Arthur Machen : La Colline des rêves, traduit de l’anglais (Pays de Galles)
par Anne-Syvie Homassel, Aux Forges de Vulcain, 2023, 512 p, 30 €.
Arthur Machen : La Pyramide de feu, traduit par Francine Achaz et Jacques Parsons,
La Bibliothèque de Babel, Retz-Franco Maria Ricci, 1978, 180 p.
Arthur Machen : Le Grand Dieu Pan, traduit par Paul-Jean Toulet & Jack Parsons,
illustré par Samuel Araya, Callidor, 2023, 320 p, 35 €.
Jorge Luis Borges, dont le jugement est rarement mis en défaut, le plaçait parmi les légendes de « La Bibliothèque de Babel », cette précieuse collection d’une douzaine de volumes aux éditions Franco Maria Ricci. Arthur Machen (1863-1947) pionnier de l'imaginaire généalogique, aimait côtoyer des menaces subtiles, des terreurs profondes. Maître de la littérature fantastique, de cette anglaise « weird fiction » issue du roman gothique et cependant plus ancrée dans une étrange alliance des ressouvenirs de la mythologie gréco-romaine et du celtisme. De La Colline des rêves à La Pyramide de feu, en passant par Le Peuple blanc et Le Grand Dieu Pan– ce dernier magnifié par les éditions Callidor – l’on aura connaissance des récits les plus marquants de celui qui fut un irremplaçable ancêtre et contemporain de l’américain Lovecraft. De toute évidence, Arthur Machen était préoccupé par le mystère du mal…
Fils unique d'un prêtre anglican, il naquit à Caerlon-on-Usk, dans une région séminale du Pays de Galles, où la légende situe le départ des Chevaliers de la Table Ronde en quête du Graal. Solitaire, ayant échoué à intégrer l'école de médecine de Londres, c’est un lecteur fébrile, que les volumes du décadent Charles Swinburne bouleversent au point de le persuader d’écrire. Il goûte également Allan Edgar Poe[1] et Thomas de Quincey, auxquels il faut souvent allusion, en particulier dans La Colline des rêves. Après l’éclosion d’une poignée de poèmes mystiques, il vit pauvrement à Londres en travaillant dans une librairie où il doit classer des collections qui lui permettront de publier en 1885 un Catalogue occultiste, puis en tant qu’enseignant. Son épouse, Amy Hogg, professeure de musique, l'introduit en 1887 dans les cercles littéraires londoniens. Outre des travaux journalistiques aux Evening News, il traduit L'Héptaméron de Marguerite de Valois, les Mémoires de Casanova. Soudain, grâce à un héritage, il peut se consacrer totalement à la littérature. Il rejoint en 1903 la Golden Dawn, société rosicrucienne à laquelle sont affiliés rien moins que W. B. Yeats, Bram Stocker, Sax Rohmer, Algernon Blackwood et Aleister Crowley. La mort de sa première femme lui donne l’occasion d’épouser en seconde noces Dorothie Hodleston. Ses ouvrages, une trentaine, se succèdent rapidement pour se signaler parmi la littérature fantastique la plus efficace, aux lisières des temps disparus et du surnaturel le plus horrifique. Outre La Colline des rêves, un roman largement autobiographique, en 1907, l’on compte les récits, ou novellas, du Grand Dieu Pan en 1894, La Pyramide de feu en 1895, Les Trois Imposteurs ou les Transmutations en 1895, Les Archers en 1914, et enfin La Gloire secrète en 1922.
Une lente promenade initiatique occupe les premières pages de La Colline des rêves, roman de formation de Julian, peut-être un alter ego de son auteur. La campagne du Pays de Galles se révèle touffue, escarpée. Le jeune homme, au travers des bois, des chemins creux, souvent obscurs, fait l’ascension de la « colline des fées », dans une atmosphère onirique. Là-haut, les vestiges d’un fort romain l’impressionnent grandement, alors que la contrée est également imprégnée par « la magie celte ». Quelle « sombre horreur » serait là dissimulée ? Des « masques d’hommes », la « vision lumineuse et charnelle d’un faune égaré », voilà qui occupe ses rêves nocturnes.
Méprisé par la société locale, parce que pauvre, Julian a cependant de vastes aspirations. Il dévore les livres. Il écrit. Un premier manuscrit refusé lui procure déception ; encore plus lorsqu’il constate qu’il est victime d’un plagiat éhonté. Pourtant, il ne se décourage pas : un nouvel enthousiasme le pousse de nouveau vers l’écriture, tandis qu’amoureux d’Annie sa capacité d’idéalisation est à son comble, au point qu’il vive dans une ville imaginaire : « il s’était mis à considérer la ville comme un étrange chef-d’œuvre de joaillerie ». Toute la beauté onirique du « jardin d’Avallaunius » se déploie dans son esprit, et bien entendu dans la prose poétique du romancier. La vision devient de plus en plus hallucinatoire, concrète et sensuelle à s’y méprendre, parmi les tavernes luxurieuses, « les prêtres de Mithra et d’Isis », à la recherche de « l’amphore sur laquelle est inscrite le nom de Faunus ». C’est au moyen du langage que se relève ce monde enfoui : « Là gisait le secret de l’art sensuel de la littérature : la suggestion, l’art de provoquer des sensations délicieuses par les mots ». Y compris d’un érotisme des dames romaines affriolant…
Le voici désormais à Londres, dans une mansarde, poursuivant ses songes et ses écrits. Vient alors l’héritage d’un lointain cousin, dont la rente lui permet d’assurer le quotidien et de ne penser qu’à « la grande aventure des lettres ». À l’opposition traditionnelle entre le « désert urbain » et la richesse de la campagne se mêle celle entre un passé somptueux venu de la civilisation romaine et un présent sordide, sans oublier une luxure mentale obsédante et une chasteté physique au refoulement ingrat. Reste une autre hypothèse pour explique sa solitude incorrigible : « le stigmate du mal défigurant son front ».
Le narrateur interne, rarement omniscient, transmet à notre patience attentive les rêves hallucinatoires de celui qui devient un anti-héros, ciselant le voyage au travers des espaces d’une âme tourmentée : « il ne pouvait atteindre à l’art des lettres et il avait perdu celui de l’humanité ». À tel point que sa mort, tombé sur ses manuscrits que personne ne lira, est peut-être due, qui sait, à une overdose de fantasmes, à la démence, à l’inanition, à une « communion avec le démon », à une créature venue des songes : « la mort habitait le visage de la femme qui l’avait, sans conteste, invité au Sabbat »…
Personnage éminemment romantique, le héros de La Colline des rêves nous permet de nous absorber dans un immense et beau roman, idéaliste et sombre à la fois, riche d’aspirations et d’images contrastées, tragique finalement, sans omettre la dimension métalittéraire, tant son auteur nous confie sa méthode et ses émotions, les souffrances et les extases du créateur, « son désespoir et son malaise [qui] étaient choses maudites ». Hélas, ce double et repoussoir antithétique de l’auteur ne rencontrera pas une professeure de piano pour l’épouser, ses livres resteront à jamais impubliés, y compris ce « chef d’œuvre au pied de l’arc-en-ciel ».
Ciudad Encantada, Cuenca, Castilla la Mancha.
Photo : T Guinhut.
À ce volume intitulé La Colline des rêves - et illustré par Bastien Bertine - s’ajoute un quatuor de nouvelles essentielles, dont Le Peuple blanc et La Terreur, toutes dans une nouvelle traduction, y compris Un Fragment d’existence, jusque-là inédit en français. Ce qui fait qu'un tel ouvrage ne doit en aucun cas manquer à une bibliothèque fantastique digne de ce nom.
De nouveau des forêts, des hauteurs, mais cette fois au sommet un champ de mégalithes. Il faut, pour découvrir le « peuple blanc », déflorer le carnet vert d’une jeune fille, trouvé par Ambrose dans un tiroir et confié au moyen d’un récit emboité ; le manuscrit découvert étant un topos romanesque, un accélérateur de mystère.
Si le récit parait d’abord de l’ordre du merveilleux, la conversation d’Ambrose avec une poignée d’amis en quoi consiste le prologue propose une vision du Mal pour le moins virulente. Car dans la partie centrale du triptyque, intitulée Le livre vert, une très jeune fille confie être initiée à de très anciens cultes maléfiques. Elle rencontre des petits visages blancs, chante « des chansons pleines de mots que l’on ne doit ni dire, ni écrire », prononce des mots anciens « dans le langage des fées ». Ainsi les contes de nourrice dont elle a été nourrie sont empreints de véracité odieuse, les nymphes claires et les nymphes sombres entraînant la victime dans un inconnu terrifiant que balisent les « lettres aklo » et la langue Chian ».
Cependant l’épilogue, quoiqu’Ambrose prétende l’avoir connue, ne peut nous dire en quoi consiste cette vérité abominable qui conduisit la jeune fille à s’empoisonner. Ne reste que le souvenir d’une « statue romaine » qu’il fallut pulvériser car coupable d’avoir été « incorporée dans la mythologie monstrueuse du sabbat ».
Ambrose aime à cultiver les paradoxes : « bien des saints les plus honorés n’ont jamais accompli ce qu’on appelle communément « une bonne action ». D’autre part, il y a ceux qui ont sondé les abîmes du péché sans commettre dans toute leur vie une seule mauvaise action ». Le vert manuscrit apparait alors comme la preuve de ses dires et d’un mal insoutenable et antédiluvien.
De manière tout à fait réaliste et de bon aloi commence Un Fragment d’existence. Il y est beaucoup question d’argent et d’ameublement, entre un couple et quelques comparses de l’excellente bourgeoisie, parfois un brin dérangés. Darnell et son épouse Mary vivent harmonieusement dans « la réalité raisonnable ». Pourtant le premier chapitre se conclue de manière inattendue : n’avait-il pas « oublié les mystères et les splendeurs à l’éclat lointain du royaume dont il était l’héritier légitime » ? À Mary, émerveillée, il conte ses explorations d’un Londres qui lui réserve des visions féériques. Quelques péripéties secondaires plus tard, le « sang ancien » se réveille chez lui, depuis son vieil oncle et leurs ancêtres, leur « maison grise » dans les collines boisées du « pays de l’ouest ». Plongé dans « les manuscrits Iolo », il réalise que les merveilles et les fées côtoient « les forces essentielles du mal ». Le nouvelliste laisse là le couple, dont on ne saura plus rien, en une fin ouverte, à moins qu’il ait laissé tomber sa plume. Cette nouvelle, ou plutôt ce bref roman, associe satire sociale humoristique et changement progressif d’atmosphère habilement mené, u point que nous ayons tout à craindre de deviner les aventures de Darnell et de la délicieuse Mary.
Plus que le temps de la guerre qui couvre l’Angleterre, dans La Terreur, ce sont les conversations des habitants qui véhiculent à demi-mots des horreurs enfouies, malgré la censure infligée par le gouvernement afin que rien ne puisse dévoiler des événements qui frappent un certain nombre de zones reculées du pays, sans y rien comprendre. Pourtant le récit des étranges manifestations qui inquiètent au plus haut point « en sera secrètement transmis de père en fils, deviendra plus insensé à chaque génération, sans jamais réussir cependant à dépasser la vérité ». Quoique seulement infligée à la fin du récit, cette vérité se veut apocalyptique en diable.
Quant aux Archers, plutôt des à-côtés littéraires, leur sous-titre est assez parlant : « et autres légendes de la guerre ». Si nous sommes en 1914, sur le front, les fantômes des anciens archers anglais des batailles médiévales de Crécy et d’Azincourt reviennent combattre aux côtés des soldats anglais, ce qui donna l’occasion à la légende des « Anges de Mons » de perdurer. Le fantastique reste à l’ordre du jour, mais il a quitté les espaces londoniens et l’arrière-pays gallois pour perdre en efficacité.
Un feu d’artifice de trois nouvelles associe à La Pyramide de feu, l’opposition entre L’Histoire du cachet noir » et celle « de la poudre blanche ». Comme souvent chez Arthur Machen, la première commence par une conversation. L’incipit est efficace : « Hanté, dites-vous ? » Car le pays des collines est un « théâtre de drames ». Est-ce la même Annie, qui cette fois disparait ? Sans nul doute elle a « rejoint les fées ». Parmi les seuls indices est une « pyramide de silex », d’antiques pointes de flèches en fait. Puis au creux des vestiges d’un amphithéâtre, appelé le « Bol », s’élèvent des forces démoniaques, à moins que grouille le « ver de la corruption », d’où jaillit une « pyramide de feu » ; sont-ce les membres et le cri de la jeune fille ? Une broche résiduelle en témoignera. Il s’agit bien moins d’un récit policier aux intelligentes déductions dignes d’un Sherlock Holmes, que d’un sommet du fantastique ; pire de l’horrifique…
De même L’Histoire du cachet noir est confiée à un sceptique, mais par une jeune femme. Pauvre et démunie, elle est sauvée de la famine et du désespoir par un professeur londonien d’ethnologie qui en fait la gouvernante de ses enfants et sa secrétaire. Bien innocente, elle consent avec plaisir à l’accompagner dans ses recherches, au fond d’une région de collines. À leur stupéfaction ce cachet est exactement conforme à la « pierre Hexalithe », dont parle Solinus, un géographe de l’Antiquité. Les plus étranges caractères ornent le corps du délit, où l’on peut lire quelque chose comme « Ishakshar », soit « les secrets du monde inférieur », vocable expectoré par un adolescent malade mental, voire issu d’une copulation immonde.
Les topos récurrents des collines et des souvenirs antiques est abandonné dans L’histoire de la poudre blanche, contée par la sœur de la victime. Comment un revigorant médicament peut-il être la cause de sa dégénérescence « en masse sombre et putride, foisonnant d’une hideuse pourriture » ? Sauf s’il s’agit d’un « vin de Sabbat […] graal infernal » grâce auquel la consommation d’un mariage diabolique ne peut qu’aboutir à la corruption. Arthur Machen sait à cette occasion parfaitement encercler son lecteur dans les rets du suspense et de l’effroi !
Venu des abîmes de la mythologie gréco-romaine, Le Grand Dieu Pan traîne à sa suite d’anciens rites effarants, dont l'horreur n’est que suggérée pour rester plus puissamment suggestive. Un étrange savant londonien, « voué à la médecine transcendantale », consacre son existence à des recherches ésotériques, prétendant à la présence terrestre et inévitable de créatures profondément maléfiques. Ce docteur Raymond s’engage en un espace interdit, irrépressiblement poussé par son obsessionnelle conviction de pouvoir aborder et révéler le « monde vrai », soit « voir le Dieu Pan ». C’est en quelque sorte l’envers de la caverne de Platon, là où l’on serait incapable de contempler l’essence du mal, sinon par de minces reflets : « le gouffre inexprimable, le gouffre impensable qui bée si profondément entre deux mondes, le monde de la matière et le monde de l'esprit ». Est-il un avatar de Prométhée, de Faust, cet autre docteur ?
Toujours est-il que ce savant fou use de la jeune Mary pour pratiquer sur son cerveau une incision : ainsi « elle est idiote irrémédiablement […] elle a vu le Grand Dieu Pan » ! Elle n’est pas la seule victime, car Hélène Vaughan « a bien fait de s’attacher la corde et de mourir »… La protagoniste fondamentale de ce récit, la démone Helen Vaughan, fille en personne de Mary et du hideux Pan lui-même, est d’une plasticité extraordinaire : « Je vis la forme aller d'un sexe à l'autre, se séparer d'elle-même puis s'unir à nouveau. Puis je vis le corps descendre à l'état de bête, d'où il remonta, et ce qui était sur les hauteurs plonger dans le gouffre, dans l'abîme même de tout être ». Le pire étant peut-être la dissolution dans l’absolu du néant : « la lumière s'était faite noirceur [...] négation de la lumière ». Le dieu grec Pan, « simple fantaisie antique et poétique » n’étant qu’une allégorie, est-il à ce point une ruse du mal qui à tout instant peut débouler en foule sur le monde, d’où la peur panique ? Le mal vient-il des dieux, des profondeurs de l’Antiquité, du tréfonds de l’humanité, des nerfs de chacun d’entre nous ?
Etrange amalgame réussi entre la mythologie gréco-romaine et celle galloise, donc celtique, ce Grand dieu Pan bénéficie d’une édition aussi soignée que somptueuse, chez Callidor, dont la vocation affichée consiste à associer les textes phares – comme Dracula de Bram Stoker[2] – aux plus grands illustrateurs. En cet écrin sombre aux rougeurs scintillantes, Samuel Araya vient ajouter sa touche obsédante.
Une bonne surprise vient rarement seule. Car outre le texte du Grand dieu Pan, l’on trouve en cette édition pour collectionneurs attentifs et néanmoins jaloux, ceux que réunissait Jorge Luis Borges dans La Pyramide de feu, avec les histoires « du cachet noir » et « de la poudre blanche ». La préface de l’auteur de La Bibliothèque de Babel est également reprise : « Presque jamais il n’écrit pour forcer l’étonnement, il écrit parce qu’il se sait l’hôte d’un monde étrange », ce dans le cadre d’une « victoire démoniaque ». De surcroit une postface, par les soins du scrupuleux biographe de Lovecraft, S. T. Joshi[3], révèle combien « Le Grand dieu Pan nous semble reposer sur l’horreur qu’inspire le sexe – ou plus exactement sur l’horreur qu’inspirent les femmes sexuellement actives », soit le ravage d’un puritanisme traumatique.
Mieux, s’il en est possible, un inédit vient illuminer cette édition : une nouvelle intitulée La Lumière intérieure. Un écrivain en herbe s’intéresse à la « physiologie de Londres », prétendant maîtriser une « conception de l’horreur » plus fine que ses contemporains. Il découvre le « stupre insatiable, une inextinguible lubricité » en la personne de la belle épouse du Docteur Black, qui, malgré sa perfection, « n’avait rien d’humain ». Le meurtre de la femme par son époux serait-il parfaitement justifié ? Sous la beauté du visage vivait en effet, selon le résultat de l’autopsie, « le cerveau d’un démon » ! Un message jeté sur le sol, et sous la forme d’une comptine, conduit notre enquêteur auprès d’un Docteur Black prématurément vieilli – qui laisse une confession ici reproduite de manière manuscrite. Tout cela permettrait-il de penser qu’une opale brillant d’une lumière fabuleuse serait une âme ? Celle extraite de la matière de la belle qui s’est sacrifiée aux recherches de son mari ? Entremêlant intrigue policière et fantastique, le récit haletant, magnifique, étreint son lecteur.
Adepte du noir et du rouge, comme-il se doit pour un serviteur du romanesque gotique, Samuel Araya balise ce volume de masques et d’yeux, de monstrueuses créatures, minotaures et autre vampires ailés, de morbides amas, de belles et de démons, ponctués de figures cabalistiques. L’illustrateur, originaire du Paraguay, est un adepte de l’occultisme, de la « magie rituelle ». Ses « paniques visuelles » aiment à retravailler d’anciennes photographies en noir blanc, afin de les faire rougir d’horreur au moyen d’une encre qu’il appelle « vin de sabbat ».
Si les prodiges et les erreurs de l’imagination conduisent à de tels beaux livres, chef-d’œuvre nocturne et cramoisi, qu’ils en soient pardonnés…
Lovecraft le tenait en haute estime. Au point qu’il lui consacra plusieurs pages élogieuses en 1927 dans son essai Epouvante et surnaturel en littérature : « Parmi les créateurs contemporains capables de hisser la peur cosmique à son plus haut niveau d’expression artistique, rares sont ceux qui peuvent espérer égaler Arthur Machen». Il qualifie La Colline des rêves de « mémorable épopée de la sensibilité esthétique[4] ». Cependant, si Borges était un expert apportant une caution bienvenue à notre romancier et nouvelliste, peut-être a-t-il eu le tort de méconnaître l’Américain Lovecraft[5], le mythe de Cthulu et de ses « Grands Anciens », valant à lui seul son pesant d’horrible splendeur…
:
Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.