Costa de Jaizkibel, Hondarribia, Guipuzcoa.
Photo : T. Guinhut.
De la Méduse de la peur à l’Apocalypse zéro.
Sous le regard de Méduse ;
Michel Maffesoli : Le Temps des peurs ;
Nicolas Bouzou : La Civilisation de la peur ;
Pascal Bruckner : Je souffre donc je suis ;
Michael Shellenberger : Apocalypse zéro.
Sous le regard de Méduse. De la Grèce antique aux arts numériques,
Direction : Emmanuelle Delapierre & Alexis Merle du Bourg,
In Fine/Musée des Beaux-Arts de Caen, 2023, 344 p, 39 €.
Michel Maffesoli : Le Temps des peurs, Cerf, 2023, 216 p, 20 €.
Nicolas Bouzou : La Civilisation de la peur, XO éditions, 2024, 224 p, 19,90 €.
Pascal Bruckner : Je souffre donc je suis, Grasset, 2024, 320 p, 22 €.
Michael Shellenberger : Apocalypse zéro,
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Daniel Roche,
L’Artilleur, 2021, 528 p, 23 €.
Fille de Phorcus, elle est une des trois Gorgones, et seules ses deux sœurs Sthéno et Euryalé ont le privilège d’être immortelles. Le dieu des mers, Neptune, abusa d’elle et la rendit enceinte dans le temple de Minerve, ce pourquoi la déesse, irritée d’un tel sacrilège, métamorphosa les cheveux de la malheureuse en serpents et donna à sa tête le pouvoir de changer en pierre quiconque la regarderait. Seul Persée parvint à la décapiter, en usant du poli de son bouclier comme miroir. La tête orna celui d’Athéna ainsi que son égide. Aussi, depuis la Théogonie d’Hésiode, Méduse peut-elle passer pour l’indépassable allégorie de la peur. Ce qui se décline « de la Grèce antique aux arts numériques », pour reprendre le titre de l’ouvrage somptueux qui fascine le lecteur, les peintres, les sculpteurs et les plasticiens : Sous le regard de Méduse. Loin d’être une quincaillerie mythologique, elle continue de pétrifier notre aujourd’hui, qui, selon Michel Maffesoli et Nicolas Bouzon est celui du Temps des peurs et de la Civilisation de la peur, tant elle emprunte le visage de la guerre lointaine sinon proche, des cancers et autres affections, mais surtout d’une catastrophe climatique et écologique. Enfin nous ne nous laisserons pas intimider par « un nouveau sacré qui méduse », selon la formule de Pascal Bruckner, qui, dans Je souffre donc je suis, montre combien les victimes, ou prétendues telles, usent de la posture victimaire pour assurer leur hubris et leur pouvoir. Entre peurs rationnelles, utiles, et peurs irrationnelles, tout le monde, malgré les manipulateurs et le panurgisme, ne se laisse pas flouer par les agitateurs de Méduse, et surtout pas Michael Shellenberger, qui, dénonçant « les erreurs de l’écologie radicale » et annonçant que « la fin du monde n’est pas pour demain », titre Apocalypse zéro et avec une conviction assurée son essai. N’ayons donc pas peur des peurs ; de façon à les balayer, les affronter…
La « fortune iconographique » de Dame Méduse est considérable, et malgré des artistes à cet égard célébrissimes, tels Rubens et Caravage, bien d’autres se relèvent de l’oubli, au moyen de l’exposition qui se tint au Musée des Beaux-Arts de Caen lors de l’été 2023, et surtout grâce à ce pérenne ouvrage dont le titre fait déjà frémir : Sous le regard de Méduse. Rassurons-nous, l’impeccable papier glacé, miroir des œuvres, est inoffensif et nous ne serons pétrifiés que de beauté. Car si elle ne peut être directement regardée, il est fort possible de la représenter. Une histoire littéraire et surtout figurative de vingt-six siècles permet à Méduse, avatar de Phobos, dieu de la peur panique, de dépasser largement le renom du Sphinx et de la Chimère, pourtant choyées par Ingres et Gustave Moreau. Au point qu’elle retrouve sa coiffe de serpents chez les Furies, qui se délectent de poursuivre le coupable aux Enfers. Sans compter qu’un de ses doubles est la figure de l’Envie dont la langue serpentiforme s’étale sur une fresque de Giotto.
Elle est le visage de la mort, en voie de putréfaction, gluante comme les serpents de sa chevelure, voire d’une sexualité maléfique et serpentine en tant que figure-vulve castratrice selon le penchant freudien. Infernale, elle est conjuratoire et ambivalente, car son sang fatal peut avoir des vertus curatives. Elle protège le guerrier qui l’arbore, ainsi que les édifices et les foyers qui lui confient frontons et acrotères. L’idéal de beauté des Grecs doit composer avec la laideur bestiale du monstre…
Mais au-delà de l’Antiquité, ce sont l’art baroque, puis le dix-neuvième fin de siècle et décadent qui goûtent les formes délétères du chef sanglant de Méduse. Toutefois, d’affreuse, elle devient parfois séduisante beauté fatale, si l’on pense à l’hellénistique Méduse Rondanini ou au symboliste Fernand Khnopff. La voici blafarde ou noirâtre, criant ou vomissant, alors qu’elle peut être multicolore, ou limpide, trompeusement calme. Elle sait hurler furieusement sur l’armure de Julien de Médicis par Verrocchio, dégouliner en déliquescence dans le bronze vert-de-gris de Bourdelle…
Mais à cette pauvre femme punie pour avoir été violée par Neptune, ne faut-il pas rendre justice ? Aussi un féminisme humaniste lui permet d’implorer la pitié dans une photographie de Dominique Gonzalez-Foerster, dans laquelle elle se photographie (en 2021) en buste nu, blafarde, les yeux délavé bleus sous une lourde chevelure qui n’a de serpentiforme qu’une longue corde lamée noir et or. Ou Laetitia Ky dont la touffe crépue qu’on lui imposa de raser en côte d’Ivoire « parce qu’elle risquait de séduire les garçons et les professeurs », s’anime en 2022 de tresses à têtes de serpents. À moins de penser, comme Luciano Garbati, en 2023, qu’il faille représenter Méduse tenant la tête de Persée, en guise de féminisme offensif.
Ce bel ouvrage est un modèle du genre. S’il ne nous pétrifie pas – et c’est heureux- il nous enchante intellectuellement et esthétiquement. Son anthologie de textes antiques est médusante, d’Homère à Nonnos de Panopolis, en passant par Euripide, le Pseudo-Apollodore et Pausanias. Une iconographie époustouflante pullule en bon ordre. Amphores et bronzes, coupes et camées, rares enluminures médiévales, huiles sur toile bien entendu, marbres et affiches, photographies et vidéos enfin… Quant aux analyses et commentaires d’œuvres, ils ne sont jamais verbeux, mais aussi enrichissants que clairs, montrant combien les mentalités en évolution sont médusés par l’effroi du féminin, même affreusement soumis. Selon l’adage populaire, comme la Gourmandise, il vaut mieux avoir cette Méduse en peinture qu’en pension n’est-ce pas…
Pourtant c’est sous les traits de la peur qu’elle est une pensionnée, de tous les temps certes, comme le montre l’essai déjà classique de Jean Delumeau[1], mais une pensionnée de notre temps, qui de surcroit nous coûte fort cher. C’est ce que deux essayistes, soit Michel Maffesoli et Nicolas Bouzou, jettent à la face de tous ceux – s’ils consentent à les lire – qui baissent la tête et la garde devant les miroirs aux alouettes de nouvelles méduses, cette fois sociétales, voire planétaires.
Certes la Covid 19 fut une pandémie biologique, mais elle fut autant idéologique. En avoir peur était logique, en instrumentaliser la peur pour des confinements, dont la méthode primitive put laisser pantois, relevait opportunément du détournement d’attention de problèmes plus vastes et avérés pour lesquels les gouvernements restaient incompétents et qu’ils préféraient cacher sous le tapis, mais aussi d’un exercice grandeur nature de contrôle des populations. Ainsi Michel Maffesoli relie-t-il « la peur archétypale » à « la société du spectacle », lorsqu’est patente « l’envahissement de la socialité par le « Léviathan » hobbesien, figure de l’Etat tout puissant, de sa techno-bureaucratie se focalisant en ce moment sur une sorte de tyrannie médico-politique ». Soit « des apeurants manipulant des apeurés ». En effet, ajouterons-nous, la Suède, sans recourir au confinement, mais au moyen de recommandation de distanciation, n’a pas subi de surmortalité ; au contraire même.
Au « covidisme » s’ajoute le « wokisme » qui est une forme de « peur de soi » (l’angoisse des minorités visant à étouffer autrui), le « canicularisme », sur lequel notre essayiste manque de se pencher plus avant. Les « théâtralisations caricaturales » ne craignent pas le ridicule et le canular. Pourtant ils rassemblent la doxa et nombre de savants, car la science s’acoquine avec l’air du temps. D’où la propension à taxer de « complotisme » les dissidents, les sceptiques, ce qui est une forme de « démonologie ». En ce sens il est à espérer, ou à craindre, « la rébellion du peuple », selon qu’elle redonnera « vigueur à une immémoriale Tradition », soit une « Renaissance », ou à quelque dangereuse révolution.
Il n’en reste pas moins que le contrôle des peurs associé aux injonctions moralisatrices ne vise qu’à « museler au nom des injonctions politiques la liberté d’expression », trace d’une « marxisation de l’esprit ». Ainsi, s’appuyant sur une réelle érudition philosophique, l’analyse de Michel Maffesoli témoigne d’une rare largeur de vue. Sa pensée prolixe s’étant par ailleurs appliquée à diagnostiquer L’ère des soulèvements[2] aussi bien que le postmodernisme[3].
Ajoutons une autre peur pleutrement orchestrée, celle du Rassemblement National, qui si médiocre et étatiste qu’il soit, n’en n’est guère, malgré quelques-uns de ses affidés néonazis, « fasciste ». La réduction ad hitlerum montre bien que l’on se méprend sur le sens du fascisme, alors que Michel Maffesoli préfère dénoncer de la part de nos élites « la saturation du totalitarisme économique », l’exagération n’empêchant pas tout à fait la pertinence. Sans compter qu’une telle surenchère du danger – bien entendu de droite et si rarement de gauche – lasse bien vite et pousse à voter son bulletin là où il ne faut pas, ou entraîne l’abstentionnisme, peut-être plus sage à l’ère des étouffants étatistes aux insuccès récurrents.
Moins philosophe, mais plus sociologue et économiste, Nicolas Bouzou pointe les prophètes de malheur, dénonçant leur marché lucratif, sans manquer de témoigner d’une judicieuse confiance en l’avenir, car sur notre planète la pauvreté recule, la santé et l’alphabétisation s’améliorent. Les peurs irrationnelles – quoiqu’il faille ne pas méconnaître celles rationnelles de façon à se prémunir contre le pire – obèrent notre présent, voire notre demain.
Certes le souvenir de la Covid, le présent conflit russo-ukrainien, aux portes de l’Europe, les dettes et déficits récurrents de l’Etat, faisant craindre une crise financière, ne laissent pas d’inquiéter. La négativité ambiante et politico-médiatique intéresserait moins si elle ne comptait que les succès, les trains qui arrivent à l’heure ne faisant pas recette. Basé sur le « pessimisme organique » et « le ressentiment des intellectuels » marxisants envers ceux qui savent réussir, sans compter la pulsion totalitaire des apprentis sorciers de la politique, le catastrophisme vise à asservir au service d’une caste de régulateurs, de socialistes, écologistes et autres constructivistes antilibéraux.
Plutôt qu’un « catastrophisme [qui] paralyse l’action », un avenir plus souriant emporte la conviction de Nicolas Bouzou. Il soutient que l’on puisse « empêcher l’effondrement écologique », « guérir tous les cancers », « rendre le travail plus intéressant et plus rémunérateur grâce à l’intelligence artificielle », voire permettre « la renaissance de l’Occident et de la démocratie libérale ». Pour ce faire il est nécessaire de « réapprendre l’esprit des Lumières ». En conséquence, plutôt que de tabler sur une surpopulation largement fantasmée, tant la tendance est à la dépopulation prochaine, plutôt que d’assujettir la jeunesse à l’éco-anxiété, ne faut-il pas faire des enfants ?
Mis à part sa naïveté envers le « changement climatique » d’origine anthropique que l’humanité pourrait freiner – mais il serait trop incorrect de ne pas être crédule – Nicolas Bouzou a la tête sur les épaules. Ce qu’il avait, entre autres essais, montré avec Pourquoi la lucidité habite à l’étranger ?[4] Et pour revenir à son dernier titre en forme d’oxymore, ne faudrait-il pas tabler sur une civilisation de la confiance ?
Un phénomène concomitant n’est pas sans importance. C’est la valorisation de la souffrance victimaire, vraie ou fantasmée. Ce « nouveau sacré qui méduse » permet à Pascal Bruckner de titrer son dernier essai : Je souffre donc je suis, sous-titré « Portrait de la victime en héros ».
Il n’est pas niable que nombre d’individus, de groupes humains, aient été victimes de l’Histoire. Noirs esclaves aux Amériques, homosexuels conspués et tués, femmes opprimées plus qu’à leur tour… N’ont-ils pas droit, ceux des siècles passés, ceux d’aujourd’hui, ainsi que leurs descendants, à une juste reconnaissance ? Mais leur victimisation ne devrait pas être le gage d’une nouvelle oppression sur les descendants des oppresseurs, sur leur race entière – quoique le mot soit une farce – sur leur civilisation, forcément blanche, patriarcale et capitaliste, forcément coupable : « Plus le monde occidental décline, plus il se gonfle et se dit responsable de toutes les horreurs qui arrivent, réchauffement climatique compris ». Afrique et monde maghrébin se servent d’un passé colonial largement exagéré et exécré pour se dédouaner de leurs responsabilités et installer leurs tyrannies.
Ainsi le message des Lumières « aboutit à une société du sanglot et de la fragilité, c’est-à-dire de la démission ». Ainsi le statut de paria permet « d’accuser et d’opprimer au nom de sa blessure », parfois bien fantasmée. Ainsi les monstres « se déguisent en martyrs pour perpétrer leurs abominations ».
C’est la thèse que défend brillamment Pascal Bruckner : « le fait d’avoir été asservi ou discriminé ne confère aucune supériorité métaphysique à une catégorie d’être humain sur les autres ». Encore moins « lorsqu’ils basculent dans la violence ». Du supplice d’hier l’on fait un blanc-seing moral qui permet de fasciner autrui sous le joug de l’injonction pétrifiante et d’être le persécuteur de demain. Le passé ne doit pas peser sur les jeunes générations « à la manière d’un titan qui les terrasse ». Pour paraphraser le sous-titre de l’essayiste, la victime, qui plus est imaginaire, ne peut se muer impunément en héros vengeur. Une vie politique ne peut consister en « un cahier de réclamation sans fin ». Lorsque la victimisation conduit au fatalisme, la « domestication de nos frayeurs » est plus que nécessaire. Plutôt que de céder à la haine de soi, « c’est aux temps de fer qu’il faut se préparer, ne fût-ce que pour les éviter ».
Or n’est-il pas curieux que les souffrances des Juifs, d’Israël, des Chrétiens – Arméniens entre autres – des Noirs victimes de la traite arabo-islamique et des Blancs de la piraterie séculaire en Méditerranée, sans compter celle de ceux que l’islam encore et toujours persécute au travers le monde, que toutes ces souffrances soient, elles, passées sous silence ? Deux poids, deux mesures, victimisation sélective donc au service d’une tyrannie wokiste souvent antisémite qui a les yeux de Chimène pour l’islam et ceux d’une atavique colère contre l’Occident libéral…
Une fois de plus, Pascal Bruckner, qui dénonça Le Sanglot de l’homme blanc[5] et Le Fanatisme de l’apocalypse[6], fait brillamment mouche…
La peur la plus vendable est aujourd’hui sans conteste celle écologique : le réchauffement climatique dont est inévitablement coupable l’homo capitalisticus – mâle et blanc de surcroit – serait un indéniable facteur apocalyptique si rien n’est fait. Et si le parti vert n’est pas nommément au pouvoir, il l’est de fait. À coups de taxes carbone et pétrolifères, d’oukases à l’encontre des véhicules thermiques, de subventions monstrueuses à l’éolien, d’interdiction d’aménager de nouveaux espaces, et nous en passons, le succès outrecuidant du chantage et de l’extorsion est sidérant. Pourtant il ne manque pas d’esprits scientifiques et rationnels pour affirmer, preuves à l’appui, comme Michael Shellenberger, qui bénéficie en outre d’une préface de notre avisé Pascal Bruckner : Apocalypse zéro !
Car la survie de l’humanité serait en sursis si rien n’est fait, selon une vulgate serinée sans cesse… Erreur, fantasme, mensonge, tout cela au service d’une caste exponentielle de profiteurs, financiers, industriels, politiques, journalistes, associations, élus en puissance !
A contrario des éco-anxiétés qui enveniment notre jeunesse, les émissions de gaz carbonique (CO2) sont en baisse dans le pays développés – quoique cela n’ait aucune importance, nous y reviendront – les catastrophes météorologiques ont diminué de 80 %, les forêts du globe ne sont en rien menacées, hors dans quelques zones surexploitées, la hausse du niveau marin se compte en peu de centimètres, les glaces des pôles se portent vaillamment bien.
Nombreuses sont les occurrences à relever dans cet essai profus. Le plastique qui encombre les océans est en fait rapidement dissous sous l’action conjuguée de l’eau de mer et du soleil. Michael Shellenberger en choquera plus d’un, ou les surprendra, en affirmant que « la sixième extinction est annulée », tant, d’après un article de la revue Nature en 2011, on surestime toujours les taux d’extinction en omettant la croissance de la biodiversité, y compris en Europe. Que « la cupidité a sauvé les baleines, pas Greenpeace », car le pétrole et l’huile végétale ont remplacé leur huile, le plastique leurs fanons, et leur potentiel économique oblige à les protéger.
De surcroît les politiques constructivistes, donc collectivistes, de l’écologisme nuisent non seulement au développement économique et humain, mais aussi à la nature elle-même. Il suffit de penser à ces forêts que l’on n’entretient plus pour ne pas contrarier la nature et donc plus vulnérables aux incendies, presque toujours de main humaine, quoique les feux causés par la foudre soient nécessaires pour renouveler la végétation…
L’on fait fausse route avec le béton des éoliennes, si peu productives, leur technologies plus ou moins chinoises et peu recyclables, alors que les investissements en infrastructure hydro-électriques sont réduits à peau de chagrin ; même si l’on commence à se rendre compte qu’en dépit de l’ignorance des militants antinucléaires, l’énergie nucléaire de nouvelles générations est un bienfait de plus en plus prometteur, que l’on imagine à peine que les moteurs thermiques et le pétrole ont encore de beaux jours devant eux, de plus de moins en moins polluants, que d’inédites technologies ne demandent qu’à naître de l’inventivité humaine et non des interdictions. Là encore, loin du « fanatisme religieux de l’environnementalisme apocalyptique », à la peur doit succéder une confiance humaniste et courageuse.
Bourré de connaissances, de faits, de témoignages, d’enquêtes et de notes scrupuleuses, l’essai de Michael Shellenberger dresse un réquisitoire implacable contre les marchands d’apocalypse verte. Arrêtez de vous laisser prendre par les filets d’une peur irrationnelle, nous dit-il en substance. Son seul défaut est de ne pas convenir de l’innocuité du gaz carbonique – il n’est pas un gaz à effet de serre comme le méthane et la vapeur d’eau – qui, au contraire est naturel, nécessaire à la vie et à la croissance des plantes, donc au verdissement feuillu.
Hélas en France, voire en Europe, bien qu’heureusement traduit, l’essai de Michael Shellenberger est peu lu, plus invisibilisé que par une bruyante censure[7], persona non grata d’un débat que l’on réserve à la sous-catégorie méprisable des sceptiques et autres complotistes. La reductio ad complotismus en quelque sorte…
Si la politique est l'art de la peur, gardons-nous des peurs irrationnelles. En particulier de celle imaginaire du réchauffement climatique d’origine anthropique. S’il y a réchauffement, il n’a rien de catastrophique, et puisque cyclique, naturel et solaire, nous n’y pouvons rien. En revanche la peur rationnelle doit nous alerter ; contre les étatistes dont le constructivisme démagogique vise rien moins qu’à nous asservir, qu’ils soient socialistes de gauche et de droite, communistes ou écologistes ; contre l’islamisme dont le terrorisme n’est que la partie visible de l’iceberg dont l’énorme base est un colonialisme démographique, idéologique et théocratique délétère. Aussi est-il nécessaire, comme Persée, de s’armer du bouclier judicieusement poli de la connaissance rationnelle pour vaincre ces Méduses. Une fois de plus, une création de la mythologie grecque n’est pas sans secours pour comprendre notre temps, et pour ne pas obérer la civilisation libérale.
Thierry Guinhut
Une vie d'écriture et de photographie
[1] Jean Delumeau : La Peur en Occident XIV-XVIIIème siècle, Fayard, 1978.
[2] Michel Maffesoli : L’ère des soulèvements. Les derniers soubresauts de la modernité, Cerf, 2021.
[3] Michel Maffesoli : Être postmoderne, Cerf, 2018.
[5] Pascal Bruckner : Le Sanglot de l’homme blanc, Seuil, 1983.
[6] Pascal Bruckner : Le Fanatisme de l’apocalypse, Grasset, 2011.
[7] Voir : Histoire des livres censurés et des colères morales
Copie anonyme de la Méduse Rondanini, XVIII° siècle,
Musé des arts, Nantes, Loire-Atlantique.
Photo : T. Guinhut.