caractères ornent le corps du délit, où l’on peut lire quelque chose comme « Ishakshar », soit « les secrets du monde inférieur », vocable expectoré par un adolescent malade mental, voire issu d’une copulation immonde.

Les topos récurrents des collines et des souvenirs antiques est abandonné dans L’histoire de la poudre blanche, contée par la sœur de la victime. Comment un revigorant médicament peut-il être la cause de sa dégénérescence « en masse sombre et putride, foisonnant d’une hideuse pourriture » ? Sauf s’il s’agit d’un « vin de Sabbat […] graal infernal » grâce auquel la consommation d’un mariage diabolique ne peut qu’aboutir à la corruption. Arthur Machen sait à cette occasion parfaitement encercler son lecteur dans les rets du suspense et de l’effroi !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Venu des abîmes de la mythologie gréco-romaine, Le Grand Dieu Pan traîne à sa suite d’anciens rites effarants, dont l'horreur n’est que suggérée pour rester plus puissamment suggestive. Un étrange savant londonien, « voué à la médecine transcendantale », consacre son existence à des recherches ésotériques, prétendant à la présence terrestre et inévitable de créatures profondément maléfiques. Ce docteur Raymond s’engage en un espace interdit, irrépressiblement poussé par son obsessionnelle conviction de pouvoir aborder et révéler le « monde vrai », soit « voir le Dieu Pan ». C’est en quelque sorte l’envers de la caverne de Platon, là où l’on serait incapable de contempler l’essence du mal, sinon par de minces reflets : « le gouffre inexprimable, le gouffre impensable qui bée si profondément entre deux mondes, le monde de la matière et le monde de l'esprit ». Est-il un avatar de Prométhée, de Faust, cet autre docteur ?

Toujours est-il que ce savant fou use de la jeune Mary pour pratiquer sur son cerveau une incision : ainsi « elle est idiote irrémédiablement […] elle a vu le Grand Dieu Pan » ! Elle n’est pas la seule victime, car Hélène Vaughan « a bien fait de s’attacher la corde et de mourir »… La protagoniste fondamentale de ce récit, la démone Helen Vaughan, fille en personne de Mary et du hideux Pan lui-même, est d’une plasticité extraordinaire : « Je vis la forme aller d'un sexe à l'autre, se séparer d'elle-même puis s'unir à nouveau. Puis je vis le corps descendre à l'état de bête, d'où il remonta, et ce qui était sur les hauteurs plonger dans le gouffre, dans l'abîme même de tout être ». Le pire étant peut-être la dissolution dans l’absolu du néant : « la lumière s'était faite noirceur [...] négation de la lumière ». Le dieu grec Pan, « simple fantaisie antique et poétique » n’étant qu’une allégorie, est-il à ce point une ruse du mal qui à tout instant peut débouler en foule sur le monde, d’où la peur panique ? Le mal vient-il des dieux, des profondeurs de l’Antiquité, du tréfonds de l’humanité, des nerfs de chacun d’entre nous ?

Lovecraft le tenait en haute estime. Au point qu’il lui consacra plusieurs pages élogieuses en 1927 dans son essai Epouvante et surnaturel en littérature : « Parmi les créateurs contemporains capables de hisser la peur cosmique à son plus haut niveau d’expression artistique, rares sont ceux qui peuvent espérer égaler Arthur Machen». Il qualifie La Colline des rêves de « mémorable épopée de la sensibilité esthétique[2]  ». Cependant, si Borges était un expert apportant une caution bienvenue à notre romancier et nouvelliste, peut-être a-t-il eu le tort de méconnaître l’Américain Lovecraft[3], le mythe de Cthulu et de ses « Grands Anciens », valant à lui seul son pesant d’horrible splendeur…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[2] H. P. Lovecraft : Epouvante et surnaturel en littérature, dans Essais, Mnémos, 2023, p 83, 84.

[3] Voir : Qui a peur de Lovecraft ? Depuis L'Abîme du temps, L'Appel de Cthulhu

 

Ciudad Encantada, Cuenca, Castilla la Mancha.

Photo : T Guinhut.

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22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 14:20

 

Lucane cerf-volant. Photo T. Guinhut.

 

 

 

Rencontre avec des animaux extraordinaires,

Lobo le loup, Monarque le grizzly

& autres rapaces nocturnes.

Andrès Cota Hiriart, Ernest Thomson Seton

& John Lewis-Stempel.

 

 

 

Andrès Cota Hiriart : Rencontre avec des animaux extraordinaires,

traduit de l’espagnol (Mexique) par Bertrand Fillaudeau, Corti, 2024, 328 p, 22 €.

 

Ernest Thomson Seton : Lobo le loup,

traduit de l'angalis (Etats-Unis)

par Bertrand Fillaudeau, Corti, 2023, 144 p, 17,50 €.

 

 

Ernest Thomson Seton : Monarque le grizzly,

traduit par Bertrand Fillaudeau, Corti, 2023, 144 p, 17,50 €.

 

John Lewis-Stempel : La Vie secrète des rapaces nocturnes,

traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Patrick Reumaux,

Klincksieck, 2024, 116 p, 21 €.

 

 

 

Depuis au moins les Grecs de l’Antiquité, sinon les compilateurs de tablettes cunéiformes mésopotamiennes, poètes, scientifiques et philosophes sont fascinés par les bêtes. Ainsi, par-delà les millénaires, le Mexicain Andrès Cota Hiriart est-il un successeur d’Aristote qui écrivit une Histoire des animaux en distinguant ceux qui ont du sang et ceux qui n’en ont pas. Notre écrivain et naturaliste choisit lui d’examiner les plus extraordinaires pour stupéfier son lecteur : babiroussa, basilic, charale, dragon de Komodo, tarsier, autant de bestioles pour le moins étranges. Ce sont les tribulations d’un naturaliste mexicain et planétaire dans la collection « Biophilia », qui compte également un loup, un grizzly et un mouflon parmi ces trophées, cette fois sous la plume d’Ernest Thomson Seton. Et quittant les clartés du jour, trouvons celles plus mystérieuses des rapaces nocturnes, aux bons soins d’une autre plume, celle de John Lewis-Stempel, qui sait également éclairer la lanterne de notre connaissance.

En un prélude autobiographique, Andrès Cota Hiriart, qui vit dans l’immense métropole de Mexico, conte comment il fut saisi par le virus de la collection. Mais uniquement d’être vivants, tortue, mille pattes, jusqu’à « Perro, le boa constrictor de trente kilos et de quatre mètres de long, avec qui j’ai partagé ma chambre pendant dix ans ». Ensuite ce furent les axolotls, capables de se métamorphoser en salamandre, qui retiennent cet enfant, lui-même en passe de se métamorphoser en biologiste scandalisé : « la créature la plus emblématique de nos zones humides était au bord de l’extinction à cause de désastres successifs ». L’on devine qu’il n’allait pas s’arrêter là, qu’il lui faudrait de plus grands espaces.

En effet, c’est à Bornéo que coexistent les orangs-outans - jusqu’à quand ? - et les « déforestations les plus intenses jamais enregistrées », soit une cause peut-être perdue. Une telle « lune de miel » avec sa jeune épouse est en quelque sorte une urgence. Entre temps, ses poches de pantalon cachent dans l’avion venu du Texas de petits « boas arc-en-ciel » et des bébés de « caméléons à quatre cornes », en une contrebande qui ne laisse pas de l’inquiéter aux contrôles de l’aéroport. Il assume d’être une sorte de « toxicomane », un « accro aux écailles ». Voire, en un paradoxe certainement hallucinant, d’aimer la férocité des crocodiles. Bientôt, révulsé par ses terrariums, il prend sa décision : « je n’ai jamais plus eu d’animaux enfermés ». Elargissant les découvertes, l’on saura comment survivre « face à une attaque d’anaconda dans la jungle », comment affronter aux îles Galapagos une otarie mâle, « un pinnipède aux dents pointues et violent sultan de son harem en pleine saison des amours ». Quant aux tarsiers des Célèbes, ce sont des primates carnivores aux oreilles proéminentes et aux yeux énormes, dont le dialogue est « fourni de cris métalliques presque ultrasoniques […] de vocalises ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’intenses accents lyriques parcourent le texte, comme lorsque vibre l’éloge paradoxal du scorpion empereur : « de la biomécanique dans toute sa splendeur […] Protagonistes durables de bestiaires médiévaux, d’images poétiques et de passages narratifs en rapport avec le malheur ». Connaissant bien le naturaliste en herbe, sa petite amie lui offre dans une boite à chaussures ce scorpion : « Cupidon sous la forme d’un arachnide ». L’attention est pour le moins délicate, sinon ambigüe. Le voyage planétaire à la recherche de ceux avec qui nous cohabitons sans guère de respect, quoique parfois violemment sauvages, est également un voyage à l’intérieur de la personnalité singulière, attachante d’Andrès Cota Hiriart.

La conclusion est un plaidoyer en faveur de la biodiversité, de l’écologisme global militant que le lecteur appréciera dans sa sincérité, dans sa nécessité, par exemple contre « l’invasion du plastique », mais aussi dans son inquiétant globalisme politique. Néanmoins, et par conséquent, dans la tradition des grands naturalistes, de Buffon à Darwin, Andrès Cota Hiriart est bien digne de figurer parmi la collection « Biophilia », dont le titre vient du livre de Edward O. Wilson, Biophilie, et déjà fameuse aux éditions Corti, à la couverture verte comme de juste, et au discret graphisme végétal ou animalier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ernest Thomson Seton est un conteur qui aime nommer affectueusement les animaux. Ainsi de son Lobo le loup, recueil en plusieurs volets Ce naturaliste américain, qui vécut de 1860 à 1946, fut un défenseur des Indiens et de la faune sauvage. Ses héros à pattes et à poils sont ceux du wilderness. Mais pas seulement des héros d’imagerie animalière. Bien avant le philosophe Gary Francione[1], il postule que les animaux puissent avoir des droits, moraux et légaux. Pour ce faire il propose avec Lobo le loup huit histoires « authentiques » de bêtes, dans lesquelles il s’agit de « leur héroïsme et de leur personnalité ». Hélas « la vie d’un animal sauvage a toujours une fin tragique ». Trois chiens ou loups, bien avant Croc Blanc de Jack London, font l’objet de portraits élogieux, alors qu’ils voisinent avec une corneille et une gélinotte huppée, avec un lapin, une renarde et un mustang. On le voit, ce ne sont pas forcément les amis les plus proches de l’homme qui font l’objet de l’amicale attention de l’auteur.

Lobo est un redoutable chef de meute, un grand loup tueur de bétail, un « ravageur gris », dont la tête est mise à prix à concurrence de 1000 dollars par les hommes. Pourtant, sa noblesse fait l’admiration du conteur : il déjoue toutes les ruses, méprise les pièges et les appâts empoisonnés savamment disposés par notre narrateur, qui finit par ressentir « quelque chose comme du remord » lorsqu’il parvient à signer la fin du « majestueux vieil hors-la-loi ».

« Tache d’argent » est une corneille dont les cris et les chants, ici posés sur une portée musicale, non seulement mettent en garde ses congénères, mais savent dire si le prédateur humain est armé ou non d’un fusil ! Plus étonnant encore, Ernest Thomson Seton « traduit du lapin »  son histoire dans laquelle « Feuille de chou » reçoit de sa mère des leçons de vie. Quant au chien Bingo, s’il reçoit une éducation de notre conteur, ce n’est pas sans réciprocité : « Très peu de temps après, il entreprit la mienne », avoue-t-il… « Le Balafré » est un renard, dont la compagne est « Diablesse ». Face à ses renardeaux, elle a « ce regard caractéristique des mères, plein de fierté et d’amour ». Le mustang, un « vrai dandy », sacrifiera sa vie pour la liberté. « Collier roux », la gélinotte, dernier représentant de sa race en une vallée, perdra la vie et la liberté, elle aussi par le coup de grâce de la  main humaine. Ces récits de chasseur sont en fait marqués par une immense compassion. Faut-il douter du règne de l’homme[2] ? C’est bien, en ses récits réalistes, une interrogation qui motive Ernest Thomson Seton, fort chagriné par l’agressivité criminelle envers les animaux, envers des espèces en voie de génocide…

 

Charles d’Orbigny : Dictionnaire universel d’histoire naturelle,

Atlas, Renard, Martinet & cie, 1849.

Photo : T. Guinhut.

 

Quoiqu’il ne soit pas réputé pour être le roi des animaux, à l’instar du lion des savanes et de Jean de La Fontaine, le grizzly est un « Monarque » pour Ernest Thomson Seton. D’abord chasseur, notre conteur fut scrupuleusement initié au pistage et à l’observation du gibier. L’alphabet des bois et des traces n’a presque plus de secrets pour lui, au point qu’il ait compris qu’une véritable connaissance du vivant ne peut se passer du déchiffrement des hiéroglyphes sur le sable, la boue et parmi les herbes.

Monarque le grizzly est un ouvrage en forme de diptyque. Ses deux volets s’attachent d’abord à la figure de Monarque, le grizzly géant de Tallac, fiévreusement convoité par le magnat William Randolph Hearst, puis à celle de Krag, le Mouflon du Kootenay, quant à lui soumis à l’obsession meurtrière de Scotty.

Dans les Rocheuses de l’ouest des Etats-Unis, le mont Tallac frôle les 3000 mètres d’altitude. En ces escarpements reculés et forestiers règne Monarque, un grizzly géant pour le moins peu commode. Mais ici, ce sont plusieurs de ses congénères qui sont synthétisés en un seul, au moyen de témoignages divers, de façon à lui donner une stature allégorique. De sa découverte à sa captivité, donc son désespoir, il est décrit, poursuivi, par un implacable chasseur. Ce dernier commence par tuer la « Vieille teintée », une ourse dont il capture les deux oursons. L’un d’entre eux, Jack, vendu, devient un féroce adulte, confronté à un taureau pour l’amusement du public, ce qui lui permet la fuite, « l’Indépendance » enfin : « la confrontation avec la réalité de la vie sauvage ne fit qu’affuter son intelligence ». Il n’est pas que végétarien, dévore les moutons au dépend des bergers. La bataille entre le grizzly et le teigneux berger est ponctuée de coups de feu, d’un incendie de forêt, et lorsque le premier parait écraser le second, le narrateur se fait pour le moins irénique : « Il était incapable d’imaginer que cette brute au poil hirsute obéissait à une impulsion innée pour le bien ». C’est lorsqu’avec ses compères il se met à dévorer force bœufs qu’il gagne son surnom : « Monarque » ! Fatalement, malgré sa stature presque fantastique, il sera « déchu », enchaîné…

Toujours dans les Rocheuses, mais canadiennes, en Colombie britannique, Krag est le « mouflon du Kootenay », ou « bighorn ». Mouflons et agneaux sont sans cesse menacés par le puma et par l’homme. « Courtes cornes » doit affronter le « bizutage » de ses pairs pour être admis. Et lorsque, grandissant, ses cornes s’allongent, « incurvées comme un sabre », il devient Krag, « bélier solitaire », dont « la joie d’exister », mais aussi « la beauté et la bravoure » s’épanouissent parmi les crêtes. Il n’a guère de mal à vaincre ses mâles rivaux, à devenir grâce à son intelligence et sa ruse le chef d’un prospère troupeau. Mais avec le têtu Scotty c’est une autre affaire, quoique ses trois lévriers russes chutent et meurent lors d’une poursuite montagneuse, car le fusil sait être redoutable, même contre un bélier dont les cornes balaient les loups. L’épitaphe prononcée par Scotty est paradoxale : « J’y rendrais bien la vie, si j’pouvais ». Ne demeure que la tête aux cornes imposantes, « suspendue sur le mur d’un palais »…

Méticuleusement, Ernest Thompson Seton poursuit ces deux destinées avec un infini respect. Parlant de la « sagesse » de ses animaux, il les anthropomorphise ; peut-être à l’excès. De chasseur et tueur, notre auteur s’est métamorphosé en protecteur des animaux et de la « wilderness » - soit la nature sauvage selon un anglicisme spécifique - menacée par l’inéluctabilité du « progrès économique ». Il renonce à la chasse et à la mort de la proie, pour préférer l’investigation, l’initiation, la connaissance du règne animal, afin de tirer parti de ses enseignements, de l’individualiser, et peut-être communiquer avec lui. La vie devient un trophée à soi-seul, il choisit l’animal dans son milieu, non la viande et le cadavre, non la fierté du mur orné par un faciès naturalisé, et pas plus la cage, le zoo.

Ernest Thompson Seton (1860-1945) était un artiste, naturaliste, écrivain, défenseur des Indiens et de leur mode de vie, engagé en faveur de la nature sauvage et de ses habitants originels. L’histoire naturelle au sens scientifique s’allie chez lui au sens de la narration, véritable « récit épique ». Son talent le place indubitablement dans la lignée d’un Jack London et en complicité avec un autre Américain des montagnes, John Muir[3], également publié dans cette collection « Biophilia ».

Lointaine, parmi d’autres continents, la faune exotique nous est difficilement accessible, à moins de voyages aériens et autres safaris, que l’on espère photographiques. Quoique tout près de nos demeures, de nombreux spécimens restent délicats à débusquer, car nocturnes, comme ces rapaces dont la « vie secrète » nous est révélée par le naturaliste anglais John Lewis-Stempel.

Alertés par les « hululements dans les bois », nous pensons au monde des spectres, alors qu’il ne s’agit que de la chouette hulotte. Elle est celle d’Athéna, donc de la sagesse, mais aussi le hibou doudou des enfants. Celle que l’on appelle « Vieille Brune », se réveille au crépuscule pour tuer dans l’ombre ses proies, ce à l’aide de l’acuité de son ouïe, de sa « vue mortellement perçante » de ses serres, puis de son bec. Les squelettes de ses victimes se retrouvent momifiés et emballés dans les « pelotes de régurgitation ».

Du grand-duc à la chevêche, ces nocturnes sont peints dans les grottes du paléolithique. De la Chine aux Apaches, de la Bible aux mythes celtiques, l’on prétend que la chouette  annonce la mort, alimentant les superstitions, jusqu’à la prendre pour une femme fatale. Cependant, pour John Lewis-Stempel, quoique les corvidés soient plus intelligents, les chouettes « sont charismatiques et aucune ne l’est plus que la chouette neigeuse », soit le Harfang des neiges, visible au nord de l’Ecosse.

En ces pages délicatement illustrées par des portraits plumeux du naturaliste du XIX° siècle John Gould, et par des poèmes de Baudelaire et autres Anglais méconnus, l’ornithologue John Lewis-Stempel est un narrateur scientifique attentif à ses « strigidés » préférés, ainsi qu’à l’univers culturel qui les entoure, soit un redécouvreur d’espèces méconnues et cependant fort utiles, un délicieux guide dans la nuit rapace…

Même si boa constrictor, scorpion, otarie mâle, loup, grizzly et hibou grand-duc sont loin d’être nos amis, la faune sauvage mérite le respect de ses espèces et espaces. Certes pas au dépend de l’humanité. Pour rétorquer à Ernest Thompson Seton, la sagesse étant un concept humain, elle n’est guère animale, lorsqu’il faut parler d’instinct, quoique certaines espèces soient capables d’apprentissage. Il n’en reste pas moins, que malgré la nécessité de se nourrir en partie de viande pour les chasseurs cueilleurs que nous sommes anthropologiquement, le plaisir de tuer ne doit s’appliquer à aucun de nos congénères et voisins sur cette terre. Apprendre à connaître animaux extraordinaires et ordinaires doit être notre ordinaire.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Andrès Cota Hiriart fut publiée

dans Le Matricule des anges, mars 2024.


[3] John Muir : L’Appel du sauvage, Corti, 2021.

 

Charles d’Orbigny : Dictionnaire universel d’histoire naturelle,

Atlas, Renard, Martinet & cie, 1849.

Photo : T. Guinhut.

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11 mars 2024 1 11 /03 /mars /2024 12:58

 

Costa de Jaizkibel, Hondarribia, Guipuzcoa.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Terre en colère, catastrophe, catastrophisme

& destruction mondiale par le feu.

 

François Walter, Bernard Chambaz,

Michael Farris Smith, Mary Robinette Kowal

& Peter Sloterdijk.

 

 

François Walter : Catastrophes. Une histoire culturelle, XVI-XXI° siècle, Seuil, 2008, 384 p, 22 €.

 

Bernard Chambaz : La Terre en colère, Seuil, 2023, 264 p, 39,90 €.

 

Michael Farris Smith : Sauver cette terre,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Juliane Nivelt, Gallmeister, 2024, 304 p, 23,50 €.

 

Mary Robinette Kowal : Sur la lune, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laurent Imbert,

Folio SF, 2024, 752 p, 11 €.

 

Peter Sloterdijk : Le Remord de Prométhée. Du don du feu à la destruction mondiale par le feu,

traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Payot, 2023, 128 p, 10 €.

 

 

Si l’on en croit les catastrophistes et autres grands culpabilisateurs, ne resteraient plus de cette terre qu’un océan stérile, des roches nues et polies par le vent des sphères, un fagot de branches desséchées échappées des cendres… Le réchauffement climatique, paranoïa aidant, d’origine forcément anthropique, parait une urgence nouvelle, alors que les colères de la terre, les catastrophes ont une longue histoire, tant du passé que de l’avenir, dont témoignent leurs représentations, historiques et esthétiques, décryptées par François Walter et Bernard Chambaz. Tandis qu’entre thriller et science-fiction un nombre pléthorique de romanciers s’empare de l’urgence tellurique, comme Michael Ferris Smith ou Mary Robinette Kowall, il ferait bon de garder raison, tout en convoquant la pensée précieuse d’un brillant philosophe, Peter Sloterdijk interrogeant le don de Prométhée en rapport avec la destruction ignée qui nous pendrait au nez et au bout de l’histoire cosmologique de la terre. Quoique nous ne partagions pas son alarmisme environnemental…

Notre temps n’est pas plus prodigue de catastrophes que le passé dont nous laissons les colères naturelles sous les cendres de l’oubli. François Walter nous rappelle non seulement qu’elles furent nombreuses, mais qu’elles sont perçues dans des contextes culturels variés et avec des explications souvent irrationnelles. Ne commençant qu’au XVI° siècle - ce qu’il fit également avec un ouvrage sur le territoire et le paysage européens[1] - notre essayiste omet le déluge et les pestes buboniques et noires qui balisèrent un millénaire de Moyen âge.

De longtemps les interprètes n’ont su que faire parler le ciel, pour reprendre le titre de Peter Sloterdijk[2]. De façon à imputer les catastrophes, naturelles ou non, à la colère des dieux, à la punition divine, dans la lignée du déluge et du feu de Sodome bibliques. Dans le cadre d’une « théologie de l’histoire », pour reprendre François Walter, les sociétés anciennes ne se pensent pas eut égard aux catastrophes en tant que telles. Dominent « le paradigme providentialiste » et la dimension spectaculaire destinée à avertir le croyant. Cependant, à partir du XVIII° siècle, les aléas naturels deviennent des questions scientifiques, ainsi lorsque l’invention du paratonnerre en 1749 par Franklin ne permet plus de considérer la foudre comme un attribut divin. La « désacralisation de l’univers » se poursuit à l’occasion du tremblement de terre de Lisbonne, en 1775, qui fit dix mille morts. Un tel événement devient un motif littéraire chez Voltaire écrivant un poème scandalisé, alors que Rousseau y voit surtout les conséquences d’une urbanisation pléthorique. Le « choc du choléra » au XIX° siècle, accentue la conviction de l’immoralité de la nature et la prégnance de l’idéologie naturaliste. La « civilisation prométhéenne » voit son écueil lors de l’apocalypse de la Première Guerre mondiale, lorsque les grandes catastrophes ne sont plus seulement d’origine naturelle, mais humaine. Le XX° siècle voit s’accentuer la réalité du mal absolu, entre nazisme et communisme. Or de « nouvelles cultures du risque » rendent nécessaires « protection, prévention, précaution », au risque des « pathologies de l’hyper-organisation », bien réelles. Aujourd’hui les nouveaux dangers planétaires, comme la prolifération nucléaire, s’augmentent des inquiétudes climatiques. Un tel « néo-catastrophisme », « chimère récente », ne peut manquer de « nouveaux prophètes » adhérant aux « mythes environnementalistes », soit une religiosité croissante. Où l’on voit que notre essayiste, avec la prudence de l’historien, fait preuve d’un judicieux scepticisme, argumenté de surcroit, appuyé par la raison scientifique, dénonçant une culture de la « fausse alerte écologique ».

Reste que les terrorismes, guerres et autre suicides collectifs sectaires, ont de beaux jours devant eux. Sans cesse, « L’histoire culturelle des risques » n’attend que son lot de chapitres à venir…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rien d’étonnant à ce que les artistes s’emparent d’impressionnantes catastrophes pour offrir l’effroi esthétique à leurs représentations. Les peintres, du Moyen âge à notre contemporain, en témoignent grâce au concours de l’ouvrage intitulé La Terre en colère par Bernard Chambaz. Plutôt que le défilement chronologique, il a choisi un ordre thématique, du déluge et du « Passage de la mer Rouge » aux « Enfers et prophéties ». Car tous ces ordres et désordres du monde peuvent fasciner les peintres quels que soient leurs époques et leurs courants. À cet égard le choix d’une œuvre grandiose et romantique de l’anglais John Martin, Le Grand Jour de Sa colère, abondant en nuages de pierres et de feu au-dessus d’une maigre humanité effarée dans le noir, est fort parlant.

Inondations, tempêtes, orages, neige et petit âge glaciaire, volcans, tremblements de terre, plaies et sécheresses, épidémies, tour à tour ils balisent les chapitres, fournissant des motifs rêvés pour colorer la fresque, voire le vitrail, et soulever la toile jusqu’à l’effroi du sublime. La Bible fournit alors son charroi de pluies de quarante jours et de feu sodomite, alors que le paysage, peu à peu désacralisé, bouillonne des événements dont le compte défierait l’application de l’historien, édifiants, effrayants, voire à grand spectacle.

Les beautés plastiques sont ici légions, de Poussin à Turner, en passant par Rembrandt, sans oublier des artistes moins connus, comme ce Philippe-Jacques de Loutherbourg, dont une impressionnante Avalanche de glace dans les Alpes de 1803 illustre la couverture. Le siècle romantisme est captivé par les manifestations les plus sauvages de la nature, y compris destructrices. D’autres, plus contemporains, même si l’abstraction lyrique de Zao Wou-ki (Le vent pousse la mer) relève le niveau, laissent le lecteur sceptique, voire bougon, face aux pauvretés picturales d’un Philip Guston ou d’un Andy Warhol dont le pop art reste indigent. Fort heureusement le parcours historique se double d’un autre, géographique, des peintres italiens et flamands, jusqu’aux japonais, à l’instar d’Hokusai.

Bel ouvrage judicieusement illustré, avec le concours de notices enrichissantes, cette Terre en colère, dont l’anthropomorphisme, la personnification peuvent être discutables, mériterait un éloge sans mélange, si une introduction et un post-scriptum alarmistes n’abondaient en litanies et vaticinations sur « l’accélération des catastrophes climatiques » - malgré l’apparente prudence de ne pas devoir « céder au vertige de la collapsologie » - car « l’apocalypse a commencé » ! Le modeste critique, comptable du suivisme collectif et du cliché répandu à grands seaux et grands sots, ne se mettra pas en colère, quoiqu’il soit pour le moins agacé par le réchauffement des cerveaux…

Les romanciers usent et abusent du pouvoir fascinant de la peur. Depuis l’Apocalypse de Saint Jean et Le Dernier homme de Mary Shelley[3], c’est surtout la science-fiction qui nous abreuve de terre dévastée, de civilisation annihilée, d’humanité disparue, voire extradée vers quelque lune ou exoplanète. Prenons deux exemples, cependant dissemblables, parmi la production éditoriale récente : de Michael Farris Smith à une autre Mary, soit Mary Robinette Kowal.

Une météo catastrophique, des ouragans perpétuels, une fuite effrénée, voilà dans le roman de Michael Farris Smith, Sauver cette terre, qui met la Louisiane et le Mississipi sous tension. Et plus encore Jessie, une jeune femme traquée. Qui, dans ces bois sauvages, la poursuit, elle et son fils ? À pied, en voiture volée, qui plus est nantie d’un cadavre emballé vite dégagé, elle revient se réfugier chez son père Wade. Mais un certain Holt - le père de l’enfant - intègre « le Temple de la gloire et de la douleur », auprès d’« Elser, la dirigeante charismatique », qui vocifère contre les puissants de la société au moyen d’une religieuse logorrhée : « Les orages ne sont pas la faute de Dieu, mais leur faute à Eux ». Prophétesse, elle annonce une «  fillette  susceptible de nous sauver du climat ». Holt est bientôt traqué par les affidés d’Elser pour l’avoir trahie, pour une histoire de clefs qui semblent avoir une importance considérable. Quelque « assemblée de cul-bénis » qui ne recule pas devant le meurtre et la séquestration est à la recherche d’un endroit qu’elle appelle « l’Abîme »…

Une humanité en déshérence vivote et parcourt sans guère d’espoir une région dévastée par la crise climatique et économique. Peut-être le quatuor familial réuni en réchappera-t-il, alors que le tragique va crescendo jusqu’à la confrontation finale… Ce roman relève-t-il d’un catastrophisme excessif ? Aussi, au-delà du genre policier fort noir, du tableau de mœurs à la Faulkner, peut-être peut-on imaginer qu’il s’agit, en cet « œil du cyclone », d’une dystopie.

Malgré un rythme parfois erratique, la narration menée à un rythme haletant dès la première page, est bourrée de péripéties. Drame psychologique et apologue à méditer, le thriller impressionne, séduit, sachant jouer avec les peurs climatiques, sectaires et fanatiques, avec la fatalité du mal.

Bien entendu, l’on peut lire le roman de Michael Farris Smith, Sauver cette terre, comme une synecdoque, soit, en rhétorique, une partie pour le tout. Ce bout de territoire américain dévasté par l’apocalypse météorologique et la folie des hommes qui ne fait pas qu’en découler, car émanant d’abord d’eux-mêmes, n’est que le reflet de la planète entière. Une seule région des Etats-Unis d’Amérique serait le point nodal d’un désordre climatique dont l’origine humaine est à peine mentionnée. L’ordre climatique n’étant de toute évidence qu’une fiction en rien scientifique, le dérèglement n’étant qu’un diktat écologiste alors que la règle en telle occurrence n’a pas l’ombre d’une existence, entre feu du bigbang originel, glaciations et réchauffements irréguliers, sans compter la future extinction de notre étoile solaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec le vaisseau science-fictionnel de Mary Robinette Kowal, embarquons Sur la lune. Car le climat craque de partout, rendant la terre de moins en moins habitable. La fuite est-elle inexorable ? Tous pourront-ils en profiter ? Avant d’habiter Mars, la colonie lunaire est un préalable. « Echapper à la gravité terrestre » peut se lire dans les deux sens du mot. Tout cela sans compter un climat politique explosif, des émeutes, un « saboteur actif sur la lune », des inondations immenses, des « changements météorologiques postmétéore »...

Le roman d’aventure brasse large, entre destin tragique de l’humanité, famille aux implications diverses, élections américaines, famines et dettes, sentiments contrastés. « L’astronette » Nicole Wargin doit déjouer un projet d’attentat sur Mars, tandis que son mari, gouverneur du Kansas, prétend pouvoir siéger à Washington. Les qualités stylistiques de ce roman ne sont guère palpitantes, malgré le suspense indéniable ; il faut y voir avant tout un symptôme de l’état d’esprit de notre temps. Un scénario hollywoodien en quelque sorte pour souffler sur les braises de la grande peur…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le feu, apocalyptique, foudre, volcan ou pyromanie humaine, parait être le plus vorace des ennemis. De la politique des terres brûlées aux fumées industrielles, mais en passant par le cru et le cuit - pour faire allusion à Claude Lévi-Strauss[4] - et la chaleur domestique, il est le legs de Prométhée, tant le mythe répond aux inquiétudes et aux initiatives humaines. En effet l’homme fut la plus nue et fragile des créatures, que le feu, cet « agent extracorporel », put rendre armé contre les bêtes sauvages, contre le froid, et bientôt maître de la métallurgie si utile à l’attaque et à la défense…

En une vaste perspective, le philosophe de la « sphérologie[5] », Peter Sloterdijk suppose Le Remord de Prométhée, non content d’être soumis au vautour qui lui dévore le foie aux Enfers pour avoir défié l’interdit des dieux, mais également de se sentir contrit d’avoir mis entre les mains humaines l’outil de sa propre perdition universelle, au travers de la multiplication des armes atomiques dénoncée par Gunther Anders[6]. « Du don du feu à la destruction mondiale par le feu », tel est le sous-titre de l’essai de notre philosophe. Cette pyrotechnie, dont Hanzelet Lorrain fit un livre au début du XVII° siècle[7] pour en expliciter les applications militaires et meurtrières, est bien la preuve que « toute l’histoire de l’humanité antérieure représente l’Histoire des applications du feu ».

Bientôt la force de l’esclave et de l’animal deviennent obsolètes grâce au charbon et la vapeur, au moteur à combustion, tous impensables sans le feu - l’électricité étant une variante du feu - qui cependant brûlent d’antédiluviennes forêts : « L’humanité moderne est un collectif d’incendiaires qui mettent le feu à des forêts et des tourbières souterraines ». Une catastrophe pour les partisans de la préservation de la ressource fossile conspuant les « illusions d’une infinité pyrotechnique virtuelle ». Il faudrait alors « que l’homme renonce au don du feu […] dans une mesure compatible avec le climat » et imagine un « pacifisme énergétique ». Malgré les piètres solutions éoliennes et solaires, n’oublie-t-on pas qu’une fois les réserves fossiles épuisées, bien que cela ne soit pas pour demain, le nucléaire nouvelle génération, en particulier le thorium, sans compter de probables nouvelles inventions, y compris inimaginées, viendra secourir toutes ces inquiétudes…

Pour revenir à l’histoire économique, l’on peut considérer la conséquence du feu industriel : « le marxisme voulait littéralement faire du prolétariat une classe prométhéenne ». Ce qui entraîna des « dictatures de fer ». Autre conséquence, les « particules excédentaires de Co2 dans l’atmosphère terrestre », causes du « changement climatique », si tant est que ce gaz soit réellement à effet de serre, tempérerons nous…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ne prétend-on pas que le feu de la révolution industrielle serait responsable, non seulement de la pollution, mais encore de l’effrayant réchauffement climatique qui n’aurait d’autre fin que l’ignition de la planète entière ? Si la pollution a bien une origine humaine, hors celle bien naturelle des volcans et autres pétroles et substances toxiques d’origine tellurique et naturelle, ce réchauffement (1,5° en deux siècles) n’est que billevesées face aux vagues glacières, tièdes ou chaudes de l’Histoire et de la préhistoire[8]. La culpabilisation du capitalisme et de l’espèce humaine n’a d’autre but que d’assoir une domination comminatoire, une tyrannie régressive et antiscientifique.

À cet égard il faut reconnaître à Peter Sloterdijk une défiance justifiée à l’encontre de l’Etat, et surtout la connaissance de Frédéric Bastiat, économiste libéral du XIX° siècle, pour qui l’Etat ne doit jamais servir « entre tous les citoyens d’instrument d’oppression et de spoliation réciproques[9] ». De plus notre philosophe n’oublie pas de signaler combien ce don de Prométhée et son utilisation industrielle par le capitalisme ont permis la prospérité de la plus grande partie de l’humanité, « favorisant des degrés supérieurs de liberté, d’épanouissement et de détente » ; notant de surcroit « l’effet émancipateur de l’emploi des machines », non seulement pour les salariés, mais aussi pour « l’univers des femmes au foyer ». Et lorsqu’il prône une « helvétisation de la planète », en ce qu’elle corrigerait les méfaits des agglomérations gigantesques et de « la malignité de la Chine », ne s’agit-il pas d’une libéralisation de l’économie et de l’inventivité au service des bienfaits fournis à l’humaine condition ? Or à cet égard est-il judicieux d’imaginer de proclamer le « patrimoine des richesses minières de l’humanité », en un hyperétatisme inquiétant ? Encore une fois, les solutions futures, thorium et autres inventions possibles, ne sont pas envisagées… Contrairement à notre cher Peter Sloterdijk, nous sommes attentifs à l’essai fort judicieux de Michael Schellenberger : Apocalypse zéro. Pourquoi l’alarmisme environnemental nuit à l’humanité[10].

Une fois de plus, même si nous n’approuvons pas sa foi dans le réchauffement climatique d’origine anthropique - l’immodeste critique a la magnanimité de le lui pardonner - Peter Sloterdijk, qui cependant alerte du danger d’un « léninisme vert » et de son cortège de sabotages et autres agressions criminelles, nous livre un de ces essais qui offrent au lecteur la sensation et la conviction d’en sortir plus intelligent, voire « néoprométhéens ».

Pour reprendre François Walter, les catastrophes, qu’elles soient réalités ou prévisions oraculaires, sont toujours des représentations, religieuses, politiques. À fin de domination, spirituelle ou coercitive. La nature - mais il en est de même pour l’humanité - est en substance faite de catastrophes récurrentes, où vaincre et mourir, donc à surmonter. Nombre de mouvements politiques, théocratiques ou écologistes, tablent sur le fonds de commerce de la peur pour assoir leur influence, leurs profits et leur tyrannie ; sachons nous en méfier…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] François Walter : Les Figures paysagères de la nation. Territoire et paysage en Europe (16°-20° siècle), Editions de l’EHESS, 20004.

[2] Peter Sloterdijk : Faire parler le ciel, Payot, 2022.

[4] Claude Lévi-Strauss : Le Cru et le cuit, Plon, 1964.

[7] Hanzelet Lorrain : La Pyrotechnie, Editions des 4 seigneurs, 1971.

[9] Frédéric Bastiat : L’Etat. Maudit argent ! Guillaumin & Cie, 1849, p 23.

[10] Michael Schellenberger : Apocalypse zéro. Pourquoi l’alarmisme environnemental nuit à l’humanité, L’Artilleur, 2021.

 

Pierre-Jacques Volaire : Eruption du Vésuve et vue de Portici, fin XVIII° siècle,

Musée des arts, Nantes, Loire-Atlantique.

Photo : T. Guinhut.

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7 mars 2024 4 07 /03 /mars /2024 09:58

 

Herman Van Swanewelt : Paysage avec ruines, 1604.

Musée des Beaux-Arts, Tours, Indre-et-Loire.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Thierry Guinhut

 

Faillite et universalité de la beauté,

de l’Antiquité à notre contemporain.

 

La Mouette de Minerve éditeur,

mars 2024.

 

 

Depuis le beau platonicien, il semble qu’une avalanche, une décadence, puissent être observées, voire diagnostiquées. Pour qu’aujourd’hui n’en restent que le souvenir muséifié, les éclats, voire la parodie, jusqu’à sa disparition nimbée de mépris dans l’Art contemporain. L’idéale sérénité de la beauté, donc les Grecs assuraient l’universalité, n’a plus qu’un rire tragique, dont le masque est attaqué, délavé, arraché, par la laideur, la vulgarité, le consumérisme et l’égalitarisme. Comment s’est opérée cette catastrophe esthétique ? Comment touche-t-elle l’obsolescence de la peinture, la figure même de l’artiste, livrant une image inquiétante de notre temps ?

Suite à l’irruption du sublime, de l’esthétique des ruines, des pierres et du cosmos, de l’usage signifiant de la mode, des couleurs, puis de l’Art Brut, d’autres avatars de la beauté ont surgi, à l’instar du beau photographique. Cependant, malgré la propension à souiller les icones dans l’Art contemporain, le tapage de la mocheté et du mauvais goût, témoins d’une inversion des valeurs, qui sait s’il reste la possibilité d’un dandysme inédit… À cette dégradation de la beauté plastique, sans oublier celle du langage, faut-il accoupler celle morale, lorsque les idéaux de La République de Platon se changent en monstres politiques, utopie devenue dystopie…

L’essai de Thierry Guinhut, entre esthétique et philosophie politique, tente d’apporter des perspectives originales, s’appuyant sur une judicieuse bibliographie, consultant maints jalons de l’Histoire de l’art et de la pensée, au service d’une conscience de notre temps.

 

Minerva Pacifica, Museo Romano, Calahorra, La Rioja.

Photo : T. Guinhut.

 

 

Après une maîtrise en Histoire de l’Art Contemporain, Thierry Guinhut,

qui vit en Poitou, devient Agrégé de Lettres Modernes.

Critique littéraire, il a publié un roman, Voyages en archipel,

les récits du Recours aux monts du Cantal.

Photographe, son Marais poitevin fut couronné

par le Grand prix Hippolyte Bayard de Photographie 1991.

Après ses albums sur l’Ile de Ré, les Pyrénées et le Haut-Languedoc,

ce sont deux romans philosophiques :

La République des rêves (L'Harmattan, 2023),

ou la formation d'un artiste photographe parmi la société aquitaine,

des paysages au cosmos, en passant par l'éros :

La République des rêves

Muses Academy (La Mouette de Minerve, 2023),

ou l'irruption des Muses de l'Antiquité grecque

au service la téléréalité contemporaine

et au moyen d'un concours de récits criminels :

Muses Academy

 

 

I Faillite et universalité de la beauté, de Platon à l’Art contemporain     

II L’irruption esthétique : japonisme et arts premiers                                                                   

III L’Art contemporain est-il encore de l’art ?                                         

IV De l’iconologie de Panofsky au Banquet de Gérard Garouste           

V Décadence, obsolescence, effervescence de la peinture                     

VI L’image de l’artiste, de l’Antiquité à l’Art contemporain             

VII Cosmos de littérature, de science et d’art                                       

VIII Peintures et paysages sublimes                                                       

IX L’esthétique des ruines                                                                        

X De la beauté cachée des pierres                                                            

XI Des théories du portrait au portrait comme fiction                        

XII Histoire esthétique et philosophique de la mode                        

XIII Du beau photographique                                                               

XIV Sens et valeurs des couleurs de l‘Occident                                   

XV Éloge du noir et blanc ; ou le beau n’est-il que coloré ?             

XVI De la beauté politique aux couleurs des monstres politiques   

XVII Beau religieux et désacralisation versus théocratie                    

XVIII Art brut et beauté brutale

XIX Piss Christ, une icône souillée    

XX Laideur, mocheté, mauvais goût

XXI De la vulgarité langagière au règne du langage   

XXII Éloge du dandysme      

Conclusion. Ou la mémoire de l'avenir  

Sonnet des peintres          

 

 

 

448 pages, 35 photographies couleur, 22 €.

 

Christian Babou, Abbaye de Flaran, Gers.

Photo : T. Guinhut.

 

I

Faillite et universalité de la beauté,

de Platon à l’art contemporain.

 

 

Il semble évident que la beauté puisse être celle des visages et des corps, de la nature, de l’œuvre d’art enfin. Qu’elle soit une parfaite utopie visible, épargnée, comme le pur regard d’une Aphrodite, y compris si sa joue fut brisée par le temps. Mais au-delà d’un modèle abstrait ou classique, n’y-a-t-il pas cent beautés variées, dépendantes des époques et des cultures, de la perception plus que de l’objet, voire contradictoires ? Pire, avec l’explosion planétaire de l’art contemporain, elle est conspuée, évacuée, niée. Est-ce à dire qu’il faille la rayer de notre vocabulaire, en décrier la prétention platonicienne et universaliste ? À moins que notre capacité à recevoir et conceptualiser le beau mérite d’être étendue, remodelée…

L’affaire paraissait entendue avec Platon : le beau, le bien et le vrai sont équivalents, l’en soi esthétique est en conséquence un en soi moral. En-deçà et au-delà de l’humain, comme les mathématiques, la beauté est aussi éternelle qu’universelle, reposant sur des critères inatttaquables : la complétude, la symétrie, la justesse des proportions, la clarté, la puissance du sublime et la délicatesse de l'expression. De même son pouvoir de persuasion est irrésistible : « Les hommes, ceux du moins qui sont beaux, ô Hippias, comme toutes les décorations, les peintures ou les sculptures, charment nos regards lorsqu’ils sont beaux […] Le beau est ce qui plait par l’ouïe et par la vue[1]. » Or la polysémie du terme est vaste : il s’agit aussi  d’un avantage, d’une honnêteté, d’une distinction, d’une gloire… Il ne faut alors pas douter que le beau soit dans l’objet et non dans la perception. Beauté des corps, des discours et des actions, des âmes, confluent dans l’idéalité du beau en soi. Non sans compter la splendeur du cosmos, d’où vient tant étymologiquement que conceptuellement notre cosmétique moderne, et son au-delà des orbes célestes, tintant de la musique des sphères et résonant de transcendance, où l’impalpable essence du Beau, comme l’Être, ne peut être contemplée que par l’intellect, « ce pilote de l’âme[2] ». Bien sûr, plus bas en notre caverne, le beau s’oppose radicalement au laid, au difforme, au vil, au déshonorant.

Même si plus réaliste, Aristote dans sa Poétique confirme combien le beau est à l’image du vrai : l’artiste imitateur doit chercher le vraisemblable et non le monstrueux. La représentation, pour être belle, doit faire tendre son sujet vers son propre idéal, vers son tèlos réalisé : « Les auteurs de représentations représentent des hommes qui agissent ». L’artiste, peintre, poète ou dramaturge, procure du plaisir à l’amateur « en raison du fini de son exécution, de ses couleurs[3] ».

Au cours du Moyen Âge, le beau reste transcendantal, quoiqu’en cohérence avec le christianisme. De la beauté de la création divine à celle de l’homme et de la musique, proportio, integritas, claritas restent les critères indéfectibles que reconnaît Thomas d’Aquin : en cohérence avec un « ordre théologique de l’univers, une fois passée la crise des alentours de l’an Mil, l’esthétique devient philosophie de l’ordre cosmique[4] ». Cet humanisme de l’intemporel sera cependant infléchi par la mise en retrait du théologique et le regain du platonisme.

Lors de la Renaissance italienne, Leon Battista Alberti privilégie le beau, alors que « circonscription, composition et réception des lumières sont complémentaires en peinture », là « où les hommes représentés montreront avec force les mouvements d’âme qui les animent[5] ». L’inspiration néoplatonicienne et le culte du nombre d’or nourrissent de surcroit cette Renaissance. La lecture de Plotin est alors fondamentale, grâce auquel le monde des idées ne se sépare pas du visible. Cependant, chez ce dernier, l’objectivisme du beau se voit contré par sa dimension spirituelle : la forme ne suffit pas sans l’ascèse de l’œil intérieur qui voit « cette beauté de l’âme bonne ». Plotin ordonne : « ne cesse pas de sculpter ta propre statue, jusqu’à ce que l’éclat divin de la vertu se manifeste », afin de devenir « une lumière sans mesure […] Que tout être devienne d’abord divin et beau, s’il veut contempler le Beau et le Divin. […] En tous cas, le Beau est dans l’intelligible[6] ». Pour l’âme, la laideur, qui « la souille, la rend impure et y mélange de grands maux[7] », est l’exacte antithèse. Ce pourquoi Umberto Eco aura beau jeu de consacrer deux volumes encyclopédiques opposés, et cependant accolés, à l’Histoire de la beauté[8] et à l’Histoire de la laideur[9]. L’on retrouve encore une telle opposition à l’occasion d’un romancier allemand du XIX° siècle qui sut allier la tradition de l’esthétique classique et le romantisme, Adalbert Stifter : « rien, dans l’art, n’est absolument laid aussi longtemps que c’est une œuvre d’art, en d’autres termes, aussi longtemps que cela ne nie pas le divin mais aspire à l’exprimer[10] ». Ce qui pousse à penser que la perte de la foi en Dieu puisse entraîner une dégradation de l’art, condamné à se déjuger…

De même, dans la tradition du beau et du bien platonicien, Adam Smith, au XVIIIème siècle continue à faire l’éloge de « la beauté attachée au gouvernement civil du fait de son utilité », ce dans sa Théorie des sentiments moraux[11]. Le beau esthétique doit confluer en un beau politique.

De longtemps cette conception d’origine platonicienne perdure. En témoigne ce qui est probablement le premier essai d’esthétique en tant que tel, celui du Père Yves-Marie André, simplement intitulé Essai sur le beau, publié en 1760. Il y différencie le beau visible et celui audible, selon deux des cinq sens qui lui permettent l’accès, tout en assurant qu’il est indépendant du sentiment. Est-il absolu ou relatif, « suprême, qui soit la règle & le modèle du beau subalterne que nous voyons ici-bas » ; dépend-il du caprice des hommes, de l’opinion & du goût » ? Voici sa réponse : « je dis qu’il y a un beau essentiel, & indépendant de toute intention, même divine, qu’il y a un beau naturel, & indépendant de l’opinion des hommes ; enfin qu’il y a une espèce de beau d’institution humaine, & qui est arbitraire jusqu’à un certain point ». En sus du beau sensible et du beau intelligible, il convient qu’il y a « un beau essentiel, & indépendant de toute institution, qui est la règle éternelle de la beauté visible des corps », s’appuyant sur « la régularité, l’ordre, la proportion, la symétrie », soit une « géométrie naturelle[12] », bien dans le fil du classicisme.

En 1841, Vicenzo Gioberti se montre plus prudent : « le Beau est un je ne sais quoi d’immatériel et d’objectif qui frappe l’esprit de l’homme et l’attire avec ses charmes», tout en concluant indéfectiblement : « le Beau est inséparable du bien et du vrai[13]  ».

Sauf que l’on pourrait s’interroger : le beau est-il dans les choses, ou n’est-il qu’un sentiment moral ? Ce à quoi répond Emmanuel Kant, pour qui le seul attribut véritable du beau est le sentiment esthétique et non la propriété de l’objet observé. De plus, en rupture avec le platonisme, il affirme qu’il « n’y a et ni ne peut y avoir aucune science du beau et que le jugement de goût n’est pas déterminable par des principes[14] ».

Cependant les critères permettant de définir le beau, depuis essentiellement la statuaire grecque et ses Aphrodite, jusqu’à l’époque classique, restent la complétude, la symétrie, la justesse des proportions (depuis Vitruve), la mimesis et la sérénité. Ce que n’oublie pas de mentionner Hegel dans son Idée du beau : « ce qui caractérise avant tout l’idéal, c’est le calme et la félicité sereine », en particulier « la calme sérénité des personnages créés par les œuvres d’art de l’antiquité[15] ». Cependant Hegel, probablement lecteur d’Edmund Burke, a intégré une nouvelle dimension : l’« horreur délicieuse[16] » du sublime romantique. « Dans l’art romantique, le déchirement et la dissonance intérieurs sont plus accusés […] c’est souvent (pas toujours cependant) la laideur ou la non-beauté qui se substitue à la beauté sereine.[17] » Gageons qu’après que le sublime ait dévasté le beau, la beauté du laid s’impose, comme lorsque Baudelaire publie en 1857 Les Fleurs du mal et fait l’éloge paradoxal de sa « charogne ».

Mais à l’attaque de la beauté du laid s’est ajoutée une autre déconvenue : Voltaire, dans « Beau, beauté », son article du Dictionnaire philosophique, ouvre la boite de Pandore du relativisme, non sans se moquer du « to kalon » de Platon : « Demandez à un crapaud ce que c’est que la beauté, le grand beau, le to kalon : il vous répondra que c’est sa crapaude avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. Interrogez un nègre de Guinée, le beau est pour lui une peau noire, huileuse, des yeux enfoncés, un nez épaté. » Il conclut en toute logique, et ce dans la tradition de Descartes, malgré le piquant d’une facile ironie, « que le beau est souvent très relatif[18] ».

C’est plus nettement à partir de Nietzche que s’ouvre définitivement la faille : car « rien, absolument rien ne nous garantit que le modèle de beauté soit l’homme. » En effet, selon son antiplatonisme, « Le beau en soi n’est qu’un mot, pas même un concept. […] le prédicat « beau » c’est la vanité de l’espèce ». Rien de plus relatif et arbitraire que cette idole dont voici le crépuscule définitif : « absolument rien ne nous garantit que ce soit justement l’homme qui constitue le modèle du beau[19] ».

Bientôt, aux côtés de la démultiplication du goût, l’anthropocentrisme et l’éthnocentrisme se liguent alors pour autoriser une déconstruction du concept de beauté, historiquement, religieusement et esthétiquement constitué, dans la perspective de Derrida. À moins que, selon Jean-Pierre Changeux, une « neuroesthétique[20] » permette à la beauté et à la laideur d’illuminer des aires neuronales différentes ; et surtout à la première de procurer des émotions plus paisibles, plus éclairées…

Avec l’impressionnisme des Nymphéas de Monet et a fortiori l’abstraction, une beauté informelle, exclusivement colorée, peut enfin apparaître, affranchie de toute injonction aristotélicienne à la représentation, assimilable par le plaisir visuel de l’émotion et du sentir, d’aires neuronales exquisément chatouillées, quoique non sans une possible élégance du goût, tant l’harmonie de la composition et des couleurs restent un critère flagrant, malgré l’assertion kantienne selon laquelle « la critique du goût est [...] simplement subjective[21] », de Vassily Kandinsky à Marc Rothko et Olivier Debré… Faut-il alors regretter que l’art moderne se soit souvent consacré au goût, voire au culte, de la laideur ?

[...]


[1] Platon : Hippias majeur, 298a, Œuvres complètes, Flammarion, 2008, p 543.

[2] Platon : Phèdre, 247 c, Œuvres complètes, Flammarion, 2008, p 1263.

[3] Aristote : Poétique, 1448a, 1448b, Œuvres complètes, Flammarion, 2014, p 2762, 2764.

[4] Umberto Eco : Le Problème esthétique chez Thomas d’Aquin, PUF, 1993, p 219.

[5] Leon Batista Alberti : De Pictura, Allia, 2019, p 44, 56.

[6] Plotin : Ennéades, I 6-9, Les Belles Lettres, 1924, p 105 et 106.

[7] Plotin : Ennéades, I, 6-5, Les Belles lettres, 1924, p 101.

[8] Umberto Eco : Histoire de la beauté, Flammarion, 2004.

[9] Umberto Eco : Histoire de la laideur, Flammarion, 2007.

[10] Adalbert Stifter : L’Arrière-saison, Gallimard, 2000, p 349.

[11] Adam Smith : Théorie des sentiments moraux, PUF, 2011, p 261.

[12] Père André : Essai sur le beau, J. H. Schneider, 1767, p 2, 3, 5.

[13] Vincent Gioberti : Essai sur le beau, Meline, Cans et Compagnie, 1843, p 9, 304.

[14] Emmanuel Kant : Critique de la faculté de juger, § 60, Œuvres philosophiques III, La Pléiade, Gallimard, 1985, p 1146.

[15] Hegel : Esthétique, II, L’Idée du beau, Aubier, 1964, p 112.

[16] Burke : Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime du beau, Vrin, 2009, p 227.

[17] Hegel : Esthétique, II, L’Idée du beau, Aubier, 1964, p 113.

[18] Voltaire : Dictionnaire philosophique, Bry Ainé, 1856, tome II, p 49.

[19] Friedrich Nietzsche : Le Crépuscule des idoles, § 19, Œuvres III, La Pléiade, Gallimard, 2023, p 742.

[20] Jean-Pierre Changeux : Du vrai, du beau, du bien, une nouvelle approche neuronale, Odile Jacob, 2008, p 103.

[21] Emmanuel Kant : Critique de la faculté de juger, § 34, Œuvres philosophiques III, La Pléiade, Gallimard, 1985, p 1063.

 

 

Parador de Tujillo, Extremadura.

Photo : T. Guinhut.

 
   

Conclusion.

 

Ou la mémoire de l'avenir.

 

 

Nous n’aurons jamais fait que gloser de la beauté, que l’honorer, la regretter, la relativiser, la conspuer, la ressusciter peut-être, voire, qui sait, écrire pour elle en beauté. Car malgré toutes les avanies que les temps modernes et contemporains lui ont faites, lui font et lui feront subir, elle reste un horizon de l’humanité. Universelle, depuis la sereine Aphrodite capitoline jusqu’à une éruption sublime du Vésuve, d’un masque nô japonais ou Ibo du Nigéria jusqu’au plus brut de l’Art Brut, voire au coin de la mocheté, à l’ironie de la laideur. Pour emprunter une opposition nietzschéenne et le sens des métaphores de Peter Sloterdijk, la thérapeutique apollinienne qui était celle de la beauté platonicienne est peut-être passée du côté obscur de la « thérapeutique dionysiaque »[1]. Sauf si l’érosion jusqu’à la disparition de la beauté confine à la disparition de sa dimension thérapeutique et cathartique, remplacée par le divertissement, ce qui se- rait un signe inquiétant au service du diagnostic afférent à notre civilisation.

D’autant que la dimension métaphysique échappe à notre perception esthétique, alors que le poète Yves Bonnefoy nous le rappelle : « L’art, ce serait ce qui profite du déni conceptuel de la finitude pour le plaisir - un plaisir qui souvent prend figure d’une souffrance - et non plus pour la connaissance. Il saurait que de la simple apparence peut naître une beauté qui aidera à voiler les terreurs du gouffre »[2].

Pour emprunter encore à Peter Sloterdijk, le crime per- pétré par l’art contemporain, le consumérisme vulgaire, le relativisme et l’égalitarisme, commis sur l’immémoriale beauté, vaut comme un temps du crime, lorsque l’« abandon de l’Être qui caractérise les univers de l’art était inéluctable »[3] qui aurait pour vertu paradoxale d’en valoriser les ruines, la disruption du sublime, l’assaut du moche, venus de son éclatement. En une catharsis peut-être, à moins qu’il ne s’agisse que du pire voyeurisme, la beauté qui sera « convulsive, érotique-voilée, explosante fixe », venue d’André Breton[4], propose encore les traces, les indices, qui permettraient à l’enquêteur de retrouver la victime, voire de la rédimer. Ce au nom du droit naturel du dandy à la liberté et du droit intellectuel à la beauté, dans sa dimension peut-être universelle. Ce dans le cadre d’un universel qui ne soit pas uniformisateur, sans menacer la diversité culturelle qui compose l’humanité, mais également sans que les revendications identitaires le menacent.

Autre universel de l’humanité, la liberté politique. Car avec Philippe Nemo, nous pouvons penser le politique en termes de beauté et laideur, grâce à son lumineux essai : Esthétique de la liberté[5]. Au-delà de la prémisse selon la- quelle chez Platon, le vrai, le beau et le bien sont un, il montre que « la servitude enlaidit les existences humaines [et] que cela n’est pas seulement vrai de la certitude absolue instaurée par les totalitarismes, mais aussi de la demi-servitude instaurée par certaines sociétés réputées plus douces, les socialismes, qui sont nombreux dans le monde actuel ». En conséquence, seule une vie libre est créatrice de beautés et peut avoir un sens. Les vertus de justice, véracité, libéralité, esprit de paix, tolérance, prudence, tempérance, force, orientation positive des activités (en particulier l’innovation scientifique) fondent la beauté morale, donc politique, au sens où seule la participation de l’être libre leur per- met d’accéder à la beauté de l’œuvre d’art. Rappelons-nous qu’avec Jean Petitot, Philippe Nemo signa une belle Histoire du libéralisme en Europe[6], ce dernier participant d’une indispensable esthétique de la politique.

Nous savons bien hélas que la liberté n’est pas partout et en tout temps cet invariant du droit naturel dont nous réclamons l’éthique et l’esthétique. L’on y préfère trop souvent la servitude imposée et volontaire des théocraties ou des constructives totalitaires. L’espérance cependant de la beauté libre ne doit pas nous abandonner. Nous serons ainsi un dandy, non seulement de la beauté plastique, mais un dandy politique. Car à la rencontre nécessaire de ces deux disciplines complémentaires, esthétique et philosophie politique, l’art, qui selon Gilles Deleuze « n’est pas le chaos, mais une composition du chaos qui donne la vision ou la sensation[7] », est un universel de l’humanité.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 
   

[1] Peter Sloterdijk : Le Penseur sur scène, Christian Bourgois, 2000, p 199.

[2] Yves Bonnefoy : La Beauté dès le premier jour, William Blake & co, 2010, p 41.

[3] Peter Sloterdijk : Essai d’intoxication volontaire Suivi de L’heure du crime et le temps de l’œuvre d’art, Hachette Pluriel, 2001, p 226.

[4] André Breton : L'Amour fou, Gallimard, 1976, p. 26.

[5] Philippe Némo : L’Esthétique de la liberté, PUF, 2014, p 11-12.  

[6] Jean Petitot & Philippe Nemo : Histoire du libéralisme en Europe, PUF,  2006.

[7] Gilles Deleuze & Félix Guattari : Qu’est-ce que la philosophie ? Minuit, 1991, p 192.

 

Cy Twombly, Neuf discours sur Commode, Museo Guggenheim, Bilbao, Bizkaia.

Photo : T. Guinhut.

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3 mars 2024 7 03 /03 /mars /2024 10:47

 

Jules Jean Antoine Lecomte de Nouÿ : Eros - Cupido, 1873.
Musée des Beaux Arts de Nantes, Loire-Atlantique.
Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Du lit de la poésie érotique au Musée du Louvre,

deux anthologies

au service de l’art des sens et des mots.

Chiara Frugoni, Marcel Béalu & Adonis.

 

 

Chiara Frugoni : Au lit au Moyen âge. Comment et avec qui,

traduit de l’italien par Lucien d’Azay,

Les Belles Lettres, 2024, 160 p, 21 €.

 

Marcel Béalu : Anthologie de la poésie érotique, Seghers, 2023, 336 p, 32 €.

 

Poésie du Louvre. 100 poètes d’aujourd’hui, Seghers, 2024, 224 p, 17 €.

 

Adonis : Le Louvre, espace de l’alphabet à venir,

traduit de l’arabe (Syrie) par l’auteur et Donatien Grau,

Seghers, 2024, 144 p, 16 €.

 

 

Eros, fils d’Aphrodite, est un jeune dieu vigoureux chez les Grecs, alors que Cupidon, quoique cupide, soit chez les Romains, est un enfant, presque un bébé, qui donnera les amours et autres putti voletant parmi la peinture baroque. Ainsi, depuis l’Eros romain[1] et l’ère médiévale, la poésie érotique fait son lit. À l’occasion d’un séjour Au lit au Moyen Âge nous irons découvrir combien cette période, certes fondatrice de la poésie française, ne dédaigne pas de poursuivre la voie érotique de Tibulle et de Priape en ouvrant le bel ouvrage concocté par Marcel Béalu : son Anthologie de la poésie érotique, dont les vers courent du XV° siècle à nos jours. Et puisque les caprices des éditions Seghers nous conduisent vers une autre anthologie, cette fois contemporaine et consacrée à la Poésie du Louvre, également traité de belle manière par Adonis, découvrons combien et comment les mots des poètes partent à la conquête des plaisirs de la chair, du cœur et des yeux, dans une perspective à la fois historique et esthétique.

 

 

Le tiers de notre vie se passant à dormir, il faut bien un lit pour soulager notre fatigue, oublier nos soucis, rêver… Et se réchauffer, car, en notre Moyen-âge, le feu de cheminée n’était qu’une faible ressource, d’autant qu’il fallait l’éteindre pour la nuit, pour des raisons de sécurité. C’est un tel détail d’importance que l’on découvre grâce à l’essai de Chiara Frugoni : Au lit au Moyen Âge. « Comment et avec qui ? » s’interroge-t-elle en son sous-titre. L’on devine alors que désir, « propositions indécentes » et autres coquineries sont le lot du lit, jusqu’au « festival des sens », bien que l’Eglise aille se glisser entre les draps pour édicter des règles contre l’impudicité. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage roboratif, mené de main attentive par Chiara Frugoni, est également un festival d’enluminures, où le lit pour les pauvres ne vaut pas celui d’apparat et de réception sociale des riches, souvent chaudement couvert de rouge. Et malgré l’assaut des diables brunâtres, l’oreiller dévoile les nudités et les baisers délicieux…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans nul doute les traces de l’amour le plus tendre et de la fornication la plus franche ne sont pas seulement dans les romans et l’enluminure, mais dans la poésie. Ce que n’ignore pas la splendidement rose Anthologie de la poésie érotique de Marcel Béalu, qui commence au XV° siècle, pour se clore en notre contemporain, du moins, faut-il l’espérer, provisoirement, si les velléités de la censure et le manque d’appétit ne viennent pas faire le lit du désamour, autrement dit l’asexualité.

Les dames ne sont pas en reste au XV° siècle. Telle Clotilde de Surville

« Doucement s’esgarer layssoiz mes mains folastres

Sur le contour de tes aymables traicts,

Tandis que de mon seyn tes lèvres idolastres

En meyssonnoient les pudiques attraicts ».

Son époux Béranger avait bien de la chance !

Nombre de ces poèmes ont été publiés sous le manteau, de manière clandestine, voire sont restées dans le silence d’un manuscrit complice. Comme de Brantôme que nous oserons citer (tant pis pour les chastes de profession) :

« Et quant à l’autre, à voir sa douce mine,

Son embonpoint, son visage si bon,

Je crois qu’elle a belle motte et beau Con :

Elle aura donc mon vit pour contremine ».

Ode, sonnet, octosyllabes, alexandrins et rimes, tout ici fait usage, y compris l’épopée, certes parodique, comme La Pucelle d’Orléans de Voltaire, le néanmoins philosophe bien connu. L’on n’est pas surpris de trouver là Baudelaire et ses « promesses du visage », Théophile Gautier dont « le foutre jaillit comme par une pompe », « Verlaine, sa « luxure en songe » et sa célébration des « couilles de [son] amant, sœurs fières / À la riche peau de chagrin » et « le vit, [son] idole », où peut-être faut-il deviner les attributs de Rimbaud. Mais plutôt Mallarmé, « levant au nombril la baptiste ». Il s’agit de se faire plaisir, en un onanisme linguistique bien senti, mais aussi « d’offusquer le bourgeois », selon le mot de l’anthologiste.

 

L’on a beau être de la Pléiade, classique, romantique ou surréaliste, l’amour, ses douceurs et fureurs spermatiques et utérines sont toujours au rendez-vous, nonobstant les choix stylistiques.

Cinq siècles tard, à Clotilde de Surville répond Grisélidis Real qui, en 1965, commence avec ardeur :

«  Par le grand lys noir de ton sexe

Et par la douceur veloutée

De ses mandarines jumelles

Dans la tiédeur de tes broussailles »

Toutes les gammes de l’éros se conjoignent en ce florilège : tendresse, obscénité viriloïde, grivoiserie, amoureuse séduction. Mais aussi bonheur, comme à l’occasion de cette femme de Lettres du XVII° siècle, Marie Catherine Desjardins, dite Madame de Villedieu, dont le sonnet, et son dernier tercet, soit la chute, suffisent à nous rendre rétrospectivement amoureux d’elle :

« Une douce langueur m’ôte le sentiment ;

Je meurs entre les bras de mon fidèle amant

Et c’est dans cette mort que je trouve la vie ».

L’on sait que ce sonnet fut jugé en son temps scandaleusement libertin, alors qu’une liaison passionnée l’attacha longtemps à Antoine de Boësset, sieur de Villedieu.

Avec modestie, Marcel Béalu (1908-1993), lui-même poète, n’a pas cru devoir y faire figurer ses propres productions. Aujourd’hui, c’est avec justice que l’éditeur adjoint quelques-uns de ses vers : « Ses jambes sont la prairie sous-marine / Une palourde noire y dort / Qui ne s’entrouvre que pour moi ».

Cette splendide et abondante anthologie, précédée par l’amusante liste d’un « petit glossaire de la langue érotique », n’est évidemment pas la seule du genre. Parue initialement en 1971 dans son édition originale, à l’époque de la libération sexuelle, la voici enrichie de plumes féminines, de surcroit illustrée avec une douce fantaisie épicée par Louise Bourgoin. Suave souvent, raide et mouillée parfois, elle mérite de figurer aux côtés de celle libertine et débridée de Pierre Perret[2], chanteur facétieux. Car, à toute époque, Eros est en enfer, ou au paradis des bibliothèques. Et puisque six siècles de poésie galante et gaillarde nous ont précédés et sont libérés, reste à souhaiter que son élégance et sa verdeur puissent rester préservées, continuées, renouvelées par nos descendants que la pruderie et l’obscurantisme n’auront pas opprimés…

 

Museo de Zamora, Castilla y Léon.

Photo : T. Guinhut.

 

 

Sensuelle encore, mais moins coquine, plus académique, est cette initiative anthologique, conviant cent poètes d’aujourd’hui parmi les salles du parisien musée du Louvre. La poésie est historienne est visuelle, cultivant l’ekphrasis, cette figure rhétorique venue de l’Antiquité, qui consiste à décrire une œuvre d’art. L’on sait combien Baudelaire était un habitué des lieux, dont il a tiré en partie le poème « Les phares ». Aussi le défi est après lui redoutable.

Classés non plus par ordre chronologique, mais alphabétique, d’Abd al Malik à Cynthia Zarin, traduits du hongrois, de l’anglais ou du chinois, ou simplement français, ils sont observateurs et volontiers lyriques, tant l’admiration ne peut leur manquer. Versets, vers libres, plus rarement poésie en prose, mais encore ces alexandrins qui n’ont rien de désuet, la variété est assurée, autant que les étages et les salles nombreuses du Louvre, autant que la prolifération des marbres, des bronzes, des huiles sur toiles et des pastels. Aussi les uns, comme Jacques Darras, font « une courte visite en dix tableaux », entre la Cour carrée, la pyramide de Pei et Camille Corot, alors que d’autres choisissent une œuvre, une seule, qui les bouleverse, à l’instar de Stefan Hertmans, un Néerlandais, pour qui

« Carpaccio parle en beauté de violence,

Et nous montre fragiles autant que des pensées ».

Au moyen de quatre « tablettes », ou strophes, Ali al-Attar reconstitue « le voyage du dieu sumérien », annonçant involontairement « Le Voyage à Cythère » de Watteau, qui devient un « piège photographique » pour Istvan Kemény. André Velter lui aussi est fasciné par l’Antiquité, en l’espèce des scribes d’Egypte et de Boétie : « il m’arrive de les tutoyer en tant que frères de calame ». En l’espèce chaque auteur découvre et parcourt « le musée de [sa] mémoire », selon les mots du Slovène Ales Steger. Amadou Lamine Sall affirme avec joie « Quand Dieu prend ses vacances il prend ses quartiers au Louvre », là où « la peinture tient la main de la sculpture, regard contre regard ». Gratitude et jubilation ne cessent guère d’animer nos versificateurs et prosateurs. Délicieusement émue, Dorothea Lasky chante :

« L’art qui n’est que pétales tombées

Laisse le temps qui est le sien aller de l’avant »

De toute évidence, le risque, probablement assumé, réside parmi la diversité, avec ses qualités et défauts, soit des prises de paroles inégales, tant la poésie contemporaine a un faible pour le prosaïsme. Ce pourquoi nous aurons la courtoisie de passer sous silence tous ceux qui ne nous ont pas persuadés de leur talent poétique, abusant par exemple de l’énumération, en cette initiative anthologique pourtant fort originale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’écrivain aime souvent à user d’un pseudonyme. Celui d’Ali Ahmad Said, né en 1930 en Syrie, dont il dut fuir les persécutions à cause de ses exigences politiques, ne doit rien au hasard. Adonis à tout de la mythologie grecque, de l’érotisme puisqu’il fut aimé par Vénus, de l’espace méditerranéen, sans compter son cosmopolitisme : n’a-t-il pas consacré une vaste ode à la ville de New-York[3], quoique par toujours indulgente envers ce nœud névralgique de la puissance américaine ? Mais son espace mental va plus loin encore, dans le temps et dans l’espace. En effet répondant à l’appel du Musée du Louvre, il s’engage parmi les œuvres venues du troisième millénaire avant notre ère et de Mésopotamie. Appelant au secours de sa langue inspirée les figures de Gilgamesh et d’Enkidu, il ne dédaigne ni l’Egyptienne Néfertiti, ni Alexandre le Grand, disciple d’Aristote et grand conquérant de la Grèce à l’Indus.

Le souffle des versets d’Adonis s’empare bellement du mythe de Gilgamesh - auquel Diane de Selliers a consacré une édition indépassable[4] - en une réécriture méditative et lyrique. La « robe sumérienne » d’une statue mésopotamienne entraîne le poète en une envolée métaphysique, car « la pierre est un alphabet ».

Construit en sept tableaux, ce recueil, bilingue arabe et français, fait parler le Louvre, « école cosmique » et « demeure à faire mourir la mort ». Car « la racine du sens est dans ses entrailles ». Anthropomorphisant le lieu qui abrite et unit « Ishtar, Isis et Vénus », le poète émeut son lecteur, interroge l’Histoire et le temps, la mortalité et la pérennité des civilisations, la pouvoir du mythe. N’est-ce pas la fonction essentielle de la poésie ?

 

 

Toute anthologie est un musée autant que tout musée est une anthologie, si l’on se reporte vers l’étymologie de ce dernier vocable, signifiant les plus belles fleurs. Bien que les musées d’art religieux ne soient guère propices à l’érotisme, à moins de considérer l’extase des saintes, les tentations de Saint-Antoine et autres Marie-Madeleine, les temples de l’art, comme ce Louvre célébré par les poètes, peuvent être prodigues de Vénus et autres trois Grâces. Les plus curieux cependant iront à la recherche des cabinets secrets, tel celui du Musée royal de Naples[5], où se cachent les « peintures, bronzes et statues érotiques » venues de l’Antiquité…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Jean-Noël Robert : Eros romain, Les Belles Lettres, 1996.

[2] Pierre Perret : Anthologie de la poésie érotique, Nil, 1996.

[3] Adonis : Tombeau pour New-York, Sindbad-Actes Sud, 1999.

[5] Musée royal de Naples, Au Cercle du Livre Précieux, 1959.

 

Aristide Maillol : Les Trois Grâces, 1930.

Musée Sainte-Croix, Poitiers, Vienne.

Photo : T. Guinhut.

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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 16:34

 

Cantoral, siglo XVI, Catedral de Huesca, Aragon.

Photo T. Guinhut.

 

 

 

De l’Histoire de l’écriture

à la magie du codex et du livre,

en passant par le Don des Lettres :

 

Sylvia Ferrara, Yann Sordet, Sylvie Lefèvre,

Marion Uhlig & Thibaut Radomme, Neil Gaiman.

 

 

 

Silvia Ferrara : La Fabuleuse Histoire de l’invention de l’écriture,

traduit de l’italien par Jacques Dalarun, Seuil, 2021, 320 p, 22 €.

 

Sylvie Lefèvre : La Magie du codex, Les Belles Lettres, 2023, 296 p, 25,90 €.

 

Marion Uhlig, Thibaut Radomme & Brigitte Roux : Le Don des lettres,

Les Belles Lettres, 2023, 656 p, 59,90 €.

 

Yann Sordet : Histoire du livre et de l’édition, Albin Michel, 2021, 800 p, 32 €.

 

Neil Gaiman : L’Art compte, Au Diable vauvert, 2020,

traduit de l’anglais (Royaume Uni) par Patrick Marcel, 120 p, 15 €.

 

 

 

Tablettes d’argiles entassées ou brisées dans les sables, les bibliothèques cunéiformes nous ont révélé des catalogues des arbres et des minéraux, des traités médicaux ou destinés à l’exorciste, déjà des encyclopédies, jusqu’au Catalogue d’ouvrages de la bibliothèque du roi Assurbanipal[1]. Imaginée à la fin du IV° millénaire avant notre ère, l’écriture connut après la Mésopotamie maints avatars, égyptien, phénicien, grec et latin, pour être fixée sur des papyrus et circuler aisément. L’on sait qu’il fallut attendre Gutenberg, en 1454, pour que l’imprimerie commence de répande son papier encré au service des grandes œuvres de l’humanité. Il apparait, au travers des essais de Silvia Ferrara et de Yann Sordet, qu’écrire, confectionner et éditer des livres sont des étapes du savoir qui ont demandé des siècles et des siècles de constance et d’invention. Le « Don des lettres » concourt lors à la « Magie du codex », pour reprendre deux titres aux vertus bibliophiliques précieuses. Alors que le livresque passé est ainsi à notre service, le futur, nous rappelle Neil Gaiman, dépend de nos bibliothèques, et de lecteurs sachant lire en science et conscience.

 

 

Se livrant à une enquête érudite qui ne dédaigne pas la saine vulgarisation, Silvia Ferrara nous permet de voyager, tant dans le temps que dans l’espace, avec La Fabuleuse Histoire de l’invention de l’écriture, laquelle avait été précédée par une profuse enquête sur les empreintes, les signes, les traces graphiques, intitulée Avant l’écriture[2].

Quelque part auprès du jardin d’Eden mésopotamien ainsi que du fleuve nilotique, naissent aux alentours de l’an trois mille avant notre ère deux versions concurrentes, et qui cependant s’ignorent, de l’écriture : les cunéiformes et les hiéroglyphes. Mais au-delà de ces berceaux classiques, il faut aller explorer d’autres continents pour rencontrer les foyers chinois et mexicains, décrypter les graphies encore indéchiffrées de Chypre, de Crète et de l’Île de Pâques, témoignant de l’universalité de l’entreprise, malgré des formes dissemblables, figuratives, syllabiques ou alphabétiques. Ou encore les « quipus » incas, qui sont des cordelettes à nœuds, voire le syllabaire amérindien des Cherokee créé au XIX° siècle par un seul homme nommé Sequoyah. Icones, symboles, signes servent d’abord à « sceller des transactions », avant de composer de la poésie. Mais l’alphabet est « un système sophistiqué et supérieurement intelligent comme la philosophie et la démocratie ».

Loin de se contenter de ces écritures qui marquèrent la charnière entre préhistoire et Histoire, Silvia Ferrara s’intéresse de manière aussi bienvenue qu’originale à de curieux avatars, ces créateurs d’indéchiffrables qui ne cessent de jouer avec la perplexité d’un lecteur déçu et cependant fasciné : les médiévales « litterae ignotae » d’Hildegarde de Bingen, le Manuscrit Voynich, fleuri de plantes et de femmes nues au XV° siècle, et plus près de nous le Codex seraphinianus[3], la stupéfiante encyclopédie d’un monde impossible fantastiquement illustrée et aux élégants gribouillis.

Professeure de philologie mycénienne à l’Université de Bologne, Silvia Ferrara captive son lecteur au moyen d’un bel ouvrage un brin ludique, rigoureusement documenté, illustré, et d’une enquête aux révélations palpitantes : n’y a-t-il pas en cette aventure le plus grand bouleversement de l’humanité, tant il est à l’origine de son développement et de sa mémoire…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quand donc est né ce livre au sens où nous l’entendons aujourd’hui, donc après le rouleau du volumen, les feuillets reliés du codex ? Mais au premier siècle avant Jésus Christ, nous dit une autre Silvia, cette fois Sylvie Lefèvre, en sa Magie du codex. Elle nous offre une manière particulièrement originale de découvrir ce miracle technologique dont on tourne les pages, avec une commodité que ne permettait pas le volumen. Ainsi s’intéresse-t-elle à la matérialité de l’objet et de sa représentation du Moyen âge à nos jours. Certes, pour le ravissement des yeux, cette médiéviste privilégie les reproductions de manuscrits médiévaux. Car lors le livre est d’abord saint, Bible, Evangiles. Mais aussi objet précieux et offrande tenue dans des mains respectueuses, ou texte en train de s’écrire sous les doigts des quatre évangélistes, de Saint Jérôme traduisant la Bible en latin au IV° siècle…

Il s’agit souvent de mise en abyme, car le livre est visible sur nombre de pages peintes : fermé, ouvert, feuilleté, il est « corps, folio, page, pli, cœur », pour reprendre le sous-titre de Sylvie Lefèvre. Et cœur parce que l’on connait au moins deux livre-cœurs. En particulier le Chansonnier de Jean de Monchenu vers 1475 : ouvert, ce sont deux cœurs, refermé, ils n’en font qu’un…

Aujourd’hui encore, et pour longtemps espérons-le, le codex est déploiement de pages, comme autant d’ailes d’un oiseau. En témoignent ces « placards » de lettres gothiques sur fond blanc, parmi le décor de personnages, d’animaux et d’architectures dans une édition incunable des œuvres d’Aristote en 1483. Lui répondent par-delà un demi millénaire les livres animés ou pop-up, dont sont friands les enfants et les collectionneurs ; lorsque leurs robustes feuillets se soulèvent en personnages debout, en architectures érigées. L’on devine que l’envol des cartes d’Alice au pays des merveilles, est propice à la « magie du pli » et à la troisième dimension. Le livre « illusionniste » fleurit au XIX° siècle, jouant avec les codes de l’affiche, avec les techniques de façonnage de découpage et d’impression de plus en plus virtuoses.

Manuel original, La Magie du codex ne laissera plus ignorer au lecteur ce que sont le tranchefile et le signet, la « main » de l’index… Accompagné de foisonnantes illustrations, cet ouvrage est un trésor historique, esthétique et bibliophilique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Trésor peut-être encore plus rare, Le Don des lettres, dont la somptueuse couverture s’orne d’une Vierge à l’enfant sur fond noir, entourée d’une mandorle de branches grises où sont suspendues des lettres d’or, soit la Vierge à l’arbre sec de Peter Christus. Ceci pour annoncer l’abondance des « jeux de lettres », dans la littérature manuscrite médiévale. Car à la réserve des caractères extrême-orientaux, le livre est fait de lettres. Ne peut-on pas les considérer comme un don de Dieu ? En ce sens « le don des lettres » permet d’accéder à la Création, à l’instar du judaïsme pour lequel le nom de Dieu participe de la « théorie kabbalistique du langage[4] ». Or à cet égard le livre chrétien et médiéval accorde à la lettre une dignité considérable. En toute cohérence, les chapitres du Don des lettres sont comme il se doit ordonnés alphabétiquement, et s’achèvent par l’alpha et l’oméga du nom de Dieu et du Christ pantocrator.

Quand le B est de beauté, le L par exemple est autant celui de « liber », le livre, que celui du roi Louis, du lis, mais surtout « les trois composantes du poème placé sous nos yeux : les lettres, le langage et la loi ». L’on se doute que le M est bien plus que celui de Moïse, celui de Marie, Mère de Dieu…

Parfois, les lettres se suffisent à elles-mêmes. Comme lorsque le Pontifical de Jean de Venningen (vers 1462) trace à côté de « la formule rituelle de consécration d’une église », la figure de la croix « composée du mélange des alphabets latin et grec et copiés en deux couleurs ». La dimension symbolique n’empêche en rien celle du minimalisme esthétique, alors que tant de tableaux sur parchemin jubilent de détails et de couleurs, que ce soit parmi les psautiers, destinés à être chantés, ou parmi les initiales I et D, d’or sur fond d’azur, restées inexpliquées, pour illustrer une traduction des Héroïdes d’Ovide.

Mais au Moyen âge l’on peut être fort facétieux. En témoigne la Ballade de l’ABC, « qui se plait à vautrer l’alphabet dans le bas corporel », soit une strophe consacrée au mot « con »…

Les manuscrits enluminés regorgent de lettrines historiés ou nom, les lettres colorées courent autour des figures, accompagnant la sainte trinité, la Vierge, les anges, les saints et les animaux. Un détail exquis achèvera de nous convaincre de la beauté d’un tel ouvrage dont l’érudition stupéfie : les citations médiévales sont traduites en français moderne, en une seconde colonne de couleur bistre…

 

Il faut à l’écriture et au codex trouver la pérennité du livre, qui n’allait pas de soi, traverser des étapes préparatoires avant de trouver l’assomption que nous connaissons en nos librairies et nos rayons chargés de chefs d’œuvres et autres peccadilles lettrées. Yann Sordet, directeur de la Bibliothèque Mazarine, ne pouvait faire l’impasse, quoique bien plus brièvement que Silvia Ferrara, sur l’invention de l’écriture, avant de bondir en un prodigieux fleuve de succulente érudition, son Histoire du livre et de l’édition, jusqu’à la révolution numérique, celle qui donne un nouveau souffle au livre, à moins qu’elle ne l’essouffle.

Du volumen, ce rouleau antique de papyrus muni d’une étiquette (index ou titulus) dont le plus ancien conservé vient du IV siècle avant notre ère avec un poème orphique, nous passons au codex de l’ère chrétienne, cependant attesté au moins dès l’an 90 avec les Epigrammes du poète latin Martial). Entre temps la Renaissance carolingienne impose l’écriture ronde, que l’appelle « caroline ». Venue de Chine, la fabrication du papier s’impose au XIII° siècle en Europe. La typographie prend son essor avec la Renaissance humaniste, alors que l’invention des périodiques a lieu au XVII° siècle, avant les journaux que nous pratiquons encore. De manière concomitante, la librairie s’engage résolument dans la société de consommation culturelle. Jusqu’à son avatar numérisé, rien n’entrave la dimension symbolique du livre, qui fait vivre tant bien que mal l’auteur, l’éditeur et le libraire, enfin touche le modeste lecteur aussi bien que le collectionneur et le bibliothécaire.

Depuis la plus haute antiquité l’écriture comptable, à l’aide de jetons, bullae, et tablettes d’argile, croise l’écriture divinatoire : pattes d’oiseaux, écailles et omoplates gravées. Bientôt la forme du signe se dirige vers l’abstraction linguistique et l’intention calligraphique. La période médiévale est celles des scriptoria (VIe-VIIIe siècle) quand les savoirs se polarisent entre sacré et profane. Il faut en la Constantinople chrétienne confronter le texte avec l’iconoclasme. Du XII° au XV° siècle vient l’ère des librarii, où glose et index enrichissent le livre, surtout destiné au salut du croyant, non sans opérer des changements cruciaux : séparation des mots et des vers, des chapitres, apparition de l’image. À l’ère triomphante du gothique, l’on note la musique, l’on voit l’émergence de nouveaux professionnels, des commanditaires, fournisseurs, libraires et clientèles, en particulier au travers du livre d’heures : production de luxe aux côtés du livre ordinaire à l’usage des laïcs. Aussi l’on saura tout des encres et des enluminures, du papier et de la reliure, des bibliothèques médiévales où de lourds volumes sont parfois enchaînés.

Il y eut des précédents extrême-orientaux à l’invention de Gutenberg, gravure sur bois et livrets xylographiques par exemple. Cependant, très vite, l’imprimerie devient européenne dès la fin du XV° siècle, avec plus de  sept millions d’exemplaires incunables produits. L’on rencontre des humanistes imprimeurs, comme Alde Manuce[5] ou Josse Bade. Une nouvelle économie use déjà de prospectus et spécimens, de foires et catalogues, soit des outils de marchandisation. Evidemment le livre ne peut échapper au pouvoir politique. Outil de prestige, de législation, il se voit également soumis à la censure, d’autant que la Réforme protestante pèse de tout son poids, relevant le « défi de la traduction ». Via le « privilège du Roi », le contrôle de l’édition est un enjeu crucial, entre pouvoirs spirituels, séculiers et corporatifs, comme lorsque la mise à l’index permet d’interdire et d’excommunier, voire de livrer au feu[6].

Marci Tullii Ciceronis Epistolae familiares, 1493.

Biblioteca Juan Pablo Forner, Mérida, Extremadura.

Photo T. Guinhut.

 

Peu à peu l’identité visuelle du livre se vêt de page de titre, de marges, de formats divers, de créativité typographique et de singularités de mise en page. L’art de la lettre voit le triomphe du romain et l’expérience de l’italique, quand le livre scientifique se pare d’une « imagerie », qu’il s’agisse de médecine, de botanique et de sciences naturelles, de géographie ou d’astronomie

La librairie de l’âge classique n’échappe ni à la « police du livre », ni à la contrefaçon. Alors naissent la presse, la gazette, le « livre missionnaire », la pédagogie jésuite par le livre, la populaire Bibliothèque bleue et les almanachs. Avant que les péripéties éditoriales des Lumières défraient la chronique, au travers de l’Encyclopédie, entre 1752 et 1772, De l’esprit d’Helvétius, notoirement athée, en 1758, ou l’Emile de Rousseau en 1762, tous menacés, voire brûlés. La question de la liberté de la presse devient urgente, ainsi que celle de la reconnaissance de l’auteur et du statut des œuvres, tels que les défend Beaumarchais.

Yann Sordet s’interroge : « l’édition française à travers Révolution, Empire et Restauration : césure ou transition ? » La liberté d’imprimer fut brièvement totale avant le « code impérial de la librairie » et le système du brevet (1810). Un nouveau monde industriel, les mutations du papier, la dynamique des inventions, la mécanisation croissante de l’impression et de la composition, presse rotative et fin du caractère mobile font du XIX° siècle une explosion technique, mais aussi des consommations ; bientôt assises sur « le règne de l’image », de la lithographie, le renouveau de la gravure sur bois, puis la photographie qui vient bouleverser la presse. Le droit d’auteur se voit balisé par la convention de Berne (1886), et dans le cas des États-Unis par l’International Copyright Act (1891), non sans que la censure s’éclipse si facilement devant une liberté de la presse durement conquise. C’est aussi le siècle de la massification de l’alphabétisation.

La naissance des « maisons d’édition » jouxte l’apparition des grands entrepreneurs de l’imprimerie, ce qui entraîne parmi les métiers du livre et les organisations professionnelles l’irruption du syndicalisme ouvrier. Les libraires, bouquinistes et relieurs prolifèrent, quand la presse de masse invente le feuilleton, quand l’édition voit poindre la « révolution Charpentier » et les « livraisons et romans à quatre sous », puis les guides de voyage, comme le fameux « Baedeker ». Chez les Anglo-saxons, ce sont des « Penny bloods » et des « Pulp Magazines ». L’Instruction publique entraîne son lot de manuels, revues, dictionnaires et matériaux pédagogiques, sans compter la survenue de la littérature jeunesse, comme celle de la Comtesse de Ségur.

Quant au XX° siècle, il est le père d’une « production en voie de dématérialisation », au travers de la fin du plomb, via l’offset, la photocomposition et l’informatisation des procédés, jusqu’à la micro-informatique et l’auto-édition. Or le livre d’artiste et la reliure sont résiduels à l’âge des smartphones, quand mondialisation et flux de traductions échangent leurs pouvoirs dans des oligopoles de l’édition, comme « Galliflagrasseuil », manœuvrant les prix littéraires, sans totalement obérer le renouvellement des « indépendants et francs-tireurs » ; à moins de devoir annoncer la fin des éditeurs.

Outre la révolution de Gutenberg, celle de la culture de masse au XIX°, puis notre internetisation, des phénomènes et moments phares sont ici mis en relief : les titres à succès (long-sellers) comme L’Astrée d’Honoré d’Urfé ou L’Imitation de Jésus Christ de Thomas A Kempis dès le XVII° siècle, l’immensité de la production hollandaise aux XVII° et XVIII° siècles, l’Aréopagitica de John Milton, qui fut le premier et fort éloquent manifeste pour la liberté de la presse en 1644, la circulation des livres clandestins et libertins au XVIII° siècle, parmi bien d’autres exemples excitants et pertinents…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il s’agit bien avec Yann Sordet de renouveler la recherche en considérant « l’archéologie de l’objet » et « la fabrication typographique ». Le volume manuscrit ou imprimé est marchandise et « ferment » de civilisation. En outre, du parchemin enluminé monastique à la démocratisation du poche, les formes qu’il emprunte sont également significatives des systèmes de pensée. Ce pourquoi, fidèle à sa démarche, il s’interroge en fin de volume sur les nécessités du droit d’auteur et celle de l’« open access », dans la tradition de Condorcet, pour qui, en 1777, « les privilèges de la propriété littéraire [sont] une gêne imposée à la liberté, une restriction mise aux droits des autres citoyens » ; au risque de léser l’auteur et de décourager son long travail…

Non seulement Directeur de la bibliothèque Mazarine, à Paris, mais aussi rédacteur en chef de la revue Histoire et civilisation du livre, Yann Sordet fait œuvre à la fois synthétique et sommitale, déroulant une poignée de millénaires d’innovations. Agrémenté de deux cahiers d’illustrations en couleurs, d’une bibliographie pointilleuse, de notes et d’un index généreux, l’ouvrage est à la fois un voyage temporel qui ne lâche pas son lecteur, un voyage géographique et technologique, une amitié entre connaissance et transmission, tant l’édition peut offrir au bibliophile l’alliance du savoir, du déploiement de l’imagination et celle de l’esthétique de l’objet livre. Quoiqu’à cet égard il faille regretter que l’éditeur de ce délicieux pavé, de cette forêt presque entièrement blanche et noire n’ait pas consenti à le relier avec des couvertures toilées, à l’instar de ses volumes précédents, intitulés Lieux de savoir[7]

Sans nul doute, nous devons partager les éloges de Robert Darnton[8] en sa postface, louant la clarté « sans pédanterie » de cette somme érudite. Il vante également la table des matières détaillée, où l’on peut puiser de manière ponctuelle si l’on ne peut, hélas, se confier au flux d’une lecture continue. Il remarque « l’accélération progressives des révolutions », des plus anciennes écritures aux réseaux sociaux d’Internet où la lecture va des âneries communes  aux pourquoi pas plus grands chefs-d’œuvre de la poésie ; ce qu’il juge plus important que « la révolution gutenbergienne ». Devant la marée du tout numérique, il constate avec soulagement une récente stagnation du livre sur écran et le retour en grâce l’imprimé : « Le codex est mort, vive le codex ! »

Notre essayiste aimé, Yann Sordet, pour le nommer encore, offre un précieux bagage historique et encyclopédique. Avec une rare clarté et un enthousiasme raisonné pour son sujet, il initie son lecteur à un monde enchanté, cependant sans cesse fait de main d’homme, au cours des millénaires. Il reste à imaginer un second tome pour le futur du livre et de l’édition, qui serait de l’ordre de la science-fiction et de l’Intelligence Artificielle, et qui, venu de l’an 5000 tomberait entre nos mains éblouies, peut-être inquiètes, tant on y aurait brûlé les livres, comme le font les pompiers de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury[9], sinon comme la sélection trop drastique de L’An 2440 de Louis-Baptiste Mercier[10], où les intelligences totalitaires les auraient effacés ; à moins que l’imagination humaine ne sorte vainqueur en créant des volumes inouïs. Car le livre reste un gage salvateur, à l’abri et en dépit d’un législateur attentif, voire enclin à une censure que les totalitarismes, politiques, religieux et groupusculaires aiment à pratiquer dans une guerre continue contre l’imaginaire et le savoir. Comme nous le rappelle Yan Sordet, le socle de la mémoire livresque joue sur l’étymologie du mot livre venu de liber en latin, qui est une écorce appelant l’écriture manuscrite, en appelant son corollaire, la liberté.

 

Car les bibliothèques « sont une affaire de liberté » affirme avec un aplomb nécessaire, dans L’Art compte, l’écrivain américain d’aujourd’hui, Neil Gaiman, spécialiste de romans fantastiques fort réussis, comme Le Dogue noir[11]. De plus il ne manque pas de nous prévenir : « notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l’imagination ». Ne dit-on pas que les cadres et ingénieurs de nouvelles technologies américains ont été des lecteurs adolescents de science-fiction ? A contrario il y a une forte corrélation « entre les enfants de dix et onze ans qui ne savaient pas lire » et « le nombre des détenus » dans les prisons du futur. Outre sa qualité de « drogue d’appel vers la lecture », la fiction « développe l’empathie ». Aussi fermer une bibliothèque « pour gagner de l’argent », c’est « voler l’avenir pour payer le présent ». Si nos jeunes gens, agenouillés sur les smartphones, lisent moins, ils auront moins de mots, moins d’intrigues, moins d’idées et d’ouverture vers autrui pour dire et construire le monde, pour le défendre contre les tyrannies. Or « les livres sont notre façon de communiquer avec les morts. Notre façon d’apprendre des leçons de ceux qui ne sont plus avec nous, la façon dont l’humanité elle-même s’est édifiée, a progressé, a rendu le savoir graduellement plus important ».

Né en 1960 en Angleterre, Neil Gaiman a écrit une trentaine de romans et bandes dessinées, dont Stardust, Coraline et La Mythologie Viking. Sa série de bande dessinée Sandman est un classique du roman graphique. American Gods fait s’affronter d’anciens dieux devenus superhéros de comics et les nouveaux dieux barbares du consumérisme et des technologies exponentielles. Quant à ce mince volume revigorant intitulé L’Art compte, illustré au trait et avec humour par Chris Ridell, il s’achève par un « Créez de l’art ! » et commence par un « Credo » : « Je crois qu’on peut opposer ses idées à d’autres qui déplaisent. Qu’on devrait être libre de discuter. D’expliquer, de clarifier, de débattre, de scandaliser, d’insulter, de fulminer, de moquer, de chanter, de dramatiser, de nier ». Ajoutons, de blasphémer. Voilà qui est aussi clair qu’indispensable face aux fanatiques au cerveau carbonisé par un seul livre, politiquement sacré et farci d’objurgations génocidaires, qu’il soit meinkampfesque, léninoïde ou coranesque. Lire Silvia Ferrara, Sylvie Lefèvre et ses honorables collègues médiévistes, Yan Sordet et Neil Gaiman nous propulse vers la possibilité de la Torah, vers Tite-Live et Shakespeare[12],  Flaubert et Ayn Rand[13], Emily Dickinson[14] et Georg-Friedrich Hayek, par une concaténation qui est celle d’un monde ouvert à l’imagination, à la création, au pluralisme des idées contradictoires, à la prospérité intellectuelle ; à la dignité libérale enfin.

Et s’il était besoin de prouver que Neil Gaiman tient à sa liberté conceptuelle, allons apprécier à sa juste valeur un texte, illustré avec grâce par P. Craig Russell, un apologue sur le mal angélique, bien avant la naissance d’Adam, d’Eve : Le Premier meurtre[15], qui n’est pas celui de Caïn. Ecrit sous la forme d’une pièce radiophonique, d’abord intitulée Murder mysteries, le récit est au ciel, raconté par une sorte de sans domicile fixe qui prétend être un ange déchu. Car les anges aux ailes immenses peuvent être amants, jaloux, voire meurtriers. Il y aurait donc au royaume de Dieu, une naissance du mal[16], une essentialité du mal, trop humaine, et cependant livresque…

Thierry Guinhut

La partie sur Ferrara a été publiée dans Le Matricule des anges, février 2021


[1] Tous les savoirs du monde, Bibliothèque Nationale de France, Flammarion, 1996, p 40.

[2] Silvia Ferrara : Avant l’écriture, Seuil, 2023.

[3] Luigi Serafini : Codex seraphinianus, Rizzoli, 2013.

[4] Gershom Scholem : Le Nom de dieu et la théorie kabbalistique du langage, Allia, 2018.

[6] Voir : De l'incendie des livres et des bibliothèques

[7]  Lieux de savoir I & II, Albin Michel, 2007 & 2011.

[9] Ray Bradbury : Fahrenheit 451, Folio, 2000.

[10] Louis-Sébastien Mercier : L’An 2440, France Adel, 1977.

[11] Neil Gaiman : Le Dogue noir, Au Diable vauvert, 2018.

[15] Neil Gaiman & P. Craig Russell : Le Premier meurtre, Delcourt, 2016.

Apocalipsis figurado de los duques de Saboya, siglo XV,

Monasterio Real San Lorenzo de El Escorial, Madrid.

Photo T. Guinhut.

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19 février 2024 1 19 /02 /février /2024 14:38

 

Castillo de Alarcón, Cuenca, Castilla La Mancha.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Vivre le compte à rebours de Boualem Sansal,

romancier dystopique de la théocratie en 2084

et de l’humanité nouvelle.

 

 

Boualem Sansal : Vivre. Le compte à rebours,

Gallimard, 2024, 240 p, 19 €.

 

Boualem Sansal : 2084. La fin du monde,

Gallimard, 2015, 288 p, 19,50 € ; Folio, 2017, 8,90 €.

 

 

 

Quelque part dans l’horizon du temps, une apocalypse est probable. Fantasme ou certitude cosmologique ? Elle peut être une métaphore, soit la pétrification du monde au moyen d’une théocratie, ou l’éradication de la population mondiale, telles que les met en scène le romancier Boualem Sansal. Dans le premier cas, Vivre. Le compte à rebours, un espoir se fait jour au travers d’une indispensable sélection au service d’une humanité nouvelle. Dans le second, 2084. La fin du monde fait la démonstration désespérée d’un totalitarisme définitif. Le troublant diptyque n’est pas sans poser de sérieuses questions politiques et éthiques…

 

L’on sait que vivre est éphémère ; et que chacun d’être nous est sous l’épée de Damoclès d’un compte à rebours. Nous projetons nos espérances de survie et de renouvellement dans les générations suivantes. Mais qu’en est-il s’il s’agit de l’humanité toute entière ? Ou presque. Car, dans le roman de Boualem Sansal, intitulé Vivre, le narrateur découvre à Paris un « J-780 » peint en rouge sur la vitre d’une fenêtre, alors qu’il est le sujet d’une vision grandiose : « il a vu un immense vaisseau de feu surgir de la nuit infinie et dans d’immenses mouvements de panique sauver de l’humanité ce qui pouvait l’être ». Etreint par l’angoisse autant que par la prescience de l’événement considérable, il rencontre l’Américain Jason, auteur du graffiti régulièrement mis à jour. Leur complicité reste longtemps solitaire, jusqu’à ce qu’un troisième larron, Samuel, soit interrogé par la radio de « l’église évangélique des Appelés du Septième Jour ». Lui aussi, juché parmi les Monts Ozark, reçut une vision apocalyptique, « L’entité ou la Voix off laissait entendre qu’il nous reviendrait de sélectionner ceux qui seraient sauvés ».

Cependant le vaisseau salvateur, appelé « Ouamuamua », d’un vocable hawaïen pour « éclaireuse, messagère », poursuit sa course vers la terre. Il est plus que temps d’écarter ceux dont la responsabilité pénale pèse sur la terre : « la Covid chinoise, la terreur islamique, les zizanies arabes, les bombes russes […] le béatisme des wokistes ». Ou encore, « les pédophiles », « les gauchistes », « les violeurs », etc. « Pas de religion », décide Paolo. En effet lorsque sont convoqués les porte-paroles, l’intolérance est de mise. L’imam brille par son sectarisme et son djihadisme, l’hindouiste par son nationalisme, le rabbin, bien moins vindicatif, est cependant exclusif ; alors que le catholique s’en tire mieux, d’autant que le Pape François est peut-être un Appelé. Mais au contraire de maints mystiques d’occasion, l’Entité n’a rien d’un dieu…

Pas de gouvernements non plus, qui voudront capter la catastrophe à leur avantage et se pousser du coude lors de la salvation suprême et du chaos, quoiqu’ils ne sachent qu’armer une troisième guerre mondiale qui carbonise la chair avant même l’irruption du trou noir cosmique et brûlant…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aussi faut-il penser « le sauvetage de l’humanité et refondation sur des bases intellectuelles, morales et spirituelles supérieures ». Malgré la délicate question d’un « principe moral supérieur » et de la nécessité de réduire par élimination des populations aux cultures inégales, voire délétères, les critères retenus seront la probité et l’intelligence : « le vaisseau est réglé sur nos ondes cérébrales, les Appelés seuls pourront en prendre possession et le piloter, selon des programmes inscrits dans nos mémoires par l’Entité, et n’embarquerons que ceux que nous aurons choisis selon nos critères ». Faut-il, craindre la disparition des bibliothèques, d’internet, au dépend de la connaissance. Rassurons-nous, cette même Entité en tient lieu, au centuple…

Bientôt, au cours de ces deux ans de montée de l’imminence, ce sont soixante-douze Appelés confirmés de trente-sept nationalités différentes »,  

Outre la dynamique du suspense qui nous rapproche d’une inévitable apocalypse et d’une salvation réussie, le roman n’oublie pas les coups portés par la satire contre une société déliquescente. La compagne de Paolo, lui-même agrégé de mathématiques, enseigne le français dans une « sous-banlieue », là où l’école est victime « de la dictature des sectateurs ». Les universitaires ne sont pas épargnés, si philosophes qu’ils soient. Ou encore lorsqu’il est question du rêve : « Aux Etats-Unis, il sert à gagner de l’argent, en France, à en perdre ». La preuve, « la bureaucratie nationale et européenne », « l’écologie est un luxe ruineux ». Surtout quand « la France est devenue, à l’insu du ministre de l’Education nationale ou avec sa bénédiction, la plus grande, la plus pensante et la plus sinistre école d’écologie punitive du monde ». Voilà qui est bien senti et fera sursauter la cohorte des bien-pensants, qui liront également avec suspicion : « notre pays a virtuellement disparu de la carte, avalé par l’Europe, l’Afrique, l’Algérie, la Chine, le Qatar ». Souvenons-nous à cet égard que Boualem Sansal est lui-même Algérien, né à Alger en 1949, donc aux premières loges de l’observatoire du grand remplacement, et « sous la coupe totalitaire de l’islam ».

L’on devine que les services de renseignement s’en mêlent, FBI en tête, car au-dessus de la raison d’Etat, règne « la raison cosmique », mais sans dommage aucun envers nos Appelés. Auxquels se joignent d’autres radieux protagonistes : Camille Mo ou Badan, « l’enfant quantique », usant d’une langue riche, complexe et inconnue venue d’ailleurs et « qui avait pouvoir sur les événements ». À J-30, les Appelés étaient liés « par un cordon ombilical télépathique », et fin prêt pour l’ascension, pour, à J-5, « le vol de lucioles au-dessus d’un volcan en flammes » qui signe la mort définitive de la terre…

Mais cette « Terre-neuve » serait-elle longtemps un « Paradis premier » ? En effet, composée d’hommes ne risquerait-elle pas de devenir également un enfer…

De chapitre en chapitre, la catastrophe ultime s’approche au moyen d’un décompte inéluctable, jusqu’au « Jour J ». L’immense monologue intérieur, interrogeant « la bascule fantastique », et les attendus de la science-fiction, est malgré le peu d’action, intensément dramatique et palpitant. Même si l’on peut parfois s’impatienter d’un léger manque de concision et d’un millénarisme outrecuidant, nous sommes en présence d’une œuvre impressionnante, d’un roman polémique et poétique, roman philosophique crucial enfin.

 

Castillo de Alarcón, Cuenca, Castilla La Mancha.

Photo : T. Guinhut.

 

Où se trouve « l’Abistan » ? Parmi des montagnes ocres, brunes et lointaines, des déserts, du vide, ou au-delà du temps ? Dans une fiction, celle de Boualem Sansal, ou trop près de notre réel ? Au carrefour de maintes influences, d’une allusion non voilée à un chef d’œuvre indépassable, l’écrivain algérien parvient pourtant, comme avec une insolente et délicieuse aisance, à imprimer sa marque, indélébile qui sait, sur la tradition déjà foisonnante du roman d’anti-utopie. En une contrée imprécisée, en un futur fort précis, l’an 2084, quoique hypothétique pour qui ferait profession d’anticipation, un homme dresse le tableau cotonneux et terrible d’une théocratie hallucinante qu’il est inutile de nommer tant elle est reconnaissable : impossible, ou probable ?

En son sanatorium isolé, Ati voit passer de nombreux blessés qui lui révèlent par bribes l’envers du décor : il y a bien des dissidents qui fuient vers les confins la tyrannie heureuse d’Abi, « Délégué » sur terre du dieu unique Yölah. Une « Grande Guerre sainte », y compris nucléaire, a pourtant purifié le monde entier. Mieux vaut cacher ces informations, ce doute sacrilège, car « les V ont des antennes ultrasensibles ».

Au tournant de la première partie, Ati, à peu près guéri, quoique déclaré « À surveiller », quitte son sanatorium. Le voyage de retour dure un an, au travers de territoires encore marqués par les destructions, où « la misère était pantagruélique »,  jusqu’à la capitale, Qodsabad. Là il retrouve un studio, un travail d’archivage, sans se sentir « la force et le courage d’être un incroyant engagé ». Pourtant, sa curiosité inapaisée trouve la force de visiter « le ghetto dit des Renégats ». Lieu dévasté, où pullulent les graffitis obscènes et blasphématoires, où les femmes débraillées peuvent être coquettes, monde inverse et choquant pour Ati et son ami Koa, qui en viennent à être taraudés par le doute… Ainsi, les péripéties alternent : entre celles dévolues à Ati et celles du vaste monde dominé par le grand Abi, idéalement immobile, où chacun vit dans des conditions misérables, et cependant secoué de convulsions programmées, comme lorsque le village originel d’Abi est redécouvert, au point de devenir lieu de pèlerinage et motif de récrire le livre saint. Mais à mi-chemin du roman, l’inquiétude des personnages, sans compter celle des lecteurs emportés par un sombre suspense, s’intensifie : seront-ils découverts lors de leur voyage initiatique vers le pyramidal siège de « l’Abigouv » ; Ati n’est-il qu’un « cobaye » ; seront-ils bientôt châtiés selon la loi terrible d’Abi ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par un étrange retournement de situation, Ati est introduit dans un contre-monde, celui du luxe, où l’abilang n’a plus cours, où une conspiration lui sera révélée, quoique cachant peut-être une autre conspiration. Comme à la fin du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley[1], l’intrépide héros, invité ou piégé sait-on, approchera les secrets et les rouages du pouvoir, non sans visiter « le vingtième siècle dans un musée ». Qui sait s’il saura passer la mythique « Frontière »…

C’est autant un conte d’aventure à demi légendaire qu’un essai de philosophie politique : « Dans un monde parfait, il n’y pas d’avenir, seulement le passé et ses légendes articulées dans un récit de commencement fantastique, pas d’évolution, aucune science ; il y a la Vérité, une et éternelle, et, toujours, à côté, est la Toute-Puissance qui veille sur elle ». Ou : « Le peuple serait donc une théorie, une de plus, contraire au principe d’humanité, toute entière cristallisée dans l’individu ». Ou bien : « La foi commençait par la peur et se poursuivait par la soumission ». Ou encore : « Le Système n’est jamais ébranlé par la révélation d’un fait gênant, mais renforcé par la récupération de ce fait ». Mieux, ou pire plutôt, le gouvernement suscite et entretient une opposition, de façon à souder le peuple dans sa guerre sainte aux nombreux martyrs et victimes.

Toute une géographie se dessine sous la précision borgésienne de Boualem Sansal. Outre les montagnes, gorges et immensités désertiques, la capitale oppose à ses ghettos où l’on ne pénètre que par contrebande, les quartiers gouvernementaux, en particulier « l’Abigouv », au centre duquel trône une pyramide démesurée, « avec sur les quatre versants de son pyramidion l’œil d’Abi couvant la ville, fouillant continûment le monde de ses rayons télépathiques ». Là également, Ati et Koa vont s’aventurer… Fantastique, zeste de science-fiction, atmosphère oppressante, réalisme parfois crû, tout concourt à la réussite d’un art difficile : celui de l’anti-utopie. Cependant, plutôt qu’une île d’Utopie, comme la conçut Thomas More[2], il s’agit là d’une contre-utopie continentale, voire planétaire.

L’allusion au 1984 d’Orwell[3] se précise lorsqu’au fronton du sanatorium est gravée cette date fondatrice. De plus, il s’agit expressément de parler l’ « Abilang », langue sacrée, comme il s’agissait de parler le novlangue, à l’exclusion de tout autre idiome. Les écrans muraux sont des « nadirs », auxquels s’ajoutent les confessions, neuf fois par jour, auprès des « Mockbis », soutenus par les « V », assurément télépathes. La guerre, pourtant passée sous silence, règne au-delà, quelque part, démentant la doxa selon laquelle le règne de Yölah est universel. Pour raccrocher le puzzle, nous apprenons, au détour d’un paragraphe, que l’Angsoc de Big Brother fut détruit par l’Abistan…

Il y a, inévitablement, un ministère de la « Santé morale », un autre « des Archives, des Livres sacrés et de la Mémoire sainte », des « Croyants Justiciers bénévoles ». Car il est à craindre qu’un jour ou l’autre, on se retrouve « au stade à prendre du nerf de bœuf et des pluies de pierres », parmi un « saint carnage ». Le spectacle est en effet, comme dans les jeux du cirque romain, ou dans les noces du sport et de la tyrannie parmi les pages de W ou le souvenir d’enfance de Georges Pérec[4], un couronnement du régime et un exutoire pour la population, dont les meilleurs doivent être les bourreaux.

Boualem Sansal a su non seulement créer un monde, mais aussi un langage, officiel et pervers : l’on porte le «  burni » quand les femmes portent des « burniqabs », les mosquées sont des « mockbas », « Balis » est le contrepied diabolique de Yölah, l’abilang est souvent monosyllabique, évacuant la pensée, les renégats sont des « Regs », bien qu’ils se nomment eux-mêmes « Hors », ce qui viendrait de leur ancien dieu, Horus. Quant à leur emploi du mot « Bigaye », parfois gribouillé sur un poster d’Abi, il vient de « Big Eye », qui est sans nul doute un clin d’œil au regard omniprésent de Big Brother. Seul l’étrange Toz semble échapper à cette abjecte tyrannie, tout en conservant mains objets et connaissances de l’ancien monde, lui seul connait le « Démoc », une organisation secrète…

De même, l’écrivain a su écrire les versets, tirés des chapitres du « Livre d’Abi » (quoique tous les livres aient disparu) qui sont, de la manière la plus limpide, des récritures d’un modèle inspiré à un obscur et belliqueux prophète du VIIème siècle. Quoiqu’il faille se demander si assurément l’élève ne dépasse le maître en poésie : « Quand Yölah parle, il ne dit pas des mots, il crée des univers et ces univers sont des perles de lumière irradiantes autour de son cou ». Une mythologie et théologie nouvelles, quoiqu’à deux pas de leur modèle exécrable, gagnent en pittoresque et en intensité intellectuelle, puisque l’on peut lire la pyramide de « l’Abigouv », également appelée « Cité de Dieu », pour faire un sourire en coin à Saint-Augustin, de surcroit renforcée d’une muraille titanesque, comme une allusion à l’orgueil de la tour de Babel. Au contraire des sectateurs d’une religion aux aspirations totalitaires pas assez bien connues, Boualem Sansal a probablement lu Borges… Son magnifique 2084 est en effet la cristallisation d’une somme de mythes autant qu’une labyrinthique explosion d’ironies. Qui pourrait nous faire éclater de rire tant l’Abistan est fait d’une grotesque superbe, d’une féérie carcérale venue des Mille et une nuits, couronné par un gouvernement aux ramifications kafkaïennes, et tissé d’ubuesques complexités ; s’il ne fallait pas en pleurer des larmes d’abrutissement et de sang.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Algérien, né en 1949, Boualem Sansal[5] fut le contemporain des exactions du Groupe Islamique Armé dans les années 90, réprimées dans le sang. Fort critique envers le pouvoir algérien, en particulier de Boumédienne, il est parfois étrillé par la censure. Comme lorsque son roman Le Village de l’Allemand[6] osa un parallèle plus que judicieux entre nazisme et islamisme. Son essai, Gouverner au nom d’Allah[7], sous-titré « Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe », est une charge contre la théocratie aux mains des hommes. Sans cesse, y compris à l’occasion d’entretiens, il dénonce le totalitarisme religieux qui gangrène le Moyen-Orient, le pourtour méditerranéen et bien au-delà. Il va jusqu’à marquer à la culotte l’Occident qui selon lui a abandonné les Lumières : il est à craindre qu’il soit loin d’avoir tort en cette matière… De l’essai, en passant par ses récits, parfois en partie autobiographiques, jusqu’à l’apologue de 2084, Boualem Sansal défend les couleurs de l’humanisme avec autant de constance que d’envoûtant talent, dont nos romanciers hexagonaux, repliés sur la frilosité de leur blanc papier, feraient bien de prendre de la graine.

Car un tel roman a bien entendu une dimension pamphlétaire, y compris contre l’éducation, lorsqu’elle fait de vous un « avaleur de contes noirs et de légendes gamines,  réciteur de versets abracadabrantesques, de slogans obtus et d’anathèmes insultants, et pour l’exercice physique, un parfait exécuteur de pogroms et de lynchages en tous genres ». En effet, selon Toz, maître de son musée de la vie humaine, « La religion, c’est vraiment le remède qui tue ». La seule erreur d’appréciation de Boualem Sansal réside en sa conviction que l’Abistan de 2084 vient « du dérèglement interne d’une religion ancienne », alors que cette dernière reste, ab ovo, une tyrannie fidèlement meurtrière[8].

Le sous-titre, « La fin du monde », était peut-être superflu, qu’importe. À moins qu’il faille plutôt y lire le début d’un monde, dans « le regard d’un homme qui, comme lui, avait fait la perturbante découverte que la religion peut se bâtir sur le contraire de la vérité et devenir de ce fait la gardienne acharnée du mensonge originel ». Souhaitons alors qu’un tel regard, « petite racine de liberté », se multiplie…

Si l’on ne doit guère prendre garde aux choix plus que discutables des Prix littéraires, on sera cependant ravi de constater que Prix du roman de l’Académie Française a au moins pour deux fois couronné des livres engagés, quoique chacun bien à leur manière, contre les totalitarismes : Les Bienveillantes de Jonathan Littell[9] et ce 2084. Ce dernier était en lice pour le Goncourt. On lui a pourtant préféré l’ambitieux et onirique Boussole de Mathias Enard[10], qui narre les errements d’un verbeux orientaliste un peu trop indulgent envers le Moyen-Orient et sa religion du Prophète ; ce qui en dit bien long sur le politiquement correct et la pusillanimité de notre classe médiatique déboussolée…

« Il est des musiques que l’on entend que dans la solitude, hors de l’enceinte sociale et de la surveillance policière. » C’est celle de ce récit de soumission et d’insoumission, ce conte philosophique, qu’il faudrait placer auprès de celui de Michel Houellebecq[11], d’un tel livre fantôme et cependant armé d’une forme satirique incommensurable contre une théocratie qu’il n’est nul besoin de nommer, tant son abomination sue par toutes les pages du roman de Boualem Sansal. Qui est en effet à la théocratie ce qu’Orwell est au nazi-communisme… Reste à se demander avec lui, touchés que nous sommes par « la rencontre explosive de la Liberté et de la Vérité » : « Comment convaincre les croyants qu’ils doivent cesser d’importuner la vie » ?

 

 

Le diptyque formé par Vivre et 2084 peut être lu comme une antithèse. Voulons-nous une tyrannie absolue et obscurantiste ? Laissons-nous alors soumettre par un islamiste théocratique - ce qui est un pléonasme - avant même 2084. À moins d’user de la volonté de vivre une humanité meilleure, sans en attendre à une fort hypothétique entité extraterrestre salvatrice…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[4] Georges Pérec : W ou le souvenir d’enfance, Denoël, 1975.

[5] Voir : Boualem Sansal sismographe algérien des tyrannies : Le Train d'Erlingen ou la métamorphose de dieu

[6] Boualem Sansal : Le Village de l’Allemand, Gallimard, 2008.

[7] Boualem Sansal : Gouverner au nom d’Allah, Gallimard, 2013.

[10] Mathias Enard : Boussole, Actes Sud, 2015.

[11] Voir : Houellebecq : extension du domaine de la soumission, satire ou adhésion ?

 

Castillo de Alarcón, Cuenca, Castilla La Mancha.

Photo : T. Guinhut.

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10 février 2024 6 10 /02 /février /2024 15:02

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Quintessence du Japon :

du Dit du Genji aux Notes de chevet,

en passant par les poèmes d’hier et d’aujourd’hui

& par les Contes d’Isée et de risée.

 

 

Murasaki Shikibu : Le Dit du Genji, illustré par la peinture japonaise traditionnelle,

traduit du japonais par René Sieffert, trois volumes sous coffret,

Diane de Selliers, La petite collection, 2008, 1312 p, 155 €.

 

À la cour du Prince Genji, Gallimard, 2023, 208 p, 35 €.

 

Sei Shônagon : Notes de chevet. Illustrées par Hokusai,

traduit du japonais par André Beaujard,

Citadelles et Mazenod, 2020, 416 p, 79 €.

 

Jacqueline Pigeot : L’Âge d’or de la prose féminine au Japon,

Les Belles Lettres, 2017, 176 p, 27 €.

 

Kokin Waka Shü : Recueil de poèmes japonais hier et d’aujourd’hui,

traduit du japonais par Michel Vieillard-Baron, Les Belles Lettres, 2022, 520 p, 25 €.

Contes d’Ise, Contes de risée. Une parodie japonaise,

Les Belles Lettres, 2018, 528 p, 25,50 €.

 

 

Feuilles d’or tombées du temps, et cependant toujours intensément colorées, ce sont le premier roman psychologique au monde, les inaugurales notes de chevet, la première autobiographie, soit un trio de dames auteures, là où le X° et le XI° siècle japonais sont étonnamment fructueux et brillants. Voici peut-être la quintessence du Japon, sans oublier une contemporaine anthologie de poésie, et des contes, qui ont été repris sur le mode parodique au XVII° siècle. Tout ceci pour ravir la langue et les yeux du lecteur, qui se sent ainsi plus japonais que l’on aurait pu le croire...

 

Bien avant la rigueur classique de La Princesse de Clèves, écrit par Madame de Lafayette en 1674, le premier roman psychologique du monde fut composé par Murasaki Shikibu. Née aux environs de 973, elle écrivit patiemment Le Dit du Genji entre 1005 et 1013, pendant qu’elle était préceptrice au service de l’impératrice Fujiwara Akiko, qui fut son éditrice. Qui était-elle vraiment, puisque le nom sous lequel on la désigne se révèle être un surnom, celui de la jeune Murasaki, l’amour absolu du Prince Genji ? Sans nul doute un génie d’une finesse et d’une opiniâtreté incomparables…

Quant au Genji, surnommé « Le Radieux », il est celui qui vit des tourments amoureux et politiques nombreux parmi la cour impériale de Heian, l’actuelle Kyôto. Fils secondaire de l’Empereur et cependant aimé, il ne peut être que « Prince sujet ». Ses amours lui permettent d’explorer les secrets de l’univers féminin, non par avare esprit de conquête, mais dans une perspective autant morale qu’esthétique. Aussi raffiné que cultivé, le Genji façonne sa femme idéale en élevant une toute jeune fille, avec qui former un modèle d’amour profond que seule la mort saura briser. De multiples intrigues annexes et parallèles s’insinuent, dont la quête sentimentale de Kaoru, le fils du Prince Genji, alors que la vie tumultueuse de ce dernier traverse souffrance, exil et solitude, pour atteindre la reconquête du pouvoir, quoique la tristesse attende au bout du chemin. Des épisodes sont restés célèbres, comme ce moment où un chat jaillit de derrière les stores, révélant un instant la beauté de la « Princesse troisième », épouse du Genji, aux yeux stupéfaits du « Capitaine des Gardes des Portes », à l’occasion du livre XXXIV.

En mille trois-cents pages, dans la traduction de René Sieffert, dont cinq cent-vingt œuvres picturales du XII° au XVII° siècle le plus souvent inédites en Occident, comme le radieux « Rouleau des Jardins d’or », voire au Japon, un microcosme corseté de convenances et d’étiquette, soucieux de raffinements exquis, effraie et enchante l’esprit et les yeux du lecteur. L’immense récit en prose et roman-fleuve est parsemé de huit cents wakas, poèmes de trente et une syllabes, dont les minces anecdotes et les allusions à la nature sont les métaphores de sentiments inexprimables, billets doux et inquiets, délicatement codés. Ainsi « la dame à l’œillet » exprime-t-elle son inquiétude et sa confiance lorsqu’elle accepte de suivre le Prince impromptu :

« D’autres avant moi

en des temps lointains déjà

ont erré ainsi

par les routes de l’aurore

que je ne savais encore. »

Sano Midori, professeur à l’université Gakushûin, à Tokyo, enrichit cette édition du Genji monogatari d’une précieuse préface qui fait le point sur l’émergence de ce texte fondateur dans la littérature japonaise et met en relief sa vigueur séminale, son prestige, tant littéraire qu’artistique depuis des siècles. De même, Estelle Leggeri-Bauer présente les « Genji-e », soit les images qui fleurirent sur les paravents, les éventails, pages d’album et rouleaux, pour aboutir à une entreprise « insensée » et pourtant parachevée : illustrer l’entier du roman. Vagues marines, nuages, feuillages, oiseaux envahissent l’espace des jardins, tandis que l’or saupoudre l’atmosphère ; cependant l’on domine les intérieurs de habitations disposées selon une perspective axonométrique, ou plus simplement diagonale, de façon à découvrir les personnages en leurs étoffes soyeuses. De plus, résumés, arbres généalogiques, cartes et chronologies concourent à guider le voyageur en ce délicieux labyrinthe, qui est une civilisation à lui seul. Aussi un tel triptyque en son coffret est-il une rare splendeur bibliophilique à déguster des yeux et des doigts, du cœur et de l’esprit.

Rêvons à Dame Murasaki Shikibu, accroupie devant son écritoire, son encre et ses pinceaux, vêtue d’un ample et somptueux vêtement fleuri, ses longs cheveux d’encre y glissant jusqu’à ses talons, face au mono no aware, soit la « beauté poignante des choses fragiles », ou « tristesse inhérente à la beauté du monde ». Et nous aussi, près d’elle, devenons membres lettrés de ce quotidien où l’on pratique calligraphie, musique, peinture et poésie…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les rouleaux tissés par le maître Itarô Yamaguchi apportent un éclairage précieux sur la vénération dont est gratifié le Dit du Genji. Un millénaire plus tard, ce tisserand qui est notre contemporain nous propose quatre rouleaux de brocard achevés tour à tour en 1986, puis jusqu'en 2009. Le premier choisit quelques chapitres tels que « La rivière au bambou ». Le second « Le pavillon », le troisième « Le Grillon-grelot » ou « Le brouillard du soir ». Le quatrième enfin préfère « L'impénétrable armoise » et « La flûte traversière ». S’ils sont exposés au musée Guimet, ils nous le sont également dans ce beau livre relié à la japonaise, intitulé À la Cour du prince Genji. Abondamment illustré, y compris de précieux détails qui nous permettent de visualiser l'infinie précaution et la délicatesse du travail de broderie, l’ouvrage éblouit autant qu’il émeut devant le dévouement à l'égard d'une dame Murasaki qui eût été touchée, ravie, si les dieux du temps lui avaient permis de franchir un millénaire. Elle mérite bien en effet que des doigts savants lui consacrent des décennies de vie, en un témoignage d’amour posthume, mais aussi une révérence considérable envers une œuvre clé de la littérature mondiale. L'on retrouve bien entendu l'écho des illustrations comprises dans les l'édition de Diane de Selliers.

Autre élément surprenant dans le cadre de cette entreprise, les métiers à tisser sont des Jacquards venus de Lyon, témoignages d’une coopération franco-japonaise séculaire. Ici, chaque tissage est expliqué avec des détails techniques abondants. L'on découvre alors les « effets dérivés du double étoffe », une « chaîne crème et une chaîne noire », une « lamelle de papier lié en sergé ». La contextualisation de l'œuvre originelle venue de la cour impériale à l’époque de Heian ne manque évidemment pas, répondant aux adaptations multiples du Dit du Gengi. Qui sont ici signalées, tant dans le cadre proprement littéraire que pictural, et bien entendu, dans le manga le plus récent. Au point que les lecteurs de ce genre si populaire puissent être parfois et heureusement conduits auprès du chef d’œuvre original...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Approximativement contemporaine de notre chère Murasaki Shikibu, voici Sei Shônagon. Rien à voir avec l'immense roman précédent. Des notes, ou plus exactement une liste, achevée vers l’an 1002. À l’occasion de précédentes traductions, le livre s’intitulait Les notes de l'oreiller[1], ce que semble confirmer l'anglais Pillow Book. C'est ici une édition complète, intitulée Notes de chevet, de surcroît illustrée par les estampes d'Hokusai, c'est-à-dire du XIX° siècle. Une dame une fois de plus, infiniment raffinée, nous confie ses préférences, ses détestations, ses choses vues, ses sentiments, ses délectations, qui deviennent bientôt celles du lecteur, quoiqu'il puisse imaginer en regard ses propres notes. Si l'art de la liste peut être quelque chose de très ennuyeux, aride, quoiqu’Umberto Eco ait su faire l'éloge de la liste[2], la délicatesse de l’écriture et la perspicacité du regard en font une rare conflagration de sensations et sentiments émotions, qui confine à nos poèmes en vers libres, ou en prose, pour rester dans des catégories européennes. Cependant, il s'agit d'un genre particulier au Japon, dont Sei Shônagon fut la créatrice : un genre littéraire dénommé Zouihitsu. C'est-à-dire au courant du pinceau, ou plus simplement soshi, notes, dont la caractéristique est de fournir des recueils d'impressions et dont la seule méthode est le caprice, la fantaisie, parfois l'humour. Les remarques sur la civilisation de l'époque, sur le bouddhisme et le shintoïsme côtoient des tableaux poétiques, de tristes moments, d'autres jubilatoires. Cette jolie liasse de papier est en fait « l’oreiller littéraire » de cette Dame d’honneur de l’Impératrice, dont les saillies vives et spirituelles étaient fort appréciées, mais aussi redoutées.

Certaines notes sont laconiques, sèches, comme sur les « Choses dont on néglige souvent la fin » : « Les devoirs d’un jour d’abstinence. Les affaires qui durent plusieurs jours. Une longue retraite au temple ».

Egalement brèves, d’autres sont élégiaques, à l’instar des « Choses qui font naître un doux souvenir du passé » : « Les objets qui servirent à la fête des poupées » ou « Un jour de pluie où l’on s’ennuie, on retrouve les lettres d’un homme jadis aimé »...

En revanche toutes choses de beauté naturelles permettent des énumérations lyriques et volubiles, oiseaux, insectes, arbres... Herbes et rivières « égaient le cœur », tout en côtoyant les « choses qu'il valait mieux ne pas faire », voire « détestables ». À cet égard la satire n’hésite pas à pointer ces « Gens qui prennent des airs savants ».

Ce recueil, parfaitement singulier dans la littérature mondiale, témoigne de l'émergence de la sensibilité, féminine certes, mais pas seulement. Non loin parfois de la forme poétique du waka ou du haiku, le talent séducteur de Sei Shônagon embrasse le journal intime, la critique des mœurs et l’autoportrait...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Peu d'années auparavant, une autre dame, en quelque sorte complice de Murasaki Shikibu et de Sei Shônagon, avait écrit ses Mémoires d'une éphémère. C'est un texte plus rare, donc beaucoup moins connu, mais révélé par Jacqueline Pigeot dans son essai justement intitulé : L'Âge d'or de la prose féminine au Japon, X° XI° siècle. Elle en fut d’ailleurs la traductrice[3]. Cette dernière analyse cet étonnant phénomène, l'irruption d'un trio littéraire fondateur, inégalé. Maos dans le cas qui nous occupe, l'on ne connaît son auteure que par une sorte de pseudonyme. Soit la mère de Fujiwara no Michitsuna.

Ce récit autobiographique - 20 ans de vie, entre 954 et 974 - suit la tradition des nikkis, ou écrit daté. C'est-à-dire de documents authentiques. Mais notre auteure en fait quelque chose de beaucoup plus ample, malgré ce qu'elle l'appelle, l'insignifiance de sa vie. Pourtant, elle avait déjà une notoriété de poétesse. Il y a en effet plus de 200 wakas dans son ouvrage, alors que sa prose s’épanouit à la faveur des expériences. Cette conscience du moi précède de longtemps celle de l'autobiographie rousseauiste qui apparut en notre XVIII° siècle. Elle précède également le concept de pacte autobiographique tel que l’établit Philippe Lejeune[4]. Car dans son prologue elle oppose fiction littéraire et véracité de son récit en prose. Insérant des dialogues, des scènes observées, elle met l'accent sur sa vie individuelle. Si son récit commence lors de la demande en mariage de Kanaie, elle ne pratique ni le portrait, ni l'autoportrait, physique ou moral. Elle découvre autrui et se découvre une personnalité, un tempérament rêveur et évidemment un don aigu de l'observation. Elle n'hésite pas devant les confidences affectives, amoureuses, tout en maintenant prudemment les protagonistes dans l'anonymat, lors que les mouvements de la sensibilité sont sans cesse privilégiés. Elle conte son voyage dans un temple, son retour dans la capitale. Non sans noter les mouvements de la mémoire, de la réminiscence. Au point que l'on se demande s’il s’agit d’écrits au fil des jours ou d’un récit construit. Surgissent des faits minuscules, des regards qui se croisent, des nostalgies, une vie conjugale distanciée. Mais peu à peu, l'on comprend que cette femme est revenue de ses illusions. Malgré l'élégance, la distinction des manières de Kanaie, la séparation d’avec un homme volage, aux conquêtes nombreuses, est inévitable. Ce tableau des émotions conjugales n'est pas sans ambiguïté, tant la jeune fille semble en concurrence avec sa mère. Une scène surprend, lorsque le personnage de l'adjoint apporte un message, ce sont des images de femmes joliment peintes. Qui semblent des images érotiques. Est-ce une déclaration d'amour voilée ?

En son essai, Jacqueline Pigeot ne fait pas que rassembler trois femmes exceptionnelles, mais les entrelace au travers de la recherche des procédés d'écriture. Les façons dont interviennent la poésie, le monologue intérieur, la note de chevet, les lettres, les sensations intimistes, concourent au développement de la sensibilité. En ce sens, notre essayiste offre un manuel de littérature qui nous rend familiers d'un siècle lointain. Nous permettant d'apprécier sa teneur et ses raffinements, ainsi que par empathie et rebond d’aiguiser notre propre capacité poétique de lire le monde qui nous entoure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En l'an 905, du moins de notre ère chrétienne, un empereur eût la délicieuse idée d’ordonner de compiler la poésie japonaise. Ainsi naquit la première anthologie de poèmes de l’archipel, en quelque sorte officielle. La prégnance des saisons et la puissance de l'amour sont ses sujets récurrents les plus aimés. Lisons par exemple un anonyme « Si sur le mont / Les feuilles d'arbres révèlent / Tant de nuances / C'est sans doute que s'y est posée, / Diaprée, la rosée d'automne ».

Narihira quant à lui fit jaillir ses plus profonds sentiments, en cinq de nos vers, car ce sont tous des wakas : « Je languis après vous / Que j'ai entraperçue / Mais n'ai pas vraiment vue : / Passerais-je en vain ce jour / Plongé dans d'amoureux pensers ? »

La mélancolie et le ton élégiaque sont souvent présents. Un autre anonyme écrivit ainsi : « En ce bas monde / Qu’y a-t-il de pérenne ? / Le gouffre d'hier / Dans la rivière Asuka / Est aujourd'hui filet d'eau ».

Une centaine d'auteurs, y compris féminins, un siècle et demi de création poétique. Cette traduction intégrale du Kokin waka shû, bien entendu munie de notes, d'un index, d'un répertoire des noms de poètes, est tout à fait incroyable. Émouvante surtout. Par-delà les siècles et les cultures, ces poètes sont nos confidents, nos amis chers.

Quelle belle idée, quelle trouvaille de la part du traducteur ! Que d'associer à ces Contes d’Ise, non seulement sa réécriture, mais aussi ce titre : Contes de risée. Soit un calembour délicieux. Là encore nous sommes au X° siècle, avec 125 récits, auxquels s'entrelacent des poèmes. Mais au début de l'époque d'Edo, c'est-à-dire au XVII° siècle, un hurluberlu ne manqua pas d’avoir l'idée cocasse d'en composer une version tout à fait parodique. Au départ, ces contes célèbrent l'amour. Et leur héros, Ariwara no Arihira était un séducteur que l’on prétendait insurpassé. Si populaires étaient ses contes que les voilà devenus de faux contes : jeux burlesques, grotesques mésaventures, comme celle d'un ivrogne tombé dans un trou. Un mendiant rêve de dévorer un poisson cuisiné à la dernière mode, un médecin lorgne les charmes de sa patiente plutôt que de s’occuper à la guérir... Tous ces fragments commencent par la formule « C'était-y pas plaisant ! », puis « Il était un drôle ». Ainsi « Un drôle dépérissait à vue d'œil »... Celui-ci est si crasseux des oreilles qu'il est devenu sourd, tout comme sa femme. Cet autre est consumé d'amour sans guère de succès. En ce sens, dit le poème, « C'est avec la farce / Qu’en nous tenant le bas-ventre / Nous pourrons bien rigoler ». Cette édition tout à fait encyclopédique est également illustrée, associant à la qualité du divertissement, celle du documentaire et du tableau de mœurs.

 

Depuis les sommets du raffinement, exceptionnellement atteint par le Dit du Genji et Les Notes de l'oreiller, en passant par l’autobiographie et l’anthologie poétique la plus suggestive, nous voici tombés avec les Contes de risée dans l'humour rafraichissant, à se taper les fesses de rire, parfois jusqu’au graveleux. Ainsi, depuis la Cour impériale jusqu'au monde des gueux, le Japon médiéval et son au-delà d’Edo nous sont accessibles, bien plus que dans un parfait exotisme. Mais en son âme, si tant est que ce mot ne soit pas une fiction.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Sei Shônagon : Les Notes de l’oreiller, Stockk cosmopolite, 1928.

[2] Umberto Eco : Vertige de la liste, Flammarion, 2009.

[2] La Mère de Fujiwara no Michitsuna : Mémoires d'une Ephémère, Collège de France, 2006.

[4] Philippe Lejeune : Le Pacte autobiographique, Seuil, 1975.

 

Murasaki Shikibu : Le Dit du Genji, illustré par la peinture japonaise traditionnelle,

Diane de Selliers. Photo : T. Guinhut.

 

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Les Amazones par Mayor et Testart

Le Pogge et Lucrèce par Greenblatt

Des romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

Antisémitisme

Histoire et rhétorique de l'antisémitisme

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Céline et les pamphlets antisémites

Wagner, Tristan und Isolde et antisémitisme

Kertesz : Sauvegarde

Eloge d'Israël

 

 

 

 

 

 

Appelfeld

Les Partisans, Histoire d'une vie

 

 

 

 

 

 

 

Arbres

Leur vie, leur plaidoirie : Wohlleben, Stone

Richard Powers : L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

Arendt

Banalité du mal, banalité de la culture

Liberté d'être libre et Cahier de L'Herne

Conscience morale, littérature, Benjamin

Anders : Molussie et Obsolescence

 

 

 

 

 

 

 

Argent

Veau d'or ou sagesse de l'argent : Aristote, Simmel, Friedman, Bruckner

 

 

 

 

 

 

Aristote

Aristote, père de la philosophie

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

Art contemporain

Que restera-t-il de l’art contemporain ?

L'art contemporain est-il encore de l'art ?

Décadence ou effervescence de la peinture

L'image de l'artiste de l'Antiquité à l'art conceptuel

Faillite et universalité de la beauté

Michel Guérin : Le Temps de l'art

Théories du portrait depuis la Renaissance

L'art brut, exclusion et couronnement

Hans Belting : Faces

Piss Christ, icone chrétienne par Serrano

 

 

 

 

 

 

Attar

Le Cantique des oiseaux

 

 

 

 

 

 

Atwood

De la Servante écarlate à Consilience

Contes réalistes et gothiques d'Alphinland

Graine de sorcière, réécriture de La Tempête

 

 

 

 

 

 

Bachmann

Celan Bachmann : Lettres amoureuses

Toute personne qui tombe a des ailes, poèmes

 

 

 

 

 

 

 

Bakounine

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

L'anarchisme : tyrannie ou liberté ?

 

 

 

 

 

 

Ballard

Le romancier philosophe de Crash et Millenium people

Nouvelles : un artiste de la science-fiction

 

 

 

 

 

 

 

Bande dessinée, Manga

Roman graphique et bande-dessinée

Mangas horrifiques et dystopiques

 

 

 

 

 

 

 

Barcelo

Cahiers d'Himalaya, Nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

 

Barrett Browning

E. Barrett Browning et autres sonnettistes

 

 

 

 

 

 

 

Bashô

Bashô : L'intégrale des haikus

 

 

 

 

 

 

Basile

Le conte des contes, merveilleux rabelaisien

 

 

 

 

 

 

Bastiat

Le libéralisme contre l'illusion de l'Etat

 

 

 

 

 

 

Baudelaire

Baudelaire, charogne ou esthète moderne ?

"L'homme et la mer", romantisme noir

Vanité et génie du dandysme

Baudelaire de Walter Benjamin

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

Beauté, laideur

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai, La Mouette de Minerve éditeur

Art et bauté, de Platon à l’art contemporain

Laideur et mocheté

Peintures et paysages sublimes

 

 

 

 

 

 

Beckett 

En attendant Godot : le dénouement

 

 

 

 

 

 

Benjamin

Baudelaire par Walter Benjamin

Conscience morale et littérature

Critique de la violence et vices politiques

Flâneurs et voyageurs

Walter Benjamin : les soixante-treize sonnets

Paris capitale des chiffonniers du XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

Benni

Toutes les richesses, Grammaire de Dieu

 

 

 

 

 

 

Bernhard

Goethe se mheurt et autres vérités

 

 

 

 

 

 

 

Bibliothèques

Histoire de l'écriture & Histoire du livre

Bibliophilie : Nodier, Eco, Apollinaire

Eloges des librairies, libraires et lecteurs

Babel des routes de la traduction

Des jardins & des livres, Fondation Bodmer

De l'incendie des livres et des bibliothèques

Bibliothèques pillées sous l'Occupation

Bibliothèques vaticane et militaires

Masques et théâtre en éditions rares

De Saint-Jérôme au contemporain

Haine de la littérature et de la culture

Rabie : La Bibliothèque enchantée

Bibliothèques du monde, or des manuscrits

Du papyrus à Google-books : Darnton, Eco

Bibliothèques perdues et fictionnelles

Livres perdus : Straten,  Schlanger, Olender

Bibliophilie rare : Géants et nains

Manguel ; Uniques fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

 

Blake

Chesterton, Jordis : William Blake ou l’infini

Le Mariage du ciel et de l’enfer

 

 

 

 

 

 

 

Blasphème

Eloge du blasphème : Thomas-d'Aquin, Rushdie, Cabantous, Beccaria

 

 

 

 

 

 

Blog, critique

Du Blog comme œuvre d’art

Pour une éthique de la critique littéraire

Du temps des livres aux vérités du roman

 

 

 

 

 

 

 

Bloom

Amour, amitié et culture générale

 

 

 

 

 

 

 

Bloy

Le désespéré enlumineur de haines

 

 

 

 

 

 

 

Bolaño

L’artiste et le mal : 2666, Nocturne du Chili

Les parenthèses du chien romantique

Poète métaphysique et romancier politique

 

 

 

 

 

 

 

Bonnefoy

La poésie du legs : Ensemble encore

 

Borel

Pétrus Borel lycanthrope du romantisme noir

 

 

 

 

 

 

 

Borges

Un Borges idéal, équivalent de l'univers

Géographies des bibliothèques enchantées

Poèmes d’amour, une anthologie

 

 

 

 

 

 

 

Brague

Légitimité de l'humanisme et de l'Histoire

Eloge paradoxal du christianisme, sur l'islam

 

 

 

 

 

 

Brésil

Poésie, arts primitifs et populaires du Brésil

 

 

 

 

 

 

Bruckner

La Sagesse de l'argent

Pour l'annulation de la Cancel-culture

 

Brume et brouillard

Science, littérature et art du brouillard

 

 

 

 

 

 

Burgess

Folle semence de L'Orange mécanique

 

 

 

 

 

 

 

Burnside

De la maison muette à l'Eté des noyés

 

 

 

 

 

 

Butor

Butor poète et imagier du Temps qui court

Butor Barcelo : Une nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

Cabré

Confiteor : devant le mystère du mal

 

 

 

 

 

 

 

Canetti

La Langue sauvée de l'autobiographie

 

 

 

 

 

 

Capek

La Guerre totalitaire des salamandres

 

 

 

 

 

 

Capitalisme

Eloge des péchés capitaux du capitalisme

De l'argument spécieux des inégalités

La sagesse de l'argent : Pascal Bruckner

Vers le paradis fiscal français ?

 

 

 

 

 

 

Carrion

Les orphelins du futur post-nucléaire

Eloges des librairies et des libraires

 

 

 

 

 

 

 

Cartarescu

La trilogie roumaine d'Orbitor, Solénoïde ; Manea : La Tanière

 

 

 

 

 

 

 

Cartographie

Atlas des mondes réels et imaginaires

 

 

 

 

 

 

 

Casanova

Icosameron et Histoire de ma vie

 

 

 

 

 

 

Catton

La Répétition, Les Luminaires

 

 

 

 

 

 

 

Cavazzoni

Les Géants imbéciles et autres Idiots

 

 

 

 

 

 

 

Celan

Paul Celan minotaure de la poésie

Celan et Bachmann : Lettres amoureuses

 

 

 

 

 

 

Céline

Voyage au bout des pamphlets antisémites

Guerre : l'expressionnisme vainqueur

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

 

Censure et autodafé

Requiem pour la liberté d’expression : entre Milton et Darnton, Charlie et Zemmour

Livres censurés et colères morales

Incendie des livres et des bibliothèques : Polastron, Baez, Steiner, Canetti, Bradbury

Totalitarisme et Renseignement

Pour l'annulation de la cancel culture

 

 

 

 

 

 

Cervantès

Don Quichotte peint par Gérard Garouste

Don Quichotte par Pietro Citati et Avellaneda

 

 

 

 

 

 

Cheng

Francois Cheng, Longue route et poésie

 

 

 

 

 

 

Chesterton

William Blake ou l'infini

Le fantaisiste du roman policier catholique

 

Chevalier

La Dernière fugitive, À l'orée du verger

Le Nouveau, rééecriture d'Othello

Chevalier-la-derniere-fugitive

 

Chine

Chen Ming : Les Nuages noirs de Mao

Du Gène du garde rouge aux Confessions d'un traître à la patrie

Anthologie de la poésie chinoise en Pléiade

 

 

 

 

 

 

Civilisation

Petit précis de civilisations comparées

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

 

 

 

 

 

 

 

Climat

Histoire du climat et idéologie écologiste

Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

Coe

Peines politiques anglaises perdues

 

 

 

 

 

 

 

Colonialisme

De Bartolomé de Las Casas à Jules Verne

Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

Histoire amérindienne

 

 

 

 

 

 

Communisme

"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

Constant Benjamin

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Corbin

Fraicheur de l'herbe et de la pluie

Histoire du silence et des odeurs

Histoire du repos, lenteur, loisir, paresse

 

 

 

 

 

 

 

Cosmos

Cosmos de littérature, de science, d'art et de philosophie

 

 

 

 

 

 

Couleurs
Couleurs de l'Occident : Fischer, Alberti

Couleurs, cochenille, rayures : Pastoureau

Nuanciers de la rose et du rose

Profondeurs, lumières du noir et du blanc

Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


Crime et délinquance

Jonas T. Bengtsson et Jack Black

 

 

 

 

 

 

 

Cronenberg

Science-fiction biotechnologique : de Consumés à Existenz

 

 

 

 

 

 

 

Dandysme

Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Erasme, Manuzio : Adages et humanisme

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Sonnets pour Hélène LXVIII Commentaire

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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