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13 février 2017 1 13 /02 /février /2017 19:25

 

Anse du Martray et Pertuis d’Antioche, La Couarde-sur-mer, Île de Ré.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Charles Baudelaire : « L’homme et la mer »,

ou le romantisme noir

d’une fleur du mal.

Commentaire littéraire ;

suivi par Baudelaire et le nuage.

 

Henri Scepi : Baudelaire et le nuage,

La Baconnière, 2022, 128 p, 20 €.

 

 

 

 

      Radieux souvenirs de plage ou tempêtes meurtrières, voie maritimes commerciales ou ressources halieutiques, la mer est également un espace poétique, depuis l’Odyssée d’Homère jusqu’à l’Ode maritime de Pessoa. Charles Baudelaire, qui, sous la contrainte de son conseil de famille, fit sur un voilier le tour du continent africain, ne put que nourrir ses Fleurs du mal d’une inspiration marine. Né en 1821 et mort en 1867, traducteur de Poe et critique d’art, il est le poète charnière entre romantisme et modernisme, y compris avec son novateur Spleen de Paris, sous-titré « Petits poèmes en prose ». Mais c’est le recueil des  Fleurs du mal, paru en 1857, qui marqua la poésie française de son « Parfum exotique » et de ses « Pièces condamnées » lors d’un procès pour atteinte à la morale publique. En ses vers il prend à bras le corps la collusion de la beauté et du mal. Ce dont témoigne « L’homme et la mer », poème XIV de la partie « Spleen et idéal », écrit en 1852. Comment le poète met-il en scène un double éloge et blâme en ses vers romantiques ? Nous analyserons la description de la mer, avant d’aborder le portrait de l’homme, afin d’aboutir à l’identité entre l’humanité et la nature dans le cadre du romantisme baudelairien, qui sait également aimer les nuages…

      La topographie maritime prend en écharpe le quatuor de quatrains faits d’alexandrins. Tout un champ lexical marin irrigue le texte, depuis le titre et l’anadiplose de « la mer » en fin de premier vers et au début du second, jusqu’à l’invocatoire « Ô mer ». Sa « lame », métaphore pour une ligne de vague surélevée, développe un « déroulement infini », qui est à la fois spatial et temporel, quoique hyperbolique. Du sommet aérien des vagues au « fond » de ses « abîmes » (en l’hypallage qui les attribue également à l’homme), la description, outre son horizontalité, est également verticale, là où « plonger », là où gît ce qui n’est pas « sondé » : « Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau », comme l’entend le dernier vers de « La mort » et des Fleurs du mal

    Aimée, la mer est personnifiée. Il s’agit de la chérir, alors qu’elle est féminisée, en l’ambiguïté du mot « sein », embrassée « des yeux et des bras », en une amoureuse étreinte à l’instar des rimes embrassées. Puisque le poète ordonne : « toujours, tu chériras la mer », elle est donc digne de cet amour intense, ce qui relève de l’épidictique et plus précisément de l’éloge, pendant que le lyrisme chante sa beauté et son « infini ». Elle possède en effet « des richesses intimes » qui contribuent à l’érotisation, d’autant qu’en leur mystère « nul ne [les] connait ». Sans compter qu’un psychanalyste relèverait l’homonymie entre mer et mère, sachant combien le jeune Charles fut attachée à celle qui lui fut ravie par son beau-père, le Général Aupick.

      Cependant elle n’échappe pas à son envers, en une réelle collusion amour haine : le blâme. En un registre pathétique, la mer est un « gouffre amer », à la fois gustative, saline et au sens d’une colère triste ; elle pousse une « plainte indomptable et sauvage », plainte animalisée, à la fois fascinante et redoutable, sinon morbide. Sa « lame » est à la fois celle de la vague et du couteau (« Je suis la plaie et le couteau ! », dit « L’Héautontimorouménos », poème LXXXIII). Si la mer est femme, son portrait moral - ou son éthopée pour utiliser le vocabulaire rhétorique - est péjoratif. Notons alors que dépourvue de portrait physique -la prosopographie-, elle en est d’autant plus effrayante. « Rumeur », « bruit », « plainte » (notons l’allitération et la gradation ascendante) et plus loin « le carnage et la mort », contribuent à entendre des tempêtes dévastatrices, des légendes dignes de la ville d’Ys enfouie sous les eaux ou du Hollandais volant wagnérien, puis des cadavres rejetés sur les plages. Le sens de l’ouïe est ici plus impressionné que la vue, même s’il s’est agi de « contempler » la mer, de se plaire à « plonger » en son « image », en ce qui devient un éloge paradoxal (comme à l’occasion d’ « Une charogne[1] ») quant à l’ambivalence du reflet. Car la mer, anthropomorphisée, n’est autre que le « miroir » de l’homme.

Féli Gautier : Charles Baudelaire, La Plume, 1903.

Photo : T. Guinhut.

 

      Cet « homme libre » (car Baudelaire, chrétien et croyant, croit en ce libre arbitre accordé par la divinité) doit cependant et paradoxalement chérir cette mer. Il est à la fois le poète lui-même, le lecteur et l’humanité toute entière. Le registre délibératif favorise l’exhortation mise en avant dès le premier vers par le poète, qui se place au-dessus de ses semblables (« mon semblable, mon frère » dans la dédicace « Au lecteur »), en leur intimant un ordre qui a valeur d’éternité : « toujours » est-il affirmé de manière hyperbolique et au moyen d’une ponctuation forte : le point d’exclamation qui conclue également le poème.

      Le narcissisme humain, contrairement au mythe de Narcisse, dans les Métamorphoses d’Ovide, qui vit l’amoureux de son reflet périr noyé ou déchiré par les nymphes, ne s’intéresse pas ici seulement au physique, lorsque « Tu te plains à plonger au sein de ton image » ; mais également et surtout à la dimension spirituelle de l’homme : « tu contemples ton âme ». Cette contemplation parait être apaisante et rafraîchissante, jusqu’à ce qu’il s’agisse d’un « fond » où l’on croit pouvoir apprécier avec délectation des « richesses intimes ».

      Cependant cet amour de l’homme pour la mer se révèle bientôt amer : le dernier quatrain use d’un registre épique, voire tragique, qui n’est guère valorisant ni pour elle ni pour lui. En effet, il est un combattant « sans pitié ni remord », qui aime « le carnage et la mort », un lutteur implacable, y compris lors de ces batailles navales où l’Histoire moissonna les hommes. L’éthopée est cruelle, en une dénonciation d’autant plus grave que l’homme est né « libre » (quand la mer accusée des mêmes abominations l’est certainement bien moins), libre donc d’aimer et de commettre le mal. Ce pourquoi ces « frères implacables » sont peut-être une allusion au premier meurtre, celui d’Abel par Caïn, dans « La Genèse ». De plus, la chute use d’une anaphore sonore, d’une hypallage frappante, voire d’un chiasme brillant : « Ô lutteurs éternels, ô frères implacables », qui ne laissent guère d’espoir en une rédemption pacifique.

      Le blâme est sévère, confinant à un registre satirique, visant à dénoncer l’humanité entière, coupable d’un goût effréné pour la guerre. Le goût de son image et de sa nature profonde est également délicieux lorsqu’il s’agit de se délecter de telles « fleurs du mal ». Loin d’être une poésie charmante et flatteuse, celle de Baudelaire étonne en renvoyant un « miroir » à cette créature du mal qu’est l’homme.

Féli Gautier : Charles Baudelaire, La Plume, 1903.

Photo : T. Guinhut.

      L’équivalence entre l’homme et la mer est renforcée par le passage du « tu » au « vous », par le glissement à la rime de la paronomase « mer », âme », « amer », et par des figures réflexives : « miroir », « tu contemples ton âme », « au sein de ton image », « sa propre rumeur ». L’examen psychologique aboutit à une sorte de memento, non pas de sa mort, mais de celle que l’on aime infliger, une façon de dire « souviens-toi que tu es une créature du mal, et que tu as choisi ce même mal », pour revenir à la question du libre arbitre originel[2].

      Si « Spleen et idéal » (qui est le titre de la première partie des Fleurs du mal, dont « L’homme et la mer » est le poème XIV) se côtoient et s’affrontent ici, la percée de l’idéal où il s’agit de chérir autant la mer que l’âme est illusoire et de courte durée, dès qu’advient à la fin du premier quatrain la comparaison au moyen d’une litote : « Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer ». Un constat équivalent ferme le second quatrain avec cette « plainte indomptable et sauvage » qui est autant humaine que maritime. Pour le reste, lorsque le poète tire la morale (même s’il n’est pas question ici à proprement parler d’apologue), en commençant la seconde moitié de son poème par « Vous êtes tous les deux », la victoire du spleen, cette noire mélancolie, qui afflige le poète et son temps, est indubitable. Là plus rien d’idéaliste, d’irénique, dans cette vision de la nature humaine.

      En ce sens, c’est bien ici le romantisme qui domine, même si en 1857, l’auteur de L’Art romantique, affirmant « Qui dit romantisme, dit art moderne[3] », permet que son esthétique passe pour les derniers feux de ce mouvement littéraire et culturel européen. La comparaison entre l’homme et la nature, le goût pour les grands espaces sauvages, voire exotiques de ces mers lointaines dont Baudelaire a vécu les tempêtes, est bien dans la lignée du « Lac[4] » de Lamartine, quoique cette baudelairienne mélancolie, ce « carnage » et cette « mort » nous rapprochent plus précisément du romantisme noir, lui-même venu de l’effrayant roman gothique anglais[5].

       Il est cependant permis de parler de correspondances symbolistes, pour faire écho au poème « Correspondances », dans lequel l’homme « passe à travers des forêts de symboles ». La mer est alors le symbole, outre de l’homme en miroir, de la vie originaire, de l’inconscient, dont le poète dévoile « les secrets », bien avant Freud, en l’occurrence la pulsion de mort, voire le sadisme jubilatoire.

      L’art de Baudelaire, ce « poète lyrique à l’apogée du capitalisme », selon Walter Benjamin[6], sait associer le lyrisme et le pathétique, comme il associe l’homme et la mer dans un même portrait, qui est un blâme sans concession. De surcroît, la musicalité prenante, la vigueur des images contribuent à cette noire magie romantique, comme le soulignait l’auteur des Paradis artificiels : « De la langue et de l’écriture, prises comme opérations magiques, sorcellerie évocatoire[7] ». Loin d’être le poème d’un joli paysage - ce que n’est pas non plus « L’albatros » (poème II), figure du poète maudit sur la terre des hommes - « L’homme et la mer » mérite bien sa place parmi Les Fleurs du mal : il pourrait être une préfiguration du titre de cette nouvelle de Barbey d’Aurevilly, publiée en 1874, dans Les Diaboliques : « Le Bonheur dans le crime ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La présence initiale, outre « hypocrite lecteur, mon frère », de « Bénédiction », soit par antiphrase la malédiction de la mère à la naissance du poète, dans Les Fleurs du mal est d’autant plus évidente que le recueil se clôt sur « La Mort », en une sorte d’autobiographie rédimée par une alchimie poétique : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », conclue-t-il dans son « Projet d’épilogue aux Fleurs du mal. Cependant la présence inaugurale des nuages dans Le Spleen de Paris l’est moins. Henri Scepi scrute en son essai, Baudelaire et le nuage, ce mystère.

« J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… les merveilleux nuages ! » Ainsi s’épanche « L’étranger », du titre du premier poème en prose. Cette « éthique du refus » du réel et du réalisme, pourtant bien présents dans Le Spleen de Paris, est le signe de la sensibilité romantique, projetée dans le lointain, parmi le caractère changeant des phénomènes météorologiques. En un « effet-miroir », selon Henri Scepi, ciel et conscience individuelle sont variables, indécis, flottants. La fascination picturale de l’auteur des Curiosités esthétiques s’unit à la passion intérieure pour le voyage, bien au-delà de celui qu’il fit autour de l’Afrique en bateau, mais un voyage au cœur d’un idéal éthéré échappant à la mélancolie.

« Epiphanie imprévue », écriture du « non finito », le nuage est poursuivi parmi les vers des Fleurs du mal, permettant la perception de la cohérence d’un réseau de métaphores, entre « élans d’élévation » et ombre du voyageur ». Le « poète nuagiste » est considéré dans « l’écart significatif qui sépare l’ordre des valeurs humaines du plan élevé des phénomènes célestes ». Ainsi la balance entre spleen et idéal se voit confirmée.

L’essayiste fait se croiser l’esthétique baudelairienne avec ses prédécesseurs : le Rousseau des « promenades », le Chateaubriand de la mélancolie de René. Mais de la « maladie de la volonté » et du « cercle satanique », le poète, acmé du romantisme, aura bien du mal à se détacher pour devenir nuage, sinon dans l’écriture.

Ajoutant un cahier d’illustrations, en annexe quelques poèmes et surtout un extrait du « Salon de 1859 sur le peintre de « nuages aux formes fantastiques et lumineuses, ces ténèbres chaotiques », Eugène Boudin, notre professeur de littérature à la Sorbonne éclaire la poétique baudelairienne avec brio et, dirons-nous, avec une élective complicité.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

Club Français du Livre, 1959.

 

L’homme et la mer

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton
 cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !

Charles Baudelaire

 

[3] Charles Baudelaire : Salon de 1848, Œuvres complètes II, La Pléiade, Gallimard, 2001, p 421.

[7] Charles Baudelaire : Fusées, Œuvres complètes I, La Pléiade, Gallimard, 2001, p 658.

 

Jenesien / San Genesio, Südtirol. Photo : T. Guinhut.

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5 février 2017 7 05 /02 /février /2017 12:22

 

Cattedrale di Santa Maria Annunciata, Vicenza, Veneto.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Alberti, homme universel

de la satire politique et de l’art :

Momus ou le Prince, La Statue,

Propos de table.

 

 

 

Leon Battista Alberti : Momus ou le Prince,

traduit du latin par Claude Laurens,

Les Belles lettres, 308 p, 13,90 €.

 

Leon Battista Alberti : La Statue, suivi de La vie de L.B Alberti par lui-même,

édition d’Oskar Bätschmann, Dan Arbib, Marie Certin,

Aesthetica Rue d’Ulm, 204p, 24 €.

 

Leon Battista Alberti : Propos de table, traduit du latin par Claude Laurens,

Les Belles lettres, 2128 p en deux volumes sous coffret, 75 €.

 

 

      Un humaniste universel de la Renaissance italienne, ancêtre d'architectes et de sculpteurs, comme Michel-Ange et Canova, tel doit nous apparaître le trop peu connu Leon Battista Alberti. Peintre loué par Vasari, mais aussi architecte, ingénieur, que l'on appela « le Vitruve de Florence », il n’a cependant pu guère réaliser ses projets : « Il n’y a pas à s’étonner que le célèbre Leon Battista soit plus célèbre pour ses écrits que pour ses œuvres[1] ». On le découvre également en ingénieux théoricien de l’art avec son De Pictura (dans lequel il dévoile les lois de la perspective) et son plus sculptural traité : La Statue. C’est ainsi qu’Alberti (1404-1472) préfigure Léonard de Vinci, quoique avec la plume agile du narrateur-philosophe en plus. Il est en effet un époustouflant écrivain, en particulier avec sa fable politique qui met en scène un Jupiter moqué par le dieu de la critique, Momus ou le Prince. L'on peut être humaniste et non moins féru d'humour, ce dont témoignent également ses Propos de table.

 

      L’apologue met en scène les dieux de la mythologie grecque pour mieux figurer et satiriser les hommes. Momus ou le Prince n’échappe pas à cette règle, que l’on connait depuis les dialogues philosophiques de Lucien, jusqu’aux fables de La Fontaine. C’est d’ailleurs Lucien qui mit en scène Momus, dieu de la critique, par exemple dans son « Jupiter tragique[2] ».

      Chez Alberti, Momus, dieu du sarcasme, et un immoraliste forcené, un « censeur impitoyable », « austère et toujours hostile », un provocateur, « simulant ou dissimulant selon la nécessité », enseignant aux jeunes filles « l’art de se maquiller », dénonçant la paresse, l’insolence et la tyrannie divines. C’est au point que pour avoir irrité la colère de Jupiter, il doit s’exiler sur terre. Cependant « les désordres qu’avait engendrés l’exil de Momus chez les mortels », auxquels il raconte « toutes les fables obscènes concernant les dieux » tout en martelant qu’ « il n’existe pas de dieux », ne sont pas moins désastreux. Ramené parmi le ciel, « il créera plus de troubles qu’il ne l’avait fait jusqu’alors » et met en péril le ciel et « toute la machine de l’univers » !

      Son libertinage philosophique, non loin de Lucrèce redécouvert en 1417 par Le Pogge[3], est déjà la traînée de poudre de l’athéisme. Au point d’outrager les dieux (y compris de scatologique manière) alors qu’ils se sont changés en statues en leur théâtre :

« Qui façonne en l’airain ou le marbre les visages sacrés,

Il ne fait pas les dieux ; celui qui prie les fait »

      « Relégué et castré » par la fureur des déesses, « il porte désormais pour les dieux le nom lui-même mutilé de Humus (ou la terre). Dégradé, enchaîné à son rocher comme Prométhée, il doit user encore de mille dissimulations et momeries (pour reprendre son nom).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Le rire sérieux d’Alberti fait-il de son Prince Jupiter (qui est d’abord, chrétiennement et prudemment, aux premières lignes de sa préface « Dieu très bon et très grand ») une préfiguration de celui de Machiavel[4] ? Ce serait beaucoup trop s’avancer. Même si l’art de gouverner, parmi les mauvais citoyens et face à l’écueil de l’orgueil qui aurait le tort de déclarer sa haine aux humbles, présente de réels préceptes, Alberti ne fait  guère de Jupiter un souverain idéal. De plus, le pouvoir est « une servitude publique intolérable ». Et si Jupiter n’est qu’une fiction, que vaut ce « Prince et conservateur de l’univers » ? Surtout si l’arc en ciel construit par les architectes de Junon s’écroule… Il faudra attendre la conclusion de l’apologue pour que Jupiter retrouve « l’opuscule » de Momus et sache y lire les préceptes du bon gouvernement et « les arts de la paix ».

      Tout est allégorie en ce Momus. Fourberie, Postérité, Envie, Industrie, Destin et Vertu sont des personnages féminins ; Stupeur est « le plus sot de tous » ; changé en lierre, Momus viole Louange d’où naît aussitôt Fama -ou la bruyante Renommée- ; le vaisseau de l’Etat prend des risques en haute mer. Les passions destructrices ont nom Vénus, Mars ou « l’aveugle Cupidon », quand la force intellectuelle est celle de Pallas, Jupiter, Hercule… La dimension allégorique du roman n’empêche cependant pas de le lire comme un divertissement aux multiples saynètes et rebondissements. Il n’est pas sûr qu’il s’agisse toujours là d’« une plaisanterie noble et bienséante en même temps qu’insolite », plutôt d’un rire thérapeutique et didactique, à l’occasion d’un « récit en prose d’une liberté réservée aux poètes ».

      On ne négligera pas la précieuse préface, très documentée, de Pierre Laurens, tant sur le contexte historique et culturel que sur l’œuvre et les publications posthumes de notre peintre écrivain. Préface qui permet de se demander dans quelle mesure il s’agit d’un roman à clefs : que doivent Momus, Jupiter et Virtus, dont la fuite nautique ressemble à celle papale, au pape Eugène IV ? Dans quelle mesure l’assemblée des dieux est-elle un clin d’œil au Concile catholique ?

      La satire politique d’Alberti est agile, acide et cependant morale, à l’égard des dieux qui ont « les sottises des hommes », et à l’égard du « Prince qui est comme l’esprit et l’âme gouvernant ce grand corps qu’est l’Etat ». En effet, « il ne suffit pas qu’un prince ait songé aux plaisirs du moment si pour le futur il n’a pas pesé le pour et le contre et pris ses décisions pour vivre ensuite non, comme on dit, non du pain d’autrui, mais du sien propre ». Ce qui est bien sûr non dénué de la plus pérenne et immédiate actualité. Rien d’empêche alors d’imaginer que l’on puisse placer ce Momus, composé à partir de 1443 et publié de manière posthume en 1520, aux côtés des Traités politiques de Balthazar Gracian[5].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Existe-t-il une œuvre d’art parfaite ? Encore est-il possible d’en imaginer les canons, les proportions, si variables, dit-on, sont-elles selon les aires culturelles… À la Renaissance, une telle ambition était non seulement souhaitable, mais réalisable. C’est ainsi que notre Alberti s’ingénia à penser la vérité et la beauté de l’œuvre artistique.

      De ce grand humaniste, curieux des arts et des lettres, il est plus que justice que la collection « Aesthetica » publie deux inédits en français, hors une infidèle édition de cette Statue en 1869. En effet, la Vie d’Alberti par lui-même avait échappée à la sagacité des traducteurs. Un comble, quand on pense à la renommée des Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de Vasari, dans laquelle celle d’Alberti est passablement erronée. Outre ses textes célèbres sur la peinture et l’architecture, La Statue (1464) est un traité majeur, écrit en latin, qui systématise ses recherches sur la proportionnalité.

      Alberti propose aux sculpteurs une méthode rationnelle, dans le cadre d’une nostalgie et d’une redécouverte de la statuaire antique, y compris au point de réaliser des œuvres colossales. La figure humaine doit pouvoir retrouver ses justes, voire idéales proportions. Ainsi, procédant de la découverte des images de la nature, l’art devient imitation. Pour venir en aide à l’artisan autant qu’à l’artiste, le théoricien imagine des instruments : « l’exempède » (règle graduée, les « équerres graduées » et un « définisseur » (disque posé sur le sommet du corps et permettant d’en mesurer les parties proéminentes).

      Ces travaux auront une large influence : de la Renaissance italienne à Dürer, jusqu’au classicisme. Reste qu’au-delà de la technique de reproduction du réel, l’art doit être synthèse et imagination ; c’est là, peut-être, la conscience et la limite d’Alberti. Le beau, selon lui, s’obtient non par la quête d’une idée platonicienne, mais, ainsi que le précise Dan Arbib, par la « moyenne proportionnelle ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Quant à sa « Vie », elle a non seulement un intérêt historique et esthétique, mais aussi générique. Cette première autobiographie moderne, quoique à la troisième personne, n’est guère rousseauiste puisqu’elle ne s’embarrasse pas toujours de la vérité plus tard prônée par l’auteur des Confessions[6]. Les qualités surhumaines qu’Alberti s’attribue sont de l’ordre de l’hyperbole. Celui qui ajouta à son patronyme le prénom léonin de Léon, nous livre sa bibliographie, ce en cohérence avec cet élégant auto-éloge : « Les lettres, dont il se délectait tant, lui semblaient des bourgeons en fleur très parfumés, au point qu’à peine la faim ou le sommeil le pouvaient arracher à ses livres ». « Difficiles ascensions en montagne » et emploi « des chevaux et des instruments de musique », rien ne manque à sa formation. Dans la tradition de Plutarque décrivant les vertus d’un homme illustre de l’Histoire grecque, il est le héros de l’humanisme, celui qui accomplit des prodiges en peinture : « des œuvre inouïes et incroyables pour les observateurs, qu’il ne montrait qu’à travers le minuscule trou d’un petit coffre, où elles étaient enfermées. On y pouvait voir des montagnes très hautes et de vastes provinces »… Il livre le catalogue de ses bons mots, comme d’imparables exempla, précieux et vaniteux réceptacle d’un estimable comportement moral, bien que le lecteur d’aujourd’hui y lise parfois le sexisme courant et autant d’estimable philosophie que de douteuse superstition : « dans ses prédictions, il alliait la sagesse à la connaissance et l’esprit aux arts divinatoires ». Il s’agit moins alors d’une narration rétrospective que d’un portrait moral. Les historiens d’art, comme Buckhardt, ont vu dans cette autobiographie le « modèle de l’uomo universale renaissant ». Illustré par des gravures venues des éditions anciennes, brillant autant par sa rigueur de son édition que par la clarté de ses préfaces, postfaces et appareils critiques, cet ouvrage savant offre un irremplaçable regard sur l’humanisme et la Renaissance italienne.

      Soyons aussi généreux avec Alberti qu’il le fut en écrivant : offrons-nous (ou offrons, cela va sans dire) ses Propos de table, publiés dans une édition également savante, enrichi de notes et autres préfaces, de surcroit bilingue, le volume second étant celui des commentaires. Nous ne prétendrons pas ici en livrer une exhaustive analyse, mais inviter à la table de la lecture, copieuse, rafraichissante : « J’ai entrepris de réunir mes Propos de table en petits opuscules pour qu’on puisse les lire aisément dans les festins entre deux libations. Toi, Paolo, mon doux ami, comme les autres médecins tu proposes aux corps malades des remèdes amers jusqu’à la nausée ; mais moi, grâce aux pages que voici, j’apporte aux maladies de l’âme un soulagement qu’on reçoit dans les rires et la gaité et je voudrais qu’il apparaisse que dans tous mes Propos de table, j’ai tâché avant tout que mes lecteurs, tout en appréciant leur caractère badin, y trouvent pour l’allègement des soucis qui accablent leurs âmes, des arguments pertinents ». Il s’agira donc de vertus morales, même si « le public est un censeur sévère toujours prêt à condamner ». Parmi les nombreux sujets qui font la mosaïque de l’ouvrage, ce sont la religion, plus précisément polythéiste, la fortune et la patience, la pauvreté, la renommée, la discorde, les femmes satirisées, ce qui n’empêche pas les hommes d’en prendre pour leur grade, et autres « tribulations ». C’est une belle brassée de petits apologues, comme « Le coq » ou « Les singes », de saynètes comiques où l’on entend parler les nuages, de dialogues philosophiques, dans la tradition des Grecs de l’Antiquité et de Lucien, et, l’on ne peut en douter, toujours aussi enlevés que piquants.

      Combien est étonnant pour nous Alberti. Loin de n’être qu’un froid et génial théoricien de l’art de la Renaissance statufié par la gloire artistique et esthétique, il sait être un brillant érudit de l’Antiquité autant qu’un satiriste bouffon et néanmoins profondément politique. L’appareil mythologique de Momus ou le Prince nous enseigne une fois de plus combien les allégories divines ont non seulement une fonction étiologique[7], mais plus encore une intemporelle acuité politique.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Giorgio Vasari : Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Actes Sud, 2005, t I, p 362, 353.

[2] Lucien : Œuvres, Hachette, 1874, t I, p 98 et suivantes.

[6] Jean-Jacques Rousseau : Les Confessions, Pléiade, Gallimard, 2001, p 5.

 

Eisen : Jupiter Foudroyant les Titans, Ovide : Les Métamorphoses, Desray, 1808.

Photo : T. Guinhut.

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2 février 2017 4 02 /02 /février /2017 15:50

 

Saint-Jean et la Vierge, Mise au tombeau du Christ (XVI°),

Notre-Dame la Grande, Poitiers. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Le corbeau grave et fantaisiste de Max Porter,

figure du deuil :

La Douleur porte un costume de plumes,

Lanny.

 

 

Max Porter : La Douleur porte un masque de plumes,

traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Charles Recoursé,

Seuil, 144 p, 14,50 € ;

Points Signatures, 7,30 €.

 

Max Porter : Lanny,

traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Charles Recoursé, Seuil, 240 p, 20 €.

 

      « Jamais plus ! Jamais plus ! », scandait le corbeau d’Edgar Allan Poe. En effet jamais plus ne reviendra l’épouse décédée, la mère de deux enfants fort polissons. En un bref roman, qui affecte la forme du poème en vers libres, les voix des garçons alternent avec celle paternelle, et surtout celle de qui « porte un costume de plumes ». On ne l’ignore pas, le corbeau est l’un des animaux les plus doués d’intelligence ; et celui de Max Porter bouillonne d’empathie et d’ironie, au service du travail de deuil, jusqu’à la dispersion des cendres. À La Douleur porte un masque de plumes, la plume de Max Porter ajoute un peu plus de fantasy avec son Lanny.

      À travers la prosopopée[1], cette figure de rhétorique qui fait parler les animaux, l’oiseau commente l’histoire familiale dans un style saccadé, des onomatopées, des embardées linguistiques, avec un humour macabre : « J’étais excuse, ami, deus ex machina, blague, symptôme, fiction, spectre, béquille, revenant, jouet, bâillon, psychanalyste et baby-sitter ». Ce qui permet aux deux enfants de s’amuser comme des petits fous et d’exercer « la dentelle délicate de [leurs] chamailleries ».

      La voix emplumée est cependant celle d’un sage, en même temps qu’un mystère incarné : « Il y a un aller-retour constant et fascinant entre le naturel de Corbeau et son côté civilisé, entre le charognard et le philosophe, la déesse de l’être entier et la tache noire, entre Corbeau et son être-oiseau ». Il est également la figuration de la « Douleur » du titre, donc l’imagerie traumatique du père, qui confie : « J’essaie de travailler, j’essaie de moins alimenter le concept de Corbeau depuis que j’ai lu un livre sur les délires psychotiques ». En effet, celui qui est costumé de plumes est fort ambigu, entre apaisement et dangereux écueil : « Il était une fois un démon qui se nourrissait la douleur des hommes », raconte-t-il. Inquiétant, il est le totem de la délectation mortuaire ; à moins que sa drôlerie serve de cure psychologique propice à un prochain rétablissement. Tout cela sans la moindre guimauve sentimentaliste, parmi le bouquet de fleurs noires de l’élégie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       Notre veuf écrit opportunément un essai sur le poète des Birthday Letters[2] qui fut marié avec Sylvia Plath, la poétesse d’Ariel[3], trop tôt suicidée : « Ted Hughes, le Corbeau sur le divan, une analyse sauvage », ce qui permet un retour en arrière, lorsqu’étudiant il se rendit à une conférence un peu loufoque de son poète préféré. Reste que le mariage du couple fut apparemment bien plus heureux que celui des poètes. En miroir, la bête pas si bête, usant encore du rituel « il était une fois », conte de curieux apologues aux enfants, prépare ses « mémoires littéraires de haut-vol » et soigne ses métaphores psychanalytiques, artistiques et religieuses : « un soupçon de plumage noir et l’odeur de la mort. Ta-daa ! C’est le centre pourri, le Grünewald, les clous dans les mains ». Comme l’on voit, l’écriture -oserait-on dire la plume ?- de Max Porter est enlevée, virevoltante, changeante, suggestive, charnelle et spirituelle. En ce sens tout écrivain est un masque de plumes…

      Une fois de plus, les oiseaux traversent de leur vol persuasif la littérature : pensons au Cantique des oiseaux[4] d’Attar, aux albatros de Coleridge et de Baudelaire, sans compter la musique de Messiaen et le cinéma d’Hitchcock. Oiseau prophète, oiseau symbolique, vecteur d’un message divin, d’une acmé de l’inconscient… Ici, le père emmène les enfants à « une démonstration d’oiseaux de proie » qui les subjugue ; et les stupéfie lorsqu’« un corbeau chevauche un aigle ». L’allégorie est transparente quand le charognard conduit le roi des airs. En outre, celui qui est traditionnellement de mauvais augure étant donné son noir plumage, devient une muse d’une rare complexité, au service de la psyché esseulée du personnage autant que de la créativité de l’auteur ; voire une image d’une liberté prête à ouvrir ses ailes : « Autorisation de décoller, j’en ai fini. »

      Le fantastique est, comme l’on sait, l’irruption du surnaturel dans un contexte réaliste. L’animal symbolique du fantasme, à la fois morbide et consolateur, est une figure de ce destin qui accable celui qui est à la fois veuf et père de deux orphelins. Ce corbeau n’est-il qu’une émanation hallucinatoire du ressassement et du refoulement, qu’une douce fiction dont le rôle thérapeutique est de « manger la tristesse », ou un réel volatile doué de pénétration intellectuelle et affective ? Voilà qui permet un récit empreint de facétie et de profondeur, subtilement psychologique et intensément onirique, où le tragique et la mélancolie côtoient le burlesque. Comme lorsque l’ironique volatile se penche sur l’épaule de l’essayiste : « Regarde, je suis la Vénus de Corvino ». C’est ainsi que la laideur de la mort et du deuil sont changés en œuvre d’art. L’écriture a bien une fonction esthétique inséparable de la catharsis, cette utile purgation des passions.

      « Elle me manquait tant que je voulais construire un mémorial de trente mètres avec mes mains », ressasse le papa. Max Porter a fait mieux : construire un livre d’un centimètre d’épaisseur physique, mais de bien plus en épaisseur poétique, intellectuelle et artistique. Souhaitons seulement que, pour celui qui, apprend-on, vit avec sa femme et ses enfants, il ne s’agisse pas d’un récit autobiographique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Rien de commun dans Lanny avec son précédent roman, La Douleur porte un masque de plumes, sinon un goût tout en délicatesse pour le surnaturel en ce conte. Cette fois Max Porter nous brinquebale avec « Le Père Lathrée morte » qui a tantôt des « bras en mélèze malade », tantôt un vêtement « en pot d’échappement » et couche sous les morts. À l’affut des voix d’enfants, le monstre, par ailleurs « tamiseur d’humus culturel depuis soixante-quatorze générations », va rencontrer Lanny. Les voix de la narration sont cependant nombreuses, le papa, la maman qui écrit des polars noirs et violents, un étrange artiste qui joue avec les squelettes d’oiseaux, puis donne des leçons de peinture à l’enfant fameusement doué, y compris en labyrinthes ; ce dernier disparait soudain. Le récit, troué de blanc et d’échos, se fait angoissant, policier, mêlant soupçons, témoignages, enquête et psychoses diverses, écrit avec un rythme haletant. Le coupable est-il le peintre, le « Père Lathrée » ? N’est-ce qu’une fugue avec ce dernier, ou un banal incident, piégé qu’il est dans une vieille canalisation ?

      Certes Lanny est un habitant de la famille littéraire de la fantasy, mais avec un ton et des thématiques qui ne sont qu’à lui. Une poétique épouvante s’empare de tous quand le Père Lathrée se faufile, dans le village, les maisons, alors qu’il n’est peut-être que le résultat de l’imaginaire enfantin, quand la disparition remue toutes les peurs. Cependant les portraits et les conversations contribuent à une dimension psychologique et sociologique riche de sens et de satire sociale. Comme Lanny, nous ferions bien de construire « un petit musée de choses magiques », pour que les gens « tombent amoureux de tout »…

 

      Editeur chez Granta et Portobello, le Londonien Max Porter est un écrivain surprenant, né en 1981. Sa fable polyphonique ne demande qu’à être illustrée par un graphisme aussi ébouriffant que le plumage de son volatile, comme lorsqu’en 1875 Manet se dévoua au « corbeau » d’Edgar Allan Poe, traduit par Mallarmé. On ne sait si l’on n’a sous les yeux qu’un court roman, une novella comme disent les Anglais, une agrégation polyphonique de poèmes, ou quelque chose qui s’apparente au conte de fées. On ne sait non plus si notre auteur, dont c’est le premier livre, avant le plus modeste Lanny, est à raison flatté par la traduction de Grief Is the Thing With Feather en le plus seyant La Douleur porte un costume de plumes. Car, si belle soit-elle, il est à craindre que nous ayons perdu l’allusion à un poème d’Emily Dickinson[5], « Hope is the thing with feathers », cette poétesse américaine dont il caviarde les vers à l’épigraphe, biffant quatre mots, dont deux fois « Amour » au profit de notre insistant « corbeau ». Qu’importe, ce récit fantastique original et suprêmement émouvant, à ranger non loin d’Alice au pays des merveilles, dégage une poésie suggestive, une fantaisie débridée, un charme noir non pareil.

 

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2] Ted Hughes : Birthday Letters, Gallimard, 2002.

[3] Sylvia Plath : Ariel, Poésie Gallimard, 2009.

[5] Voir : Devrais-je être amoureux d'Emily Dickinson ?

 

Photo : T. Guinhut.

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28 janvier 2017 6 28 /01 /janvier /2017 16:53

 

Catedral de Zamora, Castilla y León.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Le libre arbitre devant le bien et le mal,

réfutation ou nécessité ?

Autour de Jean Robin

et  Laurence Hansen-Love.

 

Jean Robin : Le Libre arbitre scientifiquement réfuté,

Tatamis, 2016, 196 p, 15 €.

Laurence Hansen-Love : Oublier le bien, nommer le mal,

Belin, 2016 192 p, 17 €.

 

 

      Dès avant la rencontre du spermatozoïde et de l’ovule qui nous fit naître, nous voilà chargés d’un poids génétique, d’une nationalité, d’un milieu socio-professionnel, peut-être d’une religion, sans oublier des goûts amoureux, voire musicaux et d’opinions… C’est que Jean Robin, dans Le Libre arbitre scientifiquement réfuté, développe de façon à détruire ce concept de libre arbitre auquel nous sommes tant attachés. Qui croirait alors que nous avons choisi notre condition singulière, notre identité unique ? Qui saurait alors raisonnablement faire un choix, non seulement entre deux pierres, mais éthique, entre le bien et mal ? À moins qu’il faille, selon Laurence Hansen-Love, Oublier le bien, nommer le mal. Et se résoudre, veillés que nous devons être par les circonspectes autorités de la philosophie, à réinventer la nécessité du libre arbitre, de façon à dépasser le relativisme et fonder une morale.

      Voici un essai particulièrement salubre, décapant le préjugé commun, selon lequel on est totalement libre de ses choix, ou, pour le dire autrement, selon lequel le libre-arbitre est une glorieuse qualité humaine ; alors qu’il n’est qu’une fiction. Il faut en conséquence avec Jean Robin que Le Libre arbitre [soit] scientifiquement réfuté. À la seule réserve -et de taille- que l’on en infère que son auteur n’a pas eu le moindre atome de libre-arbitre lorsqu’il a rédigé son travail, auquel ses origines et sa condition l’auraient inexorablement contraint.

      Jean Robin ne se fait pas faute d’oublier de lister les nombreux arguments qui montent à l’assaut du libre arbitre. Malgré des raccourcis argumentatifs sommaires (« Toutes nos décisions dépendent du fait d’être né […] Donc nous n’avons pas de libre arbitre »), il vaut la peine de considérer de qui nous sommes issus, de quels traumatismes sanitaires ou émotionnels durant la grossesse de notre mère, si nous avons été désirés, fille ou garçon, élevé avec affection, avec richesse linguistique et intellectuelle, avec ou sans tabagisme et alcoolisme… Voilà tout ce qui conditionne notre quotient intellectuel, notre équilibre affectif et moral… L’ADN est riche d’informations concernant la santé, la couleur, la beauté, les aptitudes à l’empathie, à la joie, à la dépression. La gémellité approche le copié-collé pour deux individus, qu’il s’agisse du physique, des comportements, des goûts, des parcours de vie. Nos ethnies, nos groupes sanguins, le niveau de vie familial, jusqu’à nos prénoms, tout ceci affecte notre espérance de vie, notre développement personnel. Beau ou laid, les notes, les salaires, les peines judiciaires, la loterie sexuelle varient alors considérablement. Sans compter l’orientation sexuelle sur laquelle nous n’avons aucune influence. Quant à l’influence de l’excès de télévision sur les jeunes esprits, « une lobotomie », elle n’est plus à démonter.

      Choisir est le résultat de maints déterminismes et hasards, comme le choix du partenaire sexuel et de l’époux, comme celui de l’enseignement, de la mode, de nos goûts musicaux, auxquels nous avons bien peu de part. Quant à celui du pays, du temps de paix ou de guerre, de dénuement ou de richesses technologiques, de période historique, de tyrannie ou de liberté économique, du système judiciaire, de la météo, nous voilà parfaitement démunis…

      Le plus souvent, « notre cerveau décide pour nous plus que nous décidons pour lui ». Nos choix peuvent être devinés, alors que nous ne les connaissons pas encore. Les préjugés canalisent la pensée, les rêves nocturnes n’ont rien d’un choix, l’inconscient peut aller jusqu’à aiguiller des achats et des votes, hormones et testostérone aiguisent désir et violence. Références scientifiques à l’appui, la déferlante de faits à l’appui de sa thèse fait exulter l’essayiste…

      Ainsi, à la rencontre des interactions entre l’inné et l’acquis, ce que nous faisons, « nous sommes programmés pour le faire ». De plus « le cerveau réécrit l’histoire quand il a fait des choix ». Sans compter qu’une altération du cerveau (tumeur ou blessure) affectant les zones de l’empathie, peut faire de vous le violent et le criminel que vous n’étiez pas. Est-ce à dire que nous ne sommes en rien responsables de nos crimes et délits, qu’il ne faut condamner personne, que le système judiciaire est une infamie ? En conséquence, « le concept de libre arbitre est sans doute apparu car c’est utile, cela donne aux gens le sentiment qu’ils contrôlent leur vie et cela permet de punir les autres quand ils fautent ». Ce en quoi il a tout au moins une vertu morale. L’argumentation de Jean Robin est imparable. Que cela nous fasse plaisir ou non, la vérité penche du côté du « fantôme de la liberté », pour reprendre le titre du film de Bunuel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      À la seule réserve que c’est dans ce cadre physique, neuronal et social qui est à chacun imparti que s’exercera non pas forcément un déterminisme corseté, mais une part, certes peut-être modeste, de liberté assise sur la connaissance de ces facteurs.

      À la seule réserve que, probablement, il y a des dimensions génétiques, biochimiques et sociétales, lorsqu’une société autorise ou non la multiplicité et la liberté, qui permettent une absence ou une présence de libre arbitre selon les individus. Chacun, quoique à des degrés divers, y compris dans les conditions les plus défavorisées, pourra calculer les coûts et les bénéfices à retirer d’une décision.

      Au contraire de ce qu’affirme Jean Robin, il y a bien des êtres humains pour quitter la religion ou en changer, de balancer entre les inconvénients de l’Islam, les avantages du Christianisme et l’objectivité de l’agnosticisme ; donc pour être capable d’être plus ou moins rationnels, plus ou moins imaginatifs. Quelle est la part de la programmation et la liberté créatrice chez des créateurs d’exception comme Einstein, Bach, Copernic, San-Antonio, Arendt ou Proust ?

      Les philosophes du libre arbitre se seraient-ils pétris d’illusion et d’hubris ? Paul Rée, un temps ami de Nietzsche, semblait le penser en son Illusion du libre arbitre, essai publié en 1885. L’enchaînement des nombreuses causes qui a précédé notre choix nous étant bien souvent inconnu, nous n’avons guère de responsabilité ni de mérite dans notre prise de décision. Et la culture qui nous entoure, son mode de vie, la structure mentale de sa langue, ses valeurs et ses conventions, nous façonnent en un amalgame avec notre chimie charnelle qui devient cette personnalité que nous croyons unique.

      Or, l’on peut se demander dans quelle mesure Jean Robin, publiant son essai, parmi une trentaine d’autres, a-t-il été « programmé pour le faire » ? Pourquoi, en sa conclusion, est-il persuadé, en vertu donc de son programme neuronal, que « nous sommes dans sa main toute puissante », celle de Dieu, cette attendrissante fiction, que « le Pangloss cher à Leibniz » est « peut-être la solution à tout cela » ? Il ne nous fera pas croire, en sa théodicée, que tout est bien dans le meilleur des mondes, qu’une fin salvatrice attend l’absence du libre arbitre devant le bien et le mal. Certes la foi en Dieu est tout à fait respectable, cependant après tant de réfutations scientifiques du libre-arbitre accumulées avec l’ardeur du néophyte qui découvre soudain un tel faisceau probant, il n’est pas sans involontaire ironie que de terminer sur un point de vue aussi peu scientifique…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Pourtant, depuis Saint-Augustin, qui discuta de la part de grâce et de libre arbitre, et prétendait que l’ « on ne doit pas rejeter la faute sur Dieu[1] », puis Saint-Thomas d’Aquin  pour qui le libre arbitre permet à l’homme d’être responsable de son salut, sans oublier Erasme, notre concept érige une dignité humaine face à la veulerie du déterminisme et du fatalisme. Quoique Nietzsche leur réponde ainsi (citation d’ailleurs reprise entre autres par Jean Robin) : « Il ne nous reste aujourd’hui plus aucune espèce de compassion avec l’idée du « libre arbitre » : nous savons trop bien ce que c’est -le tour de force théologique le plus mal famé qu’il y ait, pour rendre l’humanité « responsable » à la façon des théologiens, ce qui veut dire : pour rendre l’humanité dépendante des théologiens[2] »

      Entre physique classique, quantique, et neurosciences, il reste une place pour la complexité : la somme des facteurs et des interactions, rapidement fractale et exponentielle, laisse un chaos accoucher d’une liberté, d’autant plus mince que nous sommes conditionnés par une reproduction génétique, biochimique et sociale, mais d’autant plus grande lorsque ces dernières permettent à la connaissance et à la raison de s’exercer. Ce qui permet d’expliquer la naissance du libéralisme et la validité des penseurs libéraux[3]. Car selon Helvetius, philosophe des Lumières, « libre n’est alors qu’un synonyme d’éclairé[4]». Car, selon Michel Filippi, philosophe contemporain, « nous allons de la prison d’un Homme particulier à l’humain générique, à la liberté d’Être. […] Si chaque culture, chaque civilisation, chaque humain, possèdent cette double liberté, d’aller là où ils sont absents, de ne pas être prisonniers de leurs connaissances, d’algorithmes formateurs, d’ordres constituants, de ne pas être prisonniers d’un Homme particulier, alors, à l’instar des industries du luxe, tout humain, toute civilisation, toute culture, peut générer à volonté connaissances, idées et Valeur, tout humain peut être l’Homme nécessaire du moment parmi d’autres hommes[5]» En ce sens, ce que nous subissons en vertu du libre arbitre scientifiquement réfuté, devient en fonction des natures de chacun, de son tempérament, de son cerveau et de son profil génétique, un essaim d’où partent les abeilles individualistes de la liberté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Revenons à Saint Augustin, selon qui « Dieu ne serait pas l’auteur du mal », car « chaque méchant est l’auteur de son propre méfait[6] ». Et à Saint Thomas d’Aquin, pour qui le mal est l’absence du bien, « le mal n’a pas d’essence », ou encore « le mal n’est pas dans les êtres en vertu d’une intention[7] ». Si le bien est, dans cette perspective chrétienne, l’affaire de Dieu, ne faut-il pas, comme le propose Laurence Hansen-Love : Oublier le bien, nommer le mal ? Le réquisitoire de Kant est catégorique : il s’agit du « mal radical inné dans la nature humaine[8] ». Néanmoins, quelle que soit son origine[9], désigner le mal semble une aporie, lors que le libre arbitre n’existe pas ; pourtant Laurence Hansen-Love s’attaque à l’impérieuse nécessité de nommer ce monstre.

      Oublier le bien parait une hérésie, une monstrueuse erreur. Mais si l’on pense au bien en soi platonicien, à son essence, qu’importe alors que nous l’oublions puisque, plutôt que les abstractions, mieux vaut se consacrer au bien en actes : « le Mal désigne une réalité […] tandis que le Bien renvoie à un objectif hypothétique, un idéal régulateur, dont l’unification et la définition sont pour le moins problématiques ». Là réside le judicieux point nodal de la thèse de Laurence Hansen-Love. D’où, selon elle, la nécessité de réinventer une morale.

      L’essayiste  étudie le « devenir monstre » des fils de cet Adam qui a choisi en toute conscience la science du bien et du mal. À l’exemple du bourreau nazi, dépourvu d’ « empathie cognitive » en la zone déficiente de son cerveau, et dont c’est « le devoir d’exterminer », ce qui est donc pour lui un bien, l’inversion des normes brouille l’écart de ces antonymes, le bien et le mal. Là où, reprenant Jankélévitch, « il n’y a pas de mal, mais il y a des méchants[10] », il ne s’agit guère de « malveillance absolue ».

      Or, comme pour répondre à Jean Robin, Laurence Hansen-Love affirme avec justesse que « tout a priori déterministe prive de son libre arbitre et donc de sa responsabilité pleine et entière, tant le « fripon » de Rousseau que le candidat au djihad aujourd’hui ». Ainsi, Brevik, auteur d’un massacre nazi dans la Norvège de 2011, « assume le cynisme de ses engagements » : pour lui, le mal est un devoir. L’inversion des valeurs, hélas inconsidérément nietzschéenne, est cependant digne de la liberté intellectuelle et active, quoiqu’indigne au nom de la liberté d’autrui. Plutôt que de folie, il s’agit d’ « hyper conscience morale », remarque qui est pour le moins perspicace, tout en n’oubliant pas que la morale du Nazi ou du djihadiste exclut et massacre en son « devoir de tuer » tout ce qui n’est pas sa conception exclusive du bien politique et religieux. Comme Gilles de Rais qui conçut en ses crimes « délectation charnelle », il s’agit alors de délectation morale dans une immoralité sanctifiée par une déraisonnable raison politique, sociale, raciale ou théocratique.

      Le monstre nazi est en effet au XX° siècle l’arbre qui cache la forêt des régimes génocidaires. Ce ne sont pas seulement les bêtes brutes du fascisme qui en sont les agents, mais leurs administrés, la foule ordinaire, ce en quoi il faut rappeler le concept de « la banalité du mal » d’Hannah Arendt[11], mais les intellectuels, les savants, les philosophes, comme Heidegger, toujours aussi verbeux, le précise dans ses Cahiers noirs en 1938 : « Le sentier que l’Être signale à la pensée chemine juste à la frontière de l’extermination[12] ». Il faut alors ajouter que l’abus du concept de sélection naturelle chez les nazis pressés de le systématiser ne vaut pas mieux que les pensées communistes de sélection sociale, ou que celles de sélection religieuse. C’est ce que n’oublie pas Laurence Hansen-Love, parlant de « fabrication paranoïaque de l’altérité » (sauf qu’il y a des altérités, celles des génocidaires, qui n’ont rien de paranoïaques pour ceux qui les subissent), associant également tout pouvoir terroriste prisant le culte de la mort et le projet finalement suicidaire, « qu’il se nomme III° Reich ou Califat ». Pourtant il n’est pas sûr qu’elle ait compris, en dénonçant les « populistes de droite qui promettent la décadence à toutes les nations qui ouvrent inconsidérément leurs frontières à l’Autre », la nature de l’Islam[13]… Comme lorsqu’elle qualifie le djihadiste de « pur produit du monde globalisé qu’il combat », erreur lourde, car s’il utilise des moyens de notre contemporain hyperconnecté, c’est au service de la volonté totalitaire venue du VII° siècle, à savoir du Coran et des hadiths. Plus loin, elle semble nettement plus lucide. Elle mentionne alors le concept de « jâhiliyya », qui stigmatise tout ce qui n’est pas absolument coranique et théocratique, donc destiné à la destruction commandée par le pire de tous les agents du mal, car métaphysique et divin en son prophétique au-delà, donc d’une redoutable efficacité…

      Certes, elle rappelle avec justesse « comment les principes du christianisme originel, conjugués avec les exigences humanistes héritées des Lumières, furent constamment bafoués » ; combien la lutte occidentale contre le terrorisme peut faire bon-marché des libertés et combien son manichéisme peut risquer d’être caricatural en prétendant incarner le « parti du Bien » ; mais il ne faudrait pas risquer de choir dans le relativisme en parlant sans discrimination utile de « terrorisme d’Etat ». En conséquence notre essayiste, après Raymond Boudon pointant « Le relativisme omniprésent[14] », dénonce à son tour « l’impasse relativiste ».

      S’appuyant sur Locke et Voltaire, en leurs textes sur la tolérance, Laurence Hansen-Love invite à respecter toutes opinions et croyances (« aussi fausses et délirantes qu’elles puissent être »), sauf la contrainte et la tyrannie qui en découleraient. S’il n’existe pas de vérités définitives, il ne s’agit pas de rejeter toute conviction, ni de tomber dans « l’autisme moral ». En effet, « toutes les opinions ne se valent pas », même s’il faut les tolérer, quand « tous les comportements et les options éthiques ne sont pas également respectables ». Ne sont évidemment pas tolérables ces actes intolérables : excision, crime d’honneur, mariage forcé et sati (la veuve indienne brûlée sur le bûcher de son mari). Ces différences culturelles sont insoutenables pour la dignité, l’intégrité et la liberté humaine, et d’abord féminine. Sinon pourquoi condamner le viol, l’esclavage sexuel islamiste, ou le retour aux jeux du cirque romain ? Il faut donc assurer des droits universels pour se prémunir du mal. Et le nommer, car sans cela l’euphémisme[15] nous bouche les yeux sur le réel qui finit par dévorer les siens si nous ne l’avons pas traité en tant que tel. La « Papauté du mal », ou « Satan, Seigneurs des abattoirs », doivent être sus, montrés, nommés, pour leur opposer, non pas le bien absolu, mais le travail vers une paix bienheureuse, y compris ennuyeuse, ou du moins sans violence. Aussi notre essayiste ne veut elle verser dans un « silence coupable », reprenant le titre de Céline Pina[16], ne pas céder au « chantage à l’islamophobie », y compris en citant Kamel Daoud qui entend pointer combien « le verdict d’islamophobie sert aujourd’hui d’inquisition » et « dénoncer la théocratie ambiante chez nous[17] ».

      Finesse et pertinence, culture philosophique, voire historique, sont les atouts de l’essai de Laurence Hansen-Love qui sait être aussi claire en son propos que précisément documentée. On eût pu imaginer que son chapitre V « Oublier le bien », soit en fait le premier. On ne lui jettera pas pour cela la première pierre, en devinant combien les pailles de ses yeux sont loin des poutres des nôtres. Nous saurons la remercier d’avoir contribué à la finesse et à l’élargissement de notre pensée toujours à parfaire…

      Malgré le peu dont nous soyons capables, en cohérence avec l’essai de Jean Robin, le libre arbitre, s’il nous a été octroyé par le divin, doit nous permettre un jugement capable de nous prémunir contre le mal, y compris théocratique. S’il n’est qu’une émanation de la complexité biochimique et neuronale de l’espèce humaine -et ce sera là notre position-, il est de notre responsabilité humaniste et libérale, en accord avec Laurence Hansen-Love, de nommer le mal pour ne pas lui être aveugle tout au moins, pour l’éradiquer tout au plus. Notre art de la tolérance libérale ne doit pas par faiblesse se laisser grignoter et dévorer par des intolérances, qu’elles viennent des politiquement corrects, des nationalismes ou des oukases hérités de prophètes révolus. Usons de plus de liberté, de connaissance et de pragmatisme en nommant le mal, qu’il soit mal radical kantien ou « banalité du mal » selon Hannah Arendt, et plus exactement mal neuronal de l’humanité. Cette dernière doit elle oublier le bien ? Peut-être celui platonicien, quoique sa beauté puisse être un horizon éthique et esthétique. Mais ne pas cesser de le penser s’il est l’habit retourné du mal, lorsque l’on nous assène une conception obligatoire et corsetée du bien totalitaire, qu’il soit religieux, moral, politique, nationaliste, ad libitum…

 

Thiery Guinhut

Une vie-d'écriture et de photographie

 

[1] Saint Augustin : La Grâce et le libre arbitre, Philosophie, Pléiade, Gallimard, 2011, p 884.

[2] Friedrich Nietzsche : Le Crépuscule des idoles, Mercure de France, 1952, p 123.

[4] Helvétius : De l’Esprit, Œuvres complètes, Londres, 1781, t I, p 44.

[5] Michel Filippi : Manifeste pour une stratégie expérimentale, Pétra, 2014, p 101-102.

[6] Saint Augustin : Le libre arbitre, Dialogues philosophiques, Pléiade, Gallimard, 2011, p 411.

[7] Saint-Thomas d’Aquin : Somme contre les gentils, Louis Vivès, 1854, t II, p 366, 328.

[8] Emmanuel Kant : La Religion dans les limites de la raison, Œuvres, Pléiade, Gallimard, t III, 1986, p 46.

[10] Vladimir Jankélévitch : Philosophie morale, Flammarion, 1998, p 350.

[12] Cité par François Rastier : Naufrage d’un prophète. Heidegger aujourd’hui, PUF, 2015, p 5.

[14] Raymond Boudon : Le Sens des valeurs, PUF, 1999, p 296.

[17] Marianne.net, 17 février 2016.

 

Briard : Adam et Eve sous l'arbre du bien et du mal.

Madame du Bocage : Oeuvres, Périsse, Lyon, 1770.

Photo : T. Guinhut.

 

 

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21 janvier 2017 6 21 /01 /janvier /2017 14:43

 

Figuier en Poitou. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Amos Oz, Judas anti-fanatique

 

de la destinée d’Israël.

 

 

Amos Oz : Judas, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, Gallimard, 352 p, 21 €.

 

Comment guérir un fanatique, traduit de l’anglais par Sylvie Cohen,

Arcades Gallimard, 88 p, 8,50 €.

 

 

 

      Qu’importe l’histoire, l’action, les personnages, si l’écriture sait emporter ! Non que ces trois premières composantes soient insignifiantes chez Amos Oz, mais on est dès les premières pages de son Judas indéfectiblement happé par l’expressivité des sensations et des motifs. Comme par ce figuier qui n’avait rien donné au Christ et qui fut en conséquence celui où se pendit Judas. Ainsi la couleur et le degré de réalité des images, l’usage inventif de la langue permettent de faire appréhender au lecteur un univers. À cet égard, certainement la traductrice, Sylvie Cohen, a mis autant de respect que d’inventivité au service de ce huis-clos, de ce miroir intimiste de la destinée d’Israël. Et de cet écrivain engagé, né en 1939, qui prétend savoir Comment guérir un fanatique.

      Un étudiant désargenté, Shmuel Asch, va devoir abandonner ses études, en particulier son mémoire de maîtrise « Jésus dans la tradition juive » : il doit trouver d’urgence un job rémunérateur. Jusque-là rien que de très banal. Ce garçon grassouillet, asthmatique, qui cauchemarde avec Staline, s’enthousiasme en 1959 pour « les héros de la révolution cubaine[1] » et s’est fait lâcher par sa petite amie, n’a pas grand-chose pour plaire. Il devient soudain « garçon de compagnie » pour le vieux et « difforme » Gershom Wald. Impossible de résister à telle entrée en matière, lorsqu’il pénètre dans le bureau de son futur mentor : « son front s’enfonçant dans les ténèbres telle la tête d’un fœtus s’engageant dans le col de l’utérus ». Ce qui n’a de rien de gratuit, signe d’une nouvelle naissance en ce roman d’initiation.

       Le maître, pour le moins fantaisiste, mais aussi monstrueusement cultivé, qui n’est ni religieux ni révolutionnaire, embarque le disciple dans des  controverses enflammées sur l’Histoire d’Israël, sur l’utopie et l’anti-utopie sionistes, sur les destinées arabes, sur l’historicité de Jésus. Tout en s’embarquant dans des réfutations discutables du darwinisme, des associations entre les mythes de Judas et du Juif errant : « Nous sommes tous des Judas », proclame-t-il. Quant à Shmuel, bien qu’athée, il aime autant Jésus que Judas, qui entendait « démontrer sa grandeur » en étant l’espion des Grands Prêtres, et fut « l’imprésario » de la crucifixion, donc le « fondateur de la religion chrétienne ». Notre piètre héros est cependant fort actuel lorsqu’il évoque « les problèmes existentiels de l’Etat d’Israël : convertir un ennemi en amant, un fanatique en tolérant, un vengeur en allié »… Probablement l’auteur, par ailleurs essayiste, se cache-t-il parmi ces deux voix, en une vigoureuse prise de position engagée, brillamment ironique : « qu’ils se gardent les rédemptions avec les massacres, les croisades, les djihads, les goulags, les guerres de Gog et Démagogue ».

 

 

      On devine que la joute intellectuelle, quoique prodigieusement nourrissante, ne suffira pas au jeune impétrant, qu’il sera bouleversé par une veuve qui partage la demeure du vieux lion, son beau-père. Dans les quarante-cinq ans, « pleinement consciente de sa féminité », Atalia Abravanel parait inaccessible, malgré des soirées qu’elle lui accorde au cinéma, au restaurant, malgré la confidence sur son Micha disparu, puis brûlante…

      Micha est l’ombre noire qui pèse sur cette maison et sur ce figuier : celui qui croyait devoir pactiser avec les revendications des Arabes, alors qu’il « frayait avec eux », fut, non seulement par ses pairs israéliens qualifié de « traitre », « Judas », mais tué de la plus atroce manière par ceux avec qui il prétendait fraterniser.

      Sans crainte d’une intrigue assez mince, car d’autant plus intense, le roman bruit d’images et d’humanité : le figuier et la pluie, « l’âme nue comme une montre dont on aurait ôté le verre », « deux peuples rongés par la haine et le fiel » ; pas une platitude dans cette alliance du récit psychologique et de la perspective historique et politique. Le huis clos devient en effet le reflet de la tragédie d’une nation toute entière, voire du Moyen-Orient.

      Si Amos Oz est un humaniste partisan de la coexistence pacifique des Arabes palestiniens et d’Israël, on est en droit de se demander dans quelle mesure il ne donne pas dans l’illusion, tant il oublie le farouche antisémitisme musulman, l’irréductible et violente détestation brodée à l’envi par tous ceux qui exècrent la seule démocratie libérale du Moyen-Orient et sont jaloux de la réussite de la nation des Hébreux. Pourtant il n’ignore pas ce qu’est un fanatique.

 

 

      Ainsi, pour découvrir l’âme intellectuelle du roman, il faut se tourner vers Comment guérir un fanatique, précieux de trois petites conférences prononcées en 2002 à Tübingen. Il faut alors « se glisser dans la peau de l’autre » et préconiser dès la Guerre des six jours (1967), « l’existence d’un Etat palestinien à côté de l’Etat d’Israël, ce qui, en ces jours d’euphorie nationale, était considéré en Israël non seulement comme une trahison, mais encore comme la pire des sottises ». Il faut donc, aux fanatismes du grand et pur Israël et de l’arabisation islamique, proposer autre chose que cette « constante de la nature humaine », ce « gène déficient », dont « le germe s’ancre dans la vertu moralisatrice ». Pour le fanatique, « le traitre est celui qui s’adapte ». En une pertinente analyse, notre conférencier montre qu’hélas ce monstre n’est pas égoïste, mais un « altruiste » qui se préoccupe bien trop des autres et veut « sauver nos âmes, nous affranchir de notre détestable système de valeurs, de la liberté d’expression, de la liberté des femmes ». Que faire, et comment guérir de ce virus natif ? Il reste à penser en écrivain,  que « la littérature est la panacée parce que c’est un antidote au fanatisme, grâce à l’imaginaire ». Non sans y ajouter l’indispensable « sens de l’humour », à savoir « se moquer de soi, avoir le sens du relatif, se voir au travers du regard des autres, ne jamais se prendre au sérieux ». Si l’on ne peut que souscrire à ce délicieux traitement psychiatrique, on reste cependant dubitatif de l’effet d’une telle potion magique et poudre de perlimpinpin à l’égard de ceux que bétonnent le nationalisme et, pire encore, la caution du prophète Mahomet, grand fanatique devant l’Eternel…

      Partisan de la coexistence des deux Etats, palestinien et israélien, Amos Oz préconise un retour aux frontières de 1967. N’oublions cependant pas qu’Israël est la seule démocratie libérale du Moyen-Orient au milieu d’une meute de tyrannies arabes[2]. Que la bande de Gaza, se prétendant palestinienne alors que le nom ancien d’Israël est la Palestine, fomente le jihad et l’antisémitisme le plus haineux jusque dans la propagande de ses maternelles et de ses manuels scolaires. En ce sens Amos Oz se montre pour le moins irénique s’il imagine que le projet de l’Islam qui encercle Israël puisse être tolérance et libéralisme politique au lieu d’un programme d’éradication totale des Hébreux et de leur nation. Vouloir considérer, selon le titre d’une de ses conférences, qu’il s’agit d’ « un conflit entre deux causes justes » est pour le moins excessif, dans la mesure où l’on peut être Arabe musulman en Israël et nanti de tous les droits civiques, et où l’on ne peut qu’être menacé de mort, en absence de tous droits libéraux, dans la plus grande partie des Etats arabes environnants…

      La beauté mélancolique du dernier roman d’Amos Oz, partisan de la gauche sioniste et de la solution à deux Etats (nous avons compris que c’est ce qui lui valut d’être traité en Judas), écrivain fêté par traductions et prix, est de l’ordre de la parabole. L’autorité morale et intellectuelle du romancier  d’Une Histoire d’amour et de ténèbres[3]  n’est plus à prouver, même si l’on peut avec pertinence, et sans une once de fanatisme, discuter ses thèses. Entre un vieil apôtre de la force d’Israël (Oz signifie force en hébreu) et un jeune personnage qui doute et postule « l’Evangile selon Judas Iscariote », la destinée de deux traditions religieuses et d’un pays en formation se cristallise avec nuances et talent. Le fils d’Amos Oz (né en 1939) étant, comme le jeune impétrant de sa fiction, asthmatique, il s’agit là également d’un intime dialogue entre deux générations. Quel Judas, traitre aux fanatismes, saura démontrer la grandeur d’Israël ?

 

Thierry Guinhut

Article -ici augmenté- publié dans Le Matricule des anges, novembre 2016.

 

 

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13 janvier 2017 5 13 /01 /janvier /2017 12:02

 

Le Bernin : L’Enlèvement de Proserpine, 1622,

Villa Borghèse, Rome. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

À quoi servent la Mythologie et les Enfers ?

Luc Ferry : Mythologie et philosophie ;

Bibliothèque classique infernale.

 

Luc Ferry, Mythologie et philosophie, Plon / Le Figaro, 592 p, 21,90 €.

 

Bibliothèque classique infernale, Les Belles Lettres, 488 p, 29,50 €.

 

      « On m’emmène captive pour servir le tyran du Styx », s’écrie Proserpine, par la grâce des vers de Claudien, poète du Vème siècle, et de la sculpture baroque du Bernin, lorsqu’elle est enlevée par Pluton, dieu des Enfers... Les œuvres d’art, les livres, contes et légendes et autres encyclopédies sur la mythologie gréco-romaine ne se comptent plus. Celui de Luc Ferry, Mythologie et philosophie, s’il n’est pas totalement novateur, emprunte une perspective avisée : depuis les centaines d’expressions qui balisent notre langue, ce bouillonnement de la culture antique innerve notre pensée. Ainsi le philosophe ne peut que réfléchir, selon son sous-titre, au « sens des grands mythes grecs ». Et parmi ces derniers, ne faut-il pas compter avec l’un des plus impressionnants, celui des Enfers, ce pourquoi il faut ouvrir la Bibliothèque classique infernale. En effet, « L’au-delà, de Homère à Dante », est un réservoir d’effroi, de merveilles, mais aussi une figuration de nos inquiétudes corporelles et métaphysiques. À quoi sert cette mythologie ? En quoi pouvons-nous fonder notre logos, notre éthique et notre métaphysique sur cette surabondante mythologie ?

      Les mythes les plus célèbres, d’autres bien plus secrets, se succèdent sous la plume de Luc Ferry, avec tous les plaisirs du conte pour le lecteur enchanté qui retrouve, découvre et redécouvre tout un univers de personnages, héros et monstres, Thésée terrassant le minotaure au tréfonds du dédale, ou, suscitée par la vindicte d’Héra, la folie d’Hercule, jetant les enfants qu’il a eu avec Mégare dans le feu. Pour se purifier il lui faudra réaliser ses fameux douze travaux…

      Mais « entre mythos et logos […] il y a autant rupture que continuité ». Qu’est-ce à dire ? La mythologie se fait philosophie. D’une « sagesse cosmique », nous glissons vers une « spiritualité laïque dont Ulysse est peut-être bien le premier représentant dans l’histoire de la pensée occidentale. »

      Chaos et discorde sont les maîtres mots, auxquelles s’ajoutent les dix mille souffrances jaillies de la  boite de Pandore, lors que l’harmonie est le but recherché. Quant à l’espérance, seule restée au fond de cette boite, elle n’est pour les Grecs rien d’un cadeau, au contraire de l’espérance chrétienne, mais l’image du manque. C’est ainsi que Luc Ferry nous rend moins idiots, car, ajoute-t-il, « comme le dira Spinoza, il n’est pas d’espérance sans crainte ». La « pensée du tragique » anime Œdipe ; avec Prométhée ou Antigone, il est la singularité de la condition humaine, mais aussi son « potentiel subversif virtuellement illimité ».

      Les mythes nous éclairent sur nous-même. L’hybris, par exemple, est le péché suprême chez les Grecs : orgueil et démesure, il est châtié chez tous ceux qui croient pouvoir dépasser et abattre les dieux. Ce pourquoi, chez Platon, plus précisément selon Aristophane dans Le Banquet, nous avons été fendus en deux et recherchons en conséquence et avec cupide amour sans cesse notre moitié : « Que nul ne fasse rien qui soit donc contraire à l’amour ». La dimension morale du mythe de l’androgyne est explicite.

      Ainsi la naissance de la philosophie en Grèce n’a rien d’inexplicable, elle est déjà la cristallisation mythologique des mystères de l’univers et de l’être avant de se cristalliser en concepts. En sa conclusion, Luc Ferry cite avec pertinence Jean-Pierre Vernant pour qui la philosophie « transpose, sous une forme laïcisée et sur le plan d’une pensée plus abstraite, le système de représentation que la religion a élaboré. Les cosmologies des philosophes reprennent et prolongent les mythes cosmogoniques…[1] » La filiation théogonique Ouranos Chronos Zeus devient peu à peu « la philosophie, rationaliste et sécularisée [qui] va s’exprimer en termes d’explication, de causalité ». On quitte alors « les entités surnaturelles et religieuses, pour s’intéresser aux réalités physiques ». Au-delà du prêtre et de ses mystères, le philosophe use « des argumentations rationnelles dont il est capable dans un dialogue de type platonicien ». Ce pourquoi l’on trouve en fin de volume Platon, non seulement à l’égard d’Eros, mais de la recherche de la vérité et de sa maïeutique.

 

 

       Sans nul doute –et non ne l’aurions peut-être pas cru de la part d’un philosophe, Luc Ferry est un conteur hors-pair. Par exemple au fil des amours de Danaé fécondée par la pluie d’or de Zeus, de son fils Persée qui choisit de combattre Méduse. Dommage qu’il fasse dire à Dionysos un familier « je m’en fiche », confondant pédagogie et démagogie. Hélas, trop rarement, même si l’on songe qu’il s’agit là d’un objet grand public (il fut d’abord publié en livrets par Le Figaro au cours de l’année 2014), il nous donne en note les références aux auteurs antiques auxquels il emprunte son récit. Un index des personnages nous serait bien utile... Qu’importe néanmoins, puisqu’aux plaisirs du récit, au talent du vulgarisateur, s’ajoute une aisance à glisser à propos dans la hauteur philosophique, sans la hauteur du fat. En effet, la récurrence de « la question cosmologique », au travers de « la confrontation entre cosmos et chaos », entre ordre et désordre, guerre et paix, innerve avec pertinence la réflexion qui est toujours la nôtre.

      À quoi servent les Enfers et leur effroi ? Voici, vêtu d’une couverture minimaliste et somptueusement noire, blanche et or, un magnifique complément à la somme de Luc Ferry, certes uniquement consacré à « L’au-delà de Homère à Dante », mais précisément référencé, offrant les textes en les traductions des Belles Lettres (qui sont souvent elles-mêmes des références unanimement saluées). En cette Bibliothèque classique infernale, mystères de la finitude et de la mort, du salut et de l’espoir en l’immortalité trouvent leur acmé. La frontière entre le monde des morts et des vivants est franchie, avec des succès divers, par Enée, par Orphée. C’est là que la fonction étiologique du mythe est la plus évidente : il explique l’inexplicable, fournit des réponses et des illusions aux interrogations et aux angoisses, en dessinant les paysages du Tartare, où sont châtiés les pires criminels, et des Champs Elysées, lieux de délices.

      La généreuse et chronologique anthologie, fomentée par Laure de Chantal qui se fait soigneuse collationneuse infernale, est étonnante à plus d’un titre. Une trentaine d’auteurs, Grecs et Latins, depuis Homère le fondateur, jusqu’au colossal Nonos de Panopolis, dont le terrible combat voit s’affronter les forces du chaos. Des poètes et des prosateurs parfois rares, comme Valerius Flaccus et son « palais du souverain du Tartare » : la porte de droite s’ouvre sur « le pays tranquille des justes », en celle de gauche l’âme passée dans le trépas saura « combien de monstres l’attendent sur le seuil ». Bientôt le Christianisme tirera de la plus douce partie des Enfers ce qui deviendra, au plus haut du ciel, le Paradis. L’étrange Hygin, dernier auteur païen, conte la descente aux Enfers de Dionysos, appelé ici Liber ; mais aussi propose une Astronomie qui est un « zodiaque infernal », dont les constellations et les étoiles brillent encore sur nos nuits,  sous leurs noms venus des sources mythiques.

      Paradis du lecteur, l’infernale anthologie n’omet évidemment pas l’incontournable Ovide des Métamorphoses, en son histoire d’Orphée allant chercher Eurydice au royaume des ombres, sans oublier  d’étranges « lamelles d’or orphiques ». Comme de juste, Virgile, avec un fort fragment de son Enéide, le chant VI, permet à Enée, « sans avoir été inhumé », de franchir les « portes du Songe », à l’aide du fameux rameau d’or offert par la Sybille.

      Mais au-delà de ces poètes éminemment sérieux et graves, le comique, la parodie sont le lot de Lucien, dont le dialogue devant Rhadamanthe, juge  des Enfers, permet à la Furie Tisiphone de prendre un tyran « par la peau du cou », tyran dont le corps « est cyanosé par les marques » de ses infamies. Ou d’Aristophane le dramaturge, qui, dans Les Grenouilles, fait se moquer Dionysos aux dépens de ceux qui écrivent des tragédies : « C’est de la petite grappe et des babilleurs, de la Muse d’hirondelle, des outrageurs de l’art ». Grâce lui soit rendue, quand le monde de l’Abîme est « une fange immense, une merde intarissable ».

 

 

        Avec plus de noblesse, Platon, dans sa République, rapporte le récit d’Er, qui, après la bataille et avoir été posé sur le bûcher, avait « rejoint son corps ». Il témoigne d’avoir vu les Moires (ou Parques) jetant « des sorts et des modèles de vie », afin que chaque âme puisse « renaître à la condition mortelle ». Toute la question est alors de savoir choisir sa réincarnation : vie d’homme obscur ou « de la plus grande tyrannie », vie de lion ou de cygne, comme l’âme d’Orphée, « parce qu’il ne voulait pas, en haine des femmes qui l’avaient mis à mort, naître du sein d’une femme »…

      Parmi les pages de son Phédon, Platon nous prévient encore du destin des âmes après leur mort : les « incurables à cause de l’énormité de leurs fautes […] sont jetés dans le Tartare ». Quant aux Justes, « dont la vie aura semblé éminemment sainte sont libérés et affranchis comme d’une prison, de ces régions intérieures de la Terre ; ils atteignent en s’élevant le lieu qui est pur ». Et ceux qui, « grâce à la philosophie se sont purifiés autant qu’il faut vivent désormais sans corps et parviennent à des demeures encore plus belles ». C’est ainsi que l’on perçoit ce que doit l’eschatologie chrétienne au platonisme…

      Il faut se féliciter du bonheur que nous offre Laure de Chantal avec sa Bibliothèque classique infernale. Ce dans le cadre de la politique éditoriale des Belles Lettres qui, avec une rare sagacité, nous a déjà proposé des anthologies remarquables : Nuits antiques, sièges d’Hypnos, dieu du sommeil, sièges des plaisirs, des conspirations, de la sexualité, des rêves et des cauchemars ; ou encore Cave canem. Hommes et bêtes dans l’Antiquité, entre massacres dans les jeux du cirque, et cause animale défendue par Plutarque…

      Certes, Enfers gréco-romains, Enfer et Paradis chrétiens par ailleurs, ne sont que des fictions, comme « la métaphysique est une branche de la littérature fantastique », pour reprendre la formule de Borges[2]. Il y a cependant dans la mythologie toute une richesse et une sagesse encore valides aujourd’hui. Songeons à notre vocabulaire, truffé de « Pactole » et de « dédale », de « boite de Pandore » et de « Cassandres » dont personne n’entend les avertissements. Songeons aux neuf Muses, dont la mère est la titanide Mnémosyne. Qu’est-ce à dire ? Qu’il n’y a pas d’inspiration sans mémoire, donc sans travail. La morale de l’apologue est évidement éternelle, malgré l’apparente historicité de l’imagerie. Etait-ce de l’hellénocentrisme, de la part de Schelling, dans sa Philosophie de la mythologie, professée à partir de 1828, que de considérer que la mythologie grecque est « la seule mythologie qui se conclut par un système théologique. Elle quitte ainsi sa singularité de moment et devient donc universelle[3] »…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

Voir : L'Amour, horizon politique ? Luc Ferry : De l'amour, une philosophie pour le XXI°siecle

 

 

[1] Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet : La Grèce ancienne. Du mythe à la raison, Points, 1995, p 198.   

[2] Jorge Luis Borges : « Tlön, Uqbar, Orbis Tertius », Fictions, Œuvres I, Pléiade, Gallimard, 2010, p 459.

[3] Schelling : Philosophie de la mythologie, traduit de l’allemand par Alain Pernet, Millon, 1994, p 392.

 

 

Moreau : Orphée aux Enfers perd Eurydice en se retournant.

Ovide : Métamorphoses, Desray, 1808. Photo : T. Guinhut.

 

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7 janvier 2017 6 07 /01 /janvier /2017 20:26

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Goethe, le géant francophile

de la weltliteratur :

Goethe et la France, à la

Fondation Martin Bodmer.

 

 

Goethe et la France,

sous la direction de Jacques Berchtold, La Baconnière /

Fondation Martin Bodmer, 296 p, 46 €, 49 CHF.

 

 

 

      Bien que né à Francfort en 1749, Goethe pratiquait sous la direction de son père et avec sûreté le français, au point de préférer plus tard relire son Faust dans la traduction de Gérard de Nerval parue en 1828, par ailleurs illustré dès 1826 avec un fantastique brio par Delacroix. Dans ses Mémoires, le dramaturge, poète et romancier, raconte avoir suivi la Révolution française et la bataille de Valmy ; plus tard il vit en Napoléon Bonaparte « une individualité géniale agissante à l’échelle du surhumain », quoique avec un rien d’imprudence intellectuelle. L’auteur du Faust, qui, d’abord romantique passionné du Sturm und Drang, s’assagit ensuite en un renouveau du classicisme, n’eût pu donner toute sa mesure sans son intime connaissance de la culture française. Ce pourquoi la Fondation Bodmer, sise à Genève, nous ouvre les portes d’une exposition judicieuse et d’un catalogue tout autant somptueux : Goethe et la France.

      Non sans étonnement, l’on découvre que le tout jeune Wolfgang apprit par cœur les vers alexandrins de Phèdre, qu’il goûtait Racine et Voltaire au point de s’en imprégner avec délectation à Francfort, de traduire Mahomet ou le fanatisme[1] en 1802, et d’imaginer une Iphigénie en Tauride, qui est une récriture d’Euripide en même temps qu’un hommage au classicisme français. L’homme mûr diffusa et fit jouer ses dramaturges choyés à Weimar, lorsqu’il y fut bibliothécaire et directeur théâtral. Ce qui ne peut manquer de nous inviter à tendre la main vers la biographie la plus fine du géant des lettres allemandes qui soit : celle par Pietro Citati[2].

      Curieusement, Rabelais jette son ferment dans l’écriture du Faust, en particulier parmi les scènes de taverne et de sabbat dans la « nuit de Walpurgis ». Mais c’est Rousseau qui laisse une sensible et récurrente empreinte, lorsque le savant Faust visite avec émotion la chambre de Marguerite, un peu comme le fit Saint-Preux de celle de Julie, dans La Nouvelle Héloïse. On note également les parallèles entre les couples amoureux de ce roman épistolaire et ceux des Affinités électives. De même, nous découvrons, grâce au regard critique affûté de Jacques Berchtold, ce que Goethe doit au philosophe des Lumières, lorsqu’un écho du Contrat social s’entend à l’occasion des activités de législateur du vieux Faust, qui, outre les prières de Marguerite, lui vaudront, en dépit de son infernal contrat avec Méphistophélès, l’accès au paradis. Ce dernier personnage diabolique n’est pas sans rappeler par ailleurs l’Asmodée du Diable boiteux de Lesage. Reste que cette somme d’influences, parfaitement digérée, n’enlève rien à l’esprit de synthèse du génie créateur goethéen : la faustienne aspiration à l’infini dépasse le classicisme en s’emparant du Sturm und Drang.

      Notre génial francophile fut en retour très tôt traduit dans la langue de Voltaire. Depuis ses passionnées et passionnantes lettres des Souffrances du jeune Werther, jusqu’aux vastes romans d’éducation qui mettent en scène les années d’apprentissage et de voyage de Wilhelm Meister, en passant par les ballades poétiques et les plus secrètes et érotiques Elégies romaines, quoique rendues par bien des euphémismes en 1837, il fut, à l’égal de Shakespeare (qu’il connaissait bien) le mentor de nos romantiques. À la suite de Madame de Staël, qui l’introduisit en France, Berlioz fit du mythe goethéen par excellence un opéra : La Damnation de Faust, avant celui de Gounod.

      Plus étonnant encore, l’on apprend combien Diderot « a soulevé l’enthousiasme de Goethe », en particulier Le Neveu de Rameau, qu’il traduisit, et qui fut traduit en retour par deux Français qui le présentèrent sans scrupule comme un inédit de Diderot ! Et combien Goethe était en admiration devant les tableaux, marines et paysages, de Claude Lorrain et de Nicolas Poussin, avant de succomber au sublime du « Serment des Horaces » de Jean-Louis David, emblème du néoclassicisme. Notre monstre de travail traduisit également l’Essai sur la peinture de Diderot.

 

Tonny Johannot : gravure pour Goethe : Werther, Lecou-Hetzel, 1852.

Photo : T. Guinhut.

 

      Ce bel ouvrage collectif, Goethe et la France, dont l’ombre de la couverture blanchit la silhouette ailée  de Méphistophélès battant les airs par Delacroix, édité à l’occasion de l’exposition homonyme (du 12 novembre 2016 au 23 avril 2017) à la Fondation Bodmer de Genève, est bien plus qu’un catalogue. Les tableaux, gravures, pages d’herbier (dans la tradition de Rousseau herborisant), les délicieuses reliures, ici pullulent pour notre émerveillement, surtout si l’on a la chance de frôler avec le plus grand respect les vitrines de la Fondation aux contenus si émouvant, car venus d’un passé prestigieux. Même si l’on aura la présomption de relever une erreur : le dessin illustrant le baisemain passionné de Werther (p 106) n’est pas de Moreau le Jeune, mais de Tony Johannot (voir photographie infra). L’ouvrage ne se contente pourtant pas d’offrir au regard de parfaites illustrations reproduisant manuscrits autographes et autres éditions rares, tableaux, gravures et aquarelles, y compris de la main du maître, qui embrassa l’Aufklärung des Lumières, le Sturm und Drang, version tempétueuse du romantisme, et un nouveau classicisme olympien. Pour preuve les textes merveilleusement érudits -et néanmoins limpides- de Jacques Berchtold, le maître d’œuvre avec trois études à son actif, dont l’introduction, où il s’agit d’éclairer l’admiration pour l’Empereur conquérant, mais aussi pour le libéralisme politique de Guizot. Plus loin, l’un des contributeurs, Claude Rétat, s’intéresse au rapport intime de Goethe avec la franc-maçonnerie, qui se veut non seulement un dialogue entre les cultures des deux côtés du Rhin, mais un universalisme. La curiosité goethéenne devient encyclopédique, voire cosmique, lorsqu’il va jusqu’à examiner La Métamorphose des plantes, s’intéresser aux formes et aux composantes des nuages, quand sa Théorie des couleurs le place au centre des débats esthétiques européens.

 

Tonny Johannot : gravure pour Goethe : Faust. Michel Lévy, 1868.

Marguerite, Méphistophélès et Faust. Photo : T. Guinhut.

 

      Saluons ici, et une fois de plus après ses expositions Sade[3] et Frankenstein[4], le travail de la Fondation Bodmer, musée d’art et de bibliophilie sis sur la rive sud du lac de Genève. Outre ses mirifiques collections de livres anciens, rares et précieux, comme une Bible à 42 lignes de Gutenberg, un long papyrus du Livre des morts égyptien, ses têtes romaines et son Aphrodite[5], elle érige des expositions temporaires, comme celle sur Michel Butor[6], qui sont autant de rares moments de bibliophilie que des jalons de la littérature européenne. On ne doit pas s’étonner de l’intérêt de la Fondation pour Goethe : en effet le zurichois Martin Bodmer lui-même (1899-1971), dont la collection nourrit cet espace et concept fabuleux, considérait le titan allemand comme son mentor.

      Parmi les études somptueusement illustrées qui jalonnent ce catalogue, l’on retiendra enfin, de Jérôme David, une perspective sur la « Weltliteratur », qui est « une littérature mondiale d’envergure universelle », où « la poésie est un bien commun de l’humanité », selon les mots même de Goethe, tels qu’il s’en entretint avec Eckermann. C’est à la fois le projet goethéen dans toute son ampleur, car il sut aller au-delà de l’aire franco-allemande, puis italienne, narrant son Voyage en Italie, et en s’inspirant du lyrisme persan d’Hafiz pour écrire les poèmes du Divan d’Orient et d’Occident, et le projet de la Fondation Bodmer, qui accueille un sceau cylindrique sumérien relevant de l’Epopée de Gilgamesh ou des livres anciens venus du Japon. Au-delà d’un étroit nationalisme, et d’abord européenne, l’ère du cosmopolitisme est née…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

À partir d’un article -ici augmenté- paru dans Le Matricule des anges, janvier 2017

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2 janvier 2017 1 02 /01 /janvier /2017 16:31

 

Monasterio de Piedra, Zaragoza. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Main basse sur Orwell par Natacha Polony

& le Comité Orwell :

bienvenue

dans le pire des mondes intellectuels.

 

 

Natacha Polony & le Comité Orwell :

Bienvenue dans le pire des mondes, Plon, 216 p,  14,90 €.

 

 

 

      Selon la formule ici biaisée, Orwell devrait se dresser tout vif dans sa tombe en voyant combien son nom est subtilisé par un « Comité » aux officielles apparences ! Avons-nous peur du grand méchant totalitarisme ? Ô combien ! À condition de ne pas se tromper d’adversaire. Natacha Polony & le Comité Orwell, dont le nom laisserait présager le meilleur, se seraient-ils fourvoyés ? C’est avec doigté qu’il faudra trier le meilleur du pire en cet essai à charge concocté par Natacha Polony & le Comité Orwell : Bienvenue dans le pire des mondes. Saine dénonciation du « soft totalitarisme », ou plainte et vitupération semées de clichés, l’essai n’est guère à la hauteur intellectuelle attendue… Faut-il stigmatiser les contrôles financiers ou prendre de la hauteur et pointer les tentacules des contrôles étatiques ?

      Dès les premières pages, la confusion, la bouillie pseudo-intellectuelle lassent le lecteur un rien avisé. Si l’on nomme avec facilité le « jeu électoral » comme un « spectacle dans lequel quelques démagogues professionnels promettent, mentent, pour mieux décevoir », mais à bon droit le « totalitarisme islamiste » parmi les ennemis ; le « néolibéralisme » et « l’alliance redoutable des marchés financiers et des nouvelles technologies, alliance sanctifiée par le caractère indépassable du bon plaisir individuel », sont de spécieuses affirmations.

      La thèse est la suivante : « nous ne sommes plus tout à fait dans ce qu’on peut appeler un régime démocratique ». Certes, mais parle-t-on de démocratie libérale, politique et économique, faute de quoi la démocratie peut être une tyrannie populaire ?

      Et qui donc nous menace tant, hors les nationalismes, les communismes, les religions théocratiques ? C’est selon les dires de ce « Comité Orwell », l’emprise des nouvelles technologies et de leurs puissances financières qui fomentent le « triomphe du soft totalitarisme » ! Diantre… Il semble qu’il y ait là une grave erreur d’analyse.

      Certes l’on concédera que les entreprises phares d’Internet et de nos smartphones, par le biais des big data, puissent lire dans nos achats, nos recherches, nos « j’aime », de façon à nous proposer de nouvelles opportunités d’achats et de recherche, aux dépens de ce à quoi nous n’aurions pas pensé, voire de notre tranquillité. Mais cela fait-il pour autant de nous des êtres captifs, dépourvus de libre-arbitre ? Si l’on peut se débrancher, si les informations collectées à notre sujet peuvent être consultables et suppressibles si tel est notre désir, et surtout si les entreprises concernés restent sujettes à la concurrence sans pratiquer d’ententes monopolistiques (d’autant que le big data peut rendre bien des services, y compris non mercantiles), c’est-à-dire restent respectueuses du libéralisme politique, il n’y a là rien de totalitaire. Et à qui est-il loisible de veiller à ces dernières conditions, sinon l’Etat régalien, dans le cadre du respect des libertés individuelles. On comprendra ainsi que, de fait, c’est l’Etat qui a le plus juste et minimal rôle à jouer.

        Hélas, l’Etat pense plus souvent à réguler au service de ses taxes, ses impôts, ses redistributions, ses normes et surtout le profit de ses grands maîtres et serviteurs, séides et affidés, au service des lobbys d’opinions et d’exigences qui votent le plus souvent en faveur de plus de socialisme, qu’il soit de droite ou de gauche. Demandons-nous alors si l’Etat doit être au service de plus de libertés (ce que sont le plus souvent les meilleures nouvelles technologies non subventionnées) ou au service de plus de contrôle économique, fiscal et d’expression.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      La satire de l’évolution de l’Education Nationale française et des effets nocifs de la télévision serait fort bien venue, si l’on ne confondait encore une fois exigences du libéralisme économique d’une part, nivellement par le bas par l’égalitarisme socialiste et relativisme culturel devant le communautarisme islamique d’autre part. Quant à porter du crédit à la théorie des « deux dixièmes » de la population seuls nécessaires pour faire tourner l’économie, il suffirait d’être critique envers ce délire de quelques ploutocrates et de penser que laisser la créativité humaine développer ses potentialités suffit pour augmenter la prospérité du plus grand nombre…

      De même le chapitre sur « l’art de dissoudre les peuples » offre en voisinage le presque un petit peu meilleur et le tout à fait pire : on assène que la France est une « fille malade du communautarisme », déniant le droit à la France d’être « multiculturelle », sans assumer que la seule culture inacceptable soit l’Islam théocratique. Mais on se montre scandalisé par « une cantatrice noire-américaine, Jessye Norman qui entonne l’hymne national » ! De même le « libéral-capitalisme » est coupable d’avoir « affadi la culture française ». C’est ignorer que Montesquieu, Benjamin Constant, Bastiat, Tocqueville et Raymond Aron sont, sans refuser l’excellent Adam Smith, les chaînons d’une grande tradition libérale française. Qu’importe d’ailleurs la nationalité d’une chose, d’une tradition, d’une pensée, d’une culture, seules ses qualités pratiques, esthétiques et morales comptent…

      Les chapitres suivants n’ont pas plus de tenue intellectuelle, dénonçant à qui mieux mieux le « modèle californien » et les « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon), sans voir combien ils peuvent susciter d’espaces de liberté et de créativité, sans voir combien ils rendent des services que les Etats n’ont pas su construire. La petitesse intellectuelle des consommateurs suivistes, des facebookiens tweeteurs de clichés et de niaiseries n’est en rien causée par la nouveauté des moyens, mais par la nature humaine qui ne les a pas attendus pour être grégaire, pauvre et péremptoire, quoique ces medias peuvent également receler le meilleur : la multiplicité des accès à la connaissance et à la création peut espérer armer l’intelligence, bien que l’essai à qui nous faisons trop d’honneur d’une critique n’en donne guère un exemple convaincant. Qu’attend-on d’ailleurs pour, dans notre hexagone corseté, laisser naître une concurrence à ces géants d’internet, en nous libérant d’une répressive fiscalité[1] ?

      Un relent d’eaux usées anti-américaines plane sans cesse sur un tel essai, qui, comme son genre l’indique, n’est pas une réussite. Songez qu’en conclusion, on en appelle à la « souveraineté nationale », à cette antienne « Le local doit s’imposer sur le global ». Doit-on refermer les frontières, jouir d’une spartiate autarcie, « miser sur le capital national » et mettre au point « un nouveau pacte sur le partage de la valeur ajoutée et des richesses » : tyrannie, nous voilà !

    Si nous voulions être cruels -mais nous aurons la discrétion de ne pas l’être- nous mordrions les doigts de pieds de rire devant la thèse de Natacha Polony et du Comité Orwell. Les « milliers de données récupérées par les multinationales » nous menaceraient presqu’autant, sinon plus, que le nazisme, le communisme et l’Islam ? En revanche, parions que si ces derniers, avec les moyens de l’Etat, s’en emparaient, c’est là que proliférerait sans faute le pire des mondes…

   Les pseudo-orwelliens de Natacha Polony conspuent au marteau-pilon et avec une infatigable récurrence Milton Friedman, l’auteur de Capitalisme et liberté, qui pourtant a permis, grâce son enseignement, que la prospérité économique revienne aussi bien en Israël, au Chili, qu’en Nouvelle Zélande. Et, que l’on sache, c’est bien dans les pays où perdure un peu plus de libéralisme économique que le chômage s’établit autour de 5%, Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne ; et que dire de la Suisse, avec 3% ! Contre les faits, l’idéologie a la vie éternelle, comme l’a montré Jean-François Revel[2]

      Natacha Polony et son Comité Orwell confondent alors le « néolibéralisme » (associé à la caricature économique du renard libre dans le poulailler libre) avec le « relativisme culturel » et le « communautarisme » sur lequel ils « sont venus se greffer ». Le seul communautarisme réellement totalitaire est l’Islam ; quant au relativisme culturel, certes dommageable, il est plus un problème d’éducation à la pensée qu’une conséquence des marchés, même si l’argent qui n’a pas d’odeur accepte hélas de se prostituer avec des pays et des idéologies islamistes…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      L'on se fatiguerait en vain de redresser toutes les approximations conceptuelles et les confusions d’un tel essai, en forme de fourre-tout, le manque de rigueur constant. Ses partisans sont idéologiquement tatoués d’œillères (et ils ne manqueront pas de nous renvoyer le compliment). S’il a un mérite, c’est d’appeler à exercer notre esprit critique ; ce dont nous ne nous priverons pas. S’il a bien des failles, c’est de faire fi de la définition de nos libertés et d’en nommer les véritables tyrans. L’ennemi obsessionnel est le « profit en forme de gigantesque capitalisation boursière » ! On croirait lire le torchon rouge du communisme étroitement sanglé au torchon brun du national-socialisme, tapant à bras raccourcis sur le libéralisme, en ne l’attribuant qu’à quelques groupes financiers, non à la liberté d’entreprendre pour tous, comme l’assènent les incultes patentés qui ne veulent surtout pas que l’on ouvre un Dictionnaire du libéralisme[3].

      Bien que prétendant dénoncer un « totalitarisme soft » (mais il est bien sûr le prélude d’ « un totalitarisme plus dur ») on ne peut que se désoler devant tant de légèreté conceptuelle. Il semblerait que l’on tient ici pour calembredaines les éliminations physiques massives et la « police de la pensée » qui régissent d’une main de fer autant l’espace du 1984 d’Orwell, que ceux du communisme, du fascisme et du califat…

      Faut-il rappeler au Comité Orwell, que le parti au pouvoir dans 1984 est « l’Angsoc, ou socialisme anglais[4] », que l’oppression totalitaire est celle de l’Etat ? Et qu’en conséquence ce Bienvenue dans le pire des mondes, qui gâche ainsi les pauvres bribes de son meilleur, est une bienvenue dans le pire des essais, usant d’un grave contresens. Qu’Orwell, s’il se redressait de sa tombe, se fusse offusqué des excès du capitalisme financier et du maillage internet, nous n’en doutons guère, mais il aurait d’abord craint que ces derniers, quittant les mains des entrepreneurs, des plus immenses aux plus modestes, deviennent la proie de l’Etat, qu’il soit socialiste brun ou rouge, ou qu’il soit théocratique. L’auteur de 1984 restait néanmoins fidèle à ce qu’il appelait le socialisme démocratique, et à un ancrage libertaire, qu’il est permis de discuter et d’aborder avec méfiance.  Un contemporain d’Orwell, Friedrich A. Hayek, savait en 1944, donc quatre ans avant la parution de 1984, de quoi était fait le socialisme anglais, dans son chapitre « Les totalitaires parmi nous », dans La Route de la servitude : « un rapprochement toujours plus grand entre les conceptions économiques de la gauche et de la droite, leur opposition commune au libéralisme[5] ». Si le capitalisme prend une direction monopolistique et de connivence avec l’Etat, alors il n’est plus libéral. Qu'avant de faire main basse sur son héros, le comité Orwell lise les penseurs libéraux[6], plutôt que de faire honte à sa figure tutélaire !

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[4] George Orwell : 1984, Club des Libraires de France, 1956, p 319.

[5] Friedrich A. Hayek : La Route de la servitude, PUF, 1985, p 132.

[6] Voir : Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

 

Photo : T. Guinhut

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28 décembre 2016 3 28 /12 /décembre /2016 09:01

 

Bois de l'Escalère, Gouaux-de-Larboust, Haute-Garonne. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

La destinée poétique de Sôseki,

 

entre kanshi et haïku.

 

 

 

Natsume Sôseki : Poèmes, traduit du chinois (Japon) par Alain-Louis Colas,

Le Bruit du temps, 400 p, 28 €.

 

Haïkus à rire et à sourire, illustré par Minami Shinbô,

traduit par Brigitte Allioux, Philippe Picquier, 88 p, 12,50 €.

 

Oreillers d’herbe ou le Voyage poétique, traduit par Elisabeth Suetsugu,

Philippe Picquier, 200 p, 23 €.

 

 

 

      De langue maternelle allemande, et au-delà de ses Duineser Elegien, Rilke écrivit des vers en français, dont ses Vergers[1]. Cela paraît une gageure que de concevoir de la poésie dans une langue qui ne soit pas d’abord la sienne. Quant au Japonais Natsume Sôseki, il traça les Poèmes de toute une vie en chinois. Que l’on se rassure, Sôseki écrit ses romans en japonais, mais aussi, genre oblige, ses Haïkus à rire et à sourire dans la langue de Bashô. Sans oublier que l’un de ses chefs d’œuvre, Oreiller d’herbes, ait pu, par ses soins mêmes, être qualifié de roman-haïku.

      Peut-on parler de poésie autobiographique ? Il s’agit en tout cas, chez Soseki, d’un parcours de vie, plus exactement intérieure, entre 1867 et 1916, depuis la période estudiantine, jusqu’à la période de Meian, aux visées plus philosophiques, en passant par celles de convalescence et picturale. Il sera resté fidèle au kanshi, ce type de poème chinois classique. Il s’agit parfois de quatrains, souvent de huitains, faits de quatre distiques, parmi lesquels le parallélisme est de règle. Il maîtrisait cet art, sans se confiner dans l’académisme, au point qu’il fut reconnu par les plus grands sinologues de son temps.  Deux grands thèmes innervent l’écriture de Sôseki en ses deux cent sept poèmes : la nature et la maladie, au profit, peu à peu, du détachement et de la faveur accordée à la première, dans le cadre d’une éthique taoïste, mais aussi bouddhiste zen.

      Au creux d’une intense émotion lyrique, les voyages dans les régions montagneuses sont dès la jeunesse du poète d’évidentes sources d’inspiration :

« Raidillons pour chevaux, coupés par les ruisseaux,

Chemins d’oiseaux se prolongeant parmi le ciel.

Pour mes yeux écarquillés, tournés vers l’ouest,

Le pur éclat d’un sommet neigeux qui rougeoie. »

      Hélas, plus douloureusement pathétique, un ulcère gastrique tenailla longtemps Sôseki. Comment y échapper, sinon par le vol de la poésie ?

« Dans ta maladie, le goût de l’art te garantit du monde ;

Dans ma sottise, l’inanité rend mon vol solitaire. »

      Plus qu’un passe-temps, qu’un jeu, qu’un pascalien divertissement, l’exercice de la poésie touche à l’essentiel :

« Pour chasser le tourment, point n’est besoin de vin ;

Pour occuper le temps, il n’est que les poèmes. »

      C’était en septembre 1890. Bien plus tard, le 21 août 1916, il précise son éthique littéraire :

« Ni littérateur, ni commentateur d’œuvres canoniques,

Je me démène, à l’est, à l’ouest, comme plante flottante. »

      Ainsi l’agir et le non agir, le moi et la nature, le yin et le yang, se complètent et se répondent, se fondent finalement… Jusqu’aux ultimes vers, « quintessence de l’œuvre », selon Sako, dix-neuf jours avant la disparition, à 49 ans, jaillis sous un dernier pinceau le soir du 20 novembre 1916 :

« La vue, l’ouïe, je les oublie, le corps aussi, je le laisse.

J’ai tout le ciel pour chanter mon « Poème d’un blanc nuage ». »

      Ainsi va la libération intérieure de l’ermite, au gré des pas silencieux des mots, laissés au bon entendement de qui veut en écouter la pureté.

      Cette édition, comme souvent au Bruit du temps (qu’il s’agisse de la biographie d’Ossip Mandelstam[2] ou des Notes de ma cabane de moine de Kamo no Chômei[3]), est un bonheur : choix et discrétion de l’illustration de couverture, typographie élégante, pour un véritable tour de force : publier Sôseki de manière trilingue, en chinois (l’original), en traductions japonaise et française, avec le goût des alexandrins et des vers de quinze pieds, toutefois non rimés, par prudence. Avant-propos, introduction, notes et commentaires abondants et délicieusement érudits, bibliographie et chronologie, tout cela de la main du traducteur, ont supposé un soin, voire une ascèse, dont il faut mesurer le prix spirituel entre nos mains recueillies.

       Avec une agilité remarquable, Soseki pouvait passer du kanshi au haïku japonais, dans la plus pure tradition de Bashô[4]. C’est avec un humour -au choix délicat ou sans gêne- qu’il offre ses Haïkus à rire et à sourire. Du moins, parmi quelques 2600 haïkus, l’illustrateur Minami Shinbô en a-t-il choisi une petite brassée, de ces objets « pas tout à fait géniaux créés par des génies », dit-il. Nous ne lui en voudrons pas, au contraire ; surtout si, comme tout lecteur d’un goût élevé et doué d’un bas ventre en bon état de fonctionnement, nous aimons : « Dans le colza fleuri / Un caca du facteur / En plein jour ». Vingt-huit petits poèmes, bilingues, dans une agréable mise en page, sont environnés par des dessins très colorés, faussement naïfs. N’est-ce qu’un livre pour les enfants ? Lisant « La branche de prunier posée là / Interpelle les nuages / Oh la légende torée du Tao », l’on devine que la surprise poétique est déjà un émerveillement spirituel. Ou « Amaryllis des morts / Quelle importance ! Au bord des chemins ». Là, rien de moins négligeable en sa qualité d’aphorisme philosophique. Quel joli livre précieux et facétieux ! Et un dernier, cosmique et odorant, pour la route : « Son cavalier sur le dos / Le cheval lâche du crottin / Sur les asters étoilés ».

      Nous avions déjà traité d’Oreiller d’herbes dans sa dimension romanesque[5]. Si l’appellation roman-haïku, oxymorique en soi, mais assumée par Sôseki, est apparemment excessive, au vu de la longueur, il n’en reste pas moins que l’art de la suggestion y est poussé à sa plus pure acuité. De plus, l’on ne peut qu’y remarquer, outre la toute finesse de l’écriture et son attention permanente au détail, psychologique ou descriptif, l’abondance de ces légendaires poèmes de dix-sept syllabes.

      La retraite d’un jeune artiste parmi les montagnes ne lui permettra guère de parvenir à peindre le tableau dont il rêve. En revanche, les haïkus, par l’entremise d’une jeune fille fort fantasque, deviennent ses amis. « Pourquoi faudrait-il un verbe ? », demande-t-elle, lorsque le jeune homme tente de lui traduire une page d’un roman anglais. Il semble que cela puisse s’appliquer au haïku : « Ombre de fleur / Ombre de femme / Vision ou illusion ». L’éveil poétique, « l’oubli du monde », sont-ils les préludes de l’éveil pictural ?

      Mais au souvenir de Bashô, s’agrège la culture anglophone de Sôseki, en cela bien représentatif de l’ouverture à l’étranger de l’ère Meiji, car son jeune peintre cite les vers de Shelley ou Meredith.

      Cette nouvelle traduction d’Elisabeth Suetsugu s’accompagne à propos des illustrations venues de trois rouleaux peints en couleurs, où figure le texte entièrement calligraphié en 1926. Ce avec un étrange je ne sais quoi venu de l’impressionnisme occidental dans une esthétique paysagère et féminine bien japonaise… Une somptueuse délicatesse imprègne les pages : « Printemps étoilé / Dans la chevelure de la nuit / Passe une branche fleurie ».

      « Suivre la nature et quitter le moi », tel est le maître-mot de l’auteur du satirique Je suis un chat[6], aimable et désopilant narrateur pour qui « l’homme a toujours été un lourdaud ». Natsume Sôseki, au-delà de ses compétences d’angliciste (il enseigna la littérature anglaise à l’Université de Tokyo à la suite de Lafcadio Hearn), fut un romancier nombreux et couronné de succès, en particulier avec son personnage du Botchan,[7] ce petit maître enseignant qui devint au Japon un type, à l’égal de notre Cosette ou de notre Gavroche, mais aussi le diariste sensible et piquant des Petits contes de printemps[8]. Au plus profond, dans l’humanité de ses poèmes, il guide, parmi les herbes, les ronces et les montagnes de la vie, son lecteur, ce modeste impétrant, dans la voie du tao, et dans l’aspiration au souffle paisible du zen.

 

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Rainer Maria Rilke : Œuvres II, Seuil, 1972, p 313 et 467.

[6] Natsume Sôseki : Je suis un chat, traduit par Jean Cholley, Gallimard / Unesco, 1984.  

[7] Natsume Sôseki : Botchan, traduit par Hélène Morita, Le Serpent à plumes, 1993.

[8] Natsume Sôseki : Petits contes de printemps, traduit par Elisabeth Suetsugu, Philippe Picquier, 1999.

 

 

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27 décembre 2016 2 27 /12 /décembre /2016 08:35

 

Autoportrait, Parador de Santo Domingo de la Calzada, La Rioja.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Des théories du portrait au portrait comme fiction :

     Edouard Pommier et Jean-Luc Nancy.

 

 

Edouard Pommier : Théories du portrait. De la Renaissance aux Lumières,

Gallimard, 1998, 512 p, 290 F.

 

Jean-Luc Nancy : L’Autre portrait,

Galilée, 2014, 128 p, 22 €

 

 

 

      Peut-on concevoir un portrait sans visage ? Une figure de rhétorique, venue de l’antiquité et d’Aristote, la prosopographie, ou description physique, retient en son étymologie « prosopon » en grec, pour le personnage et son visage. Peindre un portrait, par la plume ou le pinceau, par le clavier ou les pixels numériques, même s’il s’agit d’engager le corps en son entier, ne peut se passer du visage, ce qui, de par la qualité d’expression, devient éthopée, ou description morale. Pourtant les Théories du portrait, de la Renaissance aux Lumières, telles que les déplie Edouard Pommier, n’ont pas toujours placé ce dernier au sommet de la hiérarchie artistique, avant de le consacrer comme un genre doté de vertus nombreuses. Or à toute cette tradition, l’art contemporain ajoute une énigme où viennent « à se dérober toutes les figures d’une possible représentation ». C’est ainsi que le philosophe Jean-Luc Nancy scrute L’Autre portrait, celui dont la visibilité réside dans l’infigurable. Paradoxe, aporie, ou lecture des mystères de nos visions et de l’art…

 

      Savions-nous que le portrait, de longtemps, a pu être considéré comme un art mineur ? Représenter un homme, une femme, créatures périssables et éphémères, ne vaut pas grand-chose devant la représentation de Dieu, du Christ et des Saints, bien plus représentatifs de la vérité. De plus, jusqu’à la Renaissance, la véracité des traits n’a guère d’intérêt, alors que la dimension allégorique d’un personnage est de la plus haute importance.

      Suite à la perspective humaniste, c’est le XVème siècle italien qui vient s’intéresser à la valeur mimétique du portrait, mais également à sa dimension mémorielle. C’est ce qu’Edouard Pommier exhume avec un parfait talent pédagogique dans son érudit volume : Théories du portrait. De la Renaissance aux Lumières. Giorgio Vasari, dont l’œuvre illustre la couverture, peint dans le respect de la tradition iconologique, mais avec une part de réalisme graphique inusitée, son « Saint Luc peignant la Vierge ». Certes, cette dernière est juchée sur un nuage, mais la représentation à la fois exacte et symbolique de l’atelier confère au geste pictural attaché à son modèle une dignité autant humaine, par la présence du peintre et de ses comparses, que sacrée.

      Au XVIIème siècle, « l’Académie adopte une hiérarchie des genres qui relègue officiellement le portraitiste à une place inférieure à celle du peintre d’histoire ». Une telle règle se verra bien vite modérée, voire invalidée jusqu’aux Lumières. Qu’il s’agisse de Titien, dont Charles Quint ramasse le pinceau, car il « est digne d’être servi par César », d’Holbein le Jeune représentant avec le plus grand soin l’astronome Nicolas Kratzer, ou de la visible ironie de Voltaire, quoiqu’il en fût agacé, croqué au saut du lit par Jean Huber, la vertu du portrait, au-delà de sa dimension identitaire, se verra chargée de dire le frémissement de la vie, la puissance de l’intelligence, le charme féminin… Sans compter que la sensibilité romantique chargera le portrait de toutes les énigmes et intensités de la sensibilité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      L’histoire de l’art et de la peinture recèle alors de toute une immense tradition du portrait. Sans pourtant que, au-delà du réalisme photographique, l’art contemporain l’ait abandonné comme désuet, au contraire. Si le portrait est une mimesis, il ne va guère intéresser nos artistes d’aujourd’hui, mais s’il interroge la figuration, la dépasse, voire la nie, alors il est bien un champ de recherche et d’interrogation, celui de L’Autre portrait selon Jean-Luc Nancy. C’est pour une exposition dont il fut le commissaire, en Italie, à Rovereto, fin 2013, que fut conçu ce texte, ce pourquoi il est illustré de 35 vignettes en noir et blanc, entre Giorgione et une Marina Abramovic au scorpion.

      En quelque sorte, le portrait est celui de l’autre en sa retraite (« l’altro ritratto » en italien). Mais, comme une « bonne image doit en quelque façon nous dévisager », il se fait miroir de l’altérité. Surtout, « Il reproduit, il interpelle et il est fondé de pouvoir ». Pire, il « implique l’absence », voire la mort… Masque, voire « masque mortuaire », il est une « interprétation de la personne portraiturée », où « l’art relève d’une invention de sens ».

      Entre notoriété et « palpitation intime », il s’agit de « rendre l’invisible visible ». Est-ce là où la ressemblance est l’acmé de la représentation ? En effet, « contemporain de l’invention grecque de la mimesis », au-delà « des figures archétypiques et hiérophaniques », il fait « venir la présence divine dans un apparaître » que notre art contemporain abandonne. Ce narcissisme, lui aussi, s’est peu à peu perdu, avec l’ironie, la satire de l’âge bourgeois. Reste la conscience du sujet, qui « perd son auréole », beau, étrange, monstrueux, social ou individuel. Qui perd également sa « réelle présence », au sens de George Steiner[1].

      Au-delà du statut d’icône, d’idole, ou d’identité du portait dans la culture occidentale, se détache l’interdit porté sur la représentation du corps et du visage, dans la culture de l’Islam. Est-ce à dire qu’en ce dernier monde, l’homme ne s’est pas détaché, individualisé de l’autoportrait inaccessible du dieu qui régit, transmue et efface son existence ? Car « le vrai dieu n’est pas (re)présentable ». Le Saint-suaire de Turin est-il l’archétype du dieu ou le portrait d’un homme pour que l’homme puisse être homme ? En ce sens, il permet l’effacement de la crise de l’iconoclasme[2].

      Du canon de beauté grec, en passant par le réalisme romain, par l’allégorie et le charme de la Renaissance, par l’esthétique christique de l’autoportrait de Dürer, le parcours explicatif et argumentatif de Jean-Luc Nancy bascule entre Baudelaire et notre art contemporain. Pour simplifier, on passe de « l’assurance », à « l’intranquillité » : Urs Lüthi se « métamorphose d’homme jeune en femme âgée ». L’identification est « à la fois partagée et fuyante ». Entre « irreprésentable » et « incertitude d’une figure », se joue toute l’Histoire de l’art.

     À tout cela, la substitution, ou plutôt l’ajout de la photographie à la peinture, ne change pas fondamentalement l’essentiel. La représentation, à son tour, devient le sujet ; l’art devient son autoportrait. Cependant l’abstraction n’a pas permis d’évacuer le portrait : « défiguration », « surfiguration » (de Picasso à De Kooning) sont ses « blessures narcissiques ». Quand la ressemblance n’est plus un diktat, la crise du moi suit la disparition de la mimesis divine. Est-ce à dire qu’il n’y plus de portrait heureux ? Il faudrait en douter, dans le cadre d’une acceptation de la condition humaine, de ses amours et de ses métamorphoses… Il reste de cet essai un goût légèrement amer d’évanouissement de l’identité ; à moins qu’il faille en prendre acte, penser et créer tout de même, excaver le mystère de la volatilité du moi, des facettes de l’altérité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Qu’il soit bleu gouaché de mélancolie, ou encore quelque chose entre l’ange et le débris du caveau, idéalisation charnelle ou stèle post-mortem[3], le portait n’est-il qu’une coquille d’apparence, un affect, un éthos, un manifeste artistique, une acuité psychologique, ou une disparition ? C’est ainsi que, dans le labyrinthe de la représentation, il nous est permis de continuer de portraiturer la pensée de Jean-Luc Nancy…

      Si la hiérarchie des genres se veut invalidée par l’art contemporain, ne s’acharne-t-il pas, alors que jusqu’au XXème siècle la tradition l’a exalté, à casser, brouiller, effacer le portrait, entre Picasso, Francis Bacon et Gerhard Richter ? Veut-il, comme Michel Foucault, « parier que l’homme s’effacerait , comme à la limite de la mer un visage de sable[4] » ?

 

      Les analyses encyclopédiques et d’une indubitable solidité de l’historien d’art Edouard Pommier et celle plus erratiques du philosophe se complètent. Jean-Luc Nancy, curieux d’esthétique, de métaphysique et de politique, qu’il écrive sur « la déconstruction du christianisme » ou sur La Naissance des seins, brode en toute finesse. Entre concepts et frissons poétiques, son écriture entraîne son lecteur vers des strates d’analyses, des perspectives de rêveries, des abîmes de perplexité au-devant de soi et de l’autre. Lisant ce bel essai, où le portrait oscille entre mimesis et fiction, même si nous attendions de plus vastes développements et exemples venus de l’art contemporain, nous en apprenons autant sur l’art, ses desseins et ses évolutions, que sur nous-mêmes. Car l’art n’est-il pas, d’abord, miroir du philosophe, et, en dernier lieu, portrait du lecteur en philosophe ? À moins que la vanité de l'autoportrait, fût-il de ce Rembrandt qui d'ailleurs représenta un philosophe, et moins encore du modeste auteur de ces lignes et des compulsifs du selfie ou egoportrait, soit, au regard de l'éternité, encore plus évanescente.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2] Voir à ce sujet : Marie-José Mondzain : Image, icône, économie, les sources byzantines de l’imaginaire contemporain, Seuil, 1996.

[3] Comme aux portraits de morts réunis par Nathalie Rheims : Lumière invisible à nos yeux, Léo Scheer, 2003.

[4] Michel Foucault : Les Mots et les choses, Œuvres I, Pléiade, Gallimard, 2015, p 1457.

 

Autoportrait, Parador de Vielha, Val d'Aran, Catalunya.

Photo : T. Guinhut.

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Présentation

  • : thierry-guinhut-litteratures.com
  • : Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.
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Index des auteurs et des thèmes traités

Les livres publiés, romans, albums, essais :
Une vie d'écriture et de photographie



 

 

 

 

 

 

 

Ackroyd

Londres la biographie, William, Trois frères

Queer-city, l'homosexualité à Londres

 

 

 

 

 

 

Adams

Essais sur le beau en photographie

 

 

 

 

 

 

 

Aira

Congrès de littérature et de magie

 

Ajvaz

Fantastique : L'Autre île, L'Autre ville

 

 

 

 

 

 

Akhmatova

Requiem pour Anna Akhmatova

 

 

 

 

 

 

 

Alberti

Momus le Prince, La Statue, Propos de table

 

 

 

 

 

 

Allemagne

Tellkamp : La Tour ; Seiler : Kruso

Les familles de Leo et Kaiser-Muhlecker

 

 

 

 

 

 

Amis

Inside Story, Flèche du temps, Zone d'intérêt

Réussir L'Information Martin Amis

Lionel Asbo, Chien jaune, Guerre au cliché

 

 

 

 

 

 

Amour, sexualité

A une jeune Aphrodite de marbre

Borges : Poèmes d’amour

Guarnieri : Brahms et Clara Schumann

Vigolo : La Virgilia

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Luc Ferry : De l'amour au XXI° siècle

Philosophie de l'amour : Ogien, Ackerman

Le lit de la poésie érotique

Erotisme, pornographie : Pauvert, Roszak, Lestrade

Une Histoire des sexualités ; Foucault : Les Aveux de la chair

 

 

 

 

 

 

Ampuero

Cuba quand nous étions révolutionnaires

 

 

 

 

 

 

 

Animaux

Elien Ursin : Personnalité et Prosopopée des animaux

Rencontre avec des animaux extraordinaires

Quand les chauve-souris chantent, les animaux ont-ils des droits ?

Jusqu'où faut-il respecter les animaux ? Animalisme et humanisme

L'incroyable bestiaire de l'émerveillement

Philosophie porcine du harcèlement

Philosophie animale, bestioles, musicanimales

Chats littéraires et philosophie féline

Apologues politiques, satiriques et familiers

Meshkov : Chien Lodok, l'humaine tyrannie

Le corbeau de Max Porter

 

 

 

 

 

 

Antiquité

Le sens de la mythologie et des Enfers

Métamorphoses d'Ovide et mythes grecs

Eloge des déesses grecques et de Vénus

Belles lettres grecques d'Homère à Lucien

Anthologies littéraires gréco-romaines

Imperator, Arma, Nuits antiques, Ex machina

Histoire auguste et historiens païens

Rome et l'effondrement de l'empire

Esthétique des ruines : Schnapp, Koudelka

De César à Fellini par la poésie latine

Les Amazones par Mayor et Testart

Le Pogge et Lucrèce par Greenblatt

Des romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

Antisémitisme

Histoire et rhétorique de l'antisémitisme

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Céline et les pamphlets antisémites

Wagner, Tristan und Isolde et antisémitisme

Kertesz : Sauvegarde

Eloge d'Israël

 

 

 

 

 

 

Appelfeld

Les Partisans, Histoire d'une vie

 

 

 

 

 

 

 

Arbres

Leur vie, leur plaidoirie : Wohlleben, Stone

Richard Powers : L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

Arendt

Banalité du mal, banalité de la culture

Liberté d'être libre et Cahier de L'Herne

Conscience morale, littérature, Benjamin

Anders : Molussie et Obsolescence

 

 

 

 

 

 

 

Argent

Veau d'or ou sagesse de l'argent : Aristote, Simmel, Friedman, Bruckner

 

 

 

 

 

 

Aristote

Aristote, père de la philosophie

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

Art contemporain

Que restera-t-il de l’art contemporain ?

L'art contemporain est-il encore de l'art ?

Décadence ou effervescence de la peinture

L'image de l'artiste de l'Antiquité à l'art conceptuel

Faillite et universalité de la beauté

Michel Guérin : Le Temps de l'art

Théories du portrait depuis la Renaissance

L'art brut, exclusion et couronnement

Hans Belting : Faces

Piss Christ, icone chrétienne par Serrano

 

 

 

 

 

 

Attar

Le Cantique des oiseaux

 

 

 

 

 

 

Atwood

De la Servante écarlate à Consilience

Contes réalistes et gothiques d'Alphinland

Graine de sorcière, réécriture de La Tempête

 

 

 

 

 

 

Bachmann

Celan Bachmann : Lettres amoureuses

Toute personne qui tombe a des ailes, poèmes

 

 

 

 

 

 

 

Bakounine

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

L'anarchisme : tyrannie ou liberté ?

 

 

 

 

 

 

Ballard

Le romancier philosophe de Crash et Millenium people

Nouvelles : un artiste de la science-fiction

 

 

 

 

 

 

 

Bande dessinée, Manga

Roman graphique et bande-dessinée

Mangas horrifiques et dystopiques

 

 

 

 

 

 

 

Barcelo

Cahiers d'Himalaya, Nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

 

Barrett Browning

E. Barrett Browning et autres sonnettistes

 

 

 

 

 

 

 

Bashô

Bashô : L'intégrale des haikus

 

 

 

 

 

 

Basile

Le conte des contes, merveilleux rabelaisien

 

 

 

 

 

 

Bastiat

Le libéralisme contre l'illusion de l'Etat

 

 

 

 

 

 

Baudelaire

Baudelaire, charogne ou esthète moderne ?

"L'homme et la mer", romantisme noir

Vanité et génie du dandysme

Baudelaire de Walter Benjamin

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

Beauté, laideur

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai, La Mouette de Minerve éditeur

Art et bauté, de Platon à l’art contemporain

Laideur et mocheté

Peintures et paysages sublimes

 

 

 

 

 

 

Beckett 

En attendant Godot : le dénouement

 

 

 

 

 

 

Benjamin

Baudelaire par Walter Benjamin

Conscience morale et littérature

Critique de la violence et vices politiques

Flâneurs et voyageurs

Walter Benjamin : les soixante-treize sonnets

Paris capitale des chiffonniers du XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

Benni

Toutes les richesses, Grammaire de Dieu

 

 

 

 

 

 

Bernhard

Goethe se mheurt et autres vérités

 

 

 

 

 

 

 

Bibliothèques

Histoire de l'écriture & Histoire du livre

Bibliophilie : Nodier, Eco, Apollinaire

Eloges des librairies, libraires et lecteurs

Babel des routes de la traduction

Des jardins & des livres, Fondation Bodmer

De l'incendie des livres et des bibliothèques

Bibliothèques pillées sous l'Occupation

Bibliothèques vaticane et militaires

Masques et théâtre en éditions rares

De Saint-Jérôme au contemporain

Haine de la littérature et de la culture

Rabie : La Bibliothèque enchantée

Bibliothèques du monde, or des manuscrits

Du papyrus à Google-books : Darnton, Eco

Bibliothèques perdues et fictionnelles

Livres perdus : Straten,  Schlanger, Olender

Bibliophilie rare : Géants et nains

Manguel ; Uniques fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

 

Blake

Chesterton, Jordis : William Blake ou l’infini

Le Mariage du ciel et de l’enfer

 

 

 

 

 

 

 

Blasphème

Eloge du blasphème : Thomas-d'Aquin, Rushdie, Cabantous, Beccaria

 

 

 

 

 

 

Blog, critique

Du Blog comme œuvre d’art

Pour une éthique de la critique littéraire

Du temps des livres aux vérités du roman

 

 

 

 

 

 

 

Bloom

Amour, amitié et culture générale

 

 

 

 

 

 

 

Bloy

Le désespéré enlumineur de haines

 

 

 

 

 

 

 

Bolaño

L’artiste et le mal : 2666, Nocturne du Chili

Les parenthèses du chien romantique

Poète métaphysique et romancier politique

 

 

 

 

 

 

 

Bonnefoy

La poésie du legs : Ensemble encore

 

Borel

Pétrus Borel lycanthrope du romantisme noir

 

 

 

 

 

 

 

Borges

Un Borges idéal, équivalent de l'univers

Géographies des bibliothèques enchantées

Poèmes d’amour, une anthologie

 

 

 

 

 

 

 

Brague

Légitimité de l'humanisme et de l'Histoire

Eloge paradoxal du christianisme, sur l'islam

 

 

 

 

 

 

Brésil

Poésie, arts primitifs et populaires du Brésil

 

 

 

 

 

 

Bruckner

La Sagesse de l'argent

Pour l'annulation de la Cancel-culture

 

Brume et brouillard

Science, littérature et art du brouillard

 

 

 

 

 

 

Burgess

Folle semence de L'Orange mécanique

 

 

 

 

 

 

 

Burnside

De la maison muette à l'Eté des noyés

 

 

 

 

 

 

Butor

Butor poète et imagier du Temps qui court

Butor Barcelo : Une nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

Cabré

Confiteor : devant le mystère du mal

 

 

 

 

 

 

 

Canetti

La Langue sauvée de l'autobiographie

 

 

 

 

 

 

Capek

La Guerre totalitaire des salamandres

 

 

 

 

 

 

Capitalisme

Eloge des péchés capitaux du capitalisme

De l'argument spécieux des inégalités

La sagesse de l'argent : Pascal Bruckner

Vers le paradis fiscal français ?

 

 

 

 

 

 

Carrion

Les orphelins du futur post-nucléaire

Eloges des librairies et des libraires

 

 

 

 

 

 

 

Cartarescu

La trilogie roumaine d'Orbitor, Solénoïde ; Manea : La Tanière

 

 

 

 

 

 

 

Cartographie

Atlas des mondes réels et imaginaires

 

 

 

 

 

 

 

Casanova

Icosameron et Histoire de ma vie

 

 

 

 

 

 

Catton

La Répétition, Les Luminaires

 

 

 

 

 

 

Cavazzoni

Les Géants imbéciles et autres Idiots

 

 

 

 

 

 

 

Celan

Paul Celan minotaure de la poésie

Celan et Bachmann : Lettres amoureuses

 

 

 

 

 

 

Céline

Voyage au bout des pamphlets antisémites

Guerre : l'expressionnisme vainqueur

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

 

Censure et autodafé

Requiem pour la liberté d’expression : entre Milton et Darnton, Charlie et Zemmour

Livres censurés et colères morales

Incendie des livres et des bibliothèques : Polastron, Baez, Steiner, Canetti, Bradbury

Totalitarisme et Renseignement

Pour l'annulation de la cancel culture

 

 

 

 

 

 

Cervantès

Don Quichotte peint par Gérard Garouste

Don Quichotte par Pietro Citati et Avellaneda

 

 

 

 

 

 

Cheng

Francois Cheng, Longue route et poésie

 

 

 

 

 

 

Chesterton

William Blake ou l'infini

Le fantaisiste du roman policier catholique

 

Chevalier

La Dernière fugitive, À l'orée du verger

Le Nouveau, rééecriture d'Othello

Chevalier-la-derniere-fugitive

 

Chine

Chen Ming : Les Nuages noirs de Mao

Du Gène du garde rouge aux Confessions d'un traître à la patrie

Anthologie de la poésie chinoise en Pléiade

 

 

 

 

 

 

Civilisation

Petit précis de civilisations comparées

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

 

 

 

 

 

 

 

Climat

Histoire du climat et idéologie écologiste

Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

Coe

Peines politiques anglaises perdues

 

 

 

 

 

 

 

Colonialisme

De Bartolomé de Las Casas à Jules Verne

Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

Histoire amérindienne

 

 

 

 

 

 

Communisme

"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

Constant Benjamin

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Corbin

Fraicheur de l'herbe et de la pluie

Histoire du silence et des odeurs

Histoire du repos, lenteur, loisir, paresse

 

 

 

 

 

 

 

Cosmos

Cosmos de littérature, de science, d'art et de philosophie

 

 

 

 

 

 

Couleurs
Couleurs de l'Occident : Fischer, Alberti

Couleurs, cochenille, rayures : Pastoureau

Nuanciers de la rose et du rose

Profondeurs, lumières du noir et du blanc

Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


Crime et délinquance

Jonas T. Bengtsson et Jack Black

 

 

 

 

 

 

 

Cronenberg

Science-fiction biotechnologique : de Consumés à Existenz

 

 

 

 

 

 

 

Dandysme

Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Erasme, Manuzio : Adages et humanisme

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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