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30 novembre 2013 6 30 /11 /novembre /2013 11:38

 

Mérens-les-Vals, Ariège. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburô,

le Cassandre nucléaire du Japon :

Notes d'Hiroshima, Adieu mon livre !

 

 

 

 

Ôé Kenzaburô : Notes de Hiroshima,

traduit du japonais par Dominique Palmé, Folio, 288 p, 7,50 €.

 

Ôé Kenzaburô : Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants,

traduit du japonais par Ryôji Nakamura et René de Ceccatty,

L’Imaginaire, Gallimard, 238 p, 8,92 €.

 

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Traduit du japonais par Jean-Jacques Tschudin et Sumi Fukui-Tschudin,

Philippe Picquier, 476 p, 23 €.

 

 

      C’est avec un sentiment de « terreur sacrée » que le Prix Nobel 1994 de littérature Ôé Kenzaburô, en particulier pour son foisonnant Jeu du siècle, relate le choc de sa visite à Hiroshima au tournant de sa vie. Outre celui de la naissance de son fils handicapé, il faudra surmonter tout cela par l’écriture, celle des Notes de Hiroshima, puis celle d’Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants, avant de pouvoir dire : Adieu mon livre ! Le démiurge poétique en ses romans apparait également comme une grande conscience morale japonaise.

      Traversant ce que sont encore les ruines du ravage de la bombe nucléaire américaine tombée en 1945, l’écrivain japonais se doit de se remettre vigoureusement en question : « Après une semaine passée dans cette ville, j’avais révisé de fond en comble mon attitude à l’égard de ma vie personnelle. Ce qui allait aboutir également à une transformation radicale de ma propre littérature ». En effet, en 1963, il est dans les affres d’une paternité contrariée : son fils restera gravement handicapé - ce qu’il racontera dans Une Histoire personnelle. Nul doute que les souffrances des atomisés le touchent. L’on peut comprendre alors son refus, en octobre 1995, de venir en France, quand les essais nucléaires battaient leur plein. En fait l’écrivain dit avoir été sauvé du suicide par son fils qui deviendra compositeur, et par Hiroshima. Dans les hôpitaux, il se penche sur les malades et découvre le dévouement des médecins, relativisant son propre tourment. Il évoque le destin tragique de ceux qui meurent des suites de l’atomisation, de ceux qui se suicide pour que cette mort soit leur mort et non une conséquence de la bombe. Cependant ces Notes sont parfois inégales. Ôé Kenzaburo ne se pose guère la question des responsabilités. Le Japon impérial méritait-il son châtiment ? A-t-on ainsi évité une pire propagation de la guerre autour de l’archipel qui menaçait de durer indéfiniment ? Pourquoi a-t-on choisi de jeter deux bombes nucléaires sur des populations civiles ? Mais rien en fait n’excuse les Etats-Unis d’avoir retardé des offres de paix japonaises pour pouvoir tester leur agent meurtrier sur du matériel humain…

      « C’était une époque de tueries. Tel un interminable déluge, la guerre inondait les plis des sentiments humains, les moindres recoins des corps, les forêts, les rues, le ciel, d’une folie collective ». Nous lisons ce réquisitoire parmi les pages d’Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants ; ainsi la guerre, qu’elle soit locale, mondiale ou atomique, passe comme un drame cosmique qui ne laisse intacte aucune dignité. Reste-t-il des innocents ? Oui ! proclame la conscience de l’écrivain : les enfants. Même venus d’une maison de correction et entraînés dans une cruelle odyssée, ils resteront des enfants. Seul être humain vrai, l’enfant narrateur refusera toute compromission avec la terreur et se privera du riz des villageois pour, malgré les coups, courir vers des lieux « encore plus sombres ».

      Notre juge de l’Histoire cède-t-il à une idéalisation de l’enfance, au romantisme du délinquant ? Les bourgeons de la maison de correction ne sont probablement pas tous aussi innocents que les paisibles victimes d’Hiroshima. Hélas, Hitler, l’empereur du Japon, y compris celui qui lâcha du haut de son avion la bombe, ont été des enfants. Cependant force est de constater que les villageois sont pires que ces « mauvais enfants » qu’ils veulent éradiquer comme une épidémie, que ces exclus qu’ils veulent chasser de leur territoire ou parquer.

      Reste que cet apologue d’Ôé Kenzaburo garde une portée universelle et toujours d’actualité, sans oublier la dimension symbolique de cette enfance qui témoigne de l’aliénation d’une partie de son futur par le Japon. Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants est un récit épique haletant, pétri de violence. Et c’est aussi une parabole politique. Moins touffu que les grands romans comme Le Jeu du siècle, il n’en est pas moins aussi efficace que précieux. Un autre roman, sur les complexités de l’âme humaine et les empoisonnements au gaz sarin par la secte Aum, serait dans les cartons de l’écrivain. Dites-moi comment survivre à notre folie ? titrait-il un autre livre…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Lorsque, né en 1935, le spectre commun s’approche, il faut à tout homme faire un bilan. A fortiori pour un écrivain. C’est ainsi que le prix Nobel 1994, qui annonça en cette occasion ne plus écrire de roman, reprit « la plume-réservoir » pour offrir un volume de plus de mille pages, puis une trilogie consacré aux « pseudo-couples », dont le dernier volet, Adieu mon livre, est le seul traduit en français. Où le Japon d’Hiroshima et de Fukushima voit venir le spectre de la fin de sa civilisation. Ôé Kenzaburo joue-t-il le rôle d’une Cassandre, destinée à n’être jamais entendue, où joue-t-il sa dernière carte pour conjurer un manque de créativité ?

      L’on n’a pas oublié sa dénonciation des groupuscules d’extrême droite et du nationalisme atavique dans les nouvelles du Faste des morts, le drame de son fils handicapé mental dans Une Affaire personnelle, des romans tant familiaux, oniriques, que politiques comme Le Jeu du siècle… Mais nous avons ici la chance d’aborder un continent inconnu, sa période tardive. 0n retrouve en cet opus testamentaire ces chères obsessions, mais aussi la défense du pacifisme inscrit dans la constitution japonaise de 1946, le combat anti-nucléaire, à l’occasion duquel il publia les Notes de Hiroshima. Celui qui eut dix ans quand jaillit la lumière de deux bombes atomiques, reprend sur le tard le bâton du pèlerin littéraire engagé ; tout en continuant  à traquer le nationalisme qui se cristallise à travers le « problème Mishima », ce « héros culturel » dont l’attachement aux valeurs de l’honneur et du combat le conduisit au rituel seppuku. Pourtant, Ôé Kenzaburo, dans une insoluble contradiction, admire le sens du sacrifice de cet écrivain. Il va jusqu’à imaginer qu’il puisse avoir survécu, lui et sa « Société du bouclier », en un sursaut de politique fiction…

      Ce serait injuste de dire d’Ôé Kenzaburô radote en écrivant Adieu, mon livre ! Il fouille son passé, son argumentaire politique et son esthétique romanesque, au travers d’une mise en scène : un romancier d’âge vénérable, nommé Chôkô Kogito, retrouve un ami d’enfance pour, en sa calme résidence au bord du calme forestier, échanger des vues sur le monde comme il ne va plus, peut-être promis à la destruction : « la disparition de la terre ou la fin du nucléaire » ? Car la catastrophe de Fukushima, écho de celle d’Hiroshima, est pour ce dernier, à tort ou à raison bien plus qu’un accident. Il s’agit là d’une crise technique, écologique et morale majeure, signant une fin des temps, comparable à l’entrée dans l’enfer de Dante, dont Ôé Kenzaburo est un fin lecteur.

      Le récit se double et s’enfle des conversations avec des invités, dont son demi-frère architecte, avec lequel il a été longtemps brouillé, qui fomente un attentat terroriste visant à écrouler un immeuble. Ce qui échoue lamentablement. Doit-on prendre au sérieux cette histoire rocambolesque d’indignés internationaux qui devraient s’inspirer du geste de l’architecte ruineur de bâtiments ? L’intrigue reste au choix burlesque ou pitoyable. Mieux vaut s’intéresser à  l’auto-examen de l’écrivain, accompagné de quelques intellectuels dissertant sur leurs romanciers favoris. C’est ainsi que le roman autobiographique, cette « montagne de signes annonciateurs », devient dialogue philosophique, en particulier dans le cadre du « pseudo-couple » formé entre Chôkô Kogitio et l’architecte Tsubaku Shigeru. Le double fictionnel de l’auteur et ses divers complices et disciples tracent les contours de l’engagement politique navrant ou idéal de l’intellectuel, ce en commentant des écrivains fondamentaux de tous horizons : Nabokov, Dostoïevski et ses démons, Céline… Parmi ces derniers, dans le grand écart entre Mishima et T. S. Eliot, et au croisement du « pseudo-couple » se profile la dialectique inhérente à la mission de l’écrivain : doit-il s’engager activement, voire violemment, au gré des causes collectives, ou devenir un philosophe des nuées, un contemplateur solitaire ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Ce sont surtout les poètes anglais qui guident la réflexion éthique et prophétique : William Blake, et plus encore T.S. Eliot, l’auteur de La Terre vaine, dont les vers fournissent l’épigraphe du roman : « Que je n’entende pas parler de la sagesse des vieillards, / mais bien plutôt de leur folie, / de leur crainte de la crainte et de la frénésie ». Ce en quoi Ôé Kenzuburo semble prendre une ironique distance envers le propos apocalyptique de son vaste et hybride opus. Les vers du poète anglais sont aussi le pessimiste fil symbolique du récit à la rencontre de l’« art de détruire ». Là où la mort, individuelle et collective, voire de la civilisation japonaise entière, menace. Il y avait le roman de formation ; celui de Kenzaburo Ôé devient le roman du délitement.

      Voyant s’approcher, comme une délirante pythonisse, ou comme cette Cassandre que personne n’écoute, la porte fermée de l’avenir, Oé Kenzaburo est-il dans l’hyperbole ? Son pessimisme est probablement, du moins faut-il l’espérer, bien excessif. Peut-être a-t-il tendance, comme bien des vieillards, à confondre sa désagrégation maussade avec l’état de la civilisation qui l’a vu naître. Reste, depuis la nostalgie de la forêt de son enfance, qu’il pointe d’un doigt accusateur, non dépourvu de justesse et d’humanité, la nécessité de transmettre aux générations futures un monde sain…

      Journal de lectures non sans finesse, « projet vidéo », récits emboités, bribes philosophiques, autofiction, remise en question de ses procédés d’écriture, immense veillée pré-funèbre, ce roman est un monument impressionnant. Hélas menacé par le ressassement qui peut exaspérer le lecteur, ce que n’a pas oublié de pointer la critique japonaise, reprochant au prix Nobel l’érosion de sa créativité. Oscillant entre fiction un brin artificielle et essai visionnaire et érudit à demi ruiné, le livre est fragile, devant la mort inéluctable. Quoique son auteur, grande et inquiète conscience nippone,  retrouvant le « caveau familial » et son « arbre personnel » comme pour retrouver la sérénité des peintures de paysage sur l’or des paravents anciens, lui survive encore, depuis quatre ans. Comme lui survivra le Japon, guéri des errements de la gestion de son parc nucléaire, archipel de nature, de traditions, de modernité et de technologie, archipel zen au milieu des vagues coupables et judicieuses des civilisations…

      Le Cassandre du nucléaire se serait-il emballé ? Au-delà de l’usage militaire, imparable, de l’atome, il ne semble pas que l’apocalypse soit de mise. La catastrophe nucléaire de Fukushima de mars 2011 n’a fait en elle-même aucun mort, quoique 1700 cancers mortels lui soient attribués et une centaine de cancer de la thyroïde chez les enfants de la province. Le tsunami ravageur a lui causé 18000 morts. Reste que, si elle a un avenir certain, il n’est pas tenable que l’énergie nucléaire doive obérer la santé de citoyens. Seules recherche scientifique et sagesse, comme éviter de construire des centrales dans des zones à risque, alors que l’on avait refusé de construire plus haut cet équipement, sauront veiller sur notre avenir…

Thierry Guinhut

La partie sur Notes de Hiroshima a été publié dans Europe, janvier-février 1997,

celle sur Adieu mon livre ! dans Le Matricule des anges, octobre 2013

Une vie d'écriture et de photographie

 

Bol à thé japonais. Photo : T. Guinhut.

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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 19:44

 

Monument aux morts, La Couarde-sur-mer, Île de Ré. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Laszlo Krasznahorkai :

La Venue d’Isaïe, Guerre & guerre :

le vent du chef d’œuvre ?

 

 

Laszlo Krasznahorkai : La Venue d’Isaïe, Guerre & guerre,

traduits du hongrois par Joëlle Dufeuilly,

Cambourakis, 32 p, 6 €, 368 p, 24 €.

 

 

 

      « Un manuscrit, naturellement ». Ainsi Umberto Eco, au fronton du Nom de la rose, présente-t-il l’histoire d’Adso de Melk, roman historique et policier dans lequel le rire d’Aristote hante la bibliothèque. L’artifice du manuscrit retrouvé sillonne la littérature : entre Potocki -son Manuscrit trouvé à Saragosse- et Cervantès glanant les feuillets arabes de Ben Engeli pour son Don Quichotte, l’écriture romanesque fourmille de ce topos, jusqu’aux plus contemporains écrivains. De même, le personnage principal peut lui aussi découvrir un manuscrit, le lire et le transmettre, comme Korim, dans Guerre & guerre. De ce Hongrois né en 1954, Krazsnahorkai, nous découvrons avec stupéfaction le sixième volume traduit en France. Peut-être s’agit-il du roman fondamental, ébouriffant, en quelque sorte annoncé par un prophète de malheur pitoyable dans La Venue d’Isaïe. Est-ce alors le vent du chef d’œuvre que nous sentons souffler, ou une outre gonflée de vent ?

      Peut-être vaut-il mieux commencer par La Venue d’Isaïe, ce prologue d’un opéra vériste, dans lequel Korim annonce, parmi les clients et clodos enlacés d’un sordide buffet de gare et à un « ange » d’une creuse banalité, rien moins que la disparition de « toute forme de noblesse, de grandeur, d’excellence ». Pire encore, l’humanité, au-delà de « raison et lumière », est menacée par un avenir où « le mal serait tout aussi absent que le bien ». Parmi le « chaos de crasse » du lieu, « ombre et poésie » surgissent maladroitement de « la masse visqueuse et grouillante de larves de syllabes ». Parlant à l’intention d’un « secrétaire céleste et terrestre », le prophète commence « le douloureux inventaire de tout ce qui avait disparu avec cette Atlantide : […] ce qu’étaient l’innocence, la probité, la générosité, la compassion, ces milliers d’histoires d’amour et de liberté si émouvantes »… Tout fout-l’camp, j’vous dis, ma pauv’dame ! Le mythe de l’âge d’or a bon dos dans l’affaire, même si l’on est en droit d’accuser une humanité qui sut mettre en scène guerres et holocauste autour du vortex hongrois. Nonobstant le magma prophétique et pré-apocalyptique passablement grandiloquent, l’opuscule est d’une impressionnante et sombre beauté. Le suicide pitoyable et raté de Korim clôt ce qui n’est en fait qu’un préambule pour Guerre & guerre. Glissons alors joliment ce récit en forme d’enveloppe dans le rabat de couverture prévu à cet effet, comme si nous postions la révélation de Korim dans le dos ailé de sa tétralogie angélique…

      L’auteur de La Mélancolie de la résistance[1], réactive, dans une atmosphère cendreuse, le dépressif personnage de Korim, « petit archiviste travaillant au fin fond de la province hongroise » et clodo presque beckettien. Cette fois il a quelque chose d’un peu plus concret à annoncer : un manuscrit anonyme -mais peut-être d’un certain Wlassich- découvert dans un dossier numéroté lui enjoint d’être révélé au monde, à la postérité. Peut-être guidé par le dieu Hermès, il enchaîne les péripéties que lui ordonne et provoque sa folie obsessionnelle, avant d’échouer dans ce qu’il pense être le nombril du monde : New York où il a « placé sa vie au service de l’art ». Sarvary, un trafiquant de drogue, lui loue une chambre pour qu’il puisse s’initier à l’ordinateur et confier à « l’éternel Internet ce magnifique texte poétique » jusque-là oublié, et dont il assène en même temps la teneur à Maria, la servante et partenaire de lit portoricaine de son logeur et « interprète », qui ne le comprend pas, hors quelques mots d’anglais qui parsèment le récit.

      Monologue intérieur et dense prolixité, sans compter des digressions et considérations un brin oiseuses, de banals événements secondaires racontés par le menu (on n’ignore rien du vol du Boeing ou du fonctionnement d’un ordinateur), des répétitions et récapitulations à la Thomas Bernhard, voilà qui permet d’entrer dans les méandres et les strates d’un cerveau double, de celui du Korim à celui du romancier introuvable. Mais aussi d’y cimenter le lecteur, englué dans les circonvolutions d’une langue tour à tour séduisante et pâteuse. Difficile d’abord de se sentir le complice, l’ami du narrateur qui ne nous laisser guère de légèreté, d’humour, assuré qu’il est de la gravité de l’entreprise. D’autant qu’il faut attendre la page 105 pour entrer enfin en ce fameux manuscrit, où sont enfin les plus belles pages…

      Qui trop embrasse, mal étreint, dit-on. Annoncer avec toutes les grandeurs symphoniques la venue d’un livre plus que biblique, une somme indispensable à l’humanité, ne peut être que dangereux pour l’écrivain. Malgré les moyens considérables de Krazsnahorkai, son souffle indéniable, sa culture et son phrasé haletant, le lecteur est en droit de se demander jusqu’où il a les moyens de sa prétention. Les longs paragraphes numérotés faits d’une seule phrase, « une phrase monstrueuse et infernale qui engloutissait tout », le ton comminatoire du chef d’œuvre annoncé -opus sacré ou palimpseste raté on ne sait- et qui n’est que peu à peu révélé dans toute son ampleur, mais pas dans toute sa réalité, peuvent épuiser la bonne volonté du lecteur. Qui, à bon droit, se demande par instant si on ne lui pas vendu le vent pour le concert. Reste un « message indéchiffrable », « l’insondable mystère de la finalité ».

 

Krazsnahorkai-krieg.jpg

Krazsnahorkai-guerre.gif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le tournant romanesque, après deux chapitres un peu erratiques et creux, est stupéfiant. Mise en abyme et ecphrasis se conjuguent pour écrire un roman dans le roman et décrire une œuvre d’art. Dans laquelle quatre personnages voyagent à travers des lieux et des époques figurant des acmés de civilisation. Parmi eux, un être méphistophélétique nommé « Mastemann », apparait périodiquement, annonçant la venue de la guerre et de ses ruines, écho de La Venue d’Isaïe. Le roman philosophique, oscillant entre réalisme sordide, irénisme humaniste et surnaturel illuminé, visite la Crète minoenne, la Venise Renaissance, Rome et son Mur d’Hadrien à l’orée du surgissement des barbares, l’Espagne de 1492, la Cologne du XIXème… Sont-ce quatre « anges », ou l’envers des quatre cavaliers de l’apocalypse ?

 

Désarroi kafkaïen, pointes de polar et de cavalcades burlesques, crise spirituelle et mysticisme échevelé, dimension angélique des voyageurs philosophes, apologue et parabole, mélange des genres, fulgurances et ténèbres, tout se conjugue pour faire de ce roman aux étages labyrinthiques un fabuleux palais aux fenêtres donnant sur l’équilibre et la ruine. Mais aussi pour laisser en bouche une sensation mi-figue-mi-raisin de délire prophétique empreint de religiosité abracadabrantesque. Alors qu’il s’agit de la prise en écharpe de l’Histoire, l’« impossible accès à la vérité » est aux mains de l’atavisme récurrent du mal. Le puzzle n’a pas de solution ; seule la fin, dans un musée suisse, auprès d’une sculpture de Mario Merz, semble annoncer « une plaque sur laquelle serait gravée une seule phrase », celle qui reconstituerait l’histoire de Korim, et que le roman ne nous livrera pas, nous laissant devant l’introuvable conjecture de la solution de l’univers, des civilisations et du mal…

 Il y a indubitablement, à partir du chapitre III, des pages splendides, parfois lyriques, des pépites conceptuelles. Un coucher de soleil crétois, « la sublime tragédie de toute transition et impermanence » ; la pelle jetant les « détritus […] par la lucarne de ventilation », métaphore de la disparition de la civilisation minoenne. Chaque époque est alors cristallisée en un espace, une image symbolique de civilisation apaisée : la construction de la cathédrale de Cologne, où l’on peut faire « un éloge du bien et de l’amour, les deux inventions majeures du monde occidental », avant un imminent conflit contre les Français. Les quatre voyageurs temporels évoquent « la différence scandaleuse entre l’amour pur par nature et l’ordre par nature impur du monde », se demandant « si cette liberté découlant de l’amour représentait le stade le plus élevé de la condition humaine », quoique « accordée qu’aux êtres éternellement solitaires »… Ils rejoignent Venise et sa « rencontre entre beauté et rationalité », avant de méditer sur les limites du monde depuis Gibraltar où « le définitif s’effacerait au profit de l’euphorie de la découverte ». Bientôt les temps se télescopent, l’effet de Mastemann se fait sentir, en particulier sur la sensualité des prostituées, le « Seigneur de la Mort » parait, comme un romanesque Roi des aulnes…

 On trouve à point d’audacieux moments où Krazsnahorkai, en doutant du manuscrit et de ses personnages, critique son propre roman, fustigeant « l’usage démesuré et abusif du procédé de répétition », l’écriture « de la réalité en boucle jusqu’à la folie », pour que tout soit « gravé dans le cerveau » ; se comparant aux légionnaires bâtissant le Mur d’Hadrien et « érigeant le monumental face au morcellement », mais aussi remplaçant « la guerre par la paix ». En vain ; la dernière partie, où « la langue se rebellait », devient, « illisible et dans le même temps d’une beauté incroyable » : un « effondrement ».

Comme lorsque, en un niveau parodique de mise en abyme supplémentaire, l’interprète, par ailleurs alcoolique et violent contre sa Portoricaine, s’imaginant vidéaste, « envisage de créer une œuvre vidéo magistrale, globale et fondamentale, sur l’espace et le temps, sur le silence et la parole, et surtout naturellement sur les sentiments, les instincts, la passion, tout ce qui constituait l’essence, le socle permanent de la condition humaine ». Fantasme irréalisé, n’en doutons pas, il s’agit là du miroir, de la synecdoque du roman qui pèse sur nos mains. Passionné par l’art sacré autant que par les installations de l’art contemporain (qu’il pratique), notre insolite et rare écrivain réalise le grand écart entre errance picaresque, questionnement métaphysique et encyclopédisme hallucinatoire, « là où l’esprit de la guerre domine la vie humaine », quoique Korim et Krasznahorkai, aux initiales semblables, bénéficient d’une plage de paix...

Ainsi, depuis la déflagration du troisième chapitre, jusqu’au huitième et dernier, l’adhésion du lecteur est devenue sans faille, conquis par Korim, par l’envoi de ces « quatre hommes dans le monde réel, dans l’Histoire, c’est-à-dire dans l’état de guerre permanent [tentant] de les installer en divers endroits prometteurs de paix »…

Comment le terreau littéraire hongrois peut-il se révéler si fructueux ? Il fallait compter avec Kertesz[2], Nadas, Kosztolanyi[3], les Karinthy[4]… Laszlo Krasznahorkai semble les balayer, les supplanter, s’écroulant sous le poids du mythe qu’il tente de créer. Faut-il alors retourner autour de New-York et comparer l’incomparable ? L’Américain Mark Danielewski avait également usé du topos du manuscrit trouvé autour d’une vidéo. Mais, parmi ses pages, les feuilles bruissent d’une écriture moins grandiose pour un roman bien également profus, peut-être plus séduisant et troublant : La Maison des feuilles[5]. Cette maison était inquiétante, bourdonnante de signifiés et fascinante, quand l’immense musée aux splendeurs et ruines de l’Histoire de Guerre & guerre, cette histoire d’amour d’un anti-héros pour un livre mystérieux, est lui dévastateur et sidérant : là où souffle également le vent du chef d’œuvre…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

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23 novembre 2013 6 23 /11 /novembre /2013 11:44

 

Cathédrale de Bourges, portail sud. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Bertrand Russell : De la fumisterie intellectuelle,

ou le décapage des religions et de l’Etat.

 

 

Bertrand Russell : De la fumisterie intellectuelle,

traduit de l’anglais par Myriam Dennehy, L’Herne, 104 p, 15 €.

 

 

Sur la nef des fous de l’intellect humain se sont posés, et continuent à se poser, bien des aberrations, des affabulations, des mensonges éhontés… L’accès de colère philosophique de Bertrand Russell contre « la fumisterie intellectuelle » fit suite, en 1943, à une plainte d’une certaine Madame Kay, lorsqu’il devait donner des cours à l’université de New-York : elle lui reprochait son manque de religiosité, ses opinions lubriques sur le sexe et le mariage. Piètre immortalité pour cette brave dame qui réussit pourtant à l’écarter de son poste. La cause de la liberté académique gagna néanmoins des points avec cette affaire. D’autant que notre philosophe analytique (1872-1970) reçut le Prix Nobel en 1950. Reste que ces pages mordantes, quoique nées d’une anecdote et d’un contexte historiques, n’ont rien perdu de leur décapante actualité.

Le pamphlet, emporté d’une main leste, est réjouissant. Les « prédicateurs de grandiloquentes balivernes » religieuses, les « sornettes de l’état » et autres fumistes en prennent pour leur grade. Mais il devient terrifiant si l’on liste avec Bertrand Russell tous les procédés, qu’ils soient religieux ou politiques, utilisés par l’humanité pour assujettir et torturer ses semblables, en leur chair, leur sexualité, leur liberté de pensée.

« L’âge de la foi, célébré par nos philosophes néoscolastiques, [étant] un temps où le clergé s’en donnait à cœur joie », tous, jusqu’à Gandhi, brandirent « la tentative impie de contrecarrer la volonté de Dieu ». Contre le paratonnerre, le darwinisme. Sans compter que les catastrophes naturelles punissent le péché, en épargnant les pieux… Malgré les apports de la science, les religions et leurs textes « qui traduisent les conceptions de tribus incultes » et interdisent la consommation de certains produits, se maintiennent dans une pétrification obscurantiste hallucinante.

Hors la religion qui ici fustigée, bien d’autres domaines de l’intelligence, ou ce qui en tient lieu, y compris quotidienne, sont étrillés : « Nous aimons dire du mal de nos voisins, et, s’agissant de colporter les pires ragots, nous ne nous embarrassons guère de preuves ». Il y a quelque chose du moraliste à La Rochefoucauld chez Bertrand Russell, constatant que, de l’individu à la collectivité, le mal de la fumisterie est sans cesse répandu. Mythe et « passion collective », comme en temps de guerre, ou de désir de guerre, sont justement traités d’ « élucubrations », qu’il s’agisse du nationalisme, de l’antisémitisme, qui « flattent notre vanité et nos passions cruelles ». « Race » et « sang » sont délires xénophobes : « A l’évidence, les prétendus mérites de la pureté raciale sont fantasmatiques ». Russell conspue le nazisme, mais aussi « la Russie marxiste », et sa supériorité du prolétariat. « Les stéréotypes les plus ineptes », y compris machistes, sont balayés, jusqu’à la croyance en l’unicité de la nature humaine, « qui est largement façonnée par l’éducation ».

Bien sûr, l’Etat n’est pas exempt de ces entourloupes intellectuelles : « Il n’est de fariboles si aberrantes qu’une vigoureuse intervention étatique ne sache les imposer à la majorité. » On pourrait appliquer la formule à la fiscalité, à la solidarité, à la régulation économique… Sont alors brocardés jusqu’à Platon et Hobbes, fondateurs de mythes pré-totalitaires… « Ne serait-il pas tout aussi facile de produire une population raisonnable ? L’état s’en garde bien, car celle-ci n’aurait alors guère d’estime pour ses dirigeants politiques. » Les effets délétères de la « manipulation du peuple » n’empêchent pas de se méfier de l’anticonformisme des penseurs d’avant-garde qui « considèrent qu’il suffit de s’écarter de l’opinion conventionnelle pour avoir forcément raison ».

Les « fadaises » des philosophes, de Platon (« L’homme qui ne recherche pas la vérité se réincarnera en femme »), d’Aristote (croyant que « le sang des femelles est plus sombre que ceux des mâles ») permettent à cette collection d’erreurs et folies humaines passées, contemporaines et futures, de valoir son poids d’humour et d’ironie. Ainsi, réjouissons-nous : « Le sage […] ne se trouvera jamais à court de crétinerie intellectuelle ».

En tant que philosophe rationaliste, Bertrand Russell défend au premier chef la science, mais aussi la libéralisation des mœurs, qui sont trop souvent rejetées par le préjugé populaire : « Le moindre progrès qui survient dans la civilisation est critiqué de prime abord au motif qu’il n’est pas naturel ». Il se « méfie de toute généralisation à propos des femmes », les considérant comme toute humanité doit l’être, sans rejet ni survalorisation : « il semblerait que les hommes comme les femmes restent décidément tributaires de leurs préjugés. »

Que faire alors pour sortir de l’état de préjugé ? Observer, « de vos propres yeux », « se confronter aux opinions qui ont cours dans d’autres sociétés que la nôtre », « méfiez-vous des opinions qui flattent votre amour-propre », prenez « conscience de vos propres peurs » et des « mythes qu’elles nourrissent »,  car « penser sans savoir est une erreur fatale ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Certes l'on peut facilement se gausser de la façon pour le moins rapide dont Russell s’empare de hautes figures philosophiques pour les jeter sous le lit de la satire. Faire allusion à Spinoza qui se prononça « contre le droit de vote des femmes », ou Saint Thomas d’Aquin comme à de maigres clés de voûte de la construction superstitieuse des religions est évidemment aussi rapide que réducteur. Mais ce serait oublier que Russell n’est pas inculte en la matière et qu’il sait reconnaître l’apport -entre autres penseurs- de ces derniers dans sa monumentale Histoire de la philosophie occidentale. Saint-Thomas d’Aquin, précieux théoricien du libre arbitre, est pourtant par lui, après d’objectives pages exposant sa doctrine, réfuté car « avant de commencer à philosopher, il connait déjà d’avance la vérité : elle est déclarée dans la foi catholique[1] ».

De même, l’on pourrait se moquer de ce démontage éclair des religions qui peut nous sembler un exercice démodé, tant ces dernières paraissent vouées à encombrer les magasins d’antiquités plutôt que nos sociétés républicaines et laïques. Sauf que le retour de l’obscurantisme, cette fois moins venu des terres chrétiennes que de celles d’Islam, en fait un catalogue des tyrannies intellectuelles et physiques dont il faut moins rire d’un air supérieur que savoir les débusquer sous leurs oripeaux exotiques…

Et, n’en doutons pas, si un dieu purement imaginaire avait prêté plus longue vie à Bertrand Russell, il lui aurait permis de compter parmi ses « fumisteries intellectuelles » préférées, le réchauffement climatique et sa cause anthropique, la vulgate anti OGM et anti gaz de schiste, dont les verts écologistes politiques se font les croisés pour assurer à la fois l’empêchement à la pensée scientifique et leur prise de pouvoir sur les crédules moutons citoyens. A la manière des « anesthésiants » dont « les gens pieux dénoncèrent leur invention comme un subterfuge pour se soustraire à la volonté divine », les OGM sont dénoncés comme un artifice pour se soustraire à la volonté de la nature, menacée de maux purement imaginaires, quand d’autres pollutions bien réelles sont moins attaquées.

Loin de voir dans ces quelques pages troussées avec une salutaire vigueur une oeuvrette de café du commerce, jetée sur le papier un jour d’exaspération et de rire par le philosophe analytique le plus rigoureux et austère qui soit, peut-être faut-il aller jusqu’à l’adosser à une somme plus ambitieuse en apparence : son Histoire de la philosophie occidentale qui ne se gêne guère pour déboulonner les idoles. Y-a-t-il une pensée digne de ce nom qui puisse se passer, comme Nietzsche (que Russell n’aimait pourtant guère) de « philosopher à coups de marteau[2] », pour détruire les fausses idoles ? Et pour faire de ce bref et roboratif exercice de désenfumage qu’est De la fumisterie intellectuelle, un précieux essai parmi la bibliothèque du libéralisme classique.

Hélas, « nous nous arrangeons toujours pour adopter une vérité qui conforte nos préjugés ». Espérons donc que Bertrand Russell, sans compter le modeste auteur de cet article, la main dans la main avec son lecteur, puisse n’être pas lui-même tombé trop souvent dans ce travers.

On est en droit de s’étonner qu’il s’agisse là de la première édition française de cet exercice de causticité salutaire du grand philosophe rationaliste. Aurait-il été oublié, ou jugé grotesque, excessif, dérangeant pour les grandes constructions intellectuelles qui voilent pour nous les yeux de la vérité ? Pourtant sa clairvoyance en 1943 lui fit annoncer : « il est à craindre que les nazis, voyant leur défaite approcher, accélèrent le processus d’extermination des Juifs ». De plus, comme le suggère l’intelligente préface de Jean Bricmont, qui regrette certainement les quelques coquilles de cette indispensable édition, nul doute qu’aujourd’hui Bertrand Russell démonterait sans peine les fumisteries intellectuelles de nos partis politiques, d’un extrême à l’autre, jusqu’au plus apparemment tempéré, tous empêtrés à des degrés divers dans le dogme socialo-colbertiste-keynésien, de l’Education nationale, de nos gouvernements – n’en jetez plus, la coupe est pleine -. Il est bien dommage, et nous savons que prétendre le contraire serait une fumisterie, que nous ne puissions, pour ce faire, ressusciter notre cher Bertrand Russell…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Bertrand Russell : Histoire de la philosophie occidentale, Les Belles lettres, 2011, p 536.

[2] Friedrich Nietzsche : Le Crépuscule des idoles ou Comment philosopher au marteau, Mercure de France, 1952.

 

 

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15 novembre 2013 5 15 /11 /novembre /2013 18:00

 

Museo de la catedral de Santiago de Campostela, Galicia.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

De la dignité de l’identité et de l’assimilation

 

par Finkielkraut et Tribalat,

 

controverses, immigration et Lumières.

 

 

 

Alain Finkielkraut : L’identité malheureuse, Stock, 240 p, 19,50 € ;

 

Michelle Tribalat : Assimilation, la fin du modèle français,

Editions du Toucan, 352 p, 20 €.

 

 

 

      L’identité ne se lit-elle qu’au miroir ? L’assimilation permet-elle l’identité ? Faut-il s’assimiler à l’identique ? La différence brise-t-elle l'ombre de l’identité et sa dignité ? A ses questions apparemment abstraites et de nature philosophique, il est temps d’appliquer l’épreuve de la réalité sociétale qui nous entoure. Et se demander avec l’essayiste Alain Finkielkraut et la sociologue Michèle Tribalat, si l’identité française n’est malheureuse que de la fin de son modèle d’assimilation. En d’autres termes jusqu’où l’immigration -et laquelle- menace-t-elle ce qui n’est peut-être que trop petitement l’identité de la France ? La maladresse de l’un des auteurs, la rectitude de l’autre n’ont-elles pas le mérite de démasquer une dissimulation de l’immigration…

 

      Il faut bien admettre que le propos erratique et plaintif de Finkielkraut démarre confusément : un prologue légèrement autobiographique pour discrètement déplorer le « changement », un examen du foulard islamique, mais pudiquement, sous l’égide du « Laïques contre laïques ». Dans lequel la liberté de tous s’oppose à l’apparente liberté de quelques-uns, sans que notre essayiste, néanmoins méritoire, note avec assez de vigueur combien l’Islam est fondamentalement en guerre contre son (et nôtre) attachement aux Lumières de Kant : cette « sortie de l’homme de l’état de minorité dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son propre entendement sans la conduite d’un autre. […] Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement.[1] » Interdire foulard et voile en tout espace public est donc un préalable à la liberté d’entendement et d’expression, ce qui n’est pas en cet essai affirmé avec assez de fermeté.

      Plus clairement, s’ensuit un éloge des maître, instituteur et professeur, « mandatés auprès de leurs classes par les poètes, les artistes et les philosophes » (on ajoutera les scientifiques) « qui ont fait l’humanité », qui distinguaient « l’art et le divertissement ». Qui, hélas, aujourd’hui, « sont invités à faire preuve de moins de sévérité, c’est-à-dire d’exigence intellectuelle, et de toujours plus de sollicitude » pour le jeune, qui « ne peut vouloir qu’on l’élève : il est sur son trône ». On oublie de noter alors que ce laxisme vient en partie du trop de démocratisation du collège unique et du lycée, voire de l’université, au détriment de l’apprentissage. Arguments qui rendraient le son de Finkielkraut un peu  moins incantatoire. Reste qu’il y a bien une tyrannie de l’enfant gâté et du « C’est mon choix » si ce dernier ne repose pas sur le respect d’autrui et de l’universalité de l’humanité. Hélas, « ce n’est plus aux élèves désormais que l’institution scolaire prescrit d’en rabattre, c’est aux maîtres ».

      Pratiquer sa foi, certes, mais sans cette bannière ostentatoire qu’est le voile, sans ce bâchage physique et psychologique humiliant pour les femmes quand les hommes ne s’y astreignent pas. Est-ce seulement le rejet franchouillard, ou cette galanterie française envers l’existence du corps féminin, ici exaltée, alors que l’Islam en ostracise l’impureté, qui expliquent l’exception hexagonale de l’interdiction ? A moins d’une prise de conscience de la dignité humaine ou de celle d’une indignité féminine revendiquée : « En excluant le voile des lieux dévolus à la transmission, la France a clairement signifié qu’elle ne pouvait s’accommoder ni de cette occultation, ni de ce réquisitoire », ce en quoi la pertinence de Finkielkraut n’est en rien en défaut.

      Hélas, lorsqu’il parle de « laïcité libérale » opposée à « laïcité républicaine », ne fait-il pas un terrible contresens en assimilant le libéralisme à la licence auto-attribuée de faire n’importe quoi, sans le moindre respect de la liberté d’autrui ? L’argumentation parfois erratique permet cependant de lire le statut de la femme au sein de la « mixité française ». Les égalités gagnées par l’Histoire du féminisme et de la tolérance butent alors sur les « territoires où le port d’une jupe expose les femmes et les jeunes filles à la réprobation voire à la persécution de leur entourage ». Pourquoi cet euphémisme ? Parlons vrai : banlieues charaïsées et racailles ! Elizabeth Schemla[2] était heureusement plus explicite. Il note heureusement la « servitude volontaire » de celle qui considère que mettre une jupe, c’est être une « pute », ou son verlan… Que Finkielkraut aille au bout de sa pensée : nous sommes -sans aller, on l’espère, jusqu’au « grand remplacement[3] », selon la formule de Renaud Camus- aux prises avec des poches d’Islam barbare, ainsi conforme à sa « sourate sur les femmes », et dont le djihad emprunte la voie de la guérilla urbaine. Dire cela n’est en rien de l’ordre du racisme ou de la xénophobie, mais de l’ordre du réalisme, ce qui ne condamne bien évidemment pas tous les Musulmans, tous les Arabes qui ne sont pas peu à partager ce constat nécessaire.

      En filigrane, court pourtant en cet essai finalement humaniste, réfutant le nationalisme à la Barrès, qui se fait l’interprète de la Justice, une vision de la dignité tant féminine que masculine orientée par un libéralisme (au sens classique et philosophique du terme) soucieux du développement autonome de chacun dans un espace de progrès intellectuel et moral. L’identité, même fondée sur des prémisses historiques et familiales, reste une liberté, et non une chape de plomb qui l’étouffe : la civilisation européenne et occidentale est « cosmopolitisme ». Ainsi, notre « identité commune », doit, plus que française, être celle des Lumières et des libertés.

      Pourquoi ce manque de fermeté de la part du philosophe, cette impression de tourner autour du marais polémique sans y planter un pied solide ? Imaginait-il de passer en douceur, de ne pas s’attirer les foudres du politiquement correct, du rose vivre ensemble aux yeux aveugles et aux oreilles sourdes, et dont seules les langues sont promptes à cracher le venin de la « lepénisation des esprits », de la reductio ad hitlerum ? Les crachats médiatiques ont prouvé que cette illusion était vaine, quoiqu’il sache annoncer la couleur : « Tous ceux qui osent enfreindre la sacro-sainte règle méthodologique du traitement social des questions ethnno-religieuses tombent en disgrâce et voient leur nom s’inscrire, séance tenante, sur la liste noire du politiquement correct ».

      Les rapprochements entre discriminations, contre le Judaïsme et contre l’Islam sont invalidés par des différences fondamentales : au premier, d’ailleurs jamais prosélyte et si peu violent, on ne chargeait son réquisitoire que de fantasmes ; au second les reproches sont la plupart aussi réalistes que fondés. Ce qui ne signifie absolument pas que l’on doive réserver un holocauste au second, mais défendre le plus pacifiquement possible notre conscience européenne, sceptique et tolérante. Hélas, « il ne reste plus une goutte d’alcool universaliste dans son cosmopolitisme actuel ». Si l’Europe doit être « tout le contraire d’une identité close repliée sur son héritage, mais aussi d’une identité conquérante imbue de ses vertus civilisatrices », elle ne doit en aucun cas se laisser clore par une verrue religieuse imbue de son fanatisme.

       Hélas encore, la xénophobie, certes désastreuse, a été remplacée par « l’oikophobie, la haine de la maison natale ». Ainsi Noël deviendrait « fête de fin d’année ». Il faudrait pratiquer l’hospitalité au détriment de sa maison natale, mais au point de la voir bientôt dévastée par une tyrannie obscurantiste, où plus personne ne prend le parti des Lumières. Où des élèves issus « de la diversité » -entendez sous l’euphémisme, le seul fauteur de troubles, l’identitaire d’Islam- refusent d’étudier Rousseau, Le Tartuffe ou Madame Bovary, au motif qu’ils sont « haram », c’est-à-dire impurs, interdits, sans parler de l’Holocauste, réputée au mieux fantasmé, au pire insuffisant. La « définition universelle du mal » et du bien vole en éclat…

      Ainsi les « autochtones […] quand ils voient se multiplier les conversions à l’Islam […] se sentent devenir étrangers sur leur propre sol ». Finkielkraut a enfin quitté les précautions oratoires de l’euphémisme. Il appelle à la rescousse le Lévi-Strauss de Race et culture pour défendre le droit à conserver les valeurs de sa civilisation : « toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’à leur refus sinon même à leur négation[4] ».

      Usant d’un réquisitoire vieillot contre Internet (« Le livre a perdu la bataille de la lecture » ou « L’identité nationale est ainsi broyée, comme tout ce qui dure, dans l’instantanéité et l’interactivité des nouveaux médias »), mais judicieux lorsqu’il fustige la vulgarité du langage ambiant, le relativisme du respect au nom du « tout se vaut » contre la hiérarchisation de l’excellence et du médiocre, la culpabilisation de la société pour les méfaits que les « jeunes » commettent, il n’imagine guère qu’un lecteur volatile et connecté peut en même temps être celui d’Harry Potter et de Proust. Cependant il montre avec brio qu’en une pédagogie qui se sépare des classiques, mais cosmopolites et de toutes les temporalités, « l’ouverture sur la vie n’est rien d’autre que la fermeture du présent sur lui-même ». On ne sait si l’essai a su conclure…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Allons, si possible, plus avant que Finkielkraut. Ne pas se crisper sur une identité réelle ou fantasmée, nostalgique ou prospectiviste, c’est faire preuve d’ouverture d’esprit : plutôt l’identité des Lumières que « l’identité nationale », expression qui ne peut être pourtant taboue. Pouvoir s’identifier à d’autres identités possibles, par miroirs, rhizomes, plutôt que par seules racines, voilà qui est mieux encore. Jusqu’à ce que l’identité et les identités multiples nous soient interdites par l’occlusion d’une autre identité, captatrice et fermée ; ce qu’est évidement en dernier recours l’identité islamiste. Se pose évidemment là la question de la tolérance à l’intolérable.

      Ce n’est pas parce qu’une culture n’est pas identique à la nôtre que nous la refusons. Nous en aurons pour preuve le Japon, dont les sushis, l’art floral, la peinture zen, les mangas ont pu nous envahir pour notre plus grand enrichissement. Parce qu’il ne s’agit pas là d’une culture dont le but est d’éradiquer la nôtre, de voiler les Lumières. Si nous voulons pouvoir apprécier la miniature persane[5] et Les Mille et nuits (aux identités d’ailleurs fort cosmopolites), ce n’est pas pour les voir ostraciser par un Islam rigoriste et nostalgique d’un califat sanguinaire aux libertés excisées.

      Il faut alors admettre que la culture du prétendu « modèle français », malgré la surgénérosité de ses prestations sociales, ainsi que les opportunités de ses terrains de délinquance, offre un tableau peu ragoutant aux immigrants, quand ce sont d’ailleurs des Français qui émigrent sous des cieux plus favorables. Chômage de masse, paupérisation, rabotage des libertés économiques, enfer fiscal, droit du travail complexe et décourageant, sans parler des trafics et du travail au noir (qui sont des soupapes de sécurité), clientélisme, corruption et népotisme des élus politiques surpayés et surprotégés… regardons en face la haine de soi des élites qui méprisent la France et les valeurs des Lumières, hors une rose laïcité républicaine qu’elles n’ont guère le courage de faire appliquer, l’arrosage des aides sociales et des allocations familiales à ces mêmes immigrés sans qu’ils aient, trop souvent, besoin de travailler et de s’intégrer, même si ce n’est pas une attitude partagés par tous. Sans compter un laxisme coupable envers la délinquance des banlieues chariaïsées et leur racaille, l’aide financière indue des collectivités locales aux constructions de mosquées et à leurs prétendus centre culturels… Voilà qui pousse le Musulman à trouver chez son pays d’accueil une attitude de dhimmi, vu la façon dont on lui offre son impôt, à mépriser les Français, à se jouer d’eux en profitant de leurs subsides pour les remplacer sur leur propre terrain. Nous creusons alors la fosse de leur califat à venir ; sauf si leurs prochaines générations savent se rebeller contre « l’Infâme[6] », comme le disait Voltaire, et conquérir les territoires mentaux et moraux des libertés.

 

      Plus rigoureuse est la sociologue Michèle Tribalat. L’on sait hélas que Marine Le Pen aimerait lui offrir une « carte d’honneur » du Front National. Cela n’ôte rien à la qualité et à la rigueur de ses travaux. La vérité et la réalité n’appartiennent en propre à aucun parti. Y compris si son infra-terrain xénophobe, voire raciste, le décrédibilise en partie, et si son surétatisme socialiste national, son état-providence protectionniste font de son programme économique une esbroufe aussi délirante que dangereuse.

      Michèle Tribalat avait déjà dans Les Yeux grands fermés[7], dénoncé « le conte de fées » des pro-immigrations.  Nous ne chercherons pas à savoir pour qui elle glisse son bulletin de vote, ni ne tomberons dans la réductio ad hitlerum, flèches tordues que nombre de roses, verts et rouges bienpensants assènent faute d’argumenter. Une fois encore l’examen du réel doit prévaloir sur toute injure bassement politicienne. En toute logique, elle plaide pour une politique nataliste française -et, dirons-nous, d’esprit français et occidental- à rebours de la déferlante démographique arabophone et de l’aire islamique ; ce en toute cohérence d’ailleurs avec l’essayiste allemand Thilo Sarrazin[8]. Sa pertinence intellectuelle lui a également permis d’abandonner le concept de « français de souche », mais au profit de celui de « natif au carré » (deux parents nés sur le sol français). Ne vaudrait-il pas mieux affirmer : né de deux parents de culturelle occidentale et ouverte ? De plus, on a, peut-être à bon droit, dénoncé le « désordre statistique » (qu’elle impute à l’Etat) des travaux fort techniques de Michèle Tribalat. Outre qu’elle ne fait qu’avec ce dont elle dispose, et peut-être aux bénéfices de sa thèse, le modeste auteur de ces lignes ne prétend pas avoir la compétence requise pour en juger. Il n’en reste pas moins qu’une tendance de fond de la variabilité démographique et éthique de la population française est pour le moins fort perceptible. De surcroît, si l’on sait que l’hexagone pourra bientôt compter parmi sa population dix pour cent de Musulmans dont trop peu assimilent la langue de Tocqueville et s’assimilent à la civilisation issue des Lumières, bien d’autres contrées sont confrontées au même gravissime souci : Belgique, Suisse, Allemagne, Suède, Québec… Tous pays ou le retour de la culpabilité coloniale, inexistant, n’explique en rien l’invasion obscurantiste.

      Ce n’est donc pas l’immigration en soi qui est coupable, mais une immigration, d’Islam -et non forcément de Musulmans-, parfois également d’Afrique centrale, mais aussi sa gestion laxiste et trop ouverte, si l’on veut demeurer encore longtemps une société ouverte. Les immigrés ne sont pas une race, ni un peuple. Ils viennent d’Europe, médecins et infirmières, ils viennent d’Extrême-Orient ou d’ailleurs, Roms pacifiques ou délinquants qu’il convient de traiter comme des citoyens comptables de leurs vertus propres et de leurs délits ; et de l’aire musulmane dont le désir de paix et d’intégration à une économie en croissance et aux Lumières est plus que respectable, mais dont seront bannies toutes les manifestations violentes d’ostracisme, de christianophobie, de gynéphobie et d’Aufklärungphobie…

      En effet selon Tribalat, « l’Islam change la donne » ; de plus, la France a « la minorité musulmane la plus forte de l’Union Européenne ». Cinq à six millions, selon le ministère de l’Intérieur, dont un tiers serait incroyant ou non pratiquant. Et elle continue d’entrer, même si sa fécondité féminine tend à se rapprocher de la moyenne française. Pourtant, le chiffre serait « surestimé » (en fait 5 millions en 2014), « parce qu’il fait peur aux tenants du Front National, rassure la gauche éblouie par sa vertu d’accueil et conforte les Musulmans eux-mêmes qui peuvent prétendre à la  connaissance de la réalité à laquelle sont souvent préférés les joutes idéologiques ».  Par exemple, il faut noter qu’en Seine Saint-Denis, « un habitant âgé de 18-50 ans sur trois est musulman. » De plus, « le catholicisme chez les plus jeunes se perd, contrairement à l’Islam […] La manière dont les médias, et parfois même les politiques, traitent du carême et du ramadan, en accordant beaucoup plus de publicité au second, en dit long sur la tiédeur catholique ». Désécularisation chrétienne versus islamisation. Mais ce dernier phénomène s’observe bien plus dans les quartiers défavorisés. D’où la corrélation possible avec la pauvreté, quoique les pauvres de la Creuse ou de l’Ariège ne se jettent ni dans un quelconque intégrisme, ni d’ailleurs dans la délinquance. Pourtant la sécularisation touche aussi les Musulmans, surtout Algériens…

      Reste-t-il possible de s’assimiler, de s’adapter à la vie française (manger du porc à la cantine par exemple) comme les Algériens dans les années cinquante ? La poursuite des flux migratoires, la concentration dans les quartiers, l’endogamie, l’éducation religieuse familiale, la fécondité plus élevée, la venue d’imams moyen-orientaux, le prosélytisme enfin, tendent à rendre cette assimilation des Musulmans difficile, voire à en faire pour eux un repoussoir. Quand « 18% des femmes âgées de 18 à 50% disent porter un voile » (et bien plus aux Pays-Bas), quand parmi eux 80% « disent respecter les interdits alimentaires », la liberté d’expression, depuis la fatwa contre l’écrivain Salman Rushdie[9], en 1989, subit de nombreuses blessures, entre meurtres, menaces et « tyrannie du silence ».

      Ce qui sonne « la fin des illusions selon laquelle les Européens, et plus généralement les Occidentaux, resteraient maîtres chez eux. » Au point qu’en 2008 le conseil municipal d’Oxford interdit l’usage du mot « Noël » dans ses textes et affiches, afin de ne pas offenser les autres croyants », et que la satire religieuse devienne impossible. Au Royaume-Uni, la loi du « Racial and Religious Act » signe la fin de la liberté d’expression et contresigne partout le lit de l’autocensure. Quant au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, il semble prêter une oreille câline « aux demandes de l’Organisation de la Coopération Islamique visant à interdire le blasphème et régionaliser les droits de l’homme ». En ce sens, abandonner ses propres valeurs et « céder à la haine de soi » signifie qu’il est aussi malvenu qu’inutile de s’assimiler. Surtout si le signal dominant consiste à dire que « tous les modes de vie et pratiques culturelles se valent », assertion spécieuse et décivilisatrice… Surtout si l’on observe à Mantes-la-Jolie, comme Hugues Lagrange, les comportements importés du Sahel, machisme, code d’honneur, irrespect, « durcissement de la culture patriarcale et fondamentalisme musulman[10] ». Pourtant, au-delà des édits d’un conseil de l’Union Européenne et de sa « propagande » multiculturaliste,  pour qui « l’intégration est un processus dynamique à double sens d’acceptation mutuelle », Tribalat affirme que « la société d’accueil sert de référent culturel ». Société européenne qui programme « sa propre disparition ».

      Disparition à laquelle, entre « prolophobie » et « abandon des natifs au carré », face aux quartiers réservées à la banalisation des interdits islamistes, la gauche contribue, caressant les immigrés, surtout musulmans, dans le sens du poil électoraliste, trahissant ce qu’il est fort approximatif de nommer l’identité française, mais surtout l’esprit des Lumières. De plus, au-delà d’un racisme à sens unique et surévalué, « le racisme ressenti par les natifs au carré existe bel et bien ». A force d’avoir été la victime, ou de croire l’être, cette population venue du Sud colonisé, sous développé ou en développement, devient le bourreau d’une nouvelle victime. Ne restera plus que le « sanglot de l’homme blanc occidental[11] »…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Reste que le débat alimenté par Finkielkraut et Tribalat ne doit pas se confiner à l’opposition puérile entre Français et immigrés, fussent-ils Musulmans. La dichotomie fondamentale se situe là où passe le fil d’Ariane des droits de l’homme, de l’humanisme et des Lumières. Les civilisations[12] occidentales, de l’Europe aux Etats-Unis, celles qui en sont dérivées, en passant par l’Amérique latine où certains pays africains, et jusqu’à celles extrême-orientales, peuvent recourir à un cosmopolitisme ouvert, respectueux des libertés fondamentales que sont celles de la propriété, d’expression et de critique (y compris religieuse) et, cela va sans dire, de l’égalité des droits et de la dignité entre homme et femmes. Si des Musulmans -et il en existe- respectent ces prémisses, parfait ! Mais suivre à la lettre la vérité de l’Islam sans retrancher du Coran et des hadiths la sourate sur les femmes, les allusions au djihad, et tout ce qui les constitue d’intolérance, de haine et de violence, reste irréductiblement en contradiction avec les valeurs pluralistes et tolérantes que la France, et bien au-delà, l’humanité, se doit de défendre. C’est bien à cette identité libérale que l’assimilation doit prétendre. Hélas, note Tribalat, « entrés dans l’ère de la tolérance, après avoir terrassé l’église, les Européens ne sont pas prêts à un nouvel affrontement avec la religion », sans compter que le nouvel adversaire, de par sa vérité totalitaire indéracinable, est sans nul doute plus coriace. Quant à savoir ce que nos essayistes, au-delà du constat plaintif, proposent pour y remédier, on reste sur sa faim. Ce qu’avait cependant tenté de faire, au-delà des alarmantes perspectives de L’Allemagne disparait, Thilo Sarrazin[13], en imaginant un sursaut raisonnable, humaniste et libéral…

 

      Peut-être me suis permis de traduire avec plus de vigueur - de dénaturer ? - la pensée de Finkielkraut. Quoiqu’un peu vieillot, citant Péguy, et tournant maladroitement autour de l’objet du délit, il a le mérite insigne de tenter de soulever l’insoulevable. Mais à la lumière de Tribalat, ou plutôt à l’ombre sombre des faits, notre identité polymorphe rencontre une inassimilable barrière prédatrice. A laquelle il faut opposer une fin de non-recevoir : « Toutes les cultures, croyances et coutumes doivent prendre place en une société ouverte, toujours et quand elles n’entrent pas en collision frontale avec ces droits humains et principes de tolérance et de liberté qui constituent l’essence de la démocratie[14] », rappelle Mario Vargas Llosa. Nul doute qu’il faudrait fermer le robinet d’immigration au moyen d’une intelligente discrimination, dans le cadre du respect de libertés par les entrants, ne serait-ce que par un test civique et linguistique, comme le souhaitent les Pays-Bas. Sans compter une réflexion sur un regroupement familial et un droit du sol excessifs. Qui sait comment tout cela finira… Espérons que ce soit dans la paix des armes et des consciences.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Emmanuel Kant : « Qu’est-ce que les Lumières ? », Œuvres philosophiques, Pléiade, tome II, p 209, 1985.
[3] Renaud Camus : Le Grand remplacement, David Reinharc, 2011.
[4] Claude Lévi-Strauss : « Race et culture », Le Regard éloigné, Plon, 1983, p 47.
[6] Dans ses lettres à Damilaville en 1762 et 1768.
[7] Michèle Tribalat : Les Yeux grand fermés, Denoël, 2010.  
[10] Hugues Lagrange : Le Déni des cultures, Seuil, 2010, p 221.
[11] Pour reprendre le titre de Pascal Bruckner : Le Sanglot de l’homme blanc, Seuil, 1983.
[14] Mario Vargas Llosa : La Civilizacion del espectaculo, Alfaguara, 2012, p 102 (traduit par mes soins).

 

Iglesia fortaleza de Santa Maria de Ujué, Navarra.

Photo : T. Guinhut.

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 08:43

 

Boccace : Contes, Londres, 1779. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Des Prestigieuses bibliothèques du monde

 

à L'Or des manuscrits.

 

 

 

Jean-François Blondel, avec la collaboration de Sophie Huvier :

Prestigieuses bibliothèques du monde, Oxus, 240 p, 39 €.

 

Christel Pigeon, Gérard Lhéritier,

avec la collaboration de Pascal Mateo et Jean-Noël Mouret :

L’Or des manuscrits, Cent manuscrits pour l'Histoire, Gallimard, 240 p, 29 €.

 

 

 

 

Mnémosyne était chez les Grecs la Déesse de la Mémoire. On sait qu’unie à Zeus, ou à Apollon, selon les traditions, elle donna naissance aux neuf Muses. Alors que les dieux ont à peu près disparu dans l’oubli des fictions, à moins que certains ce soient crispés dans de trop humaines tyrannies, où pourrons-nous retrouver Mnémosyne, sinon dans les bibliothèques, ces gages de la mémoire et de la connaissance ? Pour ce faire, les rencontres involontaires de l’édition nous proposent un guide des Prestigieuses bibliothèques du monde, mais aussi de L’Or des manuscrits qui  ont marqué l’Histoire...

Naïvement, l’on aurait pu imaginer que ces vastes et splendides temples du livre n’auraient surtout essaimé que sur le vieux continent. Erreur, au-delà de l’Europe, certes magnifiquement pourvue, les Etats-Unis, sans même parler du Congrès de Washington avec ses  32 millions de volumes, ont la part belle, avec Seattle, Yale ou New-York. Australie, avec Victoria, Israël avec Jérusalem, mais aussi la Chine ou le Japon, foisonnent de richesses. Un vertige saisit alors le lecteur : vertige de beauté, de connaissances, des vies dont nous n’aurons pas la jouissance pour parcourir tous ces haut-lieux de l’humanité, pour ne serait-ce que feuilleter ces milliards de pages, parfois précieuses au point d’être interdites aux mains profanes…

Les bibliothèques sont follement baroques à Melk et Admont, en Autriche, construites comme en un graphisme géométrique et moderniste à Tokyo, Pékin, Toronto ou Salt Lake City, majestueuses et feutrées comme la Bibliothèque Nationale de France ou celle du Sénat, cette dernière ornée d’une coupole peinte par Delacroix. On aimerait aussitôt s’envoler vers l’Angelica de Rome, l’Hermetica d’Amsterdam. Et consulter des pièces mythiques, les codex mixtèque et Mendoza de la Bodleian Library, le Virgile réalisé vers l’an 400, à la Vaticane, le cabinet de la « Salle du trésor » de Saint-Gall… Ou encore parcourir les incunables (imprimés avant 1500), les mappemondes anciennes, auxquels est consacré un chapitre entier.

Il serait trop aisé de compter les bibliothèques absentes de ce volume, malgré ses soixante cavernes d’Ali Baba, et sa dimension synthétique bienvenue. Nous les tairons donc, quoiqu’en pensant à l’Amalia baroque de Weimar. Nous nous consolerons en remarquant en la bibliographie la trace de « La bibliothèque de Babel » de Borges et de celle du Nom de la rose d’Umberto Eco, qui, selon le romancier cachait l’essai sur le rire d’Aristote, resté introuvable.

Ce beau livre enfin se paie le luxe mélancolique d’évoquer les « Bibliothèques disparues » : Alexandrie, brûlée par accident par les Romains, et brûlée délibérément par les conquérants barbares de l’Islam, Ephèse, en Turquie, dont il ne reste qu’une façade, matières à rêver sur les sciences et les mythes que recelèrent les papyrus sacrifiés par les cruautés de l’Histoire. Ainsi, plus récemment, « une saisie de tous les livres et l’enfermement, puis souvent l’assassinat des membres de la bibliothèque » de Strahov (Tchéquie) pendant « les années communistes »… Comme ceux, évêques et papes, princes et mécènes, qui ont fondés et doté ces lieux fabuleux, sommes-nous encore assez convaincus de leur absolue nécessité pour le soin de nos libertés ?

Un seul regret pour ce format à l’italienne aux accents cosmopolites et universalistes : la riche iconographie est hélas entachée par quelques illustrations à l’impression plus floue. Et peut-être, parmi les nombreuses images de bâtiments aux coupoles impressionnantes, aux architectures hyperboliques, aux étagères chargées de trésors reliés surabondants, comme Le Livre de Kells à Dublin, ne nous montre-t-on pas assez de photographies, ou parfois lilliputiennes, de ce pourquoi on va dans les bibliothèques : les livres, les manuscrits. Il faudrait alors se tourner vers la Fondation Martin Bodmer et sa bibliothèque genevoise, dont le beau livre de Charles Méla propose en ses Légende des siècles[1] et en sa parfaite iconographie les plus étonnants et marquants livres de l’humanité, en leurs manuscrits, leurs premières éditions, qu’il s’agisse d’Histoire, de littérature, roman, théâtre, poésie, de religion, ou de politique…

C’est également en parcourant de nombreuses bibliothèques du monde que L’Or des manuscrits[2] nous offre ses trésors « pour l’Histoire ». Classés par ordre chronologique, depuis les papyrus d’Egypte, jusqu’à La Belle et la bête de Cocteau, ce sont cent raretés, de mains d’anonymes ou de célébrités, qu’il s’agisse de Mozart ou de Magellan, de Rimbaud ou de Darwin. Documents toujours émouvants, à l’instar des « paperolles » de Proust ou de la « lettre du suicide » de Baudelaire. On n’est pas sûr d’ailleurs qu’en ce concert de génies qui ont marqué l’humanité, les plus contemporains et derniers de la liste, les Beatles, avec le manuscrit de la chanson « Yesterday », soient à la hauteur ; à moins qu’il s’agisse là d’une giclée de démagogie envers le populaire. D’autant que les droits de reproduction n’ont pas pu être accordés à l’éditeur, ô ironie…

Reste que le parcours, époustouflant, qui permet de côtoyer Cicéron et Lewis Carroll, Copernic et Léonard de Vinci, Michel-Ange sonnettiste ou le rouleau des Cent vingt journées de Sodome du Marquis de Sade, permet de s’interroger sur les fantaisies, les fantasmes, les spéculations et les découvertes, autant que sur la dimension politique de notre humanité. Un papyrus du Ier siècle, hébergeant la Constitution d’Athènes, attribuée à Aristote, l’Edit de Nantes « décisif pour le pluralisme religieux », l’ « Habeas corpus » anglais  qui signe la fin des arrestations arbitraires par les despotes, le « Bill of Right » qui fait émerger la démocratie parlementaire, ces préludes aux Lumières…

Une « Bible secrète des papes », le diabolique Codex Gigas, un « évangéliaire en lettres d’or », un « Livre d’heures noir », la  Mishné Torah du XVème, des « prophéties aztèques » et « trois codex mayas », un « Coran ancien et controversé », voilà qui fait saliver l’intellect un rien frondeur du lecteur dont la culture religieuse ne demande qu’à se multiplier. D’autant plus fasciné que des palimpsestes, des lettres et des carnets où la main de l’auteur est encore toute chaude, côtoient quelques œuvres littéraires indépassables en de rarissimes exemplaire : la Divine comédie de Dante, rédigée en gothique italienne, dotée de miniatures colorées et dansantes… Et que penser, en cette iconographie impeccable, de raretés alchimiques, comme le Picatrix, grimoire de magie talismanique », ou le Splendor solis ?

 

 

 

 En ces deux volumes pour le moins intrigants, qui feraient rêver jusqu’au délire, ou plutôt jusqu’à la sagesse, le modeste collectionneur et bibliophile, on trouve quelques points communs, incontournables. Tels les enluminures soignées pour l’éternité ou les premiers jets éphémères des écrivains inspirés. A moins d’interroger les pages d’astronomies méconnues et menacées de Tombouctou.  Ou de rester démesurément perplexe devant le « manuscrit Voynich », peut-être venu du XVème siècle, dont la langue, peut-être venue de l'hébreu médiéval, reste en grande partie impénétrable, garni de peintures botaniques abracadabrantes, de jeunes filles nues baignant dans une eau verte ; traité de pharmacologie, de cosmographie, qui sait… À l’image de notre mystère. Car, dans les bibliothèques, les livres et les manuscrits du monde, est notre humanité, notre mémoire et notre dignité. Trésors moins fragiles, peut-être, que la bibliothèque virtuelle d’internet, de ce modeste site, noir tapuscrit cependant coloré, sans la chaleur des mains qui le composent, vague nuage de pensée peut-être déjà disparue…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Charles Méla : Légendes des siècles, Parcours d’une collection mythique : Fondation Martin Bodmer, Cercle d’Art, 2004.

[2] Qui fait suite à L’Or des manuscrits, les cent manuscrits les plus précieux, Gallimard, 2013.

 

Cypriani : Opera, Officina Hervagiana, 1540.

Manuscrit Voynich, Bibliothèque de l'Université de Yale. Fac simile, Hades, 2013.

Photo : T. Guinhut.

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1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 10:32

 

Musée Sainte-Croix, Poitiers, Vienne. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Frigyes et Ferenc Karinthy, de père en fils :

 

Farémido, Epépé, ou les pays du langage.

 

 

Frigyes Karinthy : Farémido, le cinquième voyage de Gulliver,

Cambourakis, 80 p, 9 €.

 

Ferenc Karinthy : Epépé, Zulma, 288 p, 9,95 € ;

traduits du hongrois par Judith et Pierre Karinthy.

 

 

 

Dans la famille Karinthy, on demande le père. Mais il faut compter également avec le fils, sans oublier les descendants qui se font traducteurs. Le vingtième siècle hongrois, malgré de sérieux concurrents (Marai, Nadas ou Kostolanyi) semble outrageusement dominé par la dynastie Karinthy dont les hasards de l’édition française réunissent aujourd’hui deux romans, que le langage, entre Epépé et Farémido, qu’il soit utopiquement ouvert ou douloureusement fermé, préoccupe, en d’étranges apologues.

 

Frigyes (1887-1938) fut un polygraphe hongrois à succès dont les articles, les pièces de théâtre, les pastiches et les romans firent fureur, sans compter plus de deux mille nouvelles. Dont le recueil La Ballade des hommes muets[1] offre un choix amoureux, tour à tour tendre et satirique. Peut-on à son égard parler de surréalisme ? Malgré son goût tonitruant pour la fantaisie, son humour invétéré, ses figures et images incessamment poétiques, ce serait excessif. Mieux vaut imaginer de la classer dans la grande tradition de Swift, dans laquelle les voyages de l’esprit s’unissent à la satire. Ne serait-ce qu’en lisant son Capillaria, le pays des femmes[2], merveilleux microcosme sous-marin, où « l’homme est un animal domestique méprisé », ce pourquoi le narrateur tente d’édifier une société communiste, comme prémonitoire des mondes effrayants de George Orwell[3]. Ainsi, son Farémido, inspiré de Swift, n’hésite pas à s’adonner au genre ancestral de la réécriture. L’on sait que les chefs d’œuvre de la littérature entraînent les écrivains à les parodier, les continuer, les actualiser. Comme Gautier ou Stevenson ajoutèrent des contes aux Mille et une nuits, comme le moqueur Scarron reprit l’Enéide en son Virgile travesti, Frigyes Karinthy imagine d’ajouter aux quatre voyages originels fomentés par Jonathan Swift une autre escale. Après « Lilliput », Brobdingnac », « Laputa » et les « Houyhnhnms »[4], pays tour à tour sages ou délirants, visités par le Gulliver du XVIIIème, le cinquième se nomme « Farémido ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Entre science-fiction et conte philosophique, la satire de l’humanité, de sa bêtise et de son goût immémorial pour la guerre, va bon train, non sans retrouver quelque écho avec le Candide de Voltaire. Car le narrateur de Farémido, chirurgien sur un navire de guerre, n’hésite pas à pratiquer l’ironie : « il n’y a rien qui puisse autant faire progresser l’admirable science de la chirurgie qu’une belle guerre moderne ». Suite à un naufrage lors du premier conflit mondial, l’anglais Gulliver est jeté sur une nouvelle planète. Où l’autre humanité de Farémido a dépassé ces errements. Les « Sollasis », ces machines intelligentes minérales qui le peuplent, sont non seulement douées d’une beauté raffinée, mais d’un lange musical inouï, à l’image de la musique des sphères et de l’harmonie du cosmos, dont les quatre notes de base sont celles du titre de cette trop brève fantaisie. Peu à peu, notre nouveau Gulliver converse avec leur « tête d’or ovale », au sein de leur civilisation paisible et sophistiquée.

Les Sollasis ont alors la voix de la sagesse, se moquant de l’humain philosophe qui, comme lorsqu’un des leurs est altéré par des « substances périmées, toxiques […] voit son propre cerveau à la place de ce qu’il faudrait voir ». Il est évident que, comme chez Swift, ce voyage science-fictionnel est prétexte à une réflexion politique : le Sollasi malade, au lieu de son langage musical, prononce les mots, « matérialisme historique ». On aura compris que le marxisme n’est pas la tasse de thé du judicieux Frigyes… De même, l’espèce humaine et piètrement organique est considérée comme une maladie par ceux qui, comme le Micromégas de Voltaire, observent la terre et voient leurs habitants s’entretuer. En revanche l’ « harmonie plus pure » des Sollasis est évidemment une haute leçon morale à l’adresse du Gulliver que nous sommes tous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si le Gulliver de Frigyes parvient à apprendre le langage des Sollasis, celui de son fils Ferenc en reste pour ses frais. Car en Epépé, point de salut pour le personnage plongé dans le vaste abîme de l’incompréhensible, fût-il linguiste émérite. En effet, Ferenc Karinthy (1921-1992), pourtant moins célèbre que son père, a commis en 1970 un roman infailliblement marquant pour le lecteur. Essai spéculatif et didactique sur les langues ? Errance kafkaïenne d’un individu condamné au silence cotonneux de l’incommunicabilité ?

Budaï, anti-héros malgré lui, s’envole pour Helsinki. Et débarque en une ville inconnue dont le langage échappe à toute pénétration, intuitive ou intellectuelle. Linguiste réputé, érudit pratiquant une dizaine de langues, familier de Champollion, des idéogrammes et des cunéiformes, travailleur obstiné et méthodique, il ne parviendra jamais, malgré son « glossaire » aussitôt incohérent, à trouver la faille qui lui permettrait de comprendre un seul mot, de déchiffrer une seule phrase de ce « parfait charabia ». Pas plus il ne comprend le sport qui se joue dans un stade bondé. Ce monde, décrit avec un réalisme fort riche, fonctionne avec ses lois propres, et procure à Budaï de nombreuses péripéties incongrues et épuisantes : une arrestation policière, un quartier de prostitution, un procès volubile, inextricable, un temple où « l’office est bizarre et violent », une librairie hallucinante, un travail de portefaix… Pourtant il aura une brève aventure amoureuse avec une jeune femme blonde attentive, liftière de l’hôtel, dont le nom parait ressembler, malgré les variantes absconses de la prononciation, à ce qu’il entend au téléphone : « Epépé ».

Dans la ville populeuse, multiethnique, surchargée d’activités, de spectacles, mais aussi de files d’attente pléthoriques, l’échec de la raison face à l’absurde est patent. Devant « l’immense beauté de cette ville […] il peut presque dire qu’il l’aime ». Démission intellectuelle ? Plutôt une inquiétante figuration du monstre collectif qu’est l’humanité, plus encore monstrueux lorsqu’il s’incarne dans le Léviathan étatique aux lois incompréhensibles et fermées. Un alphabet de plus de deux cent signes, l’absence de son passeport irrécupérable, un aéroport inaccessible, excitent les capacités de résistance de Budaï, à jamais confiné dans une cité au sens inerte, dans sa chambre d’hôtel cellulaire dont il est bientôt évincé, faute d’argent. Le pauvre vagabond devient enfin le témoin effaré d’une révolte populaire réprimée dans le sang par l’armée, ce que l’on lira comme un écho d’un roman-reportage de Ferenc Karinthy sur la révolution hongroise de 1956 : Automne à Budapest[5]. Soudain, suivant le fil d’un ruisseau, qui sait d’une rivière vers la mer, Budaï imagine, peut-être en vain, bientôt s’en sortir, et retourner chez lui. Mais jamais sans la clé de la langue d’Epépé. Il y a quelque chose de fabuleusement borgésien en cet univers profus, que ne parvient pas à baliser l’intellect du protagoniste…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Peut-être est-il regrettable qu’en cette réédition en tous points nécessaire d’Epépé, les éditions Zulma aient permis une préface trop verbeuse d’Emmanuel Carrère. Non qu’elle soit indigne, qualifiant avec pertinence ce roman de « fiction horlogère ». Mais lors de la première édition française[6], ce fut au linguiste Claude Hagège que l’on confia le soin de préfacer cette énigme littéraire non résolue et cependant haletante, palpitante. En sa trop brève préface, « où la science cohabite avec le fantastique », il loue en Ferenc Karinthy un « romancier tout autant qu’expert en langues », non sans remarquer avec la plus grande justesse que la « stupeur permanente devant un idiome très singulier est indissociable du sentiment d’oppression devant un monde absurde dans lequel les hommes et les femmes ont un comportement mécanique ou irrationnel ». Ce qui ne manque pas d’ajouter une folle dimension politique à l’époustouflant apologue. Car sous le masque de ce monde au langage inaccessible, se cache peut-être le totalitarisme socialiste qui matraquait en 1970 l’Europe de l’est et la Hongrie, quoique cette dernière fût un peu moins lourdement opprimée. L’engagement et la dissidence de Ferenc restent alors allusifs, néanmoins efficaces, dans la grande tradition de l’anti-utopie. A moins qu’il suffise de le lire comme une expérience métaphysique : celle de la solitude humaine au milieu de la foule et d’autrui, celle du noyau d’incommunicabilité niché en et autour de chacun de nous…

Nul doute que Farémido et Epépé soient à ranger parmi les utopies et les anti-utopies les plus solaires et les plus inquiétantes. En chacun de ces deux romans, les questions de la liberté individuelle et de la dimension morale de l’humanité se font criantes, bien que sous le masque de la fantaisie. Car quelle liberté a le terrien de devenir un pur Sollaci, qui semble emprunter son nom au soleil, comme le fit l’utopiste Campanella, imaginant au XVIIème une Cité du soleil[7], d’ailleurs pas si libérale puisque l’état gère les accouplements en vue de meilleures générations ? Quelle liberté a Budaï de comprendre, de communiquer et d’exister, dans la ville monstrueuse d’Epépé où l’oppression enserre chacun dans ses tentacules urbains…

 

L’incroyable singularité des Karinthy peut se mesurer grâce aux thématiques surprenantes abordées, du fantastique le plus débridé au réalisme le plus immédiatement politique. Dans L’Âge d’or[8], Ferenc oppose au chaos de Budapest en 1944, où s’affrontent le siège des Soviétiques et les exactions des « Croix fléchées », ces fascistes hongrois à la recherche des derniers Juifs, un personnage hors temps : Joseph vit en effet son donjuanisme en toute insouciance, affirmant son hédonisme salvateur au nez et à la barbe des totalitarismes meurtriers. Difficile pourtant était de s’affirmer, pour Ferenc, malgré la réussite magnétique d’Epépé, devant l’immense stature paternelle. Ce Frygies était un humoriste encyclopédique touche-à-tout ; allant jusqu’à faire de son opération d’une tumeur au cerveau un roman pour le moins déjanté : Voyage autour de mon crâne[9]. Or, qui sait si lors d’une enquête vers l’au-delà nous retrouverons les esprits visionnaires des Karinthy ? Frygies avait déjà prévu la chose. En son Reportage céleste, de notre envoyé spécial au paradis[10], il réécrivit d’une plume cocasse le voyage de Dante au travers des cercles eschatologiques, mais cette fois guidé par Diderot, l’encyclopédiste bien connu. Décidément, aucun monde, réel, fantastique, merveilleux, n’échappe à ces deux génies écrivains. Mais pour mieux lire les perspectives du nôtre.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Editions des Syrtes, 2005.

[2] La Différence, 1976.

[4] Jonathan Swift : Voyages de Gulliver, Œuvres, Pléiade, 1995.

[5] In Fine V&O, 1992.

[6] In Fine Austral, 1996.

[7] Mille et une nuits, 2000.

[8] Denoël, 2005.

[9] Viviane Hamy, 1990.

[10] Le Passeur, 1998.

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 11:08

 

La chute de Phaéton, Villa Borghese, Roma.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Du destin des prisons et de l'angélisme pénal,

 

postérité de Surveiller et punir de Foucault.

 

 

Michel Foucault : Surveiller et punir. Naissance de la prison,

Gallimard, 1975, 352 p, 14,00€.

 

Alain Laurent : En finir avec l'angélisme pénal,

Les Belles Lettres, 2013, 130 p, 17,50 €.

 

 

 

       L’angélisme va-t-il rédimer les prisons ? Purger la crasse dégradante des lieux de détention parait être une évidence si l’on considère l’humanité de ceux qui y sont enfermés, à moins que l’on aille jusqu’à réclamer la disparition de ces espaces criminogènes pour les changer en agoras de la socialisation… L’apport considérable de Foucault fut bien de montrer que la prison, comme la folie et la sexualité, avait une histoire, qu’il fallait en établir la généalogie et s’interroger sur les stratégies de pouvoirs normatifs qui la légitiment. Mais pas au point de considérer cet ouvrage savant comme une Bible dont le raisonnement viserait à déconsidérer définitivement l’incarcération, coupable qu’elle est de promiscuité, de condition humaine indigne, de faire lit des crimes à venir… Nos Gardes des Sceaux font-ils preuve de réalisme ou d’angélisme dans leur éthique du « surveiller et punir » ? Reprenant à bon droit les thèses de Foucault, ne risquent-ils pas de paraître préférer l’humanité du criminel à celle de celui qui a été bafoué dans sa chair et ses biens ; en somme de faire preuve d'angélisme pénal…

 

       Ainsi, selon Foucault, psychiatrie, morale et prisons seraient tous des moyens de « surveiller et punir ». Leur légitimité serait dévaluée dans le cadre de la tyrannisation du pouvoir et de la négation arbitraire de la liberté des individus. Cependant nul ne doit douter qu’un mécanisme social juste doive mettre les victimes passées, présentes, voire potentielles, à l’abri du délinquant et du criminel.

       Du crime biblique puni sept fois à la loi du talion qui exigeait œil pour œil et dent pour dent, des grecques Furies devenues les Bienveillantes, la surimposition du délit par la peine s’est vue peu à peu humanisée. C’est au XVIII° siècle que le philosophe des Lumières italien Beccaria[1], pour qui le droit de punir ne va pas au-delà de la nécessité de protéger les citoyens des éléments perturbateurs, sépara la législation criminelle de tout lien avec la religion, préparant la transition de la punition au pardon républicain. Si l’on refuse désormais la peine de mort, qui plus est publique, voire la perpétuité, c’est parce que l’humanisme voit dans tout contrevenant aux biens et à la vie d’autrui, si responsable et pervers soit-il, un être amendable, digne d’approcher la rédemption de la réinsertion morale et sociale. A moins qu’en ce dernier point un angélisme illusoire fasse de tout criminel, qu’il soit psychopathe ou simplement intéressé au crime, dans la naïve perspective rousseauiste, un innocent perpétuel que la société a corrompu…

       Seule la prison alors peut réparer l’homme de ses errances, en le séparant de la société, en le préparant à une seconde vie meilleure. Mais en visitant nos établissements pénitentiaires, souvent immondes, à moins de considérer que l’on n’y vient pas pour de douces festivités, on ne peut que douter de la démarche pédagogique instituée en ces lieux par nos gouvernements et administrations successifs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       Connait-on assez les thèses de Michel Foucault en conclusion de son Surveiller et punir, paru en 1975 ? « Les prisons ne diminuent pas le taux de la criminalité (…) La prison provoque la récidive (…) ne peut pas manquer de fabriquer des délinquants (…) rend possible, mieux, elle favorise l’organisation d’un milieu de délinquant, solidaires les uns des autres, hiérarchisés (…) Les conditions qui sont faites aux détenus libérés les condamnent fatalement à la récidive[2] ». Rien de changé donc, trente-huit ans plus tard. Son réquisitoire a-t-il permis que l’on suive ses « sept maximes universelles de la bonne condition pénitentiaire » ? Méditons-les aujourd’hui : « 1. La détention pénale doit donc avoir pour fonction essentielle la transformation de comportement de l’individu (…) 2. Les détenus doivent être isolés ou du moins répartis selon la gravité pénale de leur acte, mais surtout selon leur âge (…) 3. Les peines dont le déroulement doit pouvoir se modifier selon l’individualité des détenus, les résultats qu’on obtient, les progrès et les rechutes (…) 4. Le travail doit être une des pièces essentielles de la transformation  et de la socialisation (…) 5. L’éducation du détenu est de la part de la puissance publique à la fois une précaution indispensable dans l’intérêt de la société et une obligation vis-à-vis du détenu (…) 6. Le régime de la prison doit être, pour une part au moins, contrôlé et  pris en charge par un personnel spécialisé possédant les capacités morales et techniques de veiller à la bonne formation des individus (…) 7. L’emprisonnement doit être suivi de mesures de contrôle et d’assistance jusqu’à la réadaptation définitive de l’ancien détenu[3] ».

       « Réadaptation définitive »… N’est-ce pas une foi digne du plus grand angélisme qui se donne pour vertu de condamner « le pouvoir normalisateur[4] ».  On se demande au passage comment dans un pays offrir du travail au détenu quand socialisme et antilibéralisme ont condamné l’offre de travail pour leurs malheureux citoyens… L’on ne saurait de plus manquer de conseiller aux Français de regarder du côté des Suédois qui en ce domaine, comme dans ceux du chômage et de l’économie sont bien plus performants…

       L’on sait également que Michel Foucault, par ailleurs propagandiste de la révolution iranienne et de bien des causes relevant de l’extrême-gauche, ce dont l’Histoire lui saura gré, espérons-le, avec circonspection, avec une justice plus humaniste que totalitaire, contribua par ses actions militantes à permettre l’entrée de la presse et de la radio dans les cellules, à permettre aux prisonniers de s’exprimer sur les conditions de leur détention. Indéniable progrès humaniste. On a beau avoir commis les pires outrages sur autrui, tant que ce dernier en est protégé, on ne peut réduire le coupable à un état larvaire dans un cachot collectif, sourd et muet.

        Pourtant la prison semble avoir oublié de convier en la sûreté de son asile les innombrables brûleurs de voitures, les auteurs des 200 viols commis par jour qui pourraient concerner une femme sur sept[5]. Ainsi que les caillasseurs, frappeurs, braqueurs, flingueurs et dealers de banlieues, qui interdisent leurs territoires à une police victimisée… Ouvrons donc les yeux sur la surabondance délinquante et criminelle. En effet, en 2011, pour la France métropolitaine, on compte 468012 « atteintes volontaires à l’intégrité physique » (soit 7,49 pour mille habitants), 2146479 « atteintes aux biens » (soit 34,36 pour mille habitants)[6], donc près de sept millions de crimes et délits (sans comprendre ceux strictement financiers)… En simplifiant grossièrement on peut justement imaginer qu’un Français sur dix est coupable et qu’un second est victime en notre République… Si les causes peuvent être psychiatriques, venues des drogues, des antidépresseurs, des intoxications au plomb, la misère sociale compte moins que pourraient l’imaginer ceux qui, pour reprendre les mots pertinents de Chalamov, « comme Victor Hugo ont tout fait pour porter aux nues l’univers des malfaiteurs. Hugo avait l’impression que le monde du crime était une couche de la société qui protestait vigoureusement, résolument et ouvertement, contre l’hypocrisie de l’ordre régnant. » Foucault, comme Hugo, aurait-il « paré la pègre d’une auréole romantique[7] » ?

        Doit-on alors lire sans ironie la déclaration suivante de la Garde des Sceaux.: « La prison de la République doit ressembler à la République, c'est-à-dire respecter  les valeurs de dignité, dans le respect des gens qui y sont détenus et des personnes qui y travaillent[8]. » Considérant qu’une personne sur mille est en état d’incarcération en France, avec une très forte majorité masculine, jeune de surcroît, ce sont 57000 places de prisons en décembre 2012, pourtant bien insuffisantes, pour un objectif de 63000 à venir, peut-être lui-même sous-évalué. Cette république carcérale est alors, en notre territoire, une ville en archipel peuplée de ses détenus et de son personnel, pour ne pas dire comme Soljenitsyne un Archipel du goulag[9], à laquelle on ne peut imposer qu’une dictature éclairée…

      Comment diminuer sans danger cette population ? Notre Garde des Sceaux propose des peines de probation à la place des courtes incarcérations (indemnisation des victimes, formation et recherche d’emploi, sevrage alcoolique et des drogues) suffiront-elles à prévenir la récidive, au lieu de recourir à une incarcération mutilante et coûteuse ? Quel personnel social et éducatif pléthorique faudra-t-il engager pour un résultat aléatoire ? « La prison est nécessaire, mais elle ne peut pas être la seule peine de référence, justement parce qu’elle est créatrice de récidive[10]. », énonce-t-elle. En effet, cinq ans après leur libération, 60% des anciens détenus retrouvent les verrous. A moins qu’il y ait confusion entre la cause et la conséquence ? La dévaluation morale de la sanction et de la punition dans une société qui n’ose plus assumer l’autorité qu’une idéologie soixante-huitarde et post-foucaldienne disqualifia comme fasciste (on connait le phénomène délétère de la reductio ad hitlerum) aboutit à une valorisation du délinquant, du rebelle forcément opprimé par l’insolence et l’oppression capitalistes… Argumentation pour le moins spécieuse qui responsabilise la société pour les crimes commis par ses membres déresponsabilisés.

      Les peines planchers pour les récidivistes, les tribunaux correctionnels pour mineurs sont dans le collimateur de la Garde des Sceaux. Est-ce forcer la main des juges que de leur intimer de ne pas jouer la carte d’une trop généreuse clémence à l’égard des pires crimes, en particuliers ceux des prédateurs sexuels attachés à des enfants ? Faut-il, devant l’impunité des mineurs, abaisser encore l’âge de la majorité pénale, créer de réelles prisons éducatives pour mineurs ?

       Reste, en amont de la prison, la question l’efficacité de la justice. Des peines prononcées avec un long retard au point que le lien de causalité entre délit et peine ne soit plus perceptible, des dossiers mineurs remis ou oubliés, tout cela pose la question du nombre insuffisant des juges. Si l’état et les collectivités locales doivent réduire drastiquement l’embauche de fonctionnaires, la justice est un des rares ministères régaliens à devoir adapter la proportion de ses juges à la population. L’on sait d’ailleurs qu’à population égale, les Allemands disposent de trois fois plus de juges que nous, pour une délinquance par conséquent moindre. Sans compter chez nous la question délicate de leur laxisme devant l’afflux des jeunes délinquants, y compris mineurs, qui se voient gratifiés d’un simple rappel à l’ordre qu’ils traitent par le sarcasme. Et s’ils goûtent à la prison, c’est parfois comme un rite initiatique honorifique, dont ils se glorifient…

       Le mythe de la prison dissuasive vole alors en éclat. Non seulement dégradante par sa saleté et son mépris, par sa promiscuité elle est criminogène, elle est l’école du crime où ses studieux élèves confortent leurs techniques et leurs réseaux, sans compter leur autojustification, leur arrogance, leur radicalisme antisociétal, mafieux, sans oublier la fanatisation religieuse, lorsque l’on sait que (comme c’est le cas au Danemark) plus de 70% des prisonniers sont musulmans, et que l’Islam est la première religion des prisons, probablement assez peu dans une perspective de paix et d’amour…

    Vider les prisons en faveur de peines alternatives, éducatives serait-il de l’ordre de l’angélisme ? De l’impunité institutionnalisée ? Accompagner les sorties de prison d’une prise en charge allant jusqu’à fournir un logement, une formation, voire un emploi, serait-il affreusement discriminatoire envers ceux qui n’enfreignent pas la loi et ont bien autant de mal à s’insérer dans une vie décente, tant le contexte économique est dégradé… Reste la pertinence des bracelets électroniques, peu coûteux, mais seulement tout indiqués pour les délits mineurs et financiers.

       Faut-il voir dans cet exercice de culpabilisation des prisons une surestimation des coupables, qu’ils aient été condamnés, relâchés ou jamais inquiétés, au détriment de la victime abandonnée ? Ce qui ne manquerait pas d’expliquer, voire de justifier l’exaspération autour des propositions de notre Garde des Sceaux… 

      Loin des hystéries et de la paranoïa d’un populisme qui voit le crime à toutes les portes et va jusqu’à réclamer le retour à la peine de mort, l’essayiste Alain Laurent, par ailleurs directeur de la collection « Bibliothèque classique de la liberté » aux Belles Lettres, peaufine une argumentation aussi claire qu’informée. Le versant polémique du titre, En finir avec l’angélisme pénal, n’empêche pas de s’appuyer sur une connaissance des penseurs classiques de la justice et de l’humanisme libéral : Aristote, Erasme, Locke, Kant, Tocqueville, Bergson... Tous, ils fondent la nécessité morale de la punition sur une « éthique de la responsabilité individuelle », sur la « rétribution pénale » du délit, au lieu d’incriminer la société et les conditions socio-économiques, et « au nom du droit de l’homme de vivre en sécurité ».  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La compassion pour le délinquant devient un « irénisme ». A cet « irréalisme », il faut opposer la raison pénale. Hélas « la justice molle », qui rêve de « recycler » le criminel dans la société, qui veut « décriminaliser le crime et criminaliser le châtiment », se heurte au bon souvenir du réel : la récidive et l’insécurité insupportables à l’honnête citoyen. Quand le « laxisme moral » du pénalisme contemporain est une « incitation supplémentaire à la primo-délinquance », la prison juste peut être alors une incitation au respect des lois en société. Il n’empêche que, de toute évidence, Foucault n’est pas oublié par Alain Laurent, lorsqu’il réclame des « prisons décentes et respectueuses de la diversité des détenus ». Quoique notre essayiste lui reproche « l’amalgame entre détenus de droit commun et prisonniers politiques des régimes totalitaires ». Ce qui permet à Alain Laurent de dresser l’archéologie de l’angélisme pénal, ironique réponse au philosophe de « l’archéologie du savoir » : en passant par le mythe du bon sauvage, le sophisme spécieux de la prison intrinsèquement génératrice du crime, la dénonciation du « populisme pénal » et du « tout répressif », la « connotation infamante » tatouée sur le mot « sécuritaire », le rejet de la compassion victimaire, par lequel la victime « se trouve frappée d’illégitimité judiciaire », tout témoigne d’une inversion des valeurs pratiquée par la doxa de gauche. Le despotisme législatif viendrait-il au secours du « criminel despote », pour reprendre les mots de Beccaria…

Reste le souci de la surpopulation carcérale. Qui, comme en Suède, peut être en partie résorbée par « la dépénalisation des crimes sans victimes ni violence ». On imagine qu’Alain Laurent, en bon libéral classique, pense aux trafics de drogues, dont l’activité légalisée viderait une partie des lieux de privation de liberté, pour employer l’euphémisme des magistrats, dont l’angélisme ne nous protège plus des anges du mal. Il termine alors son brillant essai par une allusion à Platon et Juvénal, demandant : « Qui gardera les gardiens ? »

       Que faire ? S’il doit être nécessaire de penser les peines alternatives à la prison pour les délits mineurs ou strictement financiers, ne faut-il pas également repenser la prison ? La construire, aussi bien du point de vue architectural que moral, pour qu’elle trouve une digne dimension ascétique, pour qu’elle soit réellement dissuasive. Tout au moins pour assurer la sécurité et la liberté des victimes passées et potentielles…

       Construire des prisons dignes et sûres, de façon à éradiquer la surpopulation carcérale. Et non pas seulement par l’hasardeuse remise de peine, mais par la réelle adaptation du nombre de cellules au nombre des individus. Au point d’exiger que la prison soit strictement individuelle (c’est d’ailleurs une recommandation européenne), mieux encore solitaire, de façon à éviter les agressions de la promiscuité, ses tares criminogènes, mais aussi de façon à encourager un réel retour sur soi, quoique l’on dise du traumatisme de la solitude…

 

        Se pose le délicat exercice de la prévention de la récidive. Jusqu’où faut-il supposer que le déterminisme violeur et criminel d’un individu le poussera inévitablement à réitérer ses outrages ? Si le droit du citoyen libre est bien d’être à l’abri des exactions prévisibles, il ne s’agit pourtant pas de parvenir à ce paradoxe de la prévention que dépeint Philip K. Dick dans Rapport minoritaire : « Précrime a réduit la criminalité de quatre-vingt-dix-neuf virgule huit pour cent. Le meurtre ou la trahison sont devenus très rares, puisque le coupable sait que nous allons l’enfermer en camp de détention une semaine avant qu’il puisse commettre son crime[11] »

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Cesare Beccaria : Des délits et des peines, Garnier Flammarion, 1991.

[2] Michel Foucault : Surveiller et punir. Naissance de la prison, Gallimard, 1975, p 269 à 272.

[3] Ibidem p 274 et 275.

[4] Ibidem p 311.

[5] Selon Laurent Obertone : La France Orange mécanique, Ring éditions, 2012.

[6] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000180/0000.pdf : link

[7] Varlam Chalamov : Essai sur le monde du crime. Récits de la Kolyma, Verdier, 2003, p 869.

[8] Le Monde, 9 01 2013.

[9] Alexandre Soljenitsyne : L’Archipel du goulag, Seuil, 1974.

[10] Le Parisien, 21 02 2013.

[11] Philip K. Dick : Rapport minoritaireNouvelles (1953-1981), Denoël, 2006, p 350.

 

Poséidon, Bolzano, Südtirol. Photo : Guinhut.

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29 octobre 2013 2 29 /10 /octobre /2013 07:47

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Anthony Trollope : L'Ange d'Ayala,

 

feuilleton satirique de l’amour.

 

 

Anthony Trollope : L’Ange d’Ayala,

traduit de l’anglais par Béatrice Vierne, L’Herne, 664 p, 23 €.

 

 

 

      On a reproché au prolifique Anthony Trollope (1815-1882) de n’écrire qu’à heures fixes, pour gagner de l’argent, des romans au kilomètre. Pire, on pourrait rejeter d’un revers de mépris L’Ange d’Ayala, roman rose et pavé feuilletonnesque. Grave erreur. Certes Henry James, qui lui rendit hommage, plus grand et plus énigmatique que lui, n’appréciait pas ses interventions intempestives d’auteur jouant avec sa fiction ; mais c’est un des aspects pour nous les plus séduisants de ce Victorien beaucoup plus talentueux qu’il n’y parait. Ce grâce à l’alliance du roman sentimental et de la satire sociale, pour notre plus grand plaisir

      Le drame domestique s’installe autour de deux sœurs orphelines : Ayala, la plus jolie, Lucy, plus passable. Recueillies chez leurs oncles et tantes, la première rejoint la richissime famille Tringle, quand la seconde s’installe chez de pauvres bourgeois. Entre le tourbillon des fêtes et des intrigues d’une part, et le morne quotidien d’autre part, « où jamais on n’y lisait un poème », leur destin semble fixé à jamais. Quand des différents poussent Lady Tringle à vouloir faire l’échange des sœurs ! Moment dramatique et facétieux. Evidemment la grande affaire est de trouver un mari : Ayala cherche « son Ange de lumière, même s’il ne devait jamais se manifester en chair et en os ». Malgré les embûches, Lucie est prête à une vie plus terre à terre, avec l’affection de son sculpteur.

      L’argent est une des principales préoccupations du roman réaliste, et la première pour la plupart des protagonistes, sauf ceux qui croient à la vérité de l’amour, à moins d’être fou d’amour au point de boxer leur rival et de finir au poste… Les classes sociales sont compartimentées ; seules la beauté, l’élégance et la répartie d’Ayala, certes cousine d’une famille du plus haut monde, permettent de franchir les barrières, en une sorte d’élitisme rafraichissant. La satire sociale, entre aristocratie et bourgeoisie besogneuse, reste alors bon enfant, non sans profondeur, lorsqu’il s’agit de tenir son rang, d’en être digne, de gagner de l’argent et non de le gaspiller : l’un « porte son arrogance dans ses sourcils et dans sa panse rebondie ». Ce contemporain de Dickens parait plus sucré, plus léger ; reste que le divertissement n’est pas sans enseignement.

 

Le conflit de génération, entre un père soupe au lait, cependant généreux, et ses filles entêtées, voire frondeuses jusqu’à la « sottise » est traité avec vigueur et pénétration, lors de situations hilarantes : Sir Tringle traverse la Manche pour ramener sa cadette enfuie à Ostende avec un soupirant maladroit. Ce qui nous vaut une parodie réaliste et truffée d’ironie, très réussie, de la fuite romanesque et romantique… Mais au-delà, même si tout cela aboutit à une splendide (et parfois plus mitigée) salve de mariages, ne voit-on pas poindre au cœur du XIXème siècle, l’émancipation féminine, les futures suffragettes…

Le délicieux roman-feuilleton du XIX° anglais est rythmé par des titres de chapitre alléchants : « XIII Comment la zizanie s’installa chez les Tringle », « LXII A quel point extrême il l’aimait »… Trollope alterne les destinées croisées, faisant avancer son intrigue aux multiples fils impeccables, narrateur omniscient qui ménage avec entrain ses effets, ses suspenses. Il arrive cependant qu’il ait oublié un prénom ou qu’une lettre fût déchirée et jetée ; qu’importe, le plaisir reste intact. On comprend qu’il fit fureur en son temps. Sans compter son humour, comme lorsque Tom, l’amoureux rejeté, porte « un gilet qui, à lui-seul, aurait été suicidaire ».

Le but du roman, comme le propose Trollope, qui fut également voyageur et autobiographe, est-il d’« établir une concorde universelle » ? A travers les dimensions sociale et psychologique, la résolution de situations complexes, par la fluidité du récit et de l’empathie avec les personnages, il peut servir de manuel de savoir-vivre, de guide moral, dans un monde victorien qui ne doit pas être dépourvu de « charme intellectuel »…

 

Thierry Guinhut

Article publié dans Le Matricule des Anges, juillet-août 2013

Une vie d'écriture et de photographie

 

Photo : T. Guinhut

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5 octobre 2013 6 05 /10 /octobre /2013 16:43

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

La faillite du communisme cubain.

 

par Roberto Ampuero et Reinaldo Arenas :

 

Quand nous étions révolutionnaires ;

 

La Couleur de l'été.

 

 

 

Roberto Ampuero : Quand nous étions révolutionnaires,

traduit de l’espagnol (Chili) par Anne Plantagenet, JC Lattès, 496 p, 22,90 €.

 

Reinaldo Arenas : La Couleur de l’été,

traduit de l’espagnol (Cuba) par Liliane Hasson, Mille et une nuits, 576 p, 25 €.

 

 

 

 

 

Trop souvent, on a présenté le castrisme comme une espérance opprimée par le blocus des Etats-Unis. Voici, par le Chilien Roberto Ampuero, né en 1953 et par ailleurs auteur de romans policiers, une charge irréfutable et bienvenue contre le communisme cubain, un rare document, efficace, édifiant, moins élégiaque que satirique : Quand nous étions révolutionnaires. En un double « désenchantement », amoureux et politique, le second domine et rend irremplaçables ces pages autobiographiques. Quand à Reinaldo Arenas, lui Cubain, le voici préférant la satire grandguignolesque de La Couleur de l'été.

Jeune Chilien communiste balayé par la dictature infecte de Pinochet - qui d’ailleurs n’a fait que remplacer celle déjà bien mûre d’Allende - l'alter ego de Roberto Ampuero parvient à fuir son pays. Pour l’Allemagne de l’est d’abord, où quelques doutes au-devant de l’autre côté du mur de Berlin commencent à effleurer sa foi idéologique. Soudain amoureux de Margarita, belle Cubaine aux yeux verts, il la suit dans son île caraïbe pour l’épouser. Sous les yeux protecteurs de son beau-père, Cienfuegos, grand officier de Castro et assassin sans remords d’opposants et de traitres, il est sommé de participer à la construction du socialisme. Ce en quoi Margarita n’a aucun doute : « A ses yeux de fonctionnaire, la Révolution était parfaite, sans tache, et elle était persuadée qu’elle habitait le meilleur des mondes possibles, attribuant les limites du processus à l’embargo américain. » Mais au contraire de sa femme qui devient un pilier du régime, il découvre censure et médiocrité intellectuelle, mensonge, pauvreté, terreur, sans compter les privilèges éhontés des dignitaires castristes.

Cuba, grâce à Fidel et ses sbires, est en effet devenue terre de rationnement, de geôles immondes et d’absence de toute liberté politique. « La pauvreté dans laquelle se débattaient les gens depuis le triomphe de la Révolution était inexplicable et parfois effrayante », dit-il, avant d’en avoir découvert l’explication, qui tient en un seul concept : une économie dirigée par les idéologues incultes du parti communiste, en un mot, par Castro lui-même. Ce qui n’est pas sans contribuer au déboulonnage du mythe Che Guevara, meurtrier sanguinaire de surcroit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rejeté, divorcé de force et privé de son fils, le narrateur, remué par sa vocation d’écrivain, devient l’ami d’un poète dissident menacé d’être condamné pour l’ « avoir détourné du chemin révolutionnaire ». Les travaux alimentaires de traduction, mais aussi agricoles et collectifs harassants, les péripéties idéologiques et picaresques s’enchaînent avec le soin d’un réel conteur, aux notations aussi précises que colorées, qui n’omet pas les aventures érotiques : « Un spasme profond nous unit dans la pénombre parfumée de la forêt de La Havane ». Ainsi, l’écriture est sensuelle, contrastée, à l’image des touffeurs de la politique et de la nature, de ses habitants, tyranniques ou tyrannisés. Désabusé, lisant cependant « les romans interdits », il travaille à fuir cette île-prison qu’il est obligé de comparer sans ambigüité avec la dictature de Pinochet : rêvant des Etats-Unis, y parviendra-t-il grâce à une barque cachée, ou en retrouvant officiellement, quoiqu’en rusant, l’Allemagne de l’Est ?

Autobiographie, ou « roman autobiographique » (où « tout souvenir est fiction »), ce « genre le plus subversif qui soit, et le plus détesté par les dictatures », tel que le qualifie son auteur ? S’il lui a été nécessaire de changer les noms des personnages pour raison de sécurité, dissuadant ainsi de « brutales représailles », le parcours de ce narrateur nostalgique de la démocratie chilienne est bien le sien, précieux témoignage personnel et tableau exemplaire de la tyrannie castriste, d’ailleurs salué à sa juste valeur par Mario Vargas Llosa qui se fait  son préfacier. En ce récit aux riches péripéties, à l’exacte observation et analyse, presque sans faute, Roberto Ampuero, « interdit de séjour à Cuba », ne va cependant pas au bout de son raisonnement : alors qu’il n’a pas pensé à remettre en question le communisme d’Allende, lui faut-il ou non préférer le capitalisme libéral ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Romancier carnavalesque et d’avant garde, esprit critique impénitent et homosexuel, voilà en quelques mots le portrait du Cubain Reinaldo Arenas (1943- 1990). Ainsi fiché, on ne s’étonnera pas que le régime castriste le conspue comme un dangereux contre-révolutionnaire, le traque, puis l’emprisonne. Exilé aux Etats-Unis, jusqu’à ce qu’il meure du sida, il dirigeait sans cesse les armes de l’écriture contre cette dictature infâme. Parmi la quinzaine de livres publiés en français, La Couleur de l’été reste le plus énorme, le plus ambitieux et le plus abouti. Apparemment désarticulé, protéiforme, voilà un opus monstrueux, démentiel et magnifique. Sous couvert d’acte théâtral, de poèmes, de nouvelles et de « conférences » prononcées par d’autres écrivains cubains (Lezama Lima ou Virgilio Pinera) il s’agit d’un immense tableau satirique de la dictature de Fidel Castro, figuré sous les traits burlesques du « superenculeur » Fifo, « recevant l’œuvre de mâle de Che Guevara ». Quarante ans de tyrannie et « les Sept merveilles du socialisme cubain » ont réduit le peuple à la famine alors qu’il doit louer liberté et abondance… L’évasion est impossible, y compris sur un rafiot. Et si l’on rongeait la base de l’île entière pour qu’elle vogue à la rencontre du monde libre ? L’entreprise est, faute de pouvoir s’entendre, vouée à l’échec : l’île sombre sous les revendications nationalistes, les « trépignements ». Démesurément obscène, scatologique, c’est aussi un roman prodigieusement cultivé, un sommet du baroque contemporain. On ne ratera pas « L’éloge de Fidel Castro » en appendice, éloge paradoxal et ironique bien sûr. Esprits sérieux et adorateurs de la révolution cubaine sont priés de s’abstenir d’ouvrir un tel ouvrage blasphématoire…

Thierry Guinhut

La partie sur Ampuro est parue dans Le Matricule des anges, septembre 2013,

celle sur Arenas, avril 2007.

Une vie d'écriture et de photographie

 

Rue Clerc, VII°, Paris. Photo : T. Guinhut.

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28 septembre 2013 6 28 /09 /septembre /2013 16:55

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Sonnets des peintres :

 

Aphrodite, Altamira-Lascaux, Boi-Taüll, Crivelli,

 

Titien, Friedrich, Turner, Monet,

 

Rothko, Tàpies, Twombly.

 

 

 

 

Prologue

 

Approchant du bain, genou plié, innocente,

Marbre comme jade et pétale, latescente,

L’impénétrable sourire est un don sensuel,

Survivant à l’agonie de Terre et de Ciel.

 

Plénitude charnelle et sa vie suspendue,

Universelle harmonie quoiqu’humaine et nue,

L’amant t’a-t-il sculptée, femme aimée, imitée ?

Aurait-il au concept volé sa pureté ?

 

Mais le Temps t-a giflée, tient à te harceler :

Affront d’un barbare ou chute malencontreuse,

L’éclat de marbre a fui la tempe douloureuse…

 

Du Beau, conserves-tu essence et distinction ?

Praxitèlienne icône, érotisme et fruition,

Visage beau d’autant plus qu’imparfait, brisé.

 

Afrodita al bagno accovacciata, Museo Nazionale Romana.

Photo : T. Guinhut.

 

 

I

Altamira-Lascaux

 

Au boyau forestier, de terre et de fougères,

Fouillant de doigts de nuit des parois solitaires,

Entre silex et boue, ruisseau sec et calcaire,

Les initiés ouvrent un inédit repaire.

 

Lueurs inassurées, soudain dansent chevaux,

Bisons, humaine érection et cerfs affrontés,

Vulves de pourpre et mains en troupeaux,

Peints d’argiles ocres et de suie encrassée.

 

Est-ce, aux voûtes d’Altamira et de Lascaux,

Rituel chasseur, culte zoomorphe terni,

Totémisme et mythe, sinon cosmogonie ?

 

Venu de vieux millénaires et d’anciens regards,

Le geste pariétal enchevêtre un taureau.

Quand l’horreur religieuse devient-elle un art ?

 

Bardenas Reales, Navarra.

Photo : T. Guinhut.

 

 

II

Boi-Taüll

 

 

Fissures des vallées rugueuses, flancs sévères

Des montagnes, pour un écrin neigeux, sauvage ;

Là se hausse ferveur venue du Moyen âge :

Rustiques églises, travaillées dans la pierre…

 

Des maîtres anonymes ont ici porté

Besaces de pinceaux et charrois de couleurs

Parmi les voûtes, les absides et piliers,

Pour en d’humbles villages peindre leur ferveur.

 

Animaux monstrueux, Lifan, Carcoliti,

Dromadaire hurlant, loup serpentiforme et lion,

Caracolent en ocres, et jaunes, et gris.

 

Portée par quatre livresques évangélistes,

Une mandorle bleutée en lévitation

Exhausse un dieu pantocrator, suprême artiste.

 

Iglesia romanica de Taüll, Lleida, Catalunya.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

III

Carlo Crivelli

 

Se peut-il que du ciel le plus pur esprit saint

Darde son rayon sur une vierge aux traits fins ?

Que le peintre, dans une cité idéale,

Infuse à son modèle l’absence du mal ?

 

Saint Emidius offrant la ville d’Ascoli,

Gabriel archange vocalise l’infini.

Le paon si chatoyant n’est point la vanité,

Mais résurrection auprès de la déité.

 

Fiction consolatrice et foi d’annonciation,

Circulent dans le marbre orné des sensations,

Des fleurs, des fruits, des joies, des intellections vives,

 

Où les oiseaux fluides se jouent des perspectives,

Mimant la liberté et son juste avenir.

Devant tant de beauté, la mort devrait mourir.

 

Antonio Vivarini : L'Archange Gabriel, Musée des Beaux-arts, Tours, Indre-et-Loire.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

IV

Le Titien

 

La Vierge marche sur les dallages du Beau,

Parmi d’immenses, transcendants cumulus clairs ;

Des Christs souffrent, des Amours et des angelots

Rient où flamboient des allégories sévères.

 

Vénus, l’amour sacré, l’amour profane nu,

La bacchanale des corps, les léopards émus

Elèvent le cristal rouge de la passion,

Parmi des bleus ciels d’orage et d’annonciation…

 

Violante au blonds de feu, splendeur en sentinelle,

Reste vibrante, méditative et sensuelle,

Un homme au gant regarde la pensée rêver,

 

Flora, les yeux soie, seins pudiques, lèvre ourlée,

Fleurs du toucher, vit en platonicien visage :

Peuple d’amis choisis de l’esthète et du sage.

 

 

Le Titien, Santa Maria Gloriosa dei Frari, Venezia.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

V

Caspar David Friedrich

 

Vaincue par les pas du lent marcheur, une cime

Ose affronter nuées et horizons lointains,

Elle est géologique ardeur, seuil du sublime :

Un arc-en-ciel sauvage a peint d’un doigt serein.

 

Les falaises de craie, les sommets crucifiés

Appellent l’indulgence du dieu insondable :

Crépuscule, église solitaire et vidée,

Lueurs des ruines osseuses des cathédrales.

 

Par tes pigments nacrés, tes horizons immenses,

Aux glacis vaporeux, printanières rosées,

Le paysage se dissout vers l’abstraction.

 

Depuis le silence au cimetière enneigé,

Brouillard, brume, effacement des formes et sens,

L’homme n’est que dissolution, absolution.

 

 

Gummenalp, Dallenwil, Engelberg, Schweiz.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

VI

Joseph Mallord William Turner

 

Aux effluves mouillés, aux matins vaporeux,

Turner est aquarelle. Aux Tamises en feu,

Aux Venises sauvées, la couleur éblouie

Etreint un paysage et fait rugir la vie.

 

Les vaisseaux enflammés aux gloires du couchant,

Ciels sauvages,  lavis lunaires et orient

Lavent, torrentiels, un palais et le sublime :

Un vif orage d’or rose embrase les cimes.

 

L’alchimie des pigments, de l’huile et des lumières

Instille un brouillon d’infini dans le brouillard :

Latescence, iridescence, éclats sur la mer.

 

Caresser le tableau comme en une tempête

De calme. Transmuant la matière en quête.

La transcendance est fiction. Sinon dans cet art.

 

 

Turner, Kunstmuseum Luzern.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

VII

Claude Monet

 

Palette brouillée, vague impression hachurée :

Un soleil levant effarouche les critiques,

Tôt comblés aux sableuses marines, lyriques,

Ecumeuses falaises aux rocs submergés.

 

Cathédrales changeantes aux heures du jour,

Robes blanches, ombrelles pour attendre l’amour

Savent papilloter dans un lac de lumière

Qui les poudroie au soleil d’été et d’hiver.

 

Figures disparues et formes effacées,

Pures aquarelles gouachées et huilées,

Au tableau ne bougent que des feuilles sonores.

 

Les nymphéas palpitent dans l’eau bleue et or,

Pétales de coquelicots venus du ciel,

Narcisse et miroir sensuel, cosmos arc-en-ciel.

 

Monet : Nymphéas, Kunsthaus, Zurich, Scweiz.

Photo : T. Guinhut.

 

 

VIII

Mark Rothko

 

Je nage aux yeux pigmentés, poissonneux du rouge,

Etreignant sa vibration, fibrilles d’ocelles,

Son sang lavé de carmin, sa paix d’étincelles,

Sa matité de papillon où l’esprit bouge.

 

Ton jaune ! Miel et citron, œuf et pollen,

Dont je vêts mes deux paupières et ma peau nue,

Versant sur mon sexe et intellect ce soleil

D’eau, Ariel de joie, abeilles de paix ténues.

 

Tout un bleuté lointain, et proche en l’assomption,

Papilles et Alpes d’Iris, supplice du beau,

Couette de soins et transcendance, évasion…

 

Or peut-on s’oublier dans l’art, en nirvana,

Absent à soi, neurones poudrés en ses bras,

A moins d’être don, pleurs et couleurs de Rothko ?

                                                           

 

Mark Rothko, Museo Guggenheim, Bilbao.

Photo : T. Guinhut.


 

 

IX

Antoni Tàpies

 

Graffiti, fœtus, croix, linges d’ocre et de feu,

Corps lacérés dans la terre, viandes, vieux sang,

Flèches et doigts de pourpre, empreintes et pigments,

Sont autant de stèles aux absences des dieux.

 

Comme carte mentale et cerveau écrasé,

Tes toiles, vanités, tes thorax, sont linceuls,

Où marelles de lettres sont crayons abrasés,

Où brosses et pinceaux sont sauvage écureuil.

 

Tu es ta signature et ton autoportrait,

Cher Antoni brunâtre aux mains de goudron frais,

Crabouilleur insolent et poète hirondelle…

 

Comme calligraphiant tes trainées d’aquarelle,

Tes sables et ton bistre où sèche et pleut le roux,

Tu sais, Tàpies, l’art laid, sa délicieuse boue.

 

Antoni Tàpies, Museo Guggenheim, Bilbao.

Photo : T. Guinhut.

 

 

X

Cy Twombly

 

Que vaut le crabouillis d’une main malhabile ?

Rien. Le rouge du sang mort est rabougri.

La menotte gamine ou le vieillard sénile

Font des brouillons de fleurs aux pétales pourris.

 

Poussières et coléoptères écrasés

Sont ennoyées par des coulures délavées.

Aux crayonnés des mots, perdus, calamiteux,

Les tremblotants graviers d’un art avalancheux…

 

Mais le pastel acide aux envols avortés,

Le presque rien du rose aux vortex exaltés,

Le je ne sais quoi de la course du dieu Pan

 

Emeuvent : coulures pourpres, joies en brouillon.

Le peintre aux cocons bleutés se fait papillon

Aux ailes secrètes d’une genèse enfant.

 

 

Cy Twombly, Commode, Museo Guggenheim, Bilbao.

Photo : T. Guinhut.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

Ces Sonnets des peintres ont été publiés en guide de dernier chapitre dans :

Faillite et universalité de la beauté

La Mouette de Minerve éditeur, 2024, 348 p, 22 €.

 

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  • : Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.
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Du Gène du garde rouge aux Confessions d'un traître à la patrie

Anthologie de la poésie chinoise en Pléiade

 

 

 

 

 

 

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Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

 

 

 

 

 

 

 

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Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

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Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

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"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

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Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Corbin

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Histoire du silence et des odeurs

Histoire du repos, lenteur, loisir, paresse

 

 

 

 

 

 

 

Cosmos

Cosmos de littérature, de science, d'art et de philosophie

 

 

 

 

 

 

Couleurs
Couleurs de l'Occident : Fischer, Alberti

Couleurs, cochenille, rayures : Pastoureau

Nuanciers de la rose et du rose

Profondeurs, lumières du noir et du blanc

Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


Crime et délinquance

Jonas T. Bengtsson et Jack Black

 

 

 

 

 

 

 

Cronenberg

Science-fiction biotechnologique : de Consumés à Existenz

 

 

 

 

 

 

 

Dandysme

Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Adages et Colloques

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré, une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

VIII Morphéor intelligence quantique amoureuse

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com

XVIII Bibliothèque Hespérus et Petite porcelaine bleue

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme : Ages & Colloques

Manuzio, Budé, Byzantinistes & Coménius

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Vanité de la mort : Vincent Wackenheim

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

La Cité aux murs incertains, L'Incolore Tsukuru

 

 

 

 

 

 

Muray

Philippe Muray et l'homo festivus

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Les obsolètes face à l'intelligence artificielle

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science-fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Métamorphoses du sonnet contemporain

 

 

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Wells

Wells aventurier du temps et socialiste déçu

 

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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