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6 mars 2021 6 06 /03 /mars /2021 14:07

 

Raoul Iggy Rodriguez (Philippines) « Hallowed Be Thy Name », 2019.

Biennale de Venezia. Photo T. Guinhut.

 

 

 

 

Sorcières diaboliques :

Histoire & représentations féministes.

Dominique Labarrière, Catherine Clément,

Silvia Federici, Venko Andonovski.

 

 

 

Dominique Labarrière : Le Diable. Les origines de la diabolisation de la femme,

Pygmalion, 2021, 224 p, 21,90 €.

 

Catherine Clément : Le Musée des sorcières, Albin Michel, 2020, 304 p, 19,90 €.

 

Silvia Federici : Caliban et la Sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive,

traduit de l’anglais (Etats-Unis)  par le collectif Senonevero, Entremonde, 2017, 464 p, 24 €.

 

Venko Andonovski : Sorcière  traduit du macédonien par Maria Béjanovska,

Kantoken, 2014, 482 p, 22 €.

 

 

En 1862, empoignant son romantisme exacerbé, sensuel en diable, Jules Michelet publia non sans remous La Sorcière. Ce rejeton diabolique de la sibylle antique, était pour lui une protestation de la liberté contre les tyrannies catholiques médiévales. Se livrant à Satan, elle est l’esprit de la nature, et l’on ne s’étonne pas que l’ouvrage, adoubé par un succès de scandale, subît les foudres de la censure impériale. Aujourd’hui c’est le féminisme qui s’empare de la figure symbolique de la sorcière. Aussi un pandémonium de diaboliques sorcières gangrène l’édition, pour notre plus grand plaisir. Car elles ont bien le diable dans la peau, lorsqu’avec Dominique Labarrière l’on fouille « les origines de la diabolisation de la femme ». Cependant en son Musée des sorcières, Catherine Clément fait défiler celles honnies du passé et celles célébrées du présent. Alors que Silvia Federici les engage au service d'une discutable croisade contre le capitalisme. Face à l’omniprésent défilé de suppliciées de l’Histoire, le Macédonien Venko Andonovski ajoute un éclairage romanesque en forme de plaidoirie. Il est à craindre cependant que ce retour en grâce des sorcières soit l’aube d’un nouvel obscurantisme.

 

Il n’a pas de sorcière sans diable. Il faut donc le percer à jour pour connaître ces dames sulfureuses. Quand est né le diable ? Séparant radicalement le bien et le mal, le prophète perse Zarathoustra opposait à Ahura Mazda le maléfique Ahriman. En conséquence Dieu et le diable seraient, selon la tradition manichéiste, deux puissances indépendantes. De plus le second pourrait venir de Seth vaincu par Horus, deux dieux égyptiens, alors que Seth représentait le temps féminin et matriarcal de l’humanité. À cette relation entre la féminité et l’engeance diabolique s’ajoute celle de la tradition biblique, lorsqu’Eve, tentée et tentatrice, entraîne l’humanité à venir dans sa chute, ainsi vouée au mépris alors que la Genèse[1] fait d’elle la « chair de la chair » d’Adam. Outre Satan, prince des ténèbres, puisque Lucifer il succomba au péché d’orgueil, les démons inférieurs succombèrent à luxure pour avoir trouvé belles les filles de la terre. Ce sont ces « incubes », dont ne doutèrent ni Saint Augustin ni Saint Thomas d’Aquin, néanmoins philosophes et grandissimes pères de l’Eglise, et qui séduisent infiniment les femelles de l’homme. Ainsi, confirme Dominique Labarrière, « le lien entre diable, femme et sexe est constamment réaffirmé ».

De plus Adam aurait eu une première épouse, Lilith : venue de la démone babylonienne et trop orgueilleuse égale, ou stérile qui sait, ce pourquoi elle fut châtiée et se serait vengée en envoyant le serpent auprès d’Eve. Les archétypes de la femme entachée de diabolisme sont en place. Voilà qui « nourrira l’hystérie de la chasse aux sorcières », pour reprendre la belle formule de notre essayiste renvoyant l’hystérie au masculin.

Si au Moyen Âge l’on peut berner Satan, l’église a bientôt l’esprit malin de réaffirmer sa puissance pour assurer sa propre autorité. Il faut le traquer parmi les hérésies, qu’elles soient cathares ou individuelles. C’est là que l’Inquisition se régale des turpitudes féminines avec le démon, car belle au dehors et « putride en dedans », la femme est selon Odon de Cluny, au X° siècle, un « sac de fiente ». La métaphore est galante, n’est-ce pas ? Pourtant le Moyen Âge accorde noblesse aux femmes, qui ont ce que l’on appelle la « capacité juridique » et ne manquent pas de figures d’exception, ne serait-ce que Christine de Pizan[2].

Au XV° siècle, ce sont les Dominicains qui écrivent Le Marteau des sorcières[3], de façon à pouvoir guider l’impétrant en sa chasse gynophobe. Car les « turpitudes sexuelles », c’est bien connu, sont féminines, pour dérober la semence masculine et pour jurer allégeance à Satan lors des sabbats, quoiqu’il s’agisse de « réminiscences de cultes de la fertilité ». L’imagination des « démonologues » est trépidante ; car pour enduire d’onguent le manche chevauché par les amatrices d’anus de Satan,  il faut « faire bouillir un enfant » et en prendre la graisse ! Soupçonnées de commerce sexuel et de messes noires avec le diable, des milliers de prétendues sorcières furent brûlées…

Au prosélytisme démoniaque s’associent le diable fornicateur et la fureur utérine que l’Inquisition accuse et condamne à sa guise avec l’aval du peuple, gourmand de dénonciations et autres sombres vengeances : « Il suffit de déplaire ou de trop plaire ». Ainsi le juriste Jean Bodin édicte sans vergogne, dans La Démonomanie des sorciers, en 1580 : « Le soupçon est une base suffisante pour la torture, car la rumeur populaire n’est presque jamais mal informée ». Il faudra attendre 1682 pour que Colbert interdise « aux tribunaux d’admettre l’accusation de sorcellerie », moins par bonté d’âme du roi Louis XIV que pour protéger sa favorite, Madame de Montespan, compromise dans la trouble Affaire des Poisons. Vient alors le temps pour les libertins du « satanisme mondain », mais aussi de « l’emprise mentale et sexuelle d’un confesseur, d’un directeur de conscience, d’un moine », tout ce qui trouvera son acmé dans les romans de Sade[4]. L’essai devient ensuite une petite anthologie des plus curieuses histoires de sorcelleries, telles « L’horloge de Saint-Placide », de la « veuve noire de Kilkenny », puis, cerise sur le gâteau, de « l’excrément sacré ».

Documenté de maints contes de femme-louves démoniaques et autres rapports sur  les méfaits des sorcières et leurs grotesques histoires de « possédées », par exemple de Loudun, l’ouvrage historique témoigne d’une théologie devenue folle, puis des fantasmes et superstitions, mais aussi des mœurs érotiques. Illustré d’un cahier de gravures et peintures, augmenté du texte de l’ « Exorcisme contre Satan et les anges apostats » édicté par le Pape Léon XIII (associé à celui valide encore aujourd’hui) et pratiqué sans discernement, il est sommé par un indispensable « Hymne à Satan » d’Iwan Gilkin. L’essai de Dominique Labarrière, quoique cédant un peu trop à l’anecdote au dépend de la rigueur historique, est aussi instructif que distrayant ; et effrayant ; tant il témoigne du meurtrier opprobre longtemps jeté sur la femme et sa sexualité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le réquisitoire de Catherine Clément est bien plus vigoureux, dénonçant un « crime contre l’humanité » en son Musée des sorcières. Avec notre essayiste, le mot « sorcière » passe de l’exécration médiévale à l’élogieuse réhabilitation chez nombre de femmes d’aujourd’hui, d’où ce titre qui n’est pas seulement historique mais de l’ordre de l’éloge. Car, dans une perspective féministe devenue respectable, elle dresse un impressionnant tableau du rejet de l’individualité des femmes par un pouvoir à la fois religieux et masculin, dont, prétendument, « le membre viril est en danger ». Bourreaux et bûchers n’ont eu de cesse de châtier les femmes et leur « hystérie », un terme qui connut encore le succès chez Freud au XX° siècle.

Qu’elle soit magicienne ou sorcière, il suffit qu’elle « pense seule », selon Le Marteau des sorcières pour être mise à mal depuis l’Antiquité. Le Christianisme déplorait le maléfice des déesses et figures femelles du paganisme : Isis l’Egyptienne, puis Hérodiade et Salomé qui obtinrent la tête de Saint Jean Baptiste. Ce malgré les nombreuses figures féminines positives de la Bible, comme Esther, Judith, Marthe et tutti quanti. En 1326, Jean XXII rédige « la bulle pontificale qui assimile la sorcellerie à une hérésie ». Contre la « peste féminine », l’Inquisition dominicaine doit sévir. Une fois dénoncée, la malheureuse, persuadée d’user de philtres et de sorts, de jouir d’une sexualité attentatoire à la chasteté, était le plus souvent considérée comme « la catin d’Asmodée », l’un des lieutenants du diable. Même ses hurlements sur le bûcher étaient entendus comme des manifestations diaboliques.

Entre autres nombreuses occurrences, l’essayiste rapporte le cas de Pierre de Lancre, qui en 1609 fut chargé par Henri IV de vider de ses sorcières le Labourd basque. Ce pieux serviteur de Dieu glosait sur « le Malin sodomisant les gueuses aux cheveux libres ». Aussi offrit-il à la bénédiction publique des flammes quatre-vingt maudites païennes qui aimaient danser la sarabande et se comporter de façon un tantinet légère. Ce qui permet à Catherine Clément de pointer le sadisme libidineux du bonhomme. D’autres préfèrent offrir leurs filles « contorsionnistes » en spectacle pour faire merveille de possession soudain guérie. Les récits de mortifications des nonnes, de leurs « crêpages de chignons », des exorcismes spectaculaires sont quant à eux assimilés des cas de névroses. Alors que ces dames cloîtrées ne répugnent pas à la bagatelle, au point qu’une « Angélique d’Estrées, abbesse de Maubuisson, éleva dans son abbaye douze enfants qu’elle avait eus de douze pères différents ». 

Il fallut au Catholicisme mettre en œuvre un contre-modèle : la Vierge Marie, dont le dogme de l’Immaculée Conception date de 1854. C’est à cette époque que les apparitions mystiques jettent quelques hallucinées dans l’extase. Alors que les « possédées » continuent de fleurir, que bientôt Charcot s’intéresse aux transes des hystériques autant qu’en médecin qu’en amateur de phénomènes de foire.

Suffit-il que les chasses aux sorcières appartiennent à un lointain passé, que le mot lui-même ne soit plus cause d’effroi ?  Malgré le renversement à la mode qui fait des sorcières des icônes et des modèles d’un féminisme passablement exalté il est d’évidence que les femmes ne sont toujours pas indemnes de toute chasse ; au point que Catherine Clément aille jusqu’à comparer le sort de ces ancestrales malheureuses à celui des victimes de « sauvages féminicides » d’aujourd'hui, même si comparaison n’étant pas toujours raison l’on pourra lui rétorquer que ce phénomène est d’une part de nature différente et d’autre part qu’il est hélas de toute époque.

L’essai est profus à souhait, chassant par retour du bâton tout ce qui pourrait s’apparenter encore à l’accusation de sorcellerie pesant sur les femmes, dans une orientation féministe militante. Il est cependant parfois confus, empruntant une progression erratique aux parcours et arguments sinueux télescopant les siècles ;  et par instants encombré de vocabulaire psychanalytique : il est vrai que c’est, outre la philosophie, une part de la formation de l’auteure. Le risque est alors de ne pas réellement faire œuvre d’historienne et de choir dans l’anachronisme. Reste que « la sorcellerie tue » encore, par exemple en Afrique où l’on accuse les uns et les unes de « voler le pénis des hommes » ! Et que plus inoffensive elle est devenue, sous le nom de « Wica », une pratique officielle aux Etats-Unis et au Canada, depuis son fondateur Gérald Gardner, dans les années trente. Gare à l’esbroufe, aux superstitions, au ridicule… Cependant, en ce Musée des sorcières nourri d’abondantes « diableries » et ensorcelleuses, l’érudition bienvenue, le choix des anecdotes édifiantes, riment avec indignation.

 

Duomo, Bolzano / Bozen, Südtirol / Trentino / Alto-Adige.

Photo : T. Guinhut.

 

Vicié par une omniprésente perspective marxiste, l’essai calibanesque de Silvia Federici, fait un sort aux sorcières jusque dans les Amériques. La phraséologie pâteuse de la préface et de l’introduction pourrait décourager le lecteur de bonne volonté. Sans compter, ensuite, de nombreux vices de pensée : d’où vient et quel est ce capitalisme dont il assuré à longueur de pages qu’il est le coupable originel et perpétuel[5] ? Pourquoi marxisme et féminisme, en quoi oppression capitaliste et sorcières paraissent-ils irrévocablement liés ? Dommage encore. Et pourtant, poursuivant avec un méritoire courage notre lecture de cet essai, que de perspectives historiques s’ouvrent ici à nous, que de questions sont soulevées… Débarrassé de ses oripeaux idéologiques, ce Caliban et la sorcière, commis par une universitaire et militante féministe radicale née en 1942, serait, en vue de rendre justice aux Caliban opprimés et aux sorcières brûlées, hautement recommandable.

Par ailleurs le titre est discutable. Si l’on sait que le personnage de Caliban est devenu le symbole des indigènes colonisés et persécutés, c’est méconnaître la pièce de Shakespeare. En effet, dans La Tempête, Caliban n’est mis en esclavage par Prospéro qu’après avoir bénéficié d’une bienveillante éducation et qu’après avoir trahi la confiance offerte en tentant de violer Miranda. Certes, on arguera qu’il s’agit là d’une diabolisation du colonisé. Cependant l’on comprend mieux le titre, sachant que Caliban est devenu le symbole des exploités et des opprimés, quand la sorcière est celui des femmes diabolisées, également opprimées et sacrifiées. Ce qui résume parfaitement la thèse de Silvia Federici, appuyée par le verbeux sous-titre, Femmes, corps et accumulation primitive, dont la connotation décolonianiste et féministe affirmée permet de ranger l’ouvrage dans la bibliothèque américaine des women studies.

L’ouvrage pêche par l’absence de définition précise (et c’est un comble pour un tir de barrage marxisant) du capitalisme. Plus exactement, s’agit-il de celui né avec les banquiers florentins et flamands au XV° siècle, ou de son expansion au moyen de la révolution industrielle anglaise au XVIII°, ou des artisans, de leurs ateliers, voire des seigneurs et exploitants agricoles ? Notre auteure emploie indifféremment, dans un flou non artistique, les termes de capitalisme et de « précapitalisme » pour caractériser la période qu’elle étudie, du Moyen-Âge à l’aube du XIXème.

Evidement le capitalisme est le coupable sine qua non, le grand Satan postulé les yeux fermés. Certes, « l’accumulation primitive » du capital se fait trop souvent, au cours de l’Histoire, à coups d’oppression, d’exploitation, d’esclavage. Ce en quoi on ne peut qu’approuver le réquisitoire de Silvia Federici. Mais elle semble n’avoir aucune lueur du capitalisme libéral[6] - donc en opposition au capitalisme tyrannique qui s’appuie sur la force, sur l’état monarchique, voire sur le clergé - qui permet à partir des Lumières anglaises une sortie, progressive et inégale selon les régions, de la pauvreté et des exactions pour la plus grande part de l’humanité. Il faut admettre pourtant que, parfois, notre auteur mentionne des contre-arguments venus, par exemple, d’Adam Smith qui défendit les enclosures en arguant de leur meilleure rentabilité et productivité agricole.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces précautions prises, et dépassant une pâteuse introduction dont la doxa marxiste est encore une fois du plus piteux effet, il faut tout de même, et avec conviction, conseiller la lecture de Caliban et la sorcière. Car il s’agit d’un panorama impressionnant des misères de l’humanité. Entre servage, guerres, famines, pestes noires, la condition du « prolétaire » est tout sauf reluisante. Il faut là se souvenir à travers quoi sont passés nos ancêtres pour que nous puissions parvenir à notre société d’abondance et de relatives libertés.

D’après Silvia Federici, le Moyen-Âge, une fois désagrégé le servage, est un presque havre de prospérité pour les ruraux, qui peuvent jouir des « communaux », là où la vie paysanne communautaire parait bien trop idéalisée par notre essayiste, dont le rêve communiste perdure jusqu’à la déraison. Mais, à la fin du XVI° siècle, les propriétaires anglais mirent en place les « enclosures », « privatisant les terres ». Même si Thomas More, au début de son Utopie, en a justement déploré les conséquences, jetant nombre de paysans dans le vagabondage, la faim et la délinquance, notre auteure en fait le péché originel du capitalisme, à l’égal de la propriété chez Rousseau qui, pour lui, est la cause de l’inégalité[7]. Mais les enclosures sont un phénomène anglais, et non européen, et bien d’autres causes peuvent être à la source de la paupérisation des campagnes, ainsi que des ouvriers des villes. Encore une fois, guerres (de Trente ans par exemple), famines, pestes, baisses démographiques, contribuent au désarroi économique. Bientôt les richesses affluant d’Amérique, obtenues en partie grâce à l’esclavage[8], contribuent à faire baisser les salaires des ouvriers européens. Sans compter le refroidissement climatique du règne de Louis XIV dont notre auteure ne tient absolument pas compte. Hélas la croissance démographique revenue, elle contribue à égarer les pauvres sans terre, dont les femmes, souvent prostituées par nécessité.

Il faut attendre la page 180 pour entendre sérieusement parler de la condition féminine. Il n’est pas étonnant que celles que Marx et Foucault ont oubliées, (remarque faite avec justesse par Silvia Federici) subissent de plein fouet les dégradations générales. D’autant que l’Eglise et l’Etat se préoccupent de natalité, jetant l’ostracisme sur les femmes non mariées, sur les naissances hors mariage, les abandons d’enfants, les méthodes contraceptives et abortives des fameuses sorcières, poursuivies par l’Inquisition, souvent brûlées… La vision de la femme comme mégère va peu à peu faire place à l’idéalisation punitive de la femme chaste, de la serviable et corvéable femme au foyer. Quoique, faut-il rétorquer, l’idéalisation perdure, depuis la Vierge Marie, en passant par l’amour courtois, jusqu’au romantisme…

Ainsi, « la persécution des sorcières fut le point culminant de l’intervention de l’Etat contre le corps prolétaire de l’époque moderne ». Leur magie, associée aux superstitions populaires, que semble regretter notre auteure, doit pourtant s’effacer devant la montée du rationalisme, pourtant plus efficace. Même s’il faut avec elle déplorer cette hécatombe de femmes non conformes, elle semble idéaliser ces sorcières favorites, oublier leur versant de délinquance et de criminalité, ainsi que celui des Caliban qui infestent cours des miracles, campagnes et faubourgs.

De même, la sorcière est éradiquée sur les terres du Nouveau monde, dans le cadre d’une mise au pas par les grands propriétaires, par la religion, et au moyen d’une discrimination sexuelle et raciale. Sans oublier le génocide, qu’il soit guerrier, sanitaire[9] ou à cause des mines, dont de mercure, où les Indiens étaient, de fait, sacrifiés. Les Européens ne se font pas faute, à travers l’évangélisation, de castrer également leur liberté sexuelle, d’un bout à l’autre du continent américain.

Le bilan est confondant : « La chasse aux sorcières était aussi un instrument pour la construction d’un nouvel ordre patriarcal où le corps des femmes, leur travail, leurs pouvoirs sexuel et reproductif étaient mis sous la coupe de l’Etat et transformés en ressources économiques. »

Il n’en reste donc pas moins que Silvia Federici, malgré nos peu indulgentes réserves, fait œuvre utile et roborative. Il suffit, outre le texte lui-même, toujours fort nourri, généreusement illustré de gravures, de se plonger dans les notes, aussi savantes qu’abondantes, aussi précises que disertes, pour être convaincu du sérieux scientifique, quoiqu’affreusement partisan, de la démarche historique. Certes, il y a eu de forts réussies Histoires des femmes en Occident[10], mais faire le lien entre l’oppression des pauvres, celle des femmes et des sorcières reste une perspective originale. Sans compter la réhabilitation des figures de la sorcière, trop souvent méprisée, ostracisée. Mais pourquoi enchaîner marxisme et féminisme ? Alors que le capitalisme a fait plus pour les femmes que tous les régimes mortifères issus des perspectives tyranniques du cerveau de Karl Marx[11] ! L’imprimerie, les appareils ménagers, la contraception, ne sont-ils pas, après tout, des réussites universelles du capitalisme libéral au service de la liberté féminine, non seulement matérielle, corporelle, mais aussi intellectuelle ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au-delà des essais, le roman peut permettre d’entrer dans l’esprit de nos malheureuses héroïnes, grâce à l’écriture à la fois historique et contemporaine d’un Venko Andonovski : Sorcière ‽ Venu d’une contrée littéraire peu explorée, la Macédoine, voici un objet d’art bifide. Ses deux langues sont celle d’un roman historique situé au XVIIème siècle et d’un récit contemporain. Sorcière  avec son point exclagorratif, signifiant certitude et doute des protagonistes, met en scène une interrogation existentielle sur le mal : « on veut vérifier si le diable est matériel et réel, venimeux et créé. »

Le Padre Benjamin parcourt la Croatie et Macédoine. Quoique émissaire du Pape, ami de savants et philosophes représentant la raison, comme Descartes et Galilée, il est confronté à l’obscurantisme d’un Grand Inquisiteur fanatique, dont la passion dogmatique traque les sorcières séduites par le Malin. Mais c’est une sexualité rentrée qui anime les procès ordonnateurs de sévices. Car « l’origine des films porno se trouve dans ces témoignages de l’Inquisition sur le sexe de groupe et les orgies ». De plus, « l’homme aux yeux de serpent » est l’incarnation de la violence absolue : « la vérité lui appartenait, car il avait entre les mains… le bûcher. »

À cet écho lointain du Nom de la rose d’Umberto Eco, répond une intrigue amoureuse : le Padre Benjamin est séduit par une intelligente rousse que son mari accuse de le rendre stérile et d’être une sorcière. Le prêtre bientôt défroqué écoute alors l’histoire de Jovana, qui fut l’esclave d’un bey islamique, puis d’un marchand, sans vouloir renier sa religion. Jusqu’où Benjamin devra-t-il manœuvrer pour sauver sa sorcière et écrire son livre sur les sciences diaboliques ?

Abruptement, le roman est périodiquement interrompu. Par des considérations en italiques, passablement oiseuses de l’auteur impécunieux, dont l’éditeur demande des histoires policières vendables. Le procédé narratif - plus exactement la métalepse - parait une affèterie postmoderne gratuite, bientôt plus fine : « Il est toujours temps de mourir d’une narration classique, ampoulée, stylisée ! » Jusqu’à ce que l’on perçoive, après des dizaines de pages, que les deux arguments, historique et contemporain, se répondent par un lien ténu : deux femmes rousses, à quatre siècles de distance, fascinent le personnage et son narrateur : « les amants se retrouvent après des siècles, après que la mort les a séparés […] dès leur renaissance, ils se cherchent mais dans d’autres corps. » Ainsi, de celle qui ensorcelle d’amour Padre Benjamin à l’étudiante en médecine, un écho subtil se noue, inscrivant l’ouvrage dans une esthétique digne du réalisme magique. « En fait, ce n’est qu’une recette pour écrire un roman ». Qui, enfin, se retourne sur lui-même pour être offert et dédicacé à « la rouquine ». Ce pourquoi Milan Kundera est un préfacier enthousiaste, quoique trop peu disert.

Sans nuire à la fluidité romanesque, la richesse intellectuelle et métaphorique imbibe la langue, les pages. De la « fille-lettrine » à Jovana « la rousse, belle comme une lettrine », en passant par le séminariste et futur « doctor angelicus », grâce à sa connaissance du doute, tout s’inscrit « dans l’objet le plus secret de la magie diabolique qui du mensonge fait la vérité : le livre. » Là où bientôt l’Inquisiteur est démasqué : il est le Diable ! Dans une langue aisée, les débats théologiques éclairent les problématiques du roman, à l’instar de l’apologue nietzschéen, lorsque le Padre Benjamin dévoile l’illusion du théâtre d’ombres. L’œuvre polyphonique, à la lisière du conte, de la chronique et de l’essai encyclopédique, dénonçant ce grand massacre des femmes prétendues sorcières, oppose la terreur documentée des tortures et l’érotisme brûlant du poème en prose.

Il faut explorer ces marges de l’Europe, où des auteurs surgissent à nos yeux soudain dessillés, aussitôt ébahis. Venko Andonovski, né en 1964, qui enseigne les littératures d’Europe centrale et la théorie narrative à l’université de Skopje, est chamarré d’une bibliographie impressionnante : Sorcière ‽ cet étonnant roman philosophique, en est à sa huitième édition en Macédoine, Le Nombril du monde à sa douzième, ses volumes de nouvelles à la sixième, son théâtre et ses essais jouent dans la cour de l’abondance. Hélas, seule sa pièce Cunégonde en Carlalande[12], imaginaire pays où la promise de Candide découvre la folie de l’Occident, est traduite en français. Il tient de surcroit dans un quotidien une chronique  hebdomadaire: « Le dictionnaire des passions humaines ». Un univers à soi seul et à découvrir, parmi lequel ce dont nous ne lisons que le titre, L’Alphabet des désobéissants, semble ainsi particulièrement fascinant…

 

L’on estime à environ soixante mille exécutions capitales, entre 1430 et 1630, le passif de la persécution de celles qui furent trop libres. S’il est justice de réhabiliter la mémoire de ces milliers de victimes de la tyrannie religieuse et mâle, gardons-nous cependant d’idéaliser les sorcières. Ce serait délire d’imaginer qu’elles étaient toutes d’innocentes prunelles des yeux de la liberté sexuelle. Il y avait probablement parmi elles, comme parmi leurs délatrices, de nombreuses mégères et furies criminelles, comme il en existe bien des équivalents masculins. Plutôt que les violences du pouvoir mâle, quoiqu’il faudrait prendre garde qu’un pouvoir féministe n’ait pas de telles velléités, prônons la tolérance et la paix des libertés. Et plutôt que la réhabilitation de l’irrationnel au travers de l’éloge des sorcières, ne perdons pas de vue la raison scientifique et des Lumières…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Andonovski a été publiée dans Le Matricule des Anges, juin 2015


[3] Institoris & Sprenger : Malleus maleficarum, 1486.

[10] Histoire des femmes en Occident, direction Georges Duby et Michelle Perrot, Perrin, 1992.

[12] Venko Andonovski : Cunégonde en Carlalande, même traductrice, L’Espace d’un instant, 2013.

 

Museo de la Catedral de Leon. Photo : T. Guinhut.

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1 mars 2021 1 01 /03 /mars /2021 14:35

 

Aornach / Acereto, Südtirol / Trentino Alto-Addige.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Ecofictions, écotopies

& littératures environnementales :

Klaus Modick, Edward Abbey,

Christian Chelebourg, Pierre Schoentjes,

Ernest Callenbach.

 

 

Klaus Modick : Mousse,

traduit de l’allemand par Marie Hermann, Rue de l’échiquier, 192 p, 17 €.

 

Edward Abbey : Le Gang de la clef à molette,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Mailhos, Gallmeister, 2019, 50 p, 25 €.

 

Christian Chelebourg : Les Ecofictions. Mythologies de la fin du monde,

Les Impressions nouvelles, 2012, 256 p, 19,50 €.

 

Pierre Schoentjes : Littérature et écologie. Le Mur des abeilles,

José Corti, 2020, 464 p, 26 €.

 

Ernest Callenbach : Ecotopia,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent,

Folio, 2020, 336 p, 9,20 €.

 

 

Inquiétude fondée ou exagérée, préoccupation scientifique ou mode intellectuelle et médiatique, la grande peur de l’impasse civilisationnelle face à la sénescence écologique ne peut qu’agiter la plume et le clavier des écrivains. Leurs personnages sont rongés de « mousse » chez Klaus Modick, ou balayés par les désastres écologiques et sociétaux, contre lesquels lutte « le gang de la clef à molette » d’Edward Abbey. C’est dans toutes les dimensions de la science-fiction et du catastrophisme que se dresse l’impressionnante fresque des écofictions brossée par Christian Chelebourg, alors que les rejoignent les auteurs français agitant les agressions contre le règne de la nature, tels que les présente Pierre Schoentjes en son essai sur les romans environnementaux. À moins qu’ils préfèrent, tel le doux rêveur peut-être rationnel Ernest Callenbach, imaginer une utopique « Ecotopia », qui serait une sauvegarde de la planète bleue et de l’humanité. Au risque de la tyrannie ou d’une douce évolution ?

 

Supposons que le vert soit la couleur préférée de Klaus Modick, du moins les verts nombreux des mousses, dont il a fait le titre d’un étrange roman. Ou plus exactement d’un ersatz romanesque à mi-chemin du récit et de la prose poétique.

 L’objet de sa passion a-t-il tué le Professeur Lukas Ohlburg ? Célèbre botaniste, il s’est retiré près des forêts. Aussi le retrouve-t-on dans un état de « moussification » avancé. La preuve : « des mousses étaient apparues sur son visage ».

Après cet étrange préambule, le récit intitulé Mousse nous conduit parmi les pages du manuscrit laissé par le défunt. Plus qu’une « critique de la terminologie et de la nomenclature botaniques », il s’agit d’une autobiographie, marquée par une enfance à l’époque  nazie, lors même que ses camarades scientifiques ont « prêché la nation, le sang, le sol ». Sa famille choisit de fuir à Londres avec lui, avant qu’il puisse revenir en Allemgne.

En cette belle vision du corps et de la mémoire, sur « les relations entre les mots et le réel », l’on croise son maniaque de père qui détestait la croissance de la nature sauvage, croqué de manière acerbe par un narrateur qui n’écrit plus qu’à l’encre verte. Le solitaire reçoit la visite de son frère et des enfants, face à l’épicéa de Noël, dont les légendes lui deviennent plus parlantes que l’examen scientifique. Devant les convictions du parti politique « Les Verts », il reste dubitatif, et guère végétarien. Enfin les paysages prennent une valeur essentielle, au travers des descriptions minutieuses et sensibles de « toute une vie vécue avec un regard botanique ».

Paradoxalement, sa science l’a éloigné de la nature. Aussi, étudiant les mousses, dont il est « amoureux », et qui savent fixer des polluants, y compris radioactifs, il parvient à une sorte d’osmose. Le réalisme cède la place à un discret fantastique quand sa barbe se change en mousse, métaphore du verdissement écologique du bonhomme.

Il ne s’agit en rien d’un roman policier à la recherche d'un éventuel meurtrier, mais bien d’une méditation relavant de ce genre assez récent que l’on appelle écofiction. Klaus Modick, né en 1951, veut-il nous signifier que dotée d’une force maligne ou salubre, la nature prend sa revanche sur l’homme et reprend ses droits bafoués ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pire que cette mousse invasive, ce sont les poubellifications de la planète d’origine humaines trop humaines qui nous prennent à la gorge. Avec Edward Abbey, dont Le Gang de la clef à molette parut en 1975, une poignée de lurons déjantés traversent un roman loufoque, d’ailleurs illustré avec un trait plein d’humour par le satirique Robert Crumb. Ses héros sont directs, bêtes et méchants, quatre zigotos dépités et révoltés par l’industrialisation et l’enlaidissement des déserts du Grand Ouest américain. Ils se lancent dans une croisade écologiste qui ne dédaigne pas un brin de terrorisme. Leur outil privilégié, outre quelques bâtons de dynamite, est leur sacro-sainte « clef à molette » pour dézinguer des voies ferrées et un pont, « qui se fractura en zigzag ». Ce qui n’est qu’un prologue à d’autres exactions. Selon eux, il faut détruire tout ce qui atteinte gravement à l’environnement. L’on devine que les forces de police mais aussi les férus de morale vont traquer ces entêtés partis plein pot « sur une trajectoire de collision certaine avec les ennuis ».

Le road movie est haletant et burlesque, ponctué de sueur et de bières en veux-tu en voilà, bourré d’action, de suspense et de dialogues guère raffinés, car il s’agit pour nos compères de « quitter ce putain de foutu pays indien hypercivilisé et surdéveloppé et retrouver les canyons où les gens comme nous ont leur place ».  N’empêche que les hurluberlus d’Edward Abbey furent passablement pris au sérieux par une frange de l’écologie militante, plus ou moins pacifique, plus ou moins terroristes : salutaire ou dangereuse, voire tyrannique ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous alertant, jouant sur nos peurs, la science-fiction se fait alors Ecofictions, pour reprendre le titre de Christian Chelebourg. Faute d’exalter le progrès, les deux cents romans, films, bandes dessinées, essais et autres publicités, sélectionnés dans cette ambitieuse étude, dressent un réquisitoire sans appel contre les sociétés industrielles. Coupables, forcément coupables, elles ne sont guère vues pour ce qu’elles sont : un formidable progrès en termes d’espérance de vie, de sécurité et de loisir, même si elles ne sont pas indemnes de critiques et méritent d’être amendées. Mais pour le poids des catastrophes écologiques, réelles ou fantasmées, qui s’abattent en avalanches sur l’humanité. Pollutions plus crasseuses les unes que les autres, réchauffement climatique anthropique imparable - cette probable fiction de scientifiques discutables et de politiques en mal de prophétie, de reconnaissance et de pouvoir[1] -, catastrophes naturelles, épidémies anciennes et nouvelles, manipulations génétiques aux conséquences effarantes, tout y passe. Paul Ziller, dans son film Stonehenge Apocalypse, sorti en 2010, imagine que les mégalithes, en résonnance avec les pyramides d’Egypte, se mettent en branle pour déclencher séismes et éruptions inouïs. Al Gore, « super héros » d’une « nouvelle religion » inspire David Guggenheim qui lance le film annonciateur d’avalanches climatiques brûlantes : Une Vérité qui dérange, sorti en 2006. « L’écologie doit se faire contre les hommes », martèle Jean-Christophe Ruffin dans Le Parfum d’Adam[2]. Car parmi les pages de La Théorie Gaïa, Maxime Chattam[3] dénonce « l’Homo Entropius qui va nous détruire très rapidement ». Dans le film Matrix des frères Wachowski sorti en 1999, l’agent Smith s’adresse à Morpheus : « Les êtres humains sont une maladie. Le cancer de cette planète ». Qui sait si les écologistes délirants ne sont pas pires que ce qu’ils dénoncent…

S’il est difficile de croire en toute vérité à ces fictions littéraires et cinématographiques, il est plus que divertissant, inquiétant et fascinant de se plonger dans les mondes emboités en cet essai, mené de main encyclopédique par Christian Chelebourg. « Surenchère et grand spectacle », « fléau », « souillure » et « démiurgie », OGM et CO2, prophètes et savants, « virus producteur de zombis », « population zéro » fondent les classifications de l’essayiste qui offre un miroir hallucinant à l’imagination née de l’apocalyptique effroi du lendemain pour une Gaïa changée en poubelle toxique…

 

Christian Chelebourg ayant surtout consulté les auteurs et les imaginaires anglo-saxons, il ne faudrait pas en inférer qu’un tel mouvement de fond ne touche pas les auteurs hexagonaux, pourtant peu habitués au « Nature Writing » américain. Pierre Schoentjes, dans Littérature et écologie, sous-titré Le Mur des abeilles, déploie un impressionnant catalogue ordonné de la littérature française la plus extrêmement contemporaine attachée aux heurs et malheurs de l’environnement. Ecopoétique et littérature environnementale ont leurs « figures tutélaires », en les personnes de Jean Giono, Maurice Genevoix, Claude Simon, Jean-Loup Trassard ou Pierre Gascar, mais aussi des plumes moins connues, Maria Borrély ou Charles Exbrayat. Le retour à la nature est illustré par un titre emblématique : Savoir revivre de Jacques Massacrier[4], autour du concept d’autarcie. Aujourd’hui abonde une « littérature verte », dans laquelle la fiction enrôle des militants radicaux et violents, comme Paul Watson mis en scène par Alice Ferney pour célébrer la beauté des océans et de leurs baleines dans Le Règne des vivants[5]. Franck Bouysse, Maylis de Kerangal sont le signal d’une littérature de l’anthropocène, mais aussi les voyageurs Jean Rolin et Sylvain Tesson. Et, plus secrets, Gisèle Bienne ou Claude Huizinger invitent à une lecture sous les pins. Cet essai organise son analyse en trois axes : « l’écologie militante », la « littérature verte » et celle « marron » qui s’intéresse aux graves atteintes à l’encontre de l’environnement et de la biodiversité. Jusqu’au « roman végan », celui de Camille Brunel : La Guérilla des animaux[6]. Où l’on hésite entre juste sensibilisation et littérature à thèse au risque de la lourdeur, sans compter les aigreurs d’estomac. Ainsi cette littérature environnementale permet-elle de « retrouver une fonction que le roman avait abandonnée : relayer des données factuelles, mais en suggérant des pistes afin de permettre ces connaissances en rapport avec un ensemble d’autres savoirs… et de sensibilités ». Balzac avait écrit une vaste Comédie humaine, ce buisson d’auteurs ambitionnerait rien moins qu’une comédie naturelle.

Le roman environnemental sauvera-t-il le monde ? Le « fragile rempart » du « Mur des abeilles », selon le sous-titre, est à la fois un avertisseur des pollutions et des violences intolérables à l’encontre de la nature et de l’homme, mais aussi la métaphore d’une bibliothèque aux rayons à remplir de miel sensé. Documentée avec précision, agrémentée de citations à plaisir, que l’on partage ou non ou avec précaution ces problématiques, l’étude, colossale et « pas pour autant militante », de Pierre Schoentjes est une invitation à la conscience verte aussi bien qu’à la lecture sensible et pensante. Comme en la belle collection « Biophilia[7] » qui, chez José Corti, rassemble des essais, des récits scientifiques et de voyages d’auteurs scandinaves et américains autour de cette terre dont il faut prendre soin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Que faire, qu’imaginer ? D’abord publié aux éditions Rue de l’échiquier, comme son camarade moussu, Ecotopia d’Ernest Callenbach (1929-2012), est repris en Folio, avec un graphisme de couverture aussi expressif que manichéen entre de verts rivages et de noirs parages de la mort forestière. Voici une utopie écologiste qui rêve de ne pas être une dystopie, ce qui est de l’ordre de l’oxymore. Quoique son auteur préfère parler de « semi-utopie », ce qui est plus modeste.

Scindés par une « plaie fratricide », les Etats Unis se sont vus privés des trois Etats de l’Ouest : Californie, Oregon, Washington, ce qui aggrava la grive économique sur la côte ouest. En une anticipation publiée en 1975, Ernest Callenbach projette son héros, l’envoyé spécial William Weston, vingt ans plus tard, alors que pour la première fois la frontière s’entrouvre. L’on ne sait rien, hors rumeurs et mensonges, d’Ecotopia.

Une fois la frontière passée, les trains à « propulsion magnétique » et les « vidéophones » côtoient les arcs et les flèches des chasseurs, les rues sont arborées et jardinées, les bus et les vélos gratuits. Les « mini-villes », sont ravitaillées par des réseaux souterrains de tapis roulants.

Quant aux habitants, ils sont « accord naturel avec leur être biologique », « l’égalité absolue entre les sexes » règne, la famille nucléaire a disparu et l’on élève les enfants en commun. Ils pratiquent mille activités dans la nature, au point de devoir un « service forestier ». Une aventure érotique avec Marissa la forestière, fort directe, comme le sont les Ecotopiennes, pimente un brin le récit, cela prétend-on d’abord sans le moindre « psychodrame », ce qui témoigne d’une appréciable évolution des mœurs, quoique la perspective du départ de William entraîne un « affreux déchirement ». Ce qui permet une comparaison avec Francine, restée à New York. En revanche, faute de compétitions sportives, l’on pratique des « jeux de guerre […] lors desquels des centaines de jeunes trouvent la mort chaque année ». Ce rituel sert à canaliser l’agressivité. Et lorsque notre narrateur inexpérimenté se voit participer à un tel combat, il s’étonne de son enthousiasme, et se retrouve vigoureusement blessé par une lance…

Les minibus sont électriques, mais les voitures particulières ont été interdites, comme l’ont été les « produits précuits et conditionnés ». L’on s’est débarrassé de la pollution et les plastiques sont biodégradables. Mais d’où vient l’électricité, sinon de quelques barrages, des centrales d’énergie solaire, éolienne, géothermique et liées aux marées, alors que semblent résolus les problèmes d’intermittence et de stockage. Malgré l’élimination de nombre de technologies pour cause de « toxicité écologique », la vidéo est omniprésente, ce qui témoigne, en 1975, d’une certaine prescience. La semaine de vingt heures est de règle : pas de surproduction, mais un équilibre avec les autres créatures terrestres, telle est la loi. Mais la sécession économique entraîna nationalisations et spoliations, période chaotique, dont on parait minimiser les méfaits pour le bien-être d’un temps présent qui tient ses promesses, en pratiquant l’autogestion et le « revenu minimum garanti ». Dorénavant la décroissance démographique accompagne celle économique, quoique l’éducation et la recherche ne soient point négligées. Toute religion semble avoir disparu, hors celle de la terre et des arbres, quoique sans culte particulier.

Ce qui n’empêche pas qu’il y ait des médias divers et concurrents, une opposition politique sporadique, estimant que l’on « étouffe l’esprit d’entreprise » et souhaitant des échanges avec le reste des Etats-Unis. Mais aussi un « service de contre-espionnage » intrusif.

Faut-il y voir, comme le soupçonneux narrateur, « un labyrinthe bureaucratique où rôderait un gros rat totalitaire » ?  Les vastes appartements sont destinés à « favoriser le mode de vie communautaire », la solitude y est plutôt mal vue et quelques-uns dénoncent des « tests de grégarité ». L’on découvre un « magasin d’Etat », alors que s’appliquent « des lois pour punir le délit de propriété abusive et confisquer les héritages ». Ce qui est l’occasion de fréquents retours en arrière pour expliciter le déroulement de la « révolution écotopienne » et sa « guerre des hélicoptères » qui se solda par un échec retentissant et cependant soigneusement tu par les Etats-Unis humiliés ; ce qui reste de l’ordre de la fiction de bande dessinée.

L’auteur de ce qui aurait pu être une utopie trop idéaliste a pris soin de laisser poindre en Ecotopia un nombre certains d’inconvénients, parfois gravissimes. Ernst Callenbach n’est pas en ce sens un naïf sur la réalité de la nature humaine ; à moins qu’en tant qu’écocommuniste et anticapitaliste, il les approuve ! De plus Ecotopia menace de voir diverses sécessions se faire jour, de par les Hispaniques par exemple, et c’est déjà le cas pour les Noirs. Aussi le romancier ménage-t-il à la marge une réelle critique de l’univers écotopien et de ses limites, au travers de son narrateur et reporter. Nous laisserons le lecteur découvrir comment ce dernier se tire de son enlèvement par un groupe d’écotopiens et s’il choisira ou nom de rester et de se convertir en Ecotopia…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Construit sous la forme d’un journal de voyage, comme un cahier d’observations à destinations des journaux, mais aussi comme une théorie politique et économique, totalement encyclopédique, le récit est entraînant, grâce aux rencontres avec divers écotopiens. Nous voici non loin de ces fictions étranges où l’explorateur passe la frontière d’Herland[8] ou d’Erewhon[9], ces romans de Charlotte Perkins Gilman, en 1915, et de Samuel Butler, en 1872. Ce en quoi Ernest Callenbach, parmi les pages de ce qui est bien plus un traité science-fictionnel qu’un roman, car passablement dépourvu de péripéties, se place dans une longue tradition du voyage en utopie.

Nous trouvons là le défaut typique du roman engagé à thèse, sa soumission à une idéologie, qui pourtant en 1975 était loin d’être planétaire. Ernst Callenbach n’est qu’en partie un prophète de la décroissance, alors qu’aujourd’hui cette idéologie a de plus en plus d’affidés, parfois bien en cour. Il est cependant l’héritier des nostalgiques de la nature originelle, d’un éden pastoral, rural et artisanal idéalisé, tout en accordant aux découvertes scientifiques la place qui lui revient pour une humanité prospère. L’on sait en effet que ce sont les progrès de la science, portés par l’imagination et la créativité humaine, qui viennent et viendront à bout de la pollution, de la dégradation des espaces naturels et même d’un épuisement des ressources, d’ailleurs largement exagéré.

En imaginant que l’écologisme punitif et son compère le socialisme fiscaliste ne nous mangent pas, peut-être parviendrons-nous paisiblement à quelque chose qui ressemble au monde d’Ecotopia. Avec la liberté en plus…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[2] Jean-Christophe Ruffin : Le Parfum d’Adam, Flammarion, 2007.

[3] Maxime Chattam : La Théorie Gaïa, Albin Michel, 2008.

[4] Jacques Massacrier : Savoir revivre, Albin Michel, 1973.

[5] Alice Ferney : Le Règne des vivants, Actes Sud, 2016.

[6] Camille Brunel : La Guérilla des animaux, Alma, 2018.

[9] Samuel Butler : Erewhon, Gallimard, 1981.

 

Aornach / Acereto, Südtirol / Trentino Alto-Addige.

Photo : T. Guinhut.

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24 février 2021 3 24 /02 /février /2021 16:05

 

Claustro de la Catedral de Ciudad Rodrigo, Salamanca, Castilla y León.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Richard Zimler ou la transcendance,

entre holocauste et résurrection :

Les Anagrammes de Varsovie, Lazare.

 

 

Richard Zimler : Les Anagrammes de Varsovie,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sophie Bastide-Foltz,

Buchet Chastel, 2013, 348 p, 22 €.

 

Richard Zimler : Lazare,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sophie Bastide-Foltz,

Le Cherche midi, 2021, 456 p, 22 €.

 

 

 

Que fait, du haut de son ciel, Dieu ? Aurait-il omis de ressusciter les victimes de l’holocauste et du ghetto de Varsovie ? Pourtant, en la personne de son fils, il prétendit ressusciter Lazare. Ce sont là de fortes interrogations métaphysiques, tant associées au Judaïsme qu’au Christianisme, dont s’empare avec une poigne puissante le romancier américain Richard Zimler. Dont Les Anagrammes de Varsovie et Lazare sont de tragiques et néanmoins  roboratifs romans historiques. Mais pour quelle transcendance ?

Encore un roman sur l’holocauste ! Faut-il céder à la fatigue honteuse et l’ignorer, ou le respecter a priori, au moyen d’une politiquement correcte admiration insincère ? Pourtant, passées ces pitoyables irrésolutions, l’étonnement saisit le lecteur dès le prologue, réalisant que le narrateur est un défunt, qu’il rend visite aux siens pour restituer plus que l’Histoire des dates et des chiffres : « Le moins que nous puissions faire pour nos mort est de rendre à chacun sa singularité. »

Ainsi, Richard Zimler fuit avant tout l’univers statistique de la trop célèbre solution finale pour aller à la recherche de l’identité profonde de quelques disparus. « Sachant que les Juifs du ghetto utilisaient des anagrammes », il s’attache à les décoder, autant pour mener l’investigation de son personnage que pour décrypter les sens de leurs vies et de leur génocide.

Le ghetto de Varsovie est en 1940 une « île de grottes et de labyrinthes urbains »,  parmi laquelle l’oncle Erik veille sur son jeune neveu Adam, déjà bien au fait de la contrebande auprès des quartiers chrétiens. Jusqu’à ce qu’il soit retrouvé sur les barbelés, un membre en moins. Comme Anna, un peu plus tôt, comme d’autres garçons, dont on s’apercevra qu’à chaque fois une partie du corps manque, là où une marque de naissance attirait l’œil ; et à destination des collections de Buchenwald…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les péripéties s’enchainent avec un art du tragique consommé : famine et marché noir, maladies, amours interdites, grossesses et suicides, crimes juifs et exactions nazies, augmentés par le suspense haletant d’une sortie d’Erik par de souterrains passages, sous l’apparence d’un dignitaire allemand, qui se termine par les coups de pelle providentiels d’une Polonaise sur l’officier qui arrêtait notre héros… Hélas, le sursis est de courte durée. Une fois l’enquête résolue par le vieux psychiatre freudien, tout « sentiment de transcendance disparu », il faudra fuir, se cacher, et mourir dans un camp.

Ainsi, les souffrances juives, les comportements héroïques et les traîtres exactions ne sont plus des abstractions, dans Varsovie relevée de ses ruines par la fiction, où « l’assassin avait voulu amputer le monde de toute sainteté ». L’écriture, hérissée de détails justes (l’on devine un travail de documentation soigneux), est colorée, expressive, profondément capable de délivrer au lecteur une réelle empathie avec les personnages. Entre reconstitution historique et réalisme exacerbé, mais aussi, à l’aide de son fantomatique narrateur, à la lisière du roman fantastique, le lecteur, en état d’apesanteur romanesque, se surprend à se demander un moment s’il n’est pas lui-même réincarné parmi cette faille immonde de l’Histoire. Dans une « langue qui a ses propres nuances de culpabilité et de remords », Richard Zimler retrace bien plus que l’odyssée de quelques individus traqués, celle du peuple du Livre, dans un « combat pour empêcher nos ombres de disparaitre », et « luttant pour que personne ne puisse écrire le mot Fin d’une autobiographie de quatre mille ans ».

Il fallait oser : coudre en ce tableau du ghetto sous la tyrannie nazie l’intrigue d’une enquête policière hallucinante. Quoiqu’un fil dans la bouche d’un jeune mort soit un indice non négligeable, l’on pourra peut-être s’indigner que la ficelle policière et romanesque soit un peu abusive en cette mémoire des pires heures de Varsovie. Malgré ce que d’aucun verront à tort comme la facilité du thriller historique, le récit, tissé avec une rigueur visionnaire, est éprouvant ; non sans une dimension morale impressionnante. En effet, il permet qu’une grave leçon soit tirée : être parmi les bafoués du ghetto juif destinés à la Shoah ne protège pas du mal, banalement quotidien selon Hannah Arendt ou absolu et radical selon Kant[1], y compris de la collaboration avec les monstres du nazisme.

 

Bible in folio, Michel Estienne, 1580. Photo : T. Guinhut.

 

Quoique moins immédiatement célèbre que celle du Christ, la résurrection de Lazare est brièvement contée, mais non sans souffle divin, dans l’Evangile de Jean[2]. Aussi faut-il être doué d’une rare puissance narrative pour en faire un roman historique lourd de plus de quatre cents feuillets.

Que l’on prenne garde si les premières pages paraissent un rien confuses et sibyllines. L’on comprend assez vite que cette nécessaire confusion est celle de Lazare, le narrateur, lorsqu’il s’éveille des deux jours de sa mort ; « le temps que tu t’appropries ton enveloppe charnelle », lui dit son ami, que d’autres admettrons être le fils incarné de Dieu et Dieu lui-même à la fois. De même que Jésus, soit Yeshua, il a son nom juif : Eliezer. Or une vaste population se déploie autour des protagonistes. Elle est pleine d’attentions, de rivalités, et nantis de maints détails vivants, de la fille de Lazare, Nahara, jusqu’au chat, Gephen, dont s’amuse Jésus, en passant par la mère de ce dernier, Maryam. Le personnage éponyme parle araméen et grec, travaille comme poseur de mosaïques pour le riche et prétentieux Lucius, et subit l’hostilité des prêtres du Temple, jaloux du pouvoir de Jésus.

Pourquoi Lazare a-t-il été ainsi choisi parmi les morts ? Alors que Jésus n’a pas ressuscité un bébé qui lui fut présenté. Alors que Lazare ne garde aucun souvenir de l’au-delà, ce qui ne laisse pas de l’inquiéter et d’introduire le doute en son esprit quant à une éventuelle dimension eschatologique. Probablement est-ce grâce à son amitié avec Jésus, qu’à l’âge de huit ans il a sauvé de la noyade. Ce qui l’entraîne dans un vaste retour en arrière, revisitant son enfance, sa vie à Béthanie, à Jérusalem, avant que le récit se mette à parcourir au pas de charge les deniers jours, ceux de la Passion, de la Crucifixion, mais aussi les temps qui suivirent l’Ascension, c’est-à-dire ceux où le Christianisme se propage.

En une fresque vigoureusement sculptée, toute une époque troublée se lève autour de Lazare, dans un monde truffé de conflits, lourd de superstitions, celui du choc des civilisations entre la colonisation romaine sous Pilate et l’univers hébraïque. L’on y découvre un bordel à Jérusalem, où Lazare apprécie « une jeune nubienne », ou encore le mépris, les rivalités et rancœurs familiales, entre Lazare et ses sœurs, l’une vindicative, Marta, l’autre plus tendre, Mia : qui sait si l’une ne le trahira pas... Les personnages hauts en couleur abondent, tel Lucius, un homme aux multiples surprenantes facettes, un ancien acteur rompu aux imitations et aux faux semblants, qui est le commanditaire de la symbolique mosaïque à laquelle œuvre Lazare... Sans oublier les insultes et les coups portés par les Romains aux Juifs, les assassinats et les crucifixions. La popularité de Jésus lui permet d’entraîner disciples et foule autour de Jérusalem, de libérer deux colombes comme une promesse, puis de chasser les marchands du Temple, ce qui ne cesse d’attiser la haine d’Annas, grand Prêtre juif orgueilleux, craignant tant d’être effacé par le Messie.

Une fois ce dernier arrêté, ne reste à Lazare qu’un vain espoir : convaincre l’astrologue de Pilate, nommé Augustius Sallustius, de plaider la cause de son ami. Ce qui  vaut au lecteur une scène d’anthologie, dans un palais somptueux, face à un personnage hallucinant, comme si l’écrivain avait été inspiré par les pouvoirs de Flaubert, dans Salammbô, alors que notre héros, nanti de sa chouette aux ailes brisées, joue le rôle d’un devin qu’aurait inspiré Minerve pour sauver « le fils de Picus ». Nous le savons, rien n’empêchera l’atroce crucifixion, ici traitée sur le mode hyperréaliste…

 

Cependant, s’il est loin d’être certain que ce Jésus soit réellement le fils de Dieu, il est l’homme providentiel pour le malheureux Lazare, qui n’a « jamais eu le moindre contrôle sur la marche du monde », ni sur lui-même tant il poursuit avec une obsession folle, voire suicidaire, son désir de sauver celui que d’autres appelleront le Sauveur. Ne le reniant jamais, comme put le faire l’apôtre Pierre, il reste l’incarnation la plus parfaite de l’amitié, malgré la tragédie sanglante qui le poursuit. Les apôtres d’ailleurs sont bien en retrait, à peine évoqués, la Cène inexistante…

En ce sens le romancier ne donne en rien dans l’hagiographie, préférant à raison un tableau contrasté, non manichéen, entrainant son lecteur dans une encyclopédique chronique, pleine de péripéties, de sagesse juive et grecque, cependant animée par un suspense qui devient haletant quant à la destinée de l’homme Jésus ; même si nous connaissons l’inévitable fin. Il reste alors de nombreuses années à vivre pour Lazare, qui devra s’exiler non sans peines et privations avec ses enfants dans l’île de Rhodes pour y trouver la sérénité, alors que nous sommes « soixante-sept ans après que Rome a conquis Sion », sous le règne de l’empereur Auguste. Hélas, l’enseignement de Jésus est récupéré par les uns et les autres, trahi par « des sectes nouvelles », certaines pensant « que le corps de la femme était le réceptacle du mal » ; chacun le réduisant « à la dimension et à la forme de ses propres désirs », par exemple un messie « venu à nous pour frapper nos ennemis avec le glaive »…

Ainsi, plus qu’une autobiographie fictive, le roman devient une réflexion sur les destinées des prophètes et des religions, finalement plus humaines que divines, menées par des hommes « prêts à taxer d’hérétiques tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux ». Aussi bien devine-t-on qu’un tel Jésus, qui ne ressuscite pas, qu’une telle Marie qui n’a rien d’une vierge, ne plairont guère aux catholiques dogmatiques. N’en doutons pas, il y a peu de siècles, ce roman eût été qualifié d’hérétique, et placé parmi les pages de l’Index des livres prohibés.

L’on devine qu’il a fallu l’alliance d’une solide documentation historique, d’une sérieuse connaissance de la Torah et d’une grande qualité d’imagination pour mener à bien ce projet original, où, bien plus que la présence divine, les qualités et horreurs humaines sont au rendez-vous, où Jésus est ramené à sa seule dimension de prophète Juif. Richard Zimler, qui a probablement « invoqué à haute voix le nom d’un ange : Jaholel, le scribe du ciel », sait donner une nouvelle vigueur à des épisodes connus, comme celui de la femme adultère, en le restituant dans leur violence. Il faut alors accepter cette association d’un réalisme historique et d’un récit à la dimension mystique, bien qu’il s’agisse de fiction, au sens romanesque d’abord, et au sens du sceptique ensuite.

Quoique plus inspiré par l’univers de l’Histoire des Juifs de Flavius Joseph que par les auteurs latins, ce roman n’est pas sans faire penser aux Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, même si le premier se joue dans un contexte monothéiste alors que la romancière préféra le polythéisme sensuel romain.

Ecrivain américain d’ascendance juive, né en 1956, qui vit au Portugal, Richard Zimler a commis également un roman au titre intrigant : Le Dernier Kabbaliste de Lisbonne[3]. Comme le narrateur rétrospectif du Nom de la rose, Bérékhia Zarco prend la décision de rédiger l'histoire de sa famille et celle de son oncle. Car ce dernier, prénommé Abraham, fut assassiné à Lisbonne, dans une salle de prière clandestine, aux côtés d’une jeune inconnue. Tous deux ont eu la gorge tranchée, selon le rituel ancestral du boucher fidèle à la tradition casher. Quel mystère a-t-il ainsi fallu trancher ? Ces meurtres seraient-ils l'œuvre de juifs mystiques ? Ils auraient subtilisé la précieuse Haggadah, ce livre saint qui était l’objet de tous les soins de son oncle Zarko. Sous le regard pointilleux de Zarko, l’enquête tente de remonter aux sources. Cependant, le temps est pour le moins troublé, puisqu’en 1506 la sécheresse grille les blés, la famine rôde, la peste flamboie et l’Inquisition fulmine. Les processions de pénitents, de flagellants et de religieux fanatiques entraînent à leur suite les Portugais en foule, qui vomissent désarroi et rage, faute de recueillir une eau salvatrice que le ciel leur refuse. Le tableau historique est impressionnant, le thriller pour le moins brûlant…

Si les noms de Dieu et de la création sont dans les lettres, il est fort à parier qu’il est la présence cachée, sinon la « présences réelle », au sens de George Steiner[4], des romans de Richard Zimler. Quel fut son dessein lorsqu’il ranima Lazare, sans ranimer Jésus, sauf pour les Chrétiens ? Quel fut son dessein lorsqu’il resta immobile et muet au-dessus du ghetto de Varsovie et d’Auschwitz ? La naissance de Dieu est infuse dans l’être pour la mort, à moins qu’elle soit infuse dans l’être pour la fiction.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[2] Jean, XI, 38.

[3] Richard Zimler : Le Dernier Kabbaliste de Lisbonne, Cherche midi, 2005.

 

Prières de Pâques juives. Photo : T. Guinhut.

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19 février 2021 5 19 /02 /février /2021 16:02

 

Palladio : Villa Rotonda, Vicenza. Photo : T. Guinhut.

 

 

Renaissance historique, humaniste,
& renaissances extra-européennes.

Joël Blanchard, Olivier Le Fur,

Jack Goody, Jean-Christophe Saladin.

 

 

Joël Blanchard : La Fin du Moyen âge, Perrin, 2020, 342 p, 24 €.

 

Olivier Le Fur : Une Autre histoire de la Renaissance, Perrin, 2018, 384 p, 22 €.

 

Jack Goody : Renaissances. Au singulier ou au pluriel ? Armand Colin, 2020, 416 p, 24,90 €.

 

Jean-Christophe Saladin : Les Aventuriers de la mémoire perdue,

Les Belles Lettres, 2020, 632 p, 29,50 €.

 

 

           

  La cause paraissait entendue : la Renaissance était essentiellement italienne, à partir du XV° siècle florentin et jusqu’aux villas de Palladio. L’invention de la perspective, de l’illusion du volume sur les fresques, les toiles, et surtout le réinvestissement de l’Antiquité en étaient les points nodaux. Cependant Erwin Panoksky, publiant en 1976  La Renaissance et ses avant-courriers dans l’Art d’Occident [1] montrait qu’elle n’avait pas surgi ex nihilo, mais qu’elle trouvait ses sources dans une longue continuité. Entre la fin du Moyen âge et cette Renaissance la démarcation n’est pas si claire, et pas si obscur le premier. Par ailleurs une vision idéalisée pouvait abuser le quidam : loin de n’être qu’une période éclairée, en particulier en France, il faut pour en prendre conscience lire Une Autre histoire de la Renaissance avec Didier Le Fur. Alors que les historiens remettent en cause les catégories tranchées, Jack Goody va jusqu’à postuler qu’il y aurait, au-delà de l’Occident et de par le monde, plusieurs renaissances. La notion d’humanisme reste cependant centrale pour mesurer le concept civilisationnel, tel que le déploie si bellement Jean-Christophe Saladin dans ses Aventuriers de la mémoire perdue.

 

Une Histoire venue du XIX° siècle, des pages de Joan Huizinga[2] et de Jules Michelet[3], partageait abruptement l’obscurité moyenâgeuse de la lumière renaissante. Certes entre la guerre de Cent Ans, les épidémies et autres famines, les XIV° et XV° siècles français ne furent guère paisibles, et pourtant la fin de la Guerre Folle des années 1480 voit, à l’époque des premiers Valois, l’Etat royal se stabiliser en France, prélude d’une Renaissance en gestation.

Dans La Fin du Moyen Âge, et au-delà du seul déroulé des événements historiques, Joël Blanchard s’efforce de mettre en valeur, dans un espace éprouvé par les malheurs du temps, les crises, économique, démographique, politique et diplomatique, « les forces intellectuelles et spirituelles », y compris la « refondation du christianisme et du droit romain ». En particulier, ce qu’il appelle les « manuscriptures », soit la multiplication des chroniqueurs et des poètes qui écrivent  en latin ou en français, au service des nobles, de la Cour et plus seulement de l’Eglise. Ainsi, du « fin’amor » courtois au Roman de la rose, toute une éthique chevaleresque et amoureuse se déploie, quoique marquée par une polémique qui reprochait à ce dernier l’usage de mots grossiers et, pour Christine de Pizan, la misogynie, alors qu’elle rêvait une idéale Cité des dames. Cependant un humanisme naissant infiltre la France, car « la grande ombre de Dante et la présence de Pétrarque planent sur les milieux intellectuels renaissants ». Ainsi l’historien réhabilite-t-il un Moyen Âge savant qui n’est pas en contradiction avec la Renaissance.

Quand le Moyen Âge se termine-t-il ? Si l’on date sa naissance en 473, lorsque le dernier Empereur romain dépose les armes aux pieds du barbare Odoacre, son millénaire s’achèverait en 1492. Lorsque coïncident la découverte des Amériques et la chute de Grenade reprise aux Maures par les Espagnols de la Reconquista. Que faire cependant de la désastreuse et significative chute de Constantinople et de l’empire romain d’Orient face aux Turcs en 1453, date probablement la plus pertinente ? Mais alors que le miracle florentin s’épanouit au XV° siècle, faut-il considérer que la naissance de l’imprimerie, avec Gutenberg et sa Bible à quarante-deux lignes, en 1454, est un événement fondateur de la Renaissance européenne ?

Justement, c’est entre 1450 et 1550 que Didier Le Fur situe pour la France cette nouvelle ère. Dans son Autre histoire de la Renaissance, il postule que, loin d’inventer un nouveau monde, les hommes du temps souhaitaient contribuer à voir advenir un âge d’or, celui perdu d’avant la chute, où régnait une harmonie qu’épargnaient guerre et tyrannie.

Le mot « Rinascita, en Italie, devint au XV° siècle le drapeau d’un mouvement littéraire et culturel, qui voulut rafraîchir les arts libéraux aux contact de l’Antiquité et accoucha d’une  floraison de génies. Or la France voulut, en particulier à la faveur de l’historiographie du XIX° siècle et de son sentiment national, valoriser son passé et en conséquence faire du règne de François I°, père des Arts et des Lettres, conquérant parfois infructueux de l’Italie et protecteur de Léonard de Vinci, le symbole brillant de la Renaissance. De plus, parallèlement à la Réforme protestante, qui se voulait également une renaissance, mais au sens religieux, les poètes de la Pléiade, Ronsard en tête, employèrent ce terme, ne serait-ce que pour dorer le blason de leur langue. Didier Le Fur ramène cette ambition - et « invention », selon Jacques Le Goff - française à des proportions plus modestes. Cette Renaissance n’était pas encore celle de la prise de conscience de l’individualisme et de la liberté qui marquèrent plus tard les Lumières. Notre historien s’intéresse néanmoins à une période « rythmée par les guerres » des rois de France, espérant faire un vaste empire du plus grand Etat chrétien.

Ce que l’on appelait « le nouveau monde », si lointain, restait fort « abstrait », malgré les récits d’Amerigo Vespucci et d’Hernan Cortes, les nouvelles cosmographies et la venue de sept Indiens à Rouen en 1508. Il faudra attendre Montaigne, vers 1580, pour s’intéresser d’un peu près aux « cannibales ». Et ce n’est qu’à partir de 1535 que les Français, avec Jacques Cartier, au Canada, participèrent à ces grandes découvertes.

Certes, « l’appel de l’Italie », par le biais de campagnes militaires plus ou moins couronnées de succès, vers Milan, Gênes ou Venise, puis ponctuées d’échecs aux dépits de François I et Henri II, permit aux Français de se frotter à la culture renaissante. Mais la menace des Turcs et autres Maures occupait les esprits et les armées, ne se résolvant cependant qu’en une « incapacité à mener la croisade » qui aurait pu être nécessaire. Reste que tous ces combats, ces impôts, ces souffrances paraissaient légitimés par l’espérance d’un âge d’or de la paix universelle, sans oublier son corollaire : un « empereur universel ».

S’appuyant sur des sources nombreuses et sûres, Didier Le Fur, déconstruisant, tempérant le mythe de la Renaissance française, fait œuvre fluide et riche de souverains, de conflits, pleine de bruits et de fureurs, quoiqu’elle néglige les arts ; son propos étant plus historique qu’esthétique.

 

Villa Rotonda, Vicenza. Photo : T. Guinhut.

 

Bien que parfois trop à la mode, le concept de sortie de l’eurocentrisme entraîne à de belles découvertes, à des pas de côté vers des cultures que l’on ne songe guère en l’occurrence à agréger à l’idée de Renaissance. C’est le cas en la démarche de Jack Goody qui interroge, de manière un rien mystérieuse, voire goguenarde : Renaissances. Au singulier ou au pluriel ? Historien et comparatiste des cultures, l’essayiste anglais présente une thèse passablement iconoclaste, selon laquelle ces retours au passé fondateurs de « bonds en avant », dans les domaines des arts et des sciences, ont existé aussi bien dans les mondes islamique et juif qu’en Chine et en Inde. Tout en effet ne nait pas en Europe.

Jack Goody explique la relative obscurité du Moyen Âge européen par le monothéisme qui entrave le pluralisme des recherches scientifiques et la reprise des arts antiques et profanes ; et par la modestie urbaine, retardant également le développement économique. Il ne faut cependant pas oublier que les pestes, le refroidissement climatique et les famines du VI° siècle dévastèrent les centres urbains : d’un million d’habitants, Rome vit sa population choir à 20 000[4] ! Aussi d’autres aires culturelles n’eurent pas ces handicaps. Souvenons pourtant que les monastères chrétiens, dits moyenâgeux, cultivaient Aristote, comme le rappelle Sylvain Gouguenheim[5].

Si au seuil de la Renaissance, la médecine progressa, particulièrement à Montpelier, elle eût le tort de négliger les connaissances en ce domaine parmi les terres d’Islam où régna Bagdad. L’époque d’Harun al-Rachid, contemporain de Charlemagne, fut brillante. Il fit appel à des Byzantins, des Chrétiens, des Juifs, même des Bouddhistes pour insuffler sciences, architecture, philosophie (grecque en particulier, avec Aristote), et talents d’administration. De plus, « le règne d’al-Mansur se caractérisa par une ouverture croissante au cosmopolitisme perse », et c’est alors qu’al-Muqaffa traduisit des œuvres sanscrites sur la logique et les fables de Kalila et Dimna[6]. Hélas cette splendeur n’eut qu’un temps, à la suite du recentrement sur la rigueur coranique.

Le Judaïsme ne fut pas en reste ; il connut son « émancipation et efflorescence ». Car les Juifs, même opprimés, contribuèrent au bouillonnement intellectuel en Andalousie et d’autres régions de l’Islam, mais aussi au renouveau de la médecine à Montpellier. Un philosophe, comme Saadia Gaon, au X° siècle, développa « un système rationaliste religieux où étaient impliqués foi et raison ». Cependant ni Islam (sauf à la marge perse et moghole) ni Judaïsme ne développèrent de renaissance picturale, étant donné leur aniconisme, Maïmonide pensant qu’imaginer de figurer Dieu était un mal ; la poésie échappant à cet opprobre.

Quant à elle, l’Inde prit le parti de la « continuité culturelle ». Pas de renaissance, donc mais une efflorescence sans interruption, de par la fidélité aux « écritures védiques et aux grandes épopées », comme le Ramayana. Polythéisme et culture iconique y furent pour beaucoup. Les sciences pratiques et mathématiques, la médecine ayurvédique étaient fort vivantes, Bénarès étant la « capitale culturelle ». De plus, Jack Goody affirme : « l’Inde a bouillonné de libre-pensée et le bouddhisme fut le produit de cette liberté ».

La Chine eut cependant sa renaissance, à l’a fin de l’époque des Han et lors de l’âge d’or des Tang, y compris le « retour à la tradition classique de l’époque des Tong ». Fidélité aux œuvres de Confucius, concentration urbaine, bibliothèque impériale, concours bureaucratique, tout est au service d’une culture affirmée. L’invention du papier, d’une imprimerie au moyen de tampons (mais non de caractères mobiles comme Gutenberg), peinture de paysage bien avant l’apparition de celle-ci en Occident, tout témoigne d’une inventivité considérable. Sans oublier qu’il est « important pour l’histoire des sciences que la Chine ait eu plus d’une religion ou idéologie et n’ait pas été monothéiste », entre confucianisme, taoïsme et bouddhisme, quoique ce dernier fût interdit ; le surnaturel n’entrave pas le rationalisme. Autour de l’an mil, à la révolution dans le domaine des sciences et des techniques, s’ajoute une révolution commerciale…

L’essai de Jack Goody est profus, riche à foison, quoique parfois un brin verbeux et illustré par un trop mince cahier. L’on y trouvera matière à élargir ses perspectives historiques, scientifiques, artistiques et civilisationnelles, parmi toutes les sociétés qui ont joui de l’écriture. Il y a bien en effet en Eurasie des renaissances ; mais une seule Renaissance eu sens propre. Car si l’Europe n’était pas un « îlot culturel » dans un océan de vide, sa Renaissance est unique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Reste que l’humanisme, puisant dans le passé antique et l’étude du grec ancien, fonde la Renaissance occidentale, comme le montre Jean-Christophe Saladin dans Les Aventuriers de la mémoire perdue. Si le titre est beau, en son allusion au film de Spielberg, le sous-titre (« Léonard, Erasme, Michelet et les autres ») eût mérité d’être plus explicite, en reprenant par exemple celui de la collection « Le miroir des humanistes ». Le communicatif érudit qui dirige cette dernière et fut le brillant maître d’œuvres de l’édition des Adages d’Erasme[7] et de son Eloge de la folie[8], avec la bénédiction des Belles Lettres, offre ici une somme aussi érudite que séduisante, par son écriture amène, ses riches illustrations (tableaux, sculptures, gravures parfois rares), sa mise en page aux typographies colorées, ses feuilles aldines, venues de l’imprimeur Aldo Manuzio, introduisant des digressions, des mises au point, comme sur « Palladio le prolifique » ou « L’apparition de Jupiter à Galilée ».

Introduisant son propos par un dialogue philosophique badin entre l’auteur, l’éditeur et Clio, Muse de l’Histoire, Jean-Christophe Saladin distribue une encyclopédie déployant la naissance et le déploiement de l’humanisme dans les différentes parties de l’Europe, le foyer principal étant sans nul doute l’Italie. Thématique elle décline peinture, sculpture, architecture, littérature, sciences et philosophie ; non sans les confronter à la politique du temps et à la Réforme protestante. En ce creuset qui transcende et renouvelle le christianisme, qui réinvestit la mythologie gréco-romaine, les auteurs et les savoirs païens, la liberté de conscience et des connaissances s’affirme non sans mal, pour que l’humanisme, s’appuyant sur le passé antique, s’affirme comme les prémices des Lumières à venir et pose les fondations de notre monde moderne.

Des connaissances par ailleurs éparses trouvent en cet indispensable volume leur réunion enchantée en cinq parties ordonnées. Au-delà du « tombeau de Michelet », qui considérait la Renaissance comme une réaction contre un Moyen Âge moribond, il s’agit de comprendre l’intrication de l’humanisme de Pétrarque, au XIV° siècle, avec celui rayonnant à partir de la Florence de l’invention de la perspective et de l’illusion du relief en peinture.

D’abord La « comédie de ce monde », celle de « l’inextricable symbiose entre l’Eglise et l’Etat », quoique contrebalance par les cités-républiques, comme Florence ou Venise. En ces lieux de pouvoir, la latin ecclésiastique recule au profit de celui des Anciens, du grec, et, bien entendu, des langues romanes, celle italienne de Dante, puis française, sans compter l’allemand de Luther et, plus tard l’anglais de Shakespeare. Les Médicis sont des acteurs politiques et économiques considérables, les principautés italiennes prennent de la distance avec le pouvoir pontifical, alors que le « sac de Rome », en 1527, bouleverse les esprits. Les Princes sont des amis des arts, entre jardins à l’italienne et châteaux de la Loire. Le choc continu avec les Ottomans, qui prirent Constantinople en 1453, mais furent jugulés lors de la bataille de Lépante en 1571, est contrebalancé par les voyages de découverte autour de l’Afrique vers les Indes et le nouveau monde d’outre-Atlantique.

 

 

En ce cadre agité, entre paix et guerres, les arts s’enorgueillissent de la perspective d’Ucello et d’Alberti, le nu n’est plus seulement celui religieux, mais il devient païen, mythologique, allégorique, voire naturaliste avec Giorgione. Le portrait accède à l’autonomie, alors que les révolutions techniques, par exemple la peinture à l’huile, permettent de se détacher de la fresque. De même la sculpture semble sortir vivante du marbre avec Michel-Ange. Les créations architecturales savent transcender l’Antiquité de Vitruve, du Duomo de Brunelleschi, en passant par Alberti, à Florence, jusqu’au « Théâtre olympique » de Palladio en Vénétie. L’espace urbain lui-même, tentée par le fantasme de ville idéale, reflète une nouvelle conception de l’espace et de l’individu.

Cet individu monte alors sur les planches, pour ressusciter le théâtre antique, alors que la musique invente la polyphonie, les madrigaux et l’opéra avec l’Euridice de Peri et l’Orfeo de Monteverdi. Il fomente de nouvelles épopées, en particulier celle du Roland furieux sous la plume de l’Arioste, tentant de concurrencer celles d’Homère et de Virgile ; il invente le sonnet, qui de Pétrarque à Ronsard propulse un nouvel art d’aimer. Contes et nouvelles, de Boccace à Chaucer, prolifèrent, tandis que le succès philosophique des adages, collationnés et commentés par Erasme, attend la voix de Montaigne, imaginant le genre neuf des essais, pour que la pensée philosophique élargisse ses moyens et son champ d’action. De Rabelais à la folie érasmienne, la satire assoit la liberté de critiquer.

Âge scientifique, l’humanisme s’appuie sur l’imprimerie, autant que le fait le protestantisme, inventant des caractères, des techniques de gravure, alors qu’au-delà de la tradition gréco-arabe, la médecine connait sa « révolution anatomique » avec Vésale et Ambroise Paré, même si les occultistes et autres alchimistes, comme Paracelse, pullulent. Autre révolution, celle copernicienne, dont l’héliocentrisme peine à s’imposer, avec le concours de l’irascible Galilée finalement condamné à se rétracter, même si l’Eglise n’était pas aussi antiscientifique que l’on veut nous le faire croire[9]. Et, au-delà de la scolastique médiévale, la philosophie, « restaurée dans sa pluralité », lit Aristote puis Lucrèce, quand le néoplatonisme inspire Marcile Ficin.

Hélas si lire enfin la Bible, plus seulement dans le latin de la Vulgate, mais en traductions vulgaires permet de rapprocher le croyant individuel du Livre, si la Réforme dénonce les abus de l’Eglise, le fiasco des guerres de religion, des millénaristes et autres hérétiques endeuille cruellement ce que l’on rêvait comme l’avènement d’une paix universelle.

Or, en réaction, l’utopie politique de Thomas More[10] fonde-t-elle un nouvel horizon, quoique, bien plus réaliste, Machiavel fonde une vertu du Prince[11] que l’injuste polémique qualifiera abusivement de « machiavélique ». Entre la monarchie absolue de Jean Bodin et la « servitude volontaire » de La Boétie, la conscience politique s’affine, tout en se heurtant à la barbarie coloniale puis à la traite esclavagiste. Le nouveau politique n’a pas toujours doré son blason humaniste…

Ainsi, en guise de « Rideau », l’auteur et sa Muse Clio rêvent « d’une Europe de la Renaissance s’étendant sur les vastes régions qui ont vu fleurir la culture antique latine et grecque ». Elle irait « de l’Afghanistan jusqu’au Maroc, en passant par l’Iran, la Syrie et l’Egypte ». Quelle merveille ! Au risque de nous voir taxés d’européanocentistes, voire de colonialistes, avec Jean-Christophe Saladin, nous persistons et signons.

 

Avons-nous besoin aujourd’hui d’une nouvelle Renaissance ? Face aux menaces sur la liberté d’expression et de création, qu’elles soient venue des tyrannies idéologiques politiques, écologistes ou théocratiques, il n’est pas impossible qu’un rebond des sciences, des arts et des lettres nous soit nécessaire, vital. 

 

 Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Panoksky : La Renaissance et ses avant-courriers dans l’Art d’Occident, Champs Flammarion, 2008.

[2] Joan Huizinga : L’Automne du Moyen Âge, Payot, 2002.

[3] Jules Michelet : L’Agonie du Moyen Âge, Complexe, 1999.

[5] Sylvain Gouguenheim : Aristote au Mont Saint-Michel, Seuil, 2008.

[6] Ibn al-Muqaffa’ : Le Livre de Kalila et Dimna, Klincksieck, 2012.

[9] Rémi Sentis : Aux origines des sciences modernes. L’Eglise est-elle contre la science ? Cerf, 2020.

[11] Voir : Machiavel, Prince d'un nouveau monde politique

 

Palladio : Villa Rotonda, Vicenza. Photo : T. Guinhut.

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15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 17:53

 

Vide-greniers de Chef-Boutonne, Deux-Sèvres.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Quatre continents de poésie :

indienne, arabe, américaine et russe.

Amjad Nasser, Mohammed Bennis,

Beat Attitude, Karina Borowicz, Boris Ryji,

Novalis, Dana Gioia.

Suivi de : Que reste-t-il de la poésie ?

 

 

Un Feu au cœur du vent. Trésor de la poésie indienne,

divers traducteurs, Poésie Gallimard, 2019, 336 p, 8,60 €.

 

Amjad Nasser : Le Royaume d’Adam et autres poèmes,

traduit de l’arabe (Jordanie) par Antoine Jockey, Sindbad Actes Sud, 2021, 176 p, 17,50 €.

 

Mohamed Bennis : Fleuve entre des funérailles,

traduit de l’arabe (Maroc) par Mostafa Nissabouri, L’Escampette, 2003, 112 p, 15 €.

Mohamed Bennis : Vin, traduit par l'auteur et Mostafa Nissabouri, L’Escampette, 2020, 144 p, 16 €.

 

Beat Attitude. Femmes poètes de la Beat Generation,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Analisa Mari Pegrum & Sébastien Gavignet,

Bruno Doucey, 2020, 224 p, 20 €.

 

Karina Borowicz : Tomates de septembre,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Juliette Mouïren, Cheyne, 2020, 178 p, 24 €.

Boris Ryji : La Neige couvrira tout, traduit du russe par Jean-Baptiste Para, Cheyne, 2020, 96 p, 22 €.

 

Novalis : À la fin tout est poésie, traduit de l’allemand par Olivier Shefer, Allia, 2020, 272 p, 15 €.

Dana Gioia : Que reste-t-il de la poésie ?

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Renaud Toulemonde, Allia, 2021, 64 p, 6,50 €.

 

 

 

Vortex des mythes, la poésie poursuit au long de l’Histoire sa course comme l’expansion de l’univers. En tous temps et sur toutes les terres chantent les poètes. Et même si nous manque, en ces hasards de l’éditoriale actualité, l’Océanie, ce sont ici quatre continents qui viennent versifier. En une vertigineuse énumération, glissons de l’Inde immémoriale aux pays arabes, entre Jordanie et Maroc, avec Mohammed Bennis et Amjad Nasser, en passant par les Etats-Unis de la féminine Beat Generation et de Karina Borowicz, jusqu’à la Russie de Boris Ryji. Faut-il faire confiance au vœu pieux de Novalis pour qui À la fin tout est poésie ? Car si l’art du poète a pu être paré d’un rare prestige, l’on est en droit de se demander avec Dana Gioia : Que reste-t-il de la poésie ?

Un sous-continent, immense, dépassant aujourd’hui le milliard d’habitant, usant de dizaines de langues, du sanscrit à l’anglais, de l’hindi au bengali, nanti d’une Histoire plus que millénaire, ne peut qu’avoir une riche tradition poétique. C’est à une gageure que se livre l’éditeur et préfacier Zéno Bianu en présentant une anthologie forcément partielle, et cependant brillante : Un Feu au cœur du vent. Trésor de la poésie indienne.

L’on ne s’étonnera pas qu’elle commence avec un mythe de la création du monde, dans le Rig-Véda, venu d’environ 1300 avant Jésus-Christ : « L’Ordre et la Vérité sont nés / de l’Ardeur qui s’allume ». La parole poétique est une approche de l’absolu. Eveil spirituel de siècle en siècle, la poésie sait également se faire intensément charnelle : « Faites-vous une demeure soit au bord du Gange, qui lave dans ses eaux les souillures de l’âme, soit entre les seins d’une jeune femme », conseille joliment Bhartrihari au VII° siècle.

Si le poète le plus connu en notre Occident est certainement Rabindranath Tagore (1861-1941), dont les « chants sont des bancs d’algues / qui ne se sont jamais arrêtés où ils ont vu le jour », c’est là l’occasion de découvertes lyriques étonnantes. Lisons Lokenath Bhattacharya (1927-2001) : « Depuis que j’ai posé ma main sur toi, comment pourrais-tu éviter d’être l’aimée, la rivière de la confluence ? ». À Lalan Fakir (1774-1890), qui sait que « le même jeu cosmique se joue dans le corps humain », répond en visionnaire celui qui connait « le moment de la conflagration décisive du temps », Ayyappa Paniker (1930-2006). Plus près de nous, Pritish Nandy (né en 1951) confie : « tout ce que j’aime rencontre le brutal anonymat de la mort », en un tragique aphorisme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les quatrièmes de couvertures sont trop souvent dithyrambiques. Mais dans le cas d’Amjad Nasser (1955-2019), Jordanien passant pour « l’une des voix les plus originales de la poésie arabe contemporaine », il faut consentir à s’incliner face à cette création adamique. En une anthologie intelligemment mise au point et traduite avec souffle par Antoine Jockey, ce ne sont pas seulement des thématiques arabes traditionnelles qui affleurent, mais plus largement universelles. De la création d’Adam à la ville de New York, mythe et Histoire se télescopent, en passant par la prise de Grenade et le mythe de Faust. Car il s’agit d’ « Ôter le monstre qui gît dans la cage thoracique des fils d’Adam », de dénoncer « Après le 11 septembre […] l’année des faux prophètes et de leurs versets sataniques ».

Parfois l’art de la profuse énumération a quelque chose de borgésien : « Un jour je fus cette feuille qui tombe lentement, […] La rose qui s’est dénigrée lorsque l’automne l’a offerte / À son inspiratrice rousse, / Le tigre qui se croit libre alors qu’il est dans un enclos ». C’est là le premier poème du volume qui musarde parmi neuf recueils, et qui est l’un des derniers écrits, car cette anthologie inverse l’ordre chronologique, pour retrouver les « Louanges pour un autre café », de 1979.

Le plus souvent en vers libres, parfois en prose, cette poésie fait feu de tout genre : dialogue philosophique, récit, élégie, « éloge du nombril », engagement politique humaniste, et « Conversation ordinaire sur le cancer », car le poète est hélas mort d’un cancer au cerveau… En « langue méditerranéenne » ce recueil d’un « prophète sans religion ni adeptes » prend l’espace et la condition humaine à bras-le-corps. Comme « la nuit des voyageurs », il est « un manteau de regrets argentés ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Loin de la Jordanie, et néanmoins parlant également arabe, la poésie de Mohammed Bennis (né en 1948) s’épanouit depuis le Maroc. Sachant qu’il a eu le soin de traduire Yves Bonnefoy[1], l’on ne se s’étonnera de la finesse de sa voix, qu’à leur tour les traducteurs ont à cœur de restituer pour nous. Elle est Fleuve entre des funérailles, elle quête la sérénité et « Une langue / par quoi j’ai pu accéder / aux mystères d’un sanglot dans l’invisible / par quoi j’ai accueilli / ce que la combustion de la couleur rend moite dans les organes ».

La poétique de Mohammed Bennis est à la fois élégiaque et cosmogonique. Un monde disparait en ses funérailles perpétuelles, un monde coule comme un fleuve et l’écriture y est créatrice : « J’ajoute au papillon une tache supplémentaire ». La dimension géographique et fondatrice y est prégnante, car ce « fleuve » y est « négroïde », « Chaldéen » et « Berbère », humanité sans nationalisme ni fermeture.

Entre vers libres et poèmes en prose, le navigateur du fleuve de la parole laisse libre cours à une déferlante d’images de la nature, associée à un « soleil de mythes ». Démiurge, Mohammed Bennis anime ses pages d’un souffle intensément lyrique, mais aussi terriblement pathétique : « Un vent / façonne des embarcations / pour ceux qui cherchent le poème ». Sait-on cependant si, parmi « un amas de terreur », le poème peut servir de « guide » ? Car l’on peut trouver « dans chaque lettre de l’alphabet une clameur dont le plafond était fait de larmes ». Aussi, entre Nil et Euphrate, « l’encre des langues / consolide aux vaisseaux de mes doigts / la douleur de l’hémorragie »…

Et si nous avons soif d’un autre recueil de Mohammed Bennis, voici Vin, qui est en français un quasi original, puisqu’il s’est ici traduit lui-même, avec le concours de Mostafa Nissabouri. Nous naviguons au plus près de l’excès de l’ivresse : « J’efface par ivresse des pages entières de sagesse ». Mais aussi de la qualité de l’inspiration. Car il n’est pas impossible que ce vin, « gisement de rubis », soit la métaphore de l’aimée et de la poésie : « trempe / mes membres / d’amour », réclame-t-il. Si ce Vin, qui rêve une « Andalousie » fantasmatique, n’a pas, nous semble-t-il, l’immensité et la subtilité du précédent recueil, l’on y découvre de belles braises quand « la terre est branchage de sang / au gosier »…

Quittons les théâtres méditerranéens aux accents immémoriaux pour des confins aux charnières d’une modernité insolente, celle de la Beat Generation américaine, et plus précisément, en son versant un tant soit peu occulté, des femmes poètes de la Beat Attitude. Car au-delà des maîtres fondateurs que furent Allen Ginsberg et Jack Kerouac dans les années cinquante, ces dames ont arraché leur liberté d’agir et d’écrire : elles s’appellent Diane di Prima, Hettie Jones, Denise Lervertov ou Anne Walman. L’errance du voyage, les musiques ardentes, l’attrait du bouddhisme et les drogues psychédéliques, voilà qui n’est pas un terrain de chasse exclusivement mâle, sans compter la revendication de l’avortement.

Si cette anthologie fut d’abord publiée en 2018, il faut sans regret en oublier la première édition, tant celle-ci se voit incendiée avec l’inédit The Love Book et par les soins intensément érotiques de Lenore Kandel. L’on devine que cette petite dizaine de pages fut condamnée pour obscénité en 1966. Pourtant quelle belle énergie en ce que l’appela une « pornographie hardcore » : « Ta bite s’élève et palpite dans mes mains / une révélation / comme en vécut Aphrodite ». Un tel amour est celui du « désir des anges érotiques qui baisent les étoiles », d’un « ange osmotique » enfin.

Cette poursuite de la liberté sexuelle est également le moteur d’Elise Cowen : « Je voulais une chatte de plaisir doré / plus pure que l’héroïne ». Femmes, elles chantent la « louange de mon mari » ou leurs « règles », comme Diane de Prima, mais aussi la difficulté de la condition féminine, par les voix d’Hettie Jones et Joanne Kyger. Cependant malgré l’éclatement des sensations, des choses vues et des idées en vers libres, cela reste trop souvent prosaïque, et marqué au coin d’une naïve utopie, proclamant avec Mary Norbert Körte : « l’avènement de l’amour ». Aussi, non sans ironie, Janine Pommy Vega dénonce la « tyrannie des poètes rassemblés ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plus récente et venue de la côte est, l’Américaine Karina Borowicz (née au milieu des années soixante) aime les intersaisons, celle des Tomates de septembre. En vers libres non ponctués, c’est une poésie du regard, à l’affut des vies cachées, des détails et des signes, comme ce « tout petit globe d’eau qui hésite/ au bout du robinet ». Le poème inaugural examine avec soin et tendresse ces « plants de tomates en fin de vie », alors qu’en toute discrétion affleure une dimension métaphysique. Sans rien de bruyant ni de grandiloquent, le verbe est toute délicatesse et tendresse envers les choses et les êtres, telles ces veuves de marins aux « tresses d’argent ». La nature n’est pas chez elle un thème désuet, abeilles et hibou participent du mystère de la vie, quand « nous sommes en quête de n’importe / quel vestige de sacré ». Tout est prétexte à la méditation, du « cercle de feu » sur la gazinière, en passant par « le visage du pain » ou un scarabée, jusqu’aux outils, provocant l’interrogation : « Poussière humaine / pourquoi as-tu erré si loin ? » Par instants la poétesse glisse à la lisière du fantastique, avec une « chemise blanche [qui] va lentement / mourir de faim dans le placard noir / ayant cessé d’être nourrie/ par la chaleur de ses poignets ». Aussi l’on ne s’étonnera pas qu’elle rende hommage à Emily Dickinson[2] en visitant sa maison, mais également celle de Marina Tsvetaeva[3]. L’émotion est si labile, si prégnante lors de l’élégie et lorsqu’elle a peur « que le rouge parfait / qui fleurit quand je me souviens de toi n’ait perdu / la force d’apparaître au monde ».  Parfois le poème, si souvent descriptif, passe par une « Harde de chevaux au pinceau et à l’encre », venue de la grotte de Lascaux, pour confronter l’art de l’écriture à celui de la peinture.

Nous ne refermons ce beau recueil, si sensible, qu’à regret, pour le rouvrir…

Restons avec le même éditeur, Cheyne, qui est à la poésie un continent à lui seul, grâce à son bouillant catalogue et ces livres bilingues soigneusement édités, pour traverser les continents jusqu’en Russie, où d’ailleurs Karina Borowicz a un temps résidé.

La vie brève de Boris Ryji, né en 1974 dans l’Oural, n’a couru que vingt-six ans. Voici une inédite anthologie, intitulée La Neige couvrira tout, de ce Rimbaud russe, qui connut une enfance néanmoins heureuse sous la chape de plomb du communisme, monde auquel il était adapté, et une jeunesse entravée au cours de laquelle sa ville de Sverdlovsk était sous la coupe de la mafia locale. La tragédie poétique de celui qui fut également champion de boxe junior semble préparer un destin tout aussi tragique après le paradis perdu de l’enfance : « Lourde est ma dette envers la vie. / La mort seule est silence et générosité ». Le suicide a brisé l’espoir de nouveaux recueils. La nostalgie, la description d’un milieu urbain et de ses travailleurs, car « la Russie est un vieux cinéma », permettent d’éclairer un passé à rédimer, là où « l’art avait la même tendresse ». En ce sens la mission du poète doit également se dépasser : « Ils brilleront d’un lustre paneuropéen / les mots du poète transasiatique, / j’oublierai la magie de Sverdlovsk / et la cour d’école du quartier prolétaire. » Il n’en reste pas moins que ce serait réducteur de le qualifier de poète prolétarien, à la mode désuète de l’idéologie soviétique. Cet héritier de Pouchkine sait que « quand meurent les fontaines / il est d’usage de pleurer ». Lui qui se demandait : « Sur quoi les pierres grises font elles silence ? », conserve cependant un art poétique : « La pensée, transfigurée en statue, est redevenu pensée ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il semblerait alors que selon le vœu de Novalis, À la fin tout devient poésie. C’est le titre qu’a choisi de donner l’éditeur à ces magnifiques manuscrits posthumes, venus des années 1799 et 1800.  Sa vie également brève, de 1772 à 1801, fut cependant toute entière poétique, quoiqu’il fut également philosophe et minéralogiste, ce qu’il n’estimait en rien contradictoire. En fanal du romantisme allemand, il prétendait que « la mort est le principe romantisant de notre vie », et même « mourir joyeux » de cette tuberculose qui tua également la jeune Sophie qu’il aimait.

Ce recueil est constellé de fragments philosophiques, religieux, scientifiques et médicaux, de notes pour la « fleur bleue » de son roman Heinrich von Ofterdingen, d’aphorismes et autres « semences littéraires » ; comme celle-ci : « Un roman doit être poésie de part en part [comme si] s’éveillait en nous le sens juste du monde ». Or il y a pour Novalis, idéaliste invétéré, une « prose proprement romantique - suprêmement changeante - merveilleuse tournures étranges - sauts brusques - entièrement dramatique ». L’art d’écrire n’a qu’une volonté qui vaille : « Il est parfaitement compréhensible qu’à la fin tout devienne poésie - Le monde ne devient-il pas au final âme ? » S’il n’est pas certain que nous croyions encore à l’âme, croirons-nous en la poésie ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vivre en poésie tient cependant de la gageure. D’autant s’il s’agit d’être professeur en la matière, dénonce avec verdeur Dana Gioia, poète également, né en 1950, en jetant son pamphlet à la face de l’institution américaine : Que reste-t-il de la poésie ? La question est rhétorique : autrement dit, rien. L’on est en 1991 aux Etats-Unis arrivé à une professionnalisation de la chose. Du point de vue de la sécurité pécuniaire, l’enseigner à l’université et animer des ateliers d’écriture est certes un bien ; mais un mal si la presque sinécure devient le havre du consensus en termes d’esthétique. Dana Gioia dénonce une discipline qui est « l’apanage d’une coterie », car « plusieurs décennies de subventions publiques et privées ont créé un entre-soi littéraire ». Le vase-clos entraîne la disparition de l’actualité poétique, le vers n’est plus que petitement lyrique et a presque disparu au profit de la prose. La poésie a « perdu son universalité », elle est « au rebut de la culture », au risque de voir mourir la littérature et la nation avec elle…

Que faire ? Dana Gioia propose quelques pistes : lors des soirées, les poètes devront lire les œuvres d’autres artistes, et les ouvrir à d’autres arts, n’inclure en des anthologies « que des poèmes qu’ils admirent vraiment », utiliser la radio, surtout, « quitter l’ennuyeuse salle de classe » et « jeter au feu les conventions mortifères qui nous encerclent pour voir renaître de ses cendres la poésie éternelle, immortel phénix aux plumes d’encre ». S’il nous arrive avec trente ans de retard, ce bref et vigoureux pamphlet n’a rien perdu de son actualité, au contraire. Il est cependant plus criant que jamais, aux Etats-Unis, voire en France, dans la mesure où le politiquement correct et la « cancel culture », soit l’élimination de tout propos non conforme à une doxa politique, antiraciste, féministe, gay, transgenre, décoloniale[4] et tutti quanti, arase la liberté d’expression, a fortiori, on l’imagine, poétique.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Trésor de la poésie indienne a été publiée dans Le Matricule des anges, juin 2020,

Celle sur Amjad Nasser, février 2021

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9 février 2021 2 09 /02 /février /2021 13:43

 

William Turner : Funérailles en mer, Kunstmuseum, Luzern, Schweiz.

Photo : Thierry Guinhut.

 

 

 

Traverser la peinture.

Daniel Arasse : Le Détail ; Eric Poindron chez Brueghel ;

Jérôme Thélot pour Géricault ;

Leïla Slimani à la Douane de Venise.

 

 

Daniel Arasse : Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture,

Flammarion, 2021, 400 p, 29,90 €.

 

Eric Poindron : Brueghel, Des secrets dans la neige, Invenit, 2020, 128 p, 15 €.

 

Jérôme Thélot : Géricault. Généalogie de la peinture,

L’Atelier contemporain, 2021, 286 p, 9,50 €.

 

Leïla Slimani : Le Parfum des fleurs la nuit, Stock, 2021, 160 p, 18 €.

 

 

 

Glissant le long des tableaux parmi les musées, nous voilà indifférents passagers ou spectateurs abasourdis face à la grandeur du sujet. À moins qu’inopiné nous arrête un mince détail, celui dont Daniel Arasse se fait le défenseur, l’analyste et l’amant. Les uns se laissent emporter par une rêverie aléatoire et féconde en empruntant les pas de ceux qui marchent dans la neige de Brueghel, comme Eric Poindron. Les autres plantent longuement le chevalet de leur réflexion devant un peintre élu, ainsi fait Jérôme Thélot face à son maître Géricault. Mais au-delà de toute cette Histoire de l’art, c’est la disparition des tableaux qui surprend Leïla Slimani dans la nuit de Venise. Quelles créativités entraînent donc les tableaux, puis leurs métamorphoses en art contemporain ? Grâce aux démarches des historiens de l'art, du poète et de la romancière, la peinture est explorée jusque dans ses détails, sa capacité à susciter l'imagination, l'exploration de soi et du monde.

 

Surabondante en sujets obligés, religieux, historiques, puis paysages, portraits et natures mortes, en la gradation d’une hiérarchie séculaire, l’on est en droit de se demander si en sa peinture l’homme au pinceau y trouve son compte. Il doit observer un cahier des charges face à la commande et à son public ; et cependant y imprimer sa manière, sa patte, renouvelant le genre. Néanmoins malicieux il saura marquer son œuvre d’un de ces détails qui font, si l’on y prend garde, basculer le regard. C’est ce à quoi, décollant sa rétine du personnage qui prend en otage l’attention, s’attache Daniel Arasse, décentrant la perspective, plastique autant qu’intellectuelle, exerçant à son égard une investigation plus révérencieuse qu’attendue.

Discret, voire caché, un objet quelconque orne à peine la fresque ou la toile, négligeable et négligé, quoique doué d’une beauté intrinsèque. À l’intérêt de l’observateur est soudain offerte une babiole minuscule, qui interroge, qui ravit. Ainsi deux ombreuses « colombes - l’une a le bec blanc et l’autre rouge - pour représenter l’esprit saint » dans une « Annonciation » d’Antonello de Messine (1474). Au-delà des « grandes polarités stylistiques » déclinées par Heinrich Wölfflin, il y a une dimension iconographique individuelle, essentielle à l’artiste qui ne s’appuie peut-être sur aucun texte canonique pour justifier deux colombes et deux couleurs. Ce double détail, d’abord presqu’invisible, joue avec la norme, introduit un écart, une singularité, une intention qu’il s’agit de veiller, sinon d’expliciter. De même les taches de couleur sur la palette de « Saint Luc peignant la Vierge » par Martin Van Heemskerck. Aussi le premier est « iconique », le second « pictural ». Alors qu’il faut regarder la Vierge et le peintre, d’autres visions sont possibles, un bas-relief en trompe-l’œil, une lettre épinglée adressée au peintre par les destinataires… Entre idéaux, anecdotes et colifichet sentimental, entre représentation et perception, les détails sont des révélateurs de choix esthétiques, ne serait-ce qu’au travers des objets d’art et d’architecture présentés en toute humilité ou en toute ostentation. Une autre « Annonciation », de Fra Angelico, joue sur les peu lisibles, car à l’envers et de droite à gauche, paroles d’or de l’ange pour y distiller un savoir théologique.

Sur un tableau d’Histoire épique ou de célébration chrétienne, le détail parait secondaire au point qu’il faille le traquer pour s’en délecter. Mais aux natures mortes, malgré de grands vases fleuris et d’abondantes venaisons, le détail est à foison, comme cette pelure de citron qui scintille chez Cornélis de Heem (1632-1695). Ainsi de la période médiévale au XIX° siècle, la peinture figurative ne cesse de jouer et déjouer la figuration, attirant la « fête de l’œil ». À condition de ne pas surévaluer l’exactitude du détail au détriment de l’imagination, comme en avertissait Baudelaire, ce qui serait un signe de décadence. Plus tard, la peinture moderne, de Signac à Matisse, va viser à « l’élimination du détail », quoique ce fût déjà une constante de l’art de William Turner.

L’on ne saurait rendre compte d’un essai aussi profus et délicatement érudit en un modeste article. Fureter en ce volume permet de confronter l’immensité de la scène picturale paysagère avec les couleurs d’un œillet entre un pouce et un index, avec un mince clocher lointain. Le détail est parfois trivial, parfois luxueux, il n’est qu’herbe, ou devient emblème, comme les fils de la « Dentellière » de Vermeer ou les boules lumineuses peut-être cosmique aux pieds d’une « Visitation » de Piero di Cosimo. Humoristique, ou érotique, il peut-être un index curieusement placé en une métaphore phallique dans un « Mariage de la Vierge » par Rosso Fiorentino, ou, dans une guirlande de légumes de Raphaël, une priapique « courge entourée de volubilis, avec deux aubergines en guise de testicules », selon les mots de Vasari qui ajoute : « Ce Capriccio est exprimé avec une telle grâce qu’on ne peut rien imaginer de mieux ». Et si face à l’escargot qui avance au bas d’une « Annonciation » de Francesco del Cossa, le regard reste perplexe et amusé, qu’en est-il si, comme Daniel Arasse, l’on discerne aux pieds de la scène de viol qu’est « Tarquin et Lucrèce » de Tintoret, un étrange coussin gris dressé, « coussin phallique », dit-il…

Depuis sa première édition en 1992, cet essai magistral est devenu un classique, dépoussiérant l’Histoire de l’art occidental au profit d’une intimité fureteuse, avec la peinture, excédant ainsi ses codes. Certes, Daniel Arasse (1944-2003) n’est pas le premier à reconnaître que le dieu de la peinture gît dans le détail. Avec modestie, et dès sa préface, il rend à César ce qui est à César, en signalant son prédécesseur, Kenneth Clark, qui, en 1938, publia Cent détails de la National Gallery[1]. La technique photographique permettait alors de sélectionner quelque objet mineur et d’approcher son regard. Revient cependant à notre essayiste le mérite d’une plus vaste exploration et d’une démarche esthétique et critique permettant d’inscrire la peinture moins dans les sphères des idées que dans les réalités du goût facétieux du peintre et de son temps. Et si l’essayiste veut susciter « l’effet de surprise », en un volume soigneusement et généreusement illustré, il y réussit pleinement. Car il lit ce que nous n’avions guère vu avec une solide pertinence et une contagieuse jubilation.

 

Un seul tableau suffit au bonheur d’Eric Poindron (né en 1966) pour y être aspiré, y trouver un monde, voire plusieurs. Sa démarche est celle des pas dans la neige au creux de ceux des « Chasseurs », que Brueghel l’Ancien peignit en 1565. Dans le cadre de la collection « Ekphrasis » qui porte bien son nom puisqu’il s’agit d’un terme rhétorique pour signifier la description d’une œuvre d’art, le regard fureteur se déplace autant de manière méthodique que labyrinthique, suscitant la rêverie et la liberté des personnages du tableau, qui eux-mêmes rencontrent le peintre à la taverne, en une belle mise en abyme.

Grâce à une identification avec le peintre et ses personnages, le prosateur poète livre une « bataille de boules d’enfance ». Le père, « Piotr le vénérable », médecin un tant soit peu philosophe, et son fils « Piotr », qui n’aime guère la chasse, cheminent alors que le premier enseigne le second, qui deviendra « docteur, savant et chasseur » au moyen de la connaissance des choses de la nature : celles des secrets des plantes, du gibier, des loups et des « corneilles sépulcrales », alors qu’il préfère les cartes géographiques et des constellations et espère être « muni du pouvoir de la découverte » Mais par-dessus tout, ce qu’il faut, « c’est posséder un cœur de clarté ». Ainsi se déploie, par petites touches, un manuel d’éducation humaniste.

Parmi les pages sur fond noir du grimoire, la blancheur et la froidure des caractères dévoile des histoires emboitées, des bribes de contes fantastiques, avec « herbes magiques » et « diablotins ». Mais aussi un esprit malfaisant, « l’empuse », des feux follets, fantômes et autres « gnomes étincelants », pendant que les gens du peuple « vivent avec les hiboux », s’ébattent parmi les fêtes des fous et que des jeunes filles penchent pour la « magie amoureuse ».

Ce sont bien chez Brueghel « des secrets dans la neige » que se propose de débusquer et de filer, comme l’on file une métaphore, le poète, emporté par son livre polyphonique. Loin de l’approche historienne et esthète de Daniel Arasse, et loin de toute discipline, il fait cependant parler le tableau, s’inventant un ancêtre du XVI° siècle et des alter ego au milieu de ses figures en mouvement. Fidèle à sa fantaisie communicative, Eric Poindron, éditeur et amateur de cabinets de cutiosités, qui sait Comment vivre en poète[2], et ne se prétend docte en rien sinon en poésie, fait œuvre de passeur vers l’intimité et la vue du tableau, en un cheminement qui unit le sens de l’observation et celui de l’initiation aux mystères du temps et des images. Les pièces narratives et les poèmes en prose alternent, conjuguant le « registre » du père et les lectures et tentatives d’écritures poétiques du fiston, qui sont sa « Chronique des froidures & des temps dérisoires ». Cette nouvelle sorte d’almanach ou de « calendrier des bergers » tisse une belle continuité entre le climat du XVI° siècle et le poète d’aujourd’hui…

Remontons le temps, au hasard des surprises de l’actualité éditoriale, et des éditions de L’Atelier contemporain[3], pour trouver une nouvelle collection de poche, « Studiolo, parmi laquelle percent Albrecht Dürer et Joseph Beuys, mais aussi une traversée des tableaux de Géricault, sous la plume de Jérôme Thélot. Car son œuvre serait rien moins qu’une « généalogie de la peinture », interrogeant les fondements de l’image.

Quelle est la valeur d’un tableau représentant un « chat mort » ? Théodore Géricault (1791-1824) peintre, sculpteur, dessinateur et lithographe romantique, a-t-il figuré de manière réaliste et symbolique la brièveté de sa vie ? Pour rester dans la catégorie morbide, il a peint également des « Fragments anatomiques » ; mais aussi de plus vivantes croupes de chevaux. Ses portraits ne lui valent pas la réputation du « Radeau de la Méduse », cette peinture du « fait divers » et d’actualité, taraudée par la mort, par le désespoir et l’espoir. Il s’est penché vers les malheureux et délaissés, les enfants, les esclaves et les blessés, mais surtout les fous, en une étonnante série. L’on ne s’étonne pas qu’il fut d’un tempérament mélancolique, quoique cela n’égratignât pas sa créativité frénétique[4]. C’est cette singularité, face à l’école néoclassique et au romantisme naissant de Delacroix qui motive Jérôme Thélot à défendre un artiste qu’il juge injustement méconnu, malgré les monographies qui lui sont consacrées. En si peu d’années de vie, sa passion pour la peinture est à la fois, selon notre essayiste, « conscience de soi », « violence » et « compassion », et surtout « instant sublime », au fil d’une œuvre poignante : le questionnement pictural sur la mort confronte l’homme et l’animal, « Le radeau de la méduse » est un « vouloir vivre », les lithographies montrant un « Retour de Russie » et une « paralytique » sont poignantes, les portraits, comme celui du « Monomane du vol » inquiètent et réclament une transcendance absente, car « purement athée »…

Une telle peinture s’inscrit de plus dans toute une pensée à venir. « L’accès de l’artiste à la souffrance des fous » répond au poème en prose de Baudelaire « Mademoiselle Bistouri », demandant « comment ils se sont faits et comment ils auraient pu ne pas se faire », puis, ajouterons-nous, à l’Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault. Ainsi Jérôme Thélot conclue-t-il son bel essai : « Le peintre de la grandeur et de la misère s’est abaissé pour eux, pour qu’ils restent en prochains parmi nous ».

L’essai est-il d’un historien de l’art, d’un philosophe ? Qu’importe tant il est méticuleux au plus près des œuvres, empreint d’un humanisme émouvant, en privilégiant parfois « l’expérience intime ». Pourquoi peindre, semblent demander de concert, et à deux siècles d’écart, le peintre et l’essayiste, sinon pour mettre à l’épreuve sa propre existence dans un monde à déchiffrer…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quoique son titre n’en dise rien, cette fois il s’agit d’art contemporain. À la grande surprise de Leïla Slimani, ce n’est plus de la peinture mais la cire des cierges : « De loin, on croirait que c’est de la peinture, et dès qu’on s’en approche, on perçoit la matière granuleuse et souple des bougies ». Le statut de l’œuvre aurait-il à ce point évolué qu’il aurait évacué l’art du pinceau comme il évacua la beauté[5] ?

Pour écrire il faut dire non. Non à toutes les sollicitations, être reclus, car « l’écriture est discipline ». Aussi seule la perspective d’être enfermée séduit Leïla Slimani lorsqu’il s’agit de « Ma nuit au musée », selon le titre de la collection pour laquelle Kamel Daoud nous gratifia d’un beau Peintre dévorant la femme[6].

Une nuit blanche dans Le Parfum des fleurs la nuit, une femme seule affrontée aux tableaux et aux sculptures, aux installations et autres bizarreries de l’art le plus actuel, et voilà notre romancière échouée à la Pointe de la Douane vénitienne pour songer aux échanges entre Orient et Occident, à sa place entre deux cultures, puisqu’elle est aussi Française qu’originaire du Maroc. À sa traversée des tableaux qui n’en sont plus guère, s’ajoute une traversée des identités.

Tant a été dit sur Venise, qui regorgeant de tableaux, est un conglomérat de tableaux d’architectures, tous fascinants, au point que la narratrice se sente interdite, là où les écrivains et les clichés se sont accumulés : « Les musées continuent de m’apparaître comme des lieux écrasants, des forteresses dédiées à l’art, à la beauté, au génie et où je me sens toute petite ». Parmi l’exposition « Lieux et signes », les « panneaux de couleurs sombres » sont des photogrammes, un bloc de pierre n’est que « trivialité de l’objet » ; mais « quoi de plus banal que d’attaquer des œuvres dites conceptuelles ? » Un « rideau en billes de plastique rouge » est comme une « hémorragie » de l’artiste mort du sida. Dans un monolithe noir, un jasmin « embaume le musée », « galant de nuit » et « odeur du pays de l’enfance », de celle dont le prénom signifie « Nuit » en Arabe ; d’où le titre, de ce qui est à la fois récit d’une expérience, confession autobiographique et essai sur l’art et la littérature. Car une déferlante de souvenirs d’enfance marocaine et du père disparu s’empare d’elle, là où les femmes étaient plus cloîtrées qu’ouvertes au monde, là où l’ « on nous apprenait à courber l’échine devant les plus illuminés », alors que sa double nationalité, ses études parisiennes et sa carrière littéraire française l’ont propulsée vers la liberté. Et vers le Prix Goncourt avec Chanson douce[7].

La finesse et la sensibilité de Leïla Slimani, féministe et militante née en 1981, dont le « désir de transcendance n’a été comblé que par la littérature », font merveille. En ce livre délicieux, adorable, lesté de pensée mais sans lourdeur, l’introspection côtoie la nécessité de l’écriture face au monde. Faute, ou presque, de tableaux, il n’en reste pas moins que l’œuvre d’art est avec elle, et avec nous tous, un « dialogue diabolique entre le passé et le présent », un étonnant accélérateur d’émotions, d’univers.

Faut-il pleurer la mort des tableaux ? Ils sont les miroirs autant d’une civilisation que du moi qui les regarde. Et, pour reprendre Leïla Slimani, ceux-ci sont, comme la littérature, « une érotique du silence ». Ne doutons cependant pas de leur résurrection, aussi bien ceux de l’Histoire de l’art, dont les détails nous interrogent et nous ravissent, que ceux de demain pour nous propulser vers les secrets du moi et du monde.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] K. Clark : One Hundred Details from Pictures in the National Gallery, Trustees, London, 1938.

[7] Leïla Slimani : Chanson douce, Gallimard, 2016.

 

Biennale de Venezia, 2019. Photo : Thierry Guinhut.

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4 février 2021 4 04 /02 /février /2021 16:38

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Charles Baudelaire,

vieille charogne ou esthète moderne ?

Jean Teulé, Raphaël Confiant,

Antoine Compagnon,

Roberto Calasso, Gérard Guégan.


Suivi d’un commentaire littéraire d’ « Une charogne ».

 

 

 

Jean Teulé : Crénom Baudelaire, Mialet-Barrault, 2020, 432 p, 21 €.

 

Raphaël Confiant : La Muse ténébreuse de Charles Baudelaire,

Mercure de France, 2021, 268 p, 20 €.

 

Antoine Compagnon : Baudelaire l’irréductible, Champs Flammarion, 2021, 338 p, 11 €.

 

Roberto Calasso : La Folie Baudelaire,

traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, 2011, 496 p, 28,50 €.

 

Stéphane Guégan : Baudelaire, l’art contre l’ennui,

Flammarion, 2021, 160 p, 35 €.

 

Baudelaire, la modernité mélancolique,

BNF éditions, 2021, 224 p, 29 €.

 

 

 

Qui est cette « charogne », qui fait le délice des asticots et des esthètes paradoxaux ? Outre le miroir de la belle qui accompagne le poète et se voit ainsi par anticipation portraiturée, en un carpe diem comminatoire, n’est-ce pas Monsieur Charles Baudelaire lui-même, « Prince des charognes » en sa laideur et ses vices ? C’est ce que parait en son réquisitoire biographique instiller Jean Teulé, gouailleur sûr de lui et romancier abusif ; alors que Raphaël Confiant préfère privilégier Jeanne Duval. Pourtant les vers et les proses du poète et dandy[1] restent d’une esthétique admirable, quoique, comme leur auteur, tiraillées entre modernité et contre-modernité, selon la thèse d’Antoine Compagnon. Et bien dignes du « bordel-musée » célébré par Roberto Calasso, également essayiste brillant, au service d'un poète artiste, dont l'activité de critique d'art est analysée par Gérard Guégan. Reste que pour couronner en beauté cette traversée de l’actualité baudelairienne, voici Baudelaire, la modernité mélancolique, au titre révélateur.

 

« Crénom ! » serait le dernier mot - et juron - prononcé par la langue de Charles Baudelaire lorsqu’il est terrassé par la syphilis et un accident vasculaire cérébral au sortir de l’église Saint-Louis de Namur, en Belgique. C’est là ostensiblement le déclencheur du « roman » de Jean Teulé, l’accélérateur de particules de sa verve et de sa logorrhée endiablées.

Il faut avouer que cela commence assez déplaisamment. Jean Teulé fait assauts de gourmandes vulgarités, d’outrances. L’enfant hume « linge sale de sa mère. C’est sa dope ». L’on lira son récit racoleur comme un catalogue de perles graveleuses enfilées années après années, entre blennorragie refilée par la pitoyable « Sarah la louchette » et syphilis offerte par la métisse et putassière Jeanne Duval, la « démolisseuse », avec qui les coups s’échangent autant que les coïts, et qui, bientôt, devient une pitoyable tétraplégique, quoique souvenir tenace de voluptés exotiques. Quant à la morsure de vulve infligée à une Anglaise et le bouquet planté dans l’intimité de Marie Daubrun, ce sont des épisodes évidemment imaginés en toute liberté de la fiction par l’instinct légèrement putassier, si l’on permet l’image, du romancier. Ce qui, si l’on en n’était averti, entraîne une regrettable confusion entre une  véridique biographie et le brodage romancé graveleux et provocant à plaisir, au point que l’on puisse demander : tient-on, en tartinant la salauderie d’une existence, sa revanche sur le génie ?

 Ne sont pas oubliées les gouttes pléthoriques d’opium et autres cuillerées de haschich pour calmer les douleurs et assurer une lévitation de l’esprit propice à la création, en dépit de la déplorable addiction. En ce sens le voyage maritime autour de l’Afrique, infligé par son beau-père Aupick, les dépenses somptueuses, puis la modeste mensuelle pension de deux cents francs par mois allouée par le conseil de famille, enfin les humiliations face aux dettes, aux logements sordides, à la condamnation des Fleurs du mal, les demandes réitérées d’argent auprès de sa mère Caroline, sont autant de punitions que s’infligent à lui-même le poète, qui écrivit « Je suis la plaie et le couteau ». Or de toutes ses avanies, ainsi que de ce dandysme dont la vêture est surveillée avec « un fanatisme de moine inquisiteur », mais d’un goût douteux, qui lui vaut d’être qualifié de « premier punk sur terre » par le narrateur, sortent comme un pus précieux les vers des Fleurs du mal. Alors que Jeanne Duval est obligeamment qualifiée de « drag-queen noire et bariolée ».

Passés les premiers chapitres qui risqueraient de provoquer le lecteur de bon goût au dégoût, moins devant Baudelaire que par le parti-pris par le romancier, le lecteur se sent peu à peu séduit par un récit plein de vivacité, un décor planté avec une vivante profusion et un portrait aux multiples facettes du protagoniste, de ses amis, Charles Asselineau et Théophile Gautier en tête, des ouvriers, gouapes et prostituées du ruisseau de Paris, des imprimeurs fatigués par un auteur pointilleux et de l’éditeur Poulet-Malassis, qui se vit récompensé par un procès, la censure d’une poignée de poèmes qui rendit le recueil invendable. Mais aussi de muses comme « la Présidente », Madame Sabatier, qui après avoir pu deviner à l’aide de « Bébé » l’auteur des vers anonymes qu’on lui offrait, résolut d’ouvrir ses charmes au poète, sans penser que « T’infuser mon venin » était plus qu’une métaphore. Tous ces personnages hauts en couleurs prennent autant vie que la parole de manière aussi plausible que pertinente, jusqu’à son illustrateur Félicien Rops, amateur de squelette, pour Les Epaves. Tous font merveille chez Jean Teulé qui se plait à insister sur les provocations satanistes et sadiques, les délabrements fétides d’une existence qui nourrissent les fleurs putrides du mal vénérien, psychique et métaphysique d’un recueil dont a trop tendance à oublier, sinon occulter, l’intimité avec le mal, le crime, la violence et l’horreur. Mais au détriment des poèmes plus radieux et délicats. Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne recule pas devant le sordide, y compris lorsque la métisse « muse sans orthographe » est prostituée par son « frère ».

Le romancier brodeur de vie réussit indiscutablement à faire aimer un Baudelaire détestable. Il sait faire émerger un moment bien émouvant, lorsque sur « L’atelier du peintre », de Courbet, auprès du poète penché sur son livre, réapparait le visage de Jeanne Duval, qu’il lui avait demandé d’effacer, comme rédimée : « le fantôme, la tache insupportable qui ne veut pas disparaître ». Cependant, aussitôt mort, dans la chaleur de fin août, le poète sent enfin la charogne. Ne reste entre les mains de la mère qu’un recueil relié en une peau à l’érotisme troublant, qu’elle ne devine pas…

Le procès agite des questions plus actuelles que jamais. Et qui ne manquent pas d’innerver le texte de Jean Teulé. Faut-il confondre l’homme et l’œuvre ? Le poète dépeint-il le mal pour le flétrir, ou aime-t-il le vice ? Loin de l’art pour l’art, le cœur est mis à nu, étalant sa déréliction sans chercher à y remédier. Jean-Paul Sartre ne disait-il pas à propos de Baudelaire : « Et s’il avait mérité sa vie ?[2] » Il est comme son « heautontimoroumenos », celui qui se punit soi-même.

La montée de l’intrigue par le romancier s’enrichit - à la limite du mésusage - du montage des sources biographiques et des nombreuses allusions aux vers du « poète maudit », pour reprendre le titre de Verlaine[3]. Mais, s’il s’agit d’alléger par la boue une existence de vermine pittoresque, le romancier néglige d’en assumer la transmutation alchimique. Car écrivait le poète au final d’un projet de préface aux Fleurs du mal : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Le voyeurisme intensément coloré a ses milites. Il est vrai que le propos de Jean Teulé n’est pas celui du critique littéraire, de l’exégète subtil. Et si le romancier - et non biographe -, entrelace son texte de paraphrases et plagiats assumés, de poèmes entièrement cités, parmi Les Fleurs du mal, il néglige presque les poèmes en prose du Spleen de Paris (sinon « Enivrez-vous » et ce « mauvais vitrier » qui ne peut « faire voir la vie en beau ») aussi bien que Les Paradis artificiels, ce qui est pour le moins risqué. Cette initiation aux mystères de la création poétique ne ressortit que de la critique biographique qui fit les bonheurs de Sainte-Beuve, et à laquelle Marcel Proust fit un sort : « un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices[4] ». Exit la passion pour Edgar Allan Poe[5], qu’il traduisit somptueusement, exit la qualité des Curiosités esthétiques dans lesquelles Baudelaire fait preuve de mille finesses et de hauteur de vue sur l’art, tant à l’égard d’Ingres que de Delacroix. Exit la beauté du récit et la finesse de l’argumentation des Paradis artificiels, en son « club des haschichins » et ses fidèles des Confessions d’un mangeur d’opium de Thomas de Quincey que Baudelaire faillit traduire, à l’instar d’Edgar Poe. L’aspiration à l’idéal, la culture, l’esthétique du poète et son alchimie échappent en grande partie au romancier, qui a préféré tirer des malheurs du poète l’éclair du génie, en une conception trop romantique et convenue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

        Voici une couverture étonnante, puisqu’elle propose une rare et méconnue photographie, par les soins de Nadar, vers 1858, où l’on découvre la fameuse maîtresse du poète : Jeanne Duval. Elle est l'héroïne du livre de Raphaël Confiant : La Muse ténébreuse de Charles Baudelaire.

Raphaël Confiant écrit un peu dans la même optique que Jean Teulé, mais en moins graveleux. La Muse ténébreuse de Charles Baudelaire donne une voix à la mulâtresse Jeanne Duval par la vertu d’une documentation que l’on devine abondante et d’une transposition romanesque plausible. À moins que cette mode de romancer des figures de l’histoire soit un vice un peu trop répandu. Reste qu’il s’agit en quelque sorte de rendre justice au « vampire outrageusement chevelu ».

« Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues », ainsi, sans jamais la nommer, l’auteur des Fleurs du mal évoquait-il très probablement sa muse et maîtresse, doté d’une impressionnante « chevelure », d’après le poème du même nom. Actrice de seconde zone, recourant à la prostitution pour survivre, elle est la compagne aux étreintes sensuelles et la « harpie » caractérielle de celui sont nous suivons les pérégrinations, y compris dans le « club des haschichins », et à l’occasion du procès qui accueillit le recueil pour « offense à la morale religieuse et à la morale publique ».

Alternant la quête érotico-amoureuse de Charles, depuis Sarah la prostituée jusqu’à son houleux concubinage avec sa « muse ténébreuse », en passant par Dorothée en l’île Bourbon, et la vie de Jeanne selon son point de vue, depuis Haïti jusqu’à Paris, le romancier tente de cerner le mystère des personnalités tout en poursuivant celui de la poésie baudelairienne. Ardent défenseur de la littérature créole au travers de dizaines de livres, il créolise Baudelaire, dont le goût pour l’exotisme venu de son séjour à l’Île Bourbon enchante ses vers. Ce qui ne l’empêche pas de décrire un Paris bigarré, crapuleux, ses artistes et ses plumes célèbres. Tressant parfois sa prose des vers du poète, l’écrivain use d’une langue à la fois sophistiquée et canaille, car Jeanne est « tantôt d’une beauté resplendissante tantôt d’une laideur repoussante », tantôt d’« une heureuseté naturelle » tantôt d’une violence noire, quand Charles est chargé autant par « le mal de Naples » (la syphilis) que par le spleen.

En son entraînant essai biographique romancé par l’imagination, Raphaël Confiant entrelace poésie et passion torride, muse et diablesse, tableau parisien et destin tragique. Notons cependant un anachronisme, puisque Verlaine, n é en 1844, n’a pu être « un éminent homme de plume » à l’occasion du procès de 1857. Et des inexactitudes, comme à propos des « vers sans rimes » d’Aloysius Bertrand, qui sont en fait déjà des poèmes en prose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme Jean Teulé abusant d’une lecture biographique du poète, l’on abusa du prisme politique, marxiste en somme, et à la suite d’un Walter Benjamin[6] pourtant modéré à cet égard, pour voir dans l’œuvre, en particulier dans Le Spleen de Paris et plus précisément dans « Assommons les pauvres », un intérêt pour les prolétaires qui serait de l’ordre de la revendication politique, telle que Baudelaire crut l’assumer en préfaçant Le Chant des ouvriers de Pierre Dupont. Pourtant, après quelques rodomontades dans les rues parisiennes qui visaient plus son beau-père, le général Aupick, que des velléités révolutionnaires, Baudelaire s’affirmait « dépolitiqué » et préférait lire le monarchiste conservateur Joseph de Maistre plutôt que les socialistes comme Blanqui. C’est ce qu’avance avec justesse Antoine Compagnon en son essai Baudelaire l’irréductible. En effet pour ce dernier le suffrage universel est « le miroir de l’homme épouvantable » ; comme dans Mon cœur mis à nu, il demande, non sans ironie : « Vous figurez-vous un Dandy parlant au peuple, sinon pour le bafouer ? »

Voilà qui introduit à la dichotomie du moderne et de l’antimoderne débusquée par Antoine Compagnon, cependant inséparables parmi l’œuvre de Charles Baudelaire, « irréductible », non seulement face à la foule de son temps, mais aussi à une seule définition, comme lorsqu’il est sans cesse la figure d’un Janus poétique, « spleen et idéal », religieux et sataniste, artiste raffiné et charognard du pavé.

Celui qui préfère se réfugier dans les anciens sonnets baroques et la prose coruscante d’Edgar Allan Poe hait les journaux, toute la presse, « épouvantable » miroir de l’époque moderne, et pourtant harcèle les directeurs qui parfois publieront le « poète journaliste » en vers et surtout en prose. Ainsi l’écriture du Spleen de Paris oscille entre le style esthète et celui du quotidien sur mauvais papier, en fonction des destinataires, La Presse ou L’Artiste. Jusqu’à oser la cruelle satire des journaux et de ses directeurs dans « À une heure du matin ».

Conspuant le monde moderne, en particulier les travaux du Baron Haussmann (« Le vieux Paris n’est plus », écrit-il dans « Le cygne »), il n’en est pas moins amateur des tout nouveaux daguerréotypes, se faisant tirer le portrait par Carjat et Nadar, malgré « le supplice de la pose », par le biais d’une chambre noire dont son romantisme également noir devait se délecter. Aux prises avec une « confusion des sentiments », il pouvait trouver la photographie vulgaire et la lire, selon notre analyste, « dans une perspective métaphysique, voire théologique » : n’interroge-t-elle pas le corps et le visage, par essence passager, ne sonde-t-elle pas le moi, ne les met-elle pas en scène ? Dans le Salon de 1846, le poète, qui commande à Nadar des reproductions de Goya, va jusqu’à comparer un tableau avec « le daguerréotype de la couleur ». Il se plaint cependant de ce « commun accord entre l’artiste et le public pour éliminer le beau ». Certes il unit dans sa détestation ambigüe de la photographie celle de l’imprimerie, ce qui est pour le moins paradoxal lorsque le poète a la joie de se voir imprimé avec une exactitude qu’il réclame sans cesse. L’on est surpris de peut-être découvrir dans le sonnet « La mort des amants », des allusions à la photographie, au travers des « miroirs jumeaux » et de l’ « éclair unique »…

Autre paradoxe : la ville horrible, le Paris où pleut et s’envase le spleen, est l’objet d’une tendre détestation, elle est repoussoir et inspiratrice, tant la partie nouvelle des Fleurs du mal, ses « Tableaux parisiens », et les petits poèmes en prose cristallisent l’intime union du réalisme et du romantisme, en des moyens d’écriture inédits. Paris devient une allégorie moderne autant qu’un autoportrait poétique. Parmi la « révolution urbaine », la foule des boulevards, quoiqu’haïssables, tout est inspiration, y compris « l’éclairage au gaz et les kiosques à journaux » ; ce qu’Antoine Compagnon appelle « la dialectique du gaz ». Ainsi dans le poème en prose « Le crépuscule du soir », où s’allume « le feu d’artifice de la déesse Liberté ». Le romantisme de la nature a cédé le pas à ce que notre essayiste nomme justement « le sublime urbain ». « L’homme des foules », venu de Poe, côtoie une prostitution aussi sordide que sacrée, des hétaïres, courtisanes et lorettes, dont un peintre et des caricaturistes, Constantin Guys, Gavarni et Honoré Daumier, font leur miel, en une fraternité secrète avec l’écriture baudelairienne. Cette modernité côtoie chez le poète le goût pour un Paris ancien et fantasmagorique révélé par les gravures de Meryon qu’il commenta non sans enthousiasme. Il est étrange qu’il ne reconnût pas en Manet, même en possédant deux de ses toiles, le « peintre de la vie moderne » qu’il espérait ; peut-être manquait-il à ce dernier ce « comique absolu » qui traverse Le Spleen de Paris

Avec une érudition exquise, une clarté prodigue, Antoine Compagnon déplie un Baudelaire infiniment cultivé, ouvert aux prodiges de son temps, même s’il ne se prive pas de les traîner dans la boue, dont encore une fois il fait de l’or. La charogne de la carcasse baudelairienne, même pétrie de vices vénériens, est un de ces scarabées beaux comme des bijoux. Le volume, nanti d’un petit et pertinent cahier d’illustrations, vaut comme une bible de la délectation du lecteur face à un Baudelaire qu’il redécouvre autant nostalgiquement vieux que singulièrement et brillamment neuf.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En un sens, avec son titre La Folie Baudelaire, Roberto Calasso rejoint l’entreprise presque psychiatrique de Jean Teulé, quoique dépassant de beaucoup le récit biographique pour peindre un portait intellectuel et kaléidoscopique du poète de son temps. En ce salon qu’est le cerveau mis à nu, défilent ceux qui ont côtoyé le poète, qu’il admira, qu’il fantasma : Ingres et Delacroix, Flaubert, Wagner, Manet et Courbet ; alors que les rejoignent ceux qui furent ses fervents lecteurs posthumes : Rimbaud et Lautréamont, Degas et Valéry. Là encore les paillettes biographiques irriguent l’essai, moins par goût du récit que par nécessité d’une radiographie poétique, telle ce « rêve du bordel-musée », écho licencieux des strophes des « Phares », qui, de peintre en peintre, conduisent vers Dieu. Ce « bordel-musée », qui est une image pour le moins excitante et bien baudelairienne, se trouve quelque part entre l’œuvre protéiforme et ce « Kamtchatka romantique » que prisait Sainte-Beuve, cependant avec prudence. Le brillant essai de Roberto Calasso a quelque chose d’une rêverie exacte, d’un défilé cinématographique (il est d’ailleurs parfois illustré) qui aurait ravi Baudelaire de se voir si beau en ce miroir, comme il se contempla dans la splendeur et la fureur de la mer[7].

Bicentenaire oblige, l’on n’ignorera pas que Charles Baudelaire est né en 1821. Hélas pour une vie trop brève, achevée à quarante-six ans sous les coups insidieux, puis de plus en plus violents, de la syphilis. Si l’on connait le poète tendre, scandaleux et coruscant des Fleurs du mal, voire les petits poèmes en prose du Spleen de Paris, son travail de critique d’art, pourtant continu, l’est moins. C’est à cette lacune que songe répondre Stéphane Guégan avec Baudelaire, l’art contre l’ennui, essai bellement illustré, quoique nanti d’une nauséeuse couverture jaune et verdâtre : certes elle dénote « l’ennui », mais guère « l’art », dont son contenu fait preuve.

Heureusement la fâcheuse impression visuelle est rapidement démentie en abordant l’essai biographique et analytique de Stéphane Guégan, fort documenté : Baudelaire, l’art contre l’ennui. L’on y apprend que le goût pour l’art de notre poète trouvait son origine chez son père qui appréciait les galanteries XVIII°. Dès sa jeunesse, Charles dut affronter la passion ambiante pour le classicisme, David et Ingres en particulier, pour leur préférer la passion colorée de Delacroix, grand romantique. C’est à partir de 1845 qu’il se mit à la critique des Salons. Comment Baudelaire, quoique indéfectiblement romantique devint-il le défenseur des « peintres de la vie moderne » ?

« Qui dit romantisme, dit art moderne », affirmait le poète. Ainsi son goût effréné pour la puissance de la couleur et de ses harmonies lui fit considérer avec aménité les noirs de Manet. Il aspirait cependant à une peinture des mœurs de son temps qui offrit une tonalité épique. Il crut la trouver un moment dans les figures élégantes de Constantin Guys, dans les traits de son dandysme. Admirateur de Courbet, qui fit son portrait dans un coin de L’Atelier du peintre, il récusait pourtant le terme de « réalisme », bien que Champfleury en fit le titre d’un ouvrage, paru la même année que Les Fleurs du mal, dont une nouvelle partie de l’édition de 1861, « Tableaux parisiens » explore le réel dans sa dimension urbaine et sociale. Autant qu’en peinture, la fécondité du quotidien et du  trivial » devient sujet poétique. Il loue cependant les paysages de Corot, chez qui il voit « une œuvre d’âme ». Ce qui ne l’empêche pas de rendre justice à l’artiste de la caricature : Daumier, qui « enseigne à rire de nous ».

L’essai de Stéphane Guégan confronte la pensée de Baudelaire avec les résistances des conservateurs et avec « la beauté de convention », ménageant une pensée en mouvement. Il pointe l’intérêt du poète pour « l’héroïsation réaliste des hommes du commun », sans oublier de dégager « la pictorialité insistante » des Fleurs du mal. À cet « ennui » qui est un autre nom du spleen, l’art propose un indispensable aiguillon.

 

Pour achever en beauté le bicentenaire, voici Baudelaire, la modernité mélancolique, trace pérenne d’une hivernale exposition de la Bibliothèque Nationale de France, à Paris. Un tel titre est particulièrement inspiré. Car pour ce romantique moderne, la beauté ne peut être associée qu’à la mélancolie. C’est la « passante » aussitôt disparue dans « rue assourdissante » des Fleurs du mal, c’est « l’amour exclusif du beau » et le soleil noir du dandysme ; ce sont de surcroit d’émouvants manuscrits et de rares éditions originales, de précieuses épreuves du correcteur exigeant qu’est le poète.

Entre le voyage parmi les flots, îles et belles créoles de l’Océan indien et les flâneries parisiennes, la nostalgie et la vie douloureusement impossible fracturent le moi baudelairien, cette « ombre d’Hamlet », là où nait l’acuité du regard du critique d’art autant que la créativité poétique. Soit « la douleur de vivre, l’exigence d’écrire ».

Tout l’univers graphique entourant Baudelaire est là : ornant des frontispices,   l’érotisme épineux de Félicien Rops côtoie les eaux fortes parisiennes de François Méryon qui contribuèrent aux poèmes en prose du Spleen de Paris : une « correspondances entre la plume et la pointe ». Et bien entendu ses sombres autoportraits aux encres hachurées, les portraits de Jeanne Ducal, sous-titrés « Quaerens quem devoret », soit « Cherchant qui dévorer ». Enfin trônent les photographies mises en scène par Baudelaire lui-même, avec le concours de l’objectif de Nadar et de Carjat. Impeccablement illustré et commenté, sous la direction de Jean-Marc Chatelain, où l’on retrouve notre essayiste Antoine Compagnon, mais aussi le philosophe Rémi Brague, cet ouvrage est probablement la plus pure initiation au cosmos baudelairien, par l’entremise de la pensée critique et de l’iconographie.

 

Après avoir sévit en compagnie de Verlaine, Rimbaud et Villon, Jean Teulé pratique l’art un brin discutable de la romantisation de personnages historiques, ou la vêture et l’élan romanesque appliqués à la biographie, alors qu’il vaudrait mieux lire un véritable biographe, tel François Porché[8]. Le genre, aujourd’hui courant, sinon écœurant par sa surabondance, pourrait passer pour un manque d’imagination des romanciers en manque de personnages, à moins que cet art du bariolage leur donne une seconde vie. L’on prendra l’exercice comme une initiation, un poil irritante, somme toute plaisante, avant de passer avec Antoine Compagnon et Roberto Calasso aux choses sérieuses, celles de l’analyse de l’esthétique de l’écrivain. Qui serait aujourd’hui et demain le nouveau - ou la nouvelle, parité oblige - Baudelaire, qui bouleverserait par un considérable pas en avant la destinée de la poésie universelle ?

 

 

Charles Baudelaire : « Une charogne »,

 

un art poétique de l'amour et de la mort.

 

Commentaire littéraire.

 

La poésie est un acte d’amour, dit-on ; dans l’offrande des vers à son aimée, dans l’offrande des mots à l’objet décrit… Nul doute cependant que lorsque Baudelaire offrit en 1857 Les Fleurs du mal à ses lecteurs, un grand nombre parmi eux se sente insulté, ne serait-ce qu’en lisant « Une charogne ». Ce poème, s’il ne fit pas partie des « Pièces condamnées », fut incriminé lors du fameux procès qui vit condamner son auteur, alors que la même année, Flaubert, romancier de Madame Bovary, lui aussi attaqué pour obscénité, fut relaxé. En quoi ce texte au titre déjà choquant unit-il les faveurs de la laideur et de la beauté jusqu’à devenir un art poétique ? Nous étudierons en premier lieu une description répugnante, ensuite la promenade de l’amour et de la mort, pour nous interroger enfin sur la place que Baudelaire, romantique contrarié, assigne à l’art.

La description répugnante de cette carcasse d'un animal mort est cependant encadrée par un espace idyllique. La nature, thème poétique riant et traditionnel est décrite avec le concours du lyrisme. Cette topographie apaisée prépare très vite un contraste, des antithèses… Mais le champ lexical est souvent ironique, lorsque l'on devine une « fleur s’épanouir ».

Les cinq sens sont alors offusqués : odorat (« exhalaisons », « puanteur »), goût (« cuire », mangera »), ouïe (« pétillant », « bourdonnaient ») vue (« le soleil rayonnait sur », « noirs »), toucher (« épais liquide », « reprendre »). Au travers d’un sujet bas, d’un portrait repoussant, une vision tragique choque la sensibilité.

C'est une « fleur du mal » qui apparaît parmi le cycle de la nature, entre vie et mort : une charogne gît sur « un lit », « les jambes en l’air », associant à la pourriture corporelle la pourriture morale de l'obscénité, de la luxure et de la prostitution. La mort et le mal nourrissent la vie et le bien de ceux qui en jouissent : chienne, mouches et poète aussi bien qui en fait son miel. L'éloge de la « Nature » allégorisée est assisté par un registre épique (« bataillons »). Le blâme devient un éloge paradoxal.

 La promenade du poète et de la femme permet d'associer l’amour et la mort. Le lyrisme de l'escapade sentimentale reste une entreprise de séduction à l'adresse de la personne aimée, augmentée d'hyperboles romantiques.

Une dimension morale et métaphysique s'ouvre cependant à travers cette vanité : la conscience de la mortalité permet à la beauté féminine et à chacun de nous de se préparer à la fatalité de la mort, en un traditionnel memento mori. La charogne est un tableau moral digne des vanités baroques montrant un crâne auprès d’une rose.

Au romantisme sentimental s'ajoute le romantisme noir : dans la tradition du roman gothique anglais et des contes morbides de Poe que Baudelaire traduisit, le cadavre contribue à l’épouvante tragique, voire au goût très dandy de la provocation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'art poétique baudelairien use d'une forme classique pour un sujet cruel et choquant. La beauté classique des vers, des alexandrins et des octosyllabes, s'oppose volontairement au vocabulaire parfois infâme, sinon grossier : il est en effet question de « pourriture ». Le lyrisme est bousculé par le réalisme. Le cynisme et la modernité esthétique de l’écriture contribuent à la « sorcellerie évocatoire » de la poésie, comme l'écrit Baudelaire dans ses Notes sur Edgar Poe.

 

De la « musique » à la peinture (« ébauche », « toile », « artiste »), l'on découvre une dimension synesthésique. Mais à la Beauté pure et fière d'un autre poème des Fleurs du mal ( « Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre »), s'oppose ici la beauté du laid. Ce qui n'empêche en rien celle de l’œuvre réussie : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », dit en effet Baudelaire dans un projet de préface aux Fleurs du mal.

 « La charogne » enseigne la mission de l’art : au-delà du vide métaphysique, car il n'a pas le moindre espoir religieux et eschatologique, seuls l’œuvre d’art et le poème peuvent conserver « l’essence divine» des amours du poète. « Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses » dit Baudelaire dans « Le balcon ».

Décrivant un animal en putréfaction, Baudelaire n’hésite pas à offrir à sa bien aimée un bijou mangé de vers : l’image de son corps en devenir. L’érotisme macabre prend une dimension morale, mais devient également matière à une œuvre d’art plastique et poétique dont la pérennité est assurée par la « sorcellerie évocatoire » du poème. Hugo permettait au poète, dans sa préface des Orientales, un « jardin de poésie, où il n’y a pas de fruit défendu ». Au-delà d’un Rembrandt peignant un « Bœuf écorché », imaginait-il que Baudelaire y introduirait le satanique et cadavérique serpent des Fleurs du mal ?

 

Thierry Guinhut

La partie sur Baudelaire, l’art contre l’ennui,

a été publiée dans Le Matricule des anges, septembre 2021

Une vie d'écriture et de photographie


[2] Jean-Paul Sartre : Baudelaire, Gallimard, 1947, p 18.

[3] Paul Verlaine : Les Poètes maudits, Albert Meissein, 1920.

[4] Marcel Proust : Contre Sainte-Beuve, Gallimard, La Pléiade, 200, p 221.

[7] Voir : Charles Baudelaire : L'homme et la mer, commentaire littéraire d'une fleur du mal

[8] François Porché : Baudelaire. Histoire d’une âme, Flammarion, 1967.

 

Baudelaire : Le Spleen de Paris, aquarelles de Edith Follet, Nilsson, 1930.

Baudelaire : Les Fleurs du mal, aquarelles de Labocetta, Gründ, 1939.

Photo : T. Guinhut.

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30 janvier 2021 6 30 /01 /janvier /2021 16:16

 

Dreiherrenspitze / Pico dei Tre Signori,

Prettau / Predoi, Südtirol / Trentino Alto-Adige.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Mensonge écologiste et agonie scientifique

par Jean de Kervasdoué :

Ils ont perdu la raison.

Ils croient que la nature est bonne.

Les Ecolos nous mentent !

 

 

Jean de Kervasdoué : Ils ont perdu la raison, Robert Laffont, 2014, 240 p, 19 €.

Jean de Kervasdoué : Ils croient que la nature est bonne, Robert Laffont, 2016, 180 p, 17 €.

Jean de Kervasdoué : Les Ecolos nous mentent, Albin Michel, 2021, 208 p, 18,90 €.

 

 

 

Disparition totale des glaciers en 2030 ! Voilà ce qu’annonçaient Al Gore et le Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat en l’an 2006 ; mais aussi la montée d’un mètre des océans pour les cinq années suivantes ! C’est à peine si une hausse d'un peu plus de deux millimètres a été enregistrée depuis, alors que les glaciers, certes bien érodés depuis 1850, sont toujours là. Un réchauffement climatique surévalué, alors que la terre n’a gagné qu’un degré et demi depuis la fin du XVIII° siècle, faussement attribué aux activités humaines, conflue avec une grande peur jetée sur la planète[1]. Pourtant, on l’oublie trop facilement, la nature, niaisement divinisée, et chantée pour les fruits de son jardin, alors qu’elle est aussi faite de champignons insipides ou vénéneux, de virus et métaux lourds salement polluants, n’est vraiment bonne pour l’humanité que tempérée par la science. À cet égard, c’est à un implacable réquisitoire contre la doxa verte, contre la gauche et la droite, la société française toute entière et bien au-delà, que se livre Jean de Kervasdoué. Non pour des raisons partisanes ou strictement idéologiques, mais au nom de la science : que ce soit dans Ils ont perdu la raison, ou dans Ils croient que la nature est bonne, il fustige l’écologisme. Cet ingénieur de renom, « écologue » soucieux de dépollution et de santé, et non « écologiste », prend en effet à rebrousse-poil nos préjugés pour les invalider : diesel, nucléaire, pesticides, OGM, gaz de schiste… Tous sont réhabilités au nom de la science et de la raison, et en contradiction avec tous les sophismes écologistes et autres obscurantismes français. Car l’Etat, ses notables, ses tribuns, ses fonctionnaires et ses électeurs, sont dramatiquement opposés à la science. Tous, autant qu’ils sont, Les Ecolos nous mentent, pour reprendre le titre pugnace de Jean de Kervasdoué, qui a de la suite dans les idées.

 

Pourtant venu de la famille de la gauche, Jean de Kervasdoué ne peut que s’en désolidariser. Car elle a abandonné le champ du libre progrès pour celui de la décroissance imposée. Notre perte de compétitivité, notre croissance atone, notre chômage le disent assez. Que l’on se rassure, la droite n’est pas en reste. Sarkozy n’avouait-il pas la raison de son interdiction des Organismes Génétiquement Modifiés : « Parce que les Français croient que c’est dangereux, même si je suis persuadé du contraire ». C’est ainsi que nos politiques trop aisément clientélistes n’écoutent plus que les sirènes de la peur et des écologistes, avec le tragique avenir que l’on devine devant de telles créatures, aux dépens du raisonnement scientifique.

Depuis trente ans qu’ils existent, les Organismes Génétiquement Modifiés, interdits en notre cher hexagone, n’ont tué personne, nourrissent de mieux en mieux les hommes et notre bétail, permettent aux diabétiques de bénéficier d’une meilleure insuline, de sauver des milliers de vie grâce au « riz doré » qui adjoint la « provitamine A » au service d’enfants, autrement aveugles. Sans compter des cotons qui font mieux vivre bien des paysans indiens, des maïs qui réclament 50% d’eau en moins ou de réduire les épandages phytosanitaires. De plus, « la très grande majorité (15 millions) des utilisateurs d’OGM est constituée de paysans à faibles ressources, vivant dans les pays en voie de développement », qui sans eux d’ailleurs n’auraient aucune ressource. Il sera bientôt amusant de constater que les recherches de Monsanto (pour beaucoup le grand Satan américain, certes créateur de l’Agent orange de triste mémoire au Vietnam) s’attachent à rechercher une « technologie qui interviendrait sur l’ARN du varroa et tuerait ce parasite » qui contribue grandement à la surmortalité des abeilles…

Plus anecdotique en apparence, mais dramatique, la polémique française autour du diesel falsifie les chiffres d’une mortalité par cancer du poumon prioritairement due au tabac. D’autant que seuls quelques vieux véhicules sont concernés. Le tour de prestidigitateur n’est là que pour tenter de relever le niveau des taxes, comme si elles n’étaient pas assez confiscatoires.

Quant aux pesticides, si décriés, n’oublie-t-on pas leurs bienfaits ? Leur innocuité contribue à l’excellente espérance de vie des agriculteurs (s’ils prennent garde aux conditions de l’épandage et au respect des dosages), nous nourrit en abondance, voire permettent d’éliminer des toxines naturelles, ce que ne propose pas l’alimentation bio, dont les bénéfices comparés pour la santé humaine sont nuls.

Qu’il s’agisse de notre santé, lorsque l’on veut proscrire des médicaments alors que leurs bénéfices sont bien supérieurs à leurs rares inconvénients, ou le bisphénol A en oubliant combien il contribue à éradiquer le botulisme ; qu’il s’agisse de la gestion de l’énergie lorsque l’on chasse un piètre carbone pour lutter contre un réchauffement climatique à peine avéré et probablement indemne de causes anthropiques ; le principe de précaution paralyse nos esprits autant que notre économie. Car nos meilleurs chercheurs trouvent au-delà de nos frontières des laboratoires accueillants pour mener la construction d’un avenir meilleur : cellule-souches, au service des thérapeutiques de demain, technologies post-nucléaires, OGM bienfaisants… Nous nous abêtissons, en sus de nous appauvrir.

Notre essayiste n’accorde qu’un trop bref passage au gaz de schiste, chez nous interdit. Il nous rappelle pourtant à propos que le gaz de Lacq, exploité par la fracturation hydraulique pendant des décennies, a fait une part de notre fortune, sans le moindre inconvénient environnemental. Pensons alors que le coût de l’énergie a considérablement baissé aux Etats-Unis, au moyen de ce même gaz de schiste, entraînant croissance, emploi et relocalisation d’entreprises. Que le dieu de la peur écologique nous épargne de telles catastrophes !

La rhétorique de la peur atteint son acmé au sujet du nucléaire. Trois morts au plus à Fukushima, 80 à Tchernobyl, des cancers peu nombreux et surtout supputés, alors que la région vidée de ses habitants se peuple d’une faune pléthorique. Certes, Jean de Kervasdoué omet de signaler que le problème de cette centrale nucléaire, comme à Fukushima, n’est pas résolu. Mais il rapporte un fait peu connu : la catastrophe nucléaire de Maïak, dans l’Oural, en 1957, qui tua sur le coup 200 personnes et exposa 500 000 autres aux rayonnements. Or une étude de 1992 n’y conclut qu’à une différence « pas significative » des cas de leucémie. Il est évident qu’il ne s’agit pas de baisser les bras devant les recherches, la sécurité, les projets d’avenir, grâce auxquels le nucléaire (y compris au moyen du thorium hélas occulté) diminuera ses déchets, saura démanteler les vieilles centrales, et bouleverser nos technologies. Car au-delà du trop néfaste principe de précaution, des inventions à peine pensables aujourd’hui sauront nous surprendre. Bien mieux que nos monstres étatiques qui subventionnent à tort et à travers les éoliennes et le photovoltaïque au dépend du consommateur…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi nos gouvernements prennent-ils « les mauvaises décisions » ? Parce qu’ils ne sont ni des chefs d’entreprises, ni des scientifiques. Parce qu’ils sont des « sophistes » dont l’inculture scientifique est flagrante, dont le seul but est de surfer sur les peurs, d’aller dans le sens de l’obscurantisme et d’une nostalgie d’un passé mythique empreint de santé naturelle qui n’a jamais été, pour racler les voix des électeurs. Quoique ces derniers commencent à se détourner de ces urnes contre-productrices…

C’est ainsi qu’en ces trop brefs essais vulgarisateurs Jean de Kervasdoué déplie sa thèse : « L’Etat n’est plus légitime. Il ne croit plus en la raison, car la seule raison des politiques est devenue la défense de leur raison d’être : l’exercice du pouvoir. Aucun principe, fût-il scientifique, ne règle la vie politique, seules comptent les opinions. » L’ère de la dictature d’opinion, des orateurs du sophisme, a remplacé l’examen rationnel et scientifique. L’idéologie et la pensée magique négligent la réalité, pourtant irréfutable. Quand « les croyances prennent le pas sur les connaissances », marxisme anticapitaliste et anti-libéral, mais aussi écologisme, deviennent, à l’égal du principe de précaution, des doxas « quasi-religieuses », « une forme de paganisme » rétrograde. Cette « religion écologiste, anticapitaliste et rousseauiste, habillée d’agronomie partisane » est celle d’ « un de ses grands prophètes » : Pierre Rabhi, l’auteur, par exemple d’Ecologie et spiritualité[2] au titre révélateur et risible…

Les mantras religieusement assénés sont nombreux. Par exemple le réchauffement climatique (qui stagne depuis vingt ans) dû à des causes anthropiques ; alors que les variations du climat ne cessent de marquer les ères géologiques et historiques, que des scientifiques conspués pour être de dangereux et inconscients « climato-sceptiques » lisent dans l’évolution des taches du soleil un possible refroidissement climatique. Ou la montée du niveau marin, qui n’est que d’1,3 millimètre par an, soit « 30 centimètres depuis 1711 » : rien d’affligeant. Alors que les cancers sont surtout dus au tabac, à l’alcool, à la génétique, au hasard, on les attribue faussement aux pesticides, dont les doses sont infinitésimales. Un mensonge répété mille fois devient une vérité…

Non seulement bien des mesures dites progressistes sont infondées scientifiquement, mais sont économiquement et socialement désastreuses : « inventer des normes nouvelles en matière de bisphénol ou de glyphosate accroît le chômage et nuit à la santé bien plus sûrement que l’éventuelle maîtrise d’effets toxiques supposés ». Ainsi, interdites de recherches, surtaxées, et punies, l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire françaises perdent des emplois, obligeant de surcroît le consommateur à acheter à l’étranger : « La France s’interdit toujours de jouir des bienfaits des Plantes Génétiquement Modifiées (PGM). Elles peuvent pourtant offrir une résistance très efficace aux ravageurs et diminuer considérablement l’épandage de pesticides », ce sans « aucun problème sanitaire ou environnemental signalé ».

Notre temps glisse dans la fosse de l’obscurantisme : « Disqualifier les experts, cultiver le soupçon, nourrir la théorie du complot, remettre en cause l’universalité de la science, telles sont les recettes efficaces de ces idéologues ». De surcroît il faut être stupéfait devant « une incompréhensible tolérance des tribunaux pour la violence des écologistes », détruisant des serres confinées au service d’une étude sur « la résistance du riz aux insectes », ou autour de « la résistance d’un cépage OGM à une maladie fréquente de la vigne, le court-noué ».

Pire encore, s’il se peut, lorsque notre essayiste cite un article du Monde, dans lequel Foucard et Larousserie profèrent sans rire l’énormité suivante : « Les ambigüités de l’Académie des Sciences sur le climat sont le révélateur de son décalage avec la société[3] ». Ainsi la vox populi aurait-elle plus de raison que de réels scientifiques, Galilée n’aurait plus qu’à se rhabiller devant les foules de l’ochlocratie[4] qui jurent que la terre plate est au centre du monde solaire !

Reste à glisser une interrogation : Jean de Kervasdoué, emporté par son enthousiasme polémique, n’aurait-il pas tendance à occulter une réelle préoccupation, celle d’aliments parfaitement sains et d’une nature propre au service de l’humanité ? Pas le moins du monde ! Dans Ils croient que la nature est bonne, il ne nie pas un instant qu’il faille se prémunir contre les pollutions indésirables, montrant que le progrès scientifiques des pays développés contribuent à un meilleur environnement, au contraire des pays du Sud dont le retard de développement et les structures politiques sont encore en devenir.

L’on ne reprochera rien à la clarté ni à la rigueur de Jean de Kervasdoué. Sauf que ces deux essais glissent sur la même lancée, se répétant parfois un peu. Sauf qu’il aurait certainement fallu consacrer un chapitre entier à Monsanto, ce diable absolu des bonnes âmes vertes, pour tenter d’y voir plus clair, départager le vrai du faux, les méfaits, les scandales sanitaires et les bienfaits du monstre qui ne l’est probablement pas toujours. Ce pourquoi il conclut opportunément en militant en faveur de l’éducation scientifique et de la patience de la lecture.

Ces polémiques essais, malgré des développements que l’on aurait parfois attendus plus conséquents, malgré l’emploi du verbe « convaincre » au lieu de celui de « persuader » (car le sophiste politique ne convainc pas, puisqu’il néglige les faits, la raison, la science) ne sera guère entendu. Hélas, seul un flop visqueux dans le marécage de la cécité idéologique l’accueillera. Alors qu’il devrait être lu et débattu dans nos lycées, dans notre Assemblée Nationale, au plus haut de l’inculte Etat. Sans imaginer un instant que la confusion du débat démocratique et le règne obscurantiste de l’opinion relativiste puissent croire faire la nique à la science et aux réalités. Si avec Jean de Kervasdoué l’on veut être ne serait-ce que l’ombre d’un scientifique, d’un philosophe, sans cesse il faut remettre en cause les préjugés et la doxa. Il n’est d’ailleurs pas interdit, avec les moyens de l’argumentation et de la connaissance, d’appliquer le même traitement à l’essayiste lui-même…

L’on aurait grand tort de prendre le dernier essai de Jean de Kervasdoué, Les Ecolos nous mentent, pour un pamphlet à deux sous, un amuse badaud, destiné à être brièvement décrié, passé sous silence enfin. Non, l’auteur n’est pas un complotiste[5], encore moins un négationniste, mais un scientifique rigoureux, à l'affut du véritable état des lieux de la planète.

Il y a bien assez de soucis causés par les pollutions, qui ont d’ailleurs baissé de 19% depuis dix ans, et les surconsommations, telle la surpêche qui ratisse les océans au mépris des espèces (ce que notre essayiste dénonce avec vigueur) pour ne pas s’embarrasser des fausses nouvelles (fake news dirait le paresseux anglicisme) véhiculées à pleines brouettes par les écolos, tels que l’apocope familière les nomme. Non la France ne manquera pas d’eau et le bétail, donc la viande, n’en consomme pas puisqu’il la rend à la terre ; non la pollution atmosphérique ne provoque pas 48 000 morts par an ; non la viande rouge n’est pas cancérigène ; non les Organismes Génétiquement Modifiés ne sont pas dangereux, bien au contraire tant ils protègent de la cécité des enfants grâce au riz doré, tant ils protègent les plantes agricoles sans recours à des pesticides, qui ne le sont guère plus, tant les doses sont infinitésimales, comme ce glyphosate qui disparait si vite que l’on peut ressemer deux semaines après son application. Non le bio n’est pas plus sain que les autres fruits, céréales et légumes, que l’on paie de plus en plus cher tant les normes rendent notre agriculture infirme et dépassée par les capacités productives des pays voisins.

Quant aux forêts, hors certaines zones amazoniennes et indonésiennes, elles ne diminuent pas, en particulier en France ; la biodiversité, menacée par endroits, se porte bien ailleurs et se portera encore mieux, grâce aux progrès scientifiques si l’on ne les freine pas. Les abeilles ne disparaissent pas autant que l’on veut nous le faire croire, de plus la culpabilité des pesticides est loin d’être avérée, même si, peut-on ajouter, les monocultures ne leur rendent pas service. Le nucléaire n’a pas tué à Fukushima (ou trois morts comme dit plus haut ?), le tsunami si ; or l’on a fermé Fessenheim encore parfaitement valide, pour y substituer des centrales à charbon et le désinvestissement en faveur de nouvelles centrales nucléaires plus performantes et dévoreuse de déchets, que l’on peut par ailleurs confier en toute sécurité aux enfouissements de Bure, désinvestissement qui est en train de devenir alarmant en frisant la pénurie. Flagrant est le cas du diésel, dont la part (en encore pour les vieux moteurs) est « infime » concernant les cancers du poumon, infiniment plus causés par le tabac, et non par l’exposition aux particules fines, dont les taux d’alarme sont infinitésimalement bas. Et pourtant l’on pense à interdire les véhicules diésel ; voire ceux à moteurs à essence, en faveur des électriques, dont les batteries peu recyclables usent à l’envie de terres rares ! Il faut alors penser à ces éoliennes peu productives, intermittentes, fragiles, à peine recyclables, enrochées sur des milliers de tonnes de béton, et payées au moyen de surfacturations de l’électricité…

Tout cela n’est pas billevesées de l’auteur, mais convictions s’appuyant sur des exemples, des preuves, qui jalonnent l’ouvrage, assurant le procès de la « pensée magique »  et l’assise scientifique du raisonnement et des faits.

Si Jean de Kervasdoué semble parfois se répéter d’ouvrage en ouvrage, ce serait un reproche oiseux à lui faire, tant il nécessaire de réaffirmer les vérités des investigations scientifiques. Il a cependant le mérite de creuser en tous sens son argumentation, de l’enrichir de nouveaux exemples. Car « la méthode expérimentale » le guide, et non les « diabolisations » et la « pensée magique » de la « biodynamie » ou de la « médecine anthroposophique ».

La liste des errements officiels des écologistes est assez effarante, sans qu’il y ait besoin d’ajouter deux cerises pourries sur l’immonde gâteau.

Un, la Justice elle-même n’en est plus une qui soit judicieuse, car au mépris de la science, « les tribunaux s’immisçant dans les querelles scientifiques », elle entérine les allégations des écologistes, sur la nocivité des ondes, quand l’on se plaint de divers troubles alors que l’antenne n’est pas branchée, ou sur le glyphosate.

Deux, « plusieurs éditeurs ont refusé d’envisager la publication de cet ouvrage, considérant que critiquer la bien-pensance écologique dominante, fût-elle infondée, était inenvisageable. Un retour aux années 1950, où l’intelligentsia trouvait qu’il était inconvenant de critiquer le communisme et l’Union Soviétique ! » Est-ce à dire que les précédents éditeurs de Jean de Kervasdoué, soit Gallimard, Robert Laffont, Plon, Fayard, Lattès, Odile Jacob ont failli ? Il faut alors être reconnaissant à Albin Michel de savoir résister au conformisme antiscientifique comminatoire. L’on se moque des détracteurs de Galilée, lui défendant l’héliocentrisme de Copernic, et du Pape qui le fit enfermer, quoiqu’avec clémence. Pourtant l’on constate que Justice et censure éditoriale sont la main dans la main pour accréditer la fausse science verte, mâtinée d’idéologie, de superstition et de tyrannique régression, maîtresse en fustigations au moyen de la peur. Il en ressort que « la nouvelle religion, l’écologisme, excommunie les mal-pensants » !

 

Devant de tels délires écologistes, à l’instar du principe de précaution et du concept de « justice climatique », les tyrans du passé se soulèvent de leurs tombes : « Comment n’y avais-je pas pensé ? » disent-ils. Rançonner par les taxes et l’impôt, contraindre par des normes et totalitariser en toute vertu écologiste le peuple et la planète, quelle belle idée ! Drogués au pouvoir et experts en manipulation, les écologistes parviennent à réaliser le rêve du tyran absolu : assoir son appauvrissante tyrannie sur le consentement de l’opinion.  Aussi c’est bien pertinemment que notre essayiste scientifique cite Hannah Arendt : « La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat[6] ».

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2] Pierre Rabhi : Ecologie et spiritualité, Albin Michel, 2006.

[3] Le Monde, 30 novembre 2015.

[4] Ochlocratie : gouvernement par la foule.

[6] Hannah Arendt : La Crise de la culture, Gallimard, 1988, p 103.

 

Section scientifique, Musée Bernard d'Agesci, Niort, Deux-Sèvres.

Photo : T. Guinhut.

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27 janvier 2021 3 27 /01 /janvier /2021 15:13

 

Museo Lara, Ronda, Malaga, Andalucia. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Un triptyque de sirènes.

Lampedusa : Le Professeur et la sirène ;

Hubert Haddad : La Sirène d’Isé ;

Philippe Beck : Traité des sirènes.

 

 

Guiseppe Tomasi di Lampedusa : Le Professeur et la sirène,

traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro, Seuil, 2014, 192 p, 18 €, Points, 2017, 6,50 €.

 

Hubert Haddad : La Sirène d’Isé, Zulma, 2021, 192 p, 17,50 €.

 

Philipe Beck : Traité des sirènes. Suivi de Musiques du nom,

Le Bruit du temps, 2020, 128 p, 16 €.

 

 

 

« Viens, Ulysse fameux, gloire éternelle de la Grèce,

arrête ton navire afin d’écouter notre voix !

jamais aucun navire noir n’est passé là

sans écouter de notre bouche de beaux chants.

Puis on repart, charmé, lourd d’un plus lourd trésor de science. »

C’est dans l’Odyssée d’Homère, ici bellement traduite en vers par Philippe Jaccottet, qu’apparaît le mythe des sirènes, dont il faut se garder de l’ensorceleuse voix, sous peine de finir en « os des corps décomposés dont les chairs se réduisent[1] », comme en prévient Circé. L’on sait qu’Ulysse comblera de cire les oreilles de ses marins et se fera lier au mât pour jouir sans risque du chant de ses sirènes ailées qui alimentèrent l’imagination des poètes et fascinèrent les peintres. Aujourd’hui encore, en son avatar à la queue poissoneuse, le mythe trouve ses réécritures chez les nouvellistes, comme Guiseppe Tomasi di Lampedusa, les romanciers, à l’instar d’Hubert Haddad, mais également un poète, Philippe Beck. Ainsi résonnent toujours les pouvoirs exquis et maléfiques de l’éros et du chant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le succès affolant du Guépard, de plus magnifié par le film de Luchino Visconti, cache dans son ombre un récit lumineux et aquatique de Guiseppe Tomasi di Lampedusa : Le professeur et la sirène, qui est l’un des quatre joyaux de ce recueil de nouvelles charnelles et spirituelles, initialement paru en 1961. Parmi ses « Souvenirs d’enfance » qui constituent le premier volet de ce retable, c’est une série d’impressions visuelles venues des vastes demeures de la noblesse sicilienne, ranimées par les fragments autobiographiques. Mais aussi, dans « Les chatons aveugles », un cadastre « coloré de jaune » à mesure des achats, « un château de mensonges […] entièrement fait de cuisses de femmes ». Ce qui reste dans le registre profondément érotique de la meilleure page de ce quatuor de nouvelles…

Nous restons cependant irrésistiblement aimantés par une sirène et son chant. À partir d’une confrontation réaliste dans un café - « une sorte d’Hadès peuplé d’ombres exsangues » - s’ouvre un récit emboité. La confession du vieux professeur à son jeune camarade déplie une histoire fantastique d’un postromantisme échevelé. Car lorsque le narrateur, alors étudiant, se retire près d’une mer Méditerranée solaire, la troublante apparition d’une voluptueuse, à la fois apollinienne et dionysiaque, sirène l’enchante : « Sous l’aine, sous les fesses, son corps était celui d’un poisson, revêtu d’écailles nacrées et bleutées très menues, et finissait en une queue fourchue ». Nommée Lighea, « fille de Calliope » (qui est la Muse de la poésie épique), elle parle en grec ancien : « sa parole avait une immédiateté puissante que je n’ai retrouvée que chez quelques grands poètes ». La rencontre est le prélude d’une amoureuse parenthèse aux vies trop sordides : « dans ces étreintes, je jouissais à la fois de la plus haute forme de volupté spirituelle et de l’autre forme, élémentaire, privée de toute résonnance sociale, que nos bergers solitaires éprouvent quand sur les montagnes ils s’unissent à leurs chèvres ».

Comme en un fantasme qui devient immanquablement le nôtre, il faut se plonger en la fulgurance de cette prose éclaboussée d’éros, de beauté et d’émotion pour découvrir enfin comment le professeur rejoindra sa nostalgie infinie. N’a-t-il pas évolué à la trouble lisière de la zoophilie et du platonisme, dans le cadre d’un paganisme librement assumé et « des plans bestial et surhumain » ? En effet, « c’était un animal mais c’était aussi, en même temps une Immortelle ». Magnifiquement construit autour d’un oxymore entre animalité et spiritualité, et autour d’une antithèse entre les deux hommes - narrateur et auditeur -, entre une ville froide du nord italien et les abords méditerranéens de l’Etna, ce récit est également une profession de foi esthétique nietzschéenne, à laquelle cette nouvelle traduction rend splendidement justice. Non sans compter qu’il y a là une dimension féministe et initiatique évidente : c’est l’éternellement jeune sirène qui prend en main la séduction libertine et réalise l’osmose des plans charnels et spirituels, qui appelle le jeune homme en un au-delà de l’humanité, quoique aujourd’hui devenu vieillard. Pour quel naufrage morbide, pour quelle éternité de bonheur ? Peut-être vaut-il mieux penser que le nouvelliste nous propose un heureux contre-modèle aux traitresses sirènes homériques…

Noble sicilien, d’une antique famille peu à peu déclassée, Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896-1957), était toujours un peu ailleurs : dans son enfance somptueuse, dans le passé mythique en décomposition du Guépard, dans un en-deçà ou un au-delà merveilleux où vivent et aiment les sirènes. À la hauteur des plus belles nouvelles de Théophile Gautier et d’Henry James[2], son écriture, étonnement produite lors de ses deux dernières années, à la lisière du testamentaire et du fantasmatique, a pour nous rédimé les temps disparus et les rêves impossibles.

 

 

 

 

 

 

Romancier prolixe, nouvelliste réaliste et fantastique[3], amant d’un japonisme[4] du meilleur aloi, Hubert Haddad cède lui aussi au chant de ces dames mi chair mi poisson, quoique d’une manière beaucoup allusive. Nous sommes plus en Méditerranée, mais au bord de l’océan.

Quel est donc cette Leeloo, sans autre nom connue, conduite « à la pointe sud de la baie d’Umwelt, dans ce drôle de château face au vide » ? Accueillie dans l’étrange maison de santé des « Descenderies » par le docteur Riwald, son amnésie n’éveille que soliloques et « bredouillages », alors qu’elle aime extravaguer parmi le labyrinthe du jardin. Elle accouche d’un enfant handicapé, car sourd, appelé « Malgorne », que veille jalousement Sigrid, la vieille infirmière. Echappée du domaine, dont les falaises s’écroulent et reculent avec insistance, Leeloo disparait dans les flots. Plus tard, à seize ans, nanti d’un diplôme concernant « l’art des jardins », voici notre jeune homme réintégrant le domaine. Bientôt, le long de la route adjacente, passe la « robe incandescente » d’une jeune cycliste. Le préposé à l’entretien du labyrinthe de résineux, dont le code est celui d’un « Petit labyrinthe harmonique », est, l’on s’en doute, bouleversé. Le voici qui « bredouille une langue de silence » et s’en va observer « l’habitante du sémaphore », rêvant « follement partager le secret humide et chaud des paroles ».

Soudain, la foudre le traverse et lui révèle le son de l’orgue de l’église où il s’est réfugié : « Une vibration le taraude, mille frelons de bronze ». Au loin, un père oublieux, conduit un tanker au-devant du fjord : « un navire colossal au large actionne sa sirène ». Tout semble se répondre, à la seule lisière d’un fantastique qui ne s’avoue pas.

Mais où donc la sirène ? nous direz-vous… Le narrateur compare les oreilles de notre jeune sourd à celles « scellées de cire », face aux sirènes de la mélancolie dont est empreint le labyrinthe. Auprès de la jeune fille, nommée Peirdre, qui comble sa solitude avec une amie imaginaire, il observe un mammifère marin échoué, une « rhytine », ou « croisement de sirène et de cachalot ». À moins que cette « sirène d’Isé » soit la jeune Peirdre qui ferait perdre la raison à son admirateur, entraîné à sa suite. Ou une clandestine échappée en « sirène noire » du pétrolier conduit par le père lointain, qui aura en quelque sorte troqué sa fille pour une autre. Qui sera englouti dans les flots de l’éternité, qui survivra ?

Pleine de subtils échos, cette variation poétique sur les voix et les corps, sur la terre  et la mer, sur leur pouvoir d’attraction inégaux, nourrit de manière prégnante la très allusive réécriture du mythe. La souplesse du phrasé, la richesse du vocabulaire et la finesse de la suggestion font merveille en ce conte tragique. Par son intemporelle beauté, c’est moins un roman qu’un poème en prose onirique. L’on y trouve « de sombres lignes de veuves épiant les grimaces de l’au-delà, des vieillards aux yeux de poulpes dispensateurs de lubies », ou, à propos de Peirdre, « la coque de vacuité mélancolique qui la pétrifiait par accès ». Au sortir de ce livre hypnotique, il sera difficile de quitter « les pieuvres des songes épiant à la croisée des miroirs »…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Revenons à Homère et à la poésie, du moins en prose et mâtinée de philosophie, avec Philippe Beck. Le titre le dit bien, Traité des sirènes, il ne s’agit plus de récit, mais d’une tentative d’exégèse du mythe, d’une substantifique moelle, au travers de quarante-huit textes qui sont chacun une « Dignité ».

Quel est ce chant, sorti de l’incroyable gosier de ces créatures mi chair mi oiseau ou mi poisson, mi femme mi animale, sinon celui d’Homère lui-même ? Car Ulysse veut « savoir ce qu’est le savoir qui arrive en se donnant comme un chant du lointain ». Or chaque sirène offrant « un discours qui se fait bruit à travers l’espace », elle est « le cercle de la Muse », au travers d’une nécessité oraculaire. Ainsi son chant est « enchaîné au choral de la vérité » que doit écouter le « Mât de la Raison ». Mais n’est-elle pas « le chant de la douleur du pensable (la Lyre de la Difficulté, qui tente de ne plus souffrir de sa mélopée) auquel s’efforce de na pas succomber la pensée humaine ». Le lecteur devra veiller de ne pas succomber sous le poids de la voix enveloppante de Philippe Beck.

Cependant, à l’ère chrétienne, cette séductrice devient, selon Bernard de Clairvaux, qui qualifiait ainsi toute femme vivant dans le siècle, « instrument de Satan ». Plus loin, le monstre parcourt les potentialités de l’humanité, lorsqu’il s’agit de « cet impossible [qui] est l’utopie (et la dystopie) de la sirène qui annonce la vie absolue ». Une perspective historique s’empare de ces proses, qui glissent à la limite de l’essai, non sans une argumentation parfois erratique. La lecture de Philip Beck, intensément musicale, quoiqu’un rien marquée par l’emphase, vise rien moins qu’à percer le secret de la poésie.

Augmenté en miroir de quarante-huit « Musiques du nom », ce recueil en multiplie « le doigt d’or enluminé », en même temps qu’il retient celui du lecteur sur des pages profuses. Où l’on découvre qu’ « Ulysse a un cœur de sirène ». Paradoxal ? Qui sait jusqu’où va sa métis aux mille ruses…

 

Sirène antique. Villa d'Este, Tivoli, Latium. Photo : T. Guinhut.

 

Songeons enfin à la différence radicale entre les sirènes antiques et celles médiévales. Les premières unissent à la féminité du visage, des seins et des bras, un corps d’oiseau, avec des serres et des ailes emplumées. Les secondes, probablement nées de la vision fugitive des lamantins, associent à cette féminité une chevelure exubérante et, dès les hanches, une queue poissonneuse couverte d’écailles, dont la dimension luxurieuse est évidente. Descend-elle d’Aphrodite (elle-même née de l’écume) et des Muses au chant splendide ? Ou de la baleine qui avait dans la Bible avalé Jonas ? A-t-elle séduit Belzébuth ? Mais dans les deux cas, les contempler et les écouter recèle un immanquable danger, se laisser séduire par un trouble éros, l’enfouissement définitif dans l’élément féminin primordial : l’eau. Le mythe ne s’acheva donc pas avec les créatures homériques, mais à la fois venu de l’univers nordique et christianisé, il trouva de nouveaux avatars, sources d’inspirations profuses. L’on sait que Jean d’Arras, au XIV° siècle, le renouvela grâce au personnage de Mélusine[5], qui peut être épousée et conservée parmi les hommes, tant que l’on n’aperçoit pas la corporelle partie inférieure scandaleusement coupable ; là où le psychanalyste voit une figuration de l’inconscient. Fantasme esthétique ou semi-zoophile, la bête bellement humaine à l’éros froid peut doubler son ambigüité charnelle, sa queue bifide à l’entrecuisse humide, d’un talent inouï, poétique, oraculaire et savant. Celui qu’atteignent nos romanciers et poètes. Qu’ils s’appellent Guiseppe Tomasi di Lampedusa, Hubert Haddad ou Philippe Beck, ils ne cessent de tenter de rivaliser avec une autre étoile du mythe, l’Ondine, du romantique allemand La Motte-Fouqué[6]. En 1811, ce dernier l’imagina dépourvue d’âme et dans la nécessité d’épouser le chevalier Huldebrand pour détenir ce précieux sésame, qui gît dans la poésie.

Thierry Guinhut

La partie sur Lampedusa fut publiée dans Le Matricule des anges, juillet-août 2014

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Homère : Odyssée, chant XII, Le Club Français du Livre, 1967, p 214, 210.

[5] Jean d’Arras : La Légende de Mélusine, Boivin & cie, 1927.

[6] La Motte-Fouqué : Ondine, José Corti, 1982.

 

Sirène médiévale. Vicenza, Veneto. Photo : T. Guinhut.

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22 janvier 2021 5 22 /01 /janvier /2021 16:12

 

Ayerbe, Huesca, Aragon. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Les arcanes de l’histoire par Martin Amis :

Inside Story ;

de La Flèche du temps

à La Zone d’intérêt.

 

Martin Amis : Inside Story,

traduit de l’anglais (Grande Bretagne) par Bernard Turle,

Calmann-Lévy, 2012, 712 p, 24,90 €.

 

Martin Amis : La Flèche du temps,

traduit par Géraldine Koff d’Amico, Christian Bourgois, 1993, Folio, 2010, 7,50 €.

 

Martin Amis : La Zone d’intérêt,

traduit par Bernard Turle, Calmann-Lévy, 2015, 396 p, 21,50 €,

Le Livre de Poche, 2016, 7,60 €.

 

 

La flèche du temps n’épargne personne, sauf les artistes, dont l’œuvre peut parfois leur survivre longuement, voire jusqu’à une éternité fantasmée dans le marbre d’un volume peut-être ostentatoire. Ainsi à l’écrivain il est permis de survivre, si ses livres savent convaincre la postérité. Lors éprouve-t-il la nécessité de se portraiturer, de se raconter en un monumental opus autobiographique, qui l’inscrirait dans la « zone d’intérêt » au sens littéral, voire dans le solide flux de l’Histoire. Inside Story, dit-il, en son copieux fleuve autobiographique aux cent bras. D’autant s’il a dû se confronter, comme le parfois sulfureux Martin Amis, à la vivisection du nazisme dans sa paire de récits intitulés La Flèche du temps et La Zone d’intérêt. Du roman d’Auschwitz au roman autobiographique, Martin Amis peut-il décemment déposer son opus sur l’autel de la littérature ?

 

Cette Inside Story, cette « autofiction », puzzle autobiographique qui veut s’intituler « roman » commence par un préambule sous forme d’élégante invitation : le lecteur se voit offrir un canapé chez Martin Amis lui-même. De-ci de-là, le portrait kaléidoscopique de l’auteur est brinquebalé depuis les auteurs qui ont été ses maîtres, Saül Bellow et Vladimir Nabokov, parmi des confessions intimes sur ses amitiés, ses amours, sa famille, jusqu’à l’aube annoncée de la vieillesse, puisqu’il est né en 1949. En ce sens, nous ne sommes pas loin de son précédent recueil d’essais coruscants, La Friction du temps, dans lequel se croisaient également Saül Bellow et Vladimir Nabokov, mais aussi, plus incongrus, John Travolta et Maradona, Ben Laden et Donald Trump, sur lequel il aimait poser son œil satirique, non sans humour. Entre Londres et Brooklyn, son premier roman, Le Dossier Rachel, pochade adolescente un brin provocatrice et son vaste opus L’Information, pour lequel il obtint plus de 500 000 livres de son éditeur, il collectionne les motifs de scandale, dont ceux causés par ses romans fouillant au cruel scalpel Auschwitz, puis les crimes de Lénine et Staline, dans Koba la terreur[1].

En cette « story » (mais quel diable à la mode pousse les éditeurs à ne pas traduire le titre !), qui va de la « chrysalide incomplète » du jeune homme à l’adulte vieillissant, les histoires d’amour et de désamour, de couples et d’enfants côtoient l’aventure intellectuelle du journaliste et romancier. Les voyages, lors de colloques et autres conférences, trouvent un point culminant à Jérusalem, « QG planétaire de l’idolâtrie », puis à Massada, symbole de la résistance juive. Les inquisitions personnelles de l’écrivain vont un peu dans tous les sens, voire du coq à l’âne, de la satire convenue et aveugle du « butor colossal » Donald Trump[2], au déclin de la violence dans le monde, en passant par le roman anglais du XVIII° siècle…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’on est aussi surpris que le romancier lorsqu’il apprend qu’il ne serait pas le fils de son père, Kingsley Amis, lui-même romancier, mais de Philip Larkin, un poète, qui, jeune, fut favorable à l’Allemagne nazie, ce qui n’est pas sans troubler notre autobiographe, et dont les vers et la vie parcourent ces pages, où l’on alterne entre le « je » autobiographique et le « il » romanesque. Révélation d’ailleurs amenée par une Phoebe fictionnelle, alors que celle d’origine se retrouve « enfouie comme un fossile sous les sédiments de l’invention ». L’un de ses modèles fut-il comme elle une « escort girl » ? Elle devient la synthèse mordante de bien des dames qui ont été ses liaisons dans les années soixante, tant « la fiction c’est la liberté ».

Bourrée jusqu’à la gueule d’allusions, de digressions, de notes de bas de pages parfois généreuses, parfois babillarde, cette somme, écrite avec vivacité et alacrité, mais construite de manière erratique, est à la fois un rien vaniteuse, et fort cultivée, histoire d’ériger son propre monument avec une intacte espièglerie, jonché de conquêtes féminines, et de divers alcools. Pour travestir ses proches, sinon les protéger, les prénoms changent : son épouse Isabel devient Elena. Ses coups de griffes sont parfois sévères : contre Graham Greene qu’il trouve médiocre, contre la France, « le Q.G. mondial de l’ennui, du cafard, de la nausée » ! Ce qui ne l’empêche pas d’être fort compatissant avec ses amis, Saül Bellow, atteint d’alzheimer, Christopher Hitchens, par un cancer de l’œsophage. Aux rubriques nécrologiques se sont adossés, parfois sans suite logique, les chroniques d’actualité (le 11 septembre par exemple) et celles familiales, qui conspirent à l’humanité de l’ouvrage.

Toutefois, offtant une brassée de conseils au jeune écrivain, histoire de passer le flambeau, jamais il n’oublie « l’art d’écrire ». Il déconseille « trois zones » à « aborder avec d’infinies précautions, peut-être même ignorer » : les rêves, le sexe et la religion. Si nous le suivrons un peu pour les premiers, quoique le romantique allemand Jean-Paul Richter[3] en fit son miel, il ne s’agira pas d’ignorer le second, hors sa vulgarité, ni le troisième, hors le prosélytisme. Il poursuit au mieux sa démarche conseillère : « débarrassez donc votre prose de tout ce qui sent le troupeau et le mouton de Panurge » ; ce qui est un écho de son recueil d’essais Guerre aux clichés[4]. Par ailleurs le romancier observe le passage du roman qui raconte une histoire à celui qui privilégie le langage : ce « déferlement expérimentaliste qui accompagna la révolution sexuelle », et qui, avant de s’effacer, ne toucha guère Martin Amis, plus précisément adepte du « roman social ». En tous cas, il n’a pas tort de privilégier ceux qui, comme Vladimir Nabokov, savent « avaler toute la beauté du monde » ; mais aussi comme Saül Bellow, « aller vers ce monde-là avec un œil nouveau, aimant ».

Une question cependant taraude l’écrivain : « comment un roman autobiographique peut-il tenter d’exprimer l’universel, et qui plus est y réussit ? ». L’on n’est pas certain qu’il parvienne à relever le défi, en un opus à la fois plaisant, bavard, futile, intéressant soudain, piquant, voire acerbe, émouvant enfin, en une fresque qui allie dimension personnelle et sociologique, ostentation et sens dramatique autant que didactique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Que voilà une charmante pastorale… La rencontre d’une « plantureuse » jeune mère en robe blanche parmi les ombres et les feux de l’été émeut grandement Thomsen, qui conçoit alors la « météorologie du coup de foudre ». Non sans ironie, Martin Amis, l’auteur prolifique de L’Information et des poupées crevées[5], semble engager les péripéties d’une églogue sentimentale, quoiqu’elle se passe dans la « zone d’intérêt ». C’est ainsi, par euphémisme, que les Nazis désignaient les camps de concentration et d’extermination. « Solution finale », « Espace vital », « Zone d’intérêt », ces formules parent des noblesses raisonnables de la langue les lieux abjects du génocide et de la guerre que le romancier Martin Amis avait déjà traversé avec La Flèche du temps. Mais en ce précédent roman, Auschwitz n’était qu’un moment, nodal certes, d’une fiction biographique, alors que le dernier né, La Zone d’intérêt, plonge intégralement les bluettes amoureuses et autres gaudrioles sexuelles de ses personnages dans la boue cadavérique du lieu de sinistre mémoire, sans jamais le nommer cependant.

Le premier narrateur, Angelus Thomsen, officier SS et neveu du secrétaire d’Hitler, aime jouer de l’« interlude sentimental » avec la vulgaire Isle, quoiqu’il soit fort amoureux de la femme du commandant Paul Doll. Cette dernière est pour le galant un brin vaniteux « l’idéal national de la jeune féminité ». Quand le commandant devient narrateur à son tour, il se plaint des épreuves de son travail, que son épouse ne contribue guère à soulager, et se gargarise de son idéologie national-socialiste : il est le « Fer de lance de l’ambitieux programme national d’hygiène appliquée ». Cet homme « complètement normal » et cependant « pochetron », victime d’un vaudeville conjugal qui coûte la vie d’un prisonnier, gère la mort avec « radicalisme, fanatisme »… Le trio se referme avec le « Sonder » Smulz, qui est l’un « des hommes le plus triste de toute l’histoire de l’humanité ». Ce malheureux Juif est « le plus ancien fossoyeur » et dort avec les « sacs de cheveux ». Peu à peu, chacun des personnages, y compris Hannah Doll, voit ses reins et son cœur sondés jusqu’aux plus intimes, rêveuses et abjectes motivations, en une vivisection romanesque presque concurrente de celles exercées par les médecins nazis.

Sans cesse en mouvement, l’écriture de Martin Amis est pétrie de finesse, d’ironie, et de non-dits suggestifs : sous la carapace mondaine, le vernis se fendille par petites touches pour laisser subodorer ce qui se trame derrière les miradors. Alors que l’on voit les filles du commandant jouant à cache-cache dans les fleurs, des cris lointains, une « odeur », suggèrent une monstrueuse proximité : « des gens qui font semblant que c’est la nuit de Walpurgis et qui jouent à se faire peur », les rassure-t-on. L’écrivain joue au chat et à la souris avec son lecteur : « Tout ce que je peux offrir, comme atténuation, en guise d’apaisement, c’est l’entièreté, la perfection de mon impuissance », dit ce petit mammifère. Le médecin qui préside à la « Selektion » promet de garder « purs et bénis et [sa] vie et [son] art ». Bientôt, rien ne peut empêcher que les « macchabées rachitiques » et les champs de cadavres soient aussi inévitables que la froideur réjouie des exécuteurs. Le Commandant Doll va jusqu’à fomenter un sordide complot pour faire assassiner sa femme, « mariée à un des assassins les plus prolifiques de l’histoire », et devenue aussi méprisante que compromettante, par le Sonder Smulz…

Les SS sont titulaires de doctorats, un sergent récite de la poésie lors d’un spectacle, leurs coucheries ont les conséquences que l’on devine, quand, au dehors, l’on marche « dans la vase brun violacé d’une latrine infinie ». L’un « veut plus d’esclaves », l’autre « plus de cadavres », malgré la défaite en Russie bientôt évidente. Les femmes parviennent  à être, contrairement au préjugé courant, tout aussi ardemment nazies et férocement cruelles. « Qu’il était humiliant, qu’il était méprisable d’appartenir à la race des maîtres », pense bientôt Thomsen. Le contraste, aigu, est édifiant !

D’aucuns diraient que cette Zone d’intérêt est de peu d’intérêt, privilégiant d’une manière indécente, scandaleuse, les parties de jambes en l’air des uns et des autres, du Commandant Doll qui force sa maîtresse à subir un avortement dans le camp même, ou l’évocation des romantiques Souffrances du jeune Werther de Goethe, quand seul Smulz est la petite voix sacrifiée de la Shoah… Mais au pinacle de ce roman se dresse la figure du Commandant Doll, salopard fier de lui, ivrogne patenté, bureaucrate autant zélé pour les intérêts nazis que pour les siens, amoral sans nul doute, borné, veule cependant, s’élevant et s’écroulant comme le type inénarrable du Nazi qui fit l’Histoire et que cette dernière défit pourtant, personnage bas en couleurs qui est le vrai trophée du romancier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans La Flèche du temps, qui était plus continument percutant, Martin Amis imaginait la vie à rebours d’un Américain qui se révélait ancien officier-médecin d’Auschwitz, cet « Anus Mundi ». Il s’agissait de sortir les Juifs des fours puis des douches (appelées en ce roman, le « sauna ») pour les rendre à leur vie : « C’était moi, Odilo Unverdorben, qui enlevais personnellement les pastilles de Zyklon B et les confiais au pharmacien en blouse blanche […] le travail dentaire était d’habitude effectué quand les patients n’étaient pas encore vivants ». Cette façon de raconter une vie et ses travers en inversant la « flèche du temps », de la mort à la naissance, fut d’ailleurs initiée par Alejo Carpentier dans une nouvelle fantastique, « Retour aux sources », dans le recueil Guerre du temps[6]. Elle trouve ici cependant une efficacité romanesque et une acuité stylistique assurant un effet hypnotique sur le lecteur.

 Indubitablement le styliste britannique possède l’art troublant de revisiter les monstres sacrés de l’Histoire et de la littérature que l’on n’aborde qu’en tremblant de commettre impair, lourdeur, poncif, sans oublier le rédhibitoire faux pas éthique. En outre le romancier n’a rien perdu de sa verve métaphorique : « le ciel gris était en train de virer de l’huître au maquereau »… Certes, quelques pages sur la gestion, la rationalisation et le cynisme de la solution finale paraissent avoir été déjà évoquées avec une conscience plus radicale par Jonathan Littell, dans Les Bienveillantes[7], qui est, n’en doutons pas, d’une dimension bien plus formidable. Au-delà du classique Si c’est un homme de Primo Levi (que la circonspecte et prolixe bibliographie n’oublie pas) il y a place pour toutes les investigations menées parmi les instigateurs et les gérants du « mal radical inné dans la nature humaine », selon la formule de Kant[8]. Car ici, le mal n’est banal que pour les Nazis dont l’ardeur au meurtre interdit tout recours au concept de « la banalité du mal » tel que le théorisa Hannah Arendt[9]. Car Doll rejette « le système chrétien du bien et du mal ». Comme, de l’aveu même de l’auteur, son Lionel Asbo[10], bien qu’anglais, est une graine de nazi, chauffée par la délinquance et le goût de la violence… Alors qu’Odilo Unverdorben, dans La Flèche du temps, est « capable de faire ce que tout le monde fait, bien ou mal, sans limite, une fois couvert par le nombre ». Après le temps du témoignage, vient le temps des libertés de la fiction exploratrice des noirceurs de l’humanité.

L’on sait que La Zone d’intérêt fut rejeté par Gallimard, bien qu’il fût le fidèle éditeur de celui qui est bien plus que le fils indigne et officiel d’un ex-jeune homme en colère (selon le nom choisi par un groupe d’auteurs britanniques de l’après-guerre) le romancier Kingsley Amis. Risquerait-on l’empathie avec de tels Allemands, que la focalisation interne choisie permet de rendre si dangereusement intimes au lecteur ? Calmann-Lévy avait refusé les Bienveillantes, il tente aujourd’hui de faire ainsi amende honorable. Une pudibonderie éditoriale ridicule aurait-elle failli nous priver de l’« intérêt » d’une telle gaudriole nazie, sarcastique, et abyssalement tragique ? Qui, peut-être, par le biais de la fiction romanesque, voudrait être la thérapie, la catharsis de l’Histoire…

 

Des arcanes de l’histoire intérieure à ceux de l’Histoire, il n’y a qu’un pas pour le romancier digne de ce nom, celui qu’a franchi Martin Amis, satiriste impénitent qui se fit un brin moraliste, puis vivisecteur de la plaie purulente d’Auschwitz, et tente un bilan tant moral et littéraire de son existence de chair et de papier, comme s’il allait, le jour de l’au-delà, en présenter le volume à son créateur…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Martin Amis : Koba la terreur. Mes vingt millions et le rire, L’œuvre, 2009.

[3] Jean-Paul Richter : Choix de rêves, José Corti, 2001.

[4] Martin Amis : Guerre au cliché : essais et critiques, Gallimard, 2006.

[6] Alejo Carpentier : Guerre du temps, Gallimard, 1967.

[8] Emmanuel Kant : La religion dans les limites de la raison, Œuvres philosophiques, III, Gallimard, Pléiade, 1986, p 46.

 

Bois Henri IV, La Couarde, Île de Ré. Photo : T. Guinhut.

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Babel des routes de la traduction

Des jardins & des livres, Fondation Bodmer

De l'incendie des livres et des bibliothèques

Bibliothèques pillées sous l'Occupation

Bibliothèques vaticane et militaires

Masques et théâtre en éditions rares

De Saint-Jérôme au contemporain

Haine de la littérature et de la culture

Rabie : La Bibliothèque enchantée

Bibliothèques du monde, or des manuscrits

Du papyrus à Google-books : Darnton, Eco

Bibliothèques perdues et fictionnelles

Livres perdus : Straten,  Schlanger, Olender

Bibliophilie rare : Géants et nains

Manguel ; Uniques fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

 

Blake

Chesterton, Jordis : William Blake ou l’infini

Le Mariage du ciel et de l’enfer

 

 

 

 

 

 

 

Blasphème

Eloge du blasphème : Thomas-d'Aquin, Rushdie, Cabantous, Beccaria

 

 

 

 

 

 

Blog, critique

Du Blog comme œuvre d’art

Pour une éthique de la critique littéraire

Du temps des livres aux vérités du roman

 

 

 

 

 

 

 

Bloom

Amour, amitié et culture générale

 

 

 

 

 

 

 

Bloy

Le désespéré enlumineur de haines

 

 

 

 

 

 

 

Bolaño

L’artiste et le mal : 2666, Nocturne du Chili

Les parenthèses du chien romantique

Poète métaphysique et romancier politique

 

 

 

 

 

 

 

Bonnefoy

La poésie du legs : Ensemble encore

 

Borel

Pétrus Borel lycanthrope du romantisme noir

 

 

 

 

 

 

 

Borges

Un Borges idéal, équivalent de l'univers

Géographies des bibliothèques enchantées

Poèmes d’amour, une anthologie

 

 

 

 

 

 

 

Brague

Légitimité de l'humanisme et de l'Histoire

Eloge paradoxal du christianisme, sur l'islam

 

 

 

 

 

 

Brésil

Poésie, arts primitifs et populaires du Brésil

 

 

 

 

 

 

Bruckner

La Sagesse de l'argent

Pour l'annulation de la Cancel-culture

 

Brume et brouillard

Science, littérature et art du brouillard

 

 

 

 

 

 

Burgess

Folle semence de L'Orange mécanique

 

 

 

 

 

 

 

Burnside

De la maison muette à l'Eté des noyés

 

 

 

 

 

 

Butor

Butor poète et imagier du Temps qui court

Butor Barcelo : Une nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

Cabré

Confiteor : devant le mystère du mal

 

 

 

 

 

 

 

Canetti

La Langue sauvée de l'autobiographie

 

 

 

 

 

 

Capek

La Guerre totalitaire des salamandres

 

 

 

 

 

 

 

Capitalisme

Eloge des péchés capitaux du capitalisme

De l'argument spécieux des inégalités

La sagesse de l'argent : Pascal Bruckner

Vers le paradis fiscal français ?

 

 

 

 

 

 

Carrion

Les orphelins du futur post-nucléaire

Eloges des librairies et des libraires

 

 

 

 

 

 

 

Cartarescu

La trilogie roumaine d'Orbitor, Solénoïde ; Manea : La Tanière

 

 

 

 

 

 

 

Cartographie, explorations

Atlas des mondes réels et imaginaires

Des côtes inconnues à l'Amazonie

 

 

 

 

 

 

 

Casanova

Icosameron et Histoire de ma vie

 

 

 

 

 

 

Catton

La Répétition, Les Luminaires

 

 

 

 

 

 

Cavazzoni

Les Géants imbéciles et autres Idiots

 

 

 

 

 

 

 

Celan

Paul Celan minotaure de la poésie

Celan et Bachmann : Lettres amoureuses

 

 

 

 

 

 

Céline

Voyage au bout des pamphlets antisémites

Guerre : l'expressionnisme vainqueur

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

 

Censure et autodafé

Requiem pour la liberté d’expression : entre Milton et Darnton, Charlie et Zemmour

Livres censurés et colères morales

Incendie des livres et des bibliothèques : Polastron, Baez, Steiner, Canetti, Bradbury

Totalitarisme et Renseignement

Pour l'annulation de la cancel culture

 

 

 

 

 

 

Cervantès

Don Quichotte peint par Gérard Garouste

Don Quichotte par Pietro Citati et Avellaneda

 

 

 

 

 

 

Cheng

Francois Cheng, Longue route et poésie

 

 

 

 

 

 

Chesterton

William Blake ou l'infini

Le fantaisiste du roman policier catholique

 

Chevalier

La Dernière fugitive, À l'orée du verger

Le Nouveau, rééecriture d'Othello

Chevalier-la-derniere-fugitive

 

Chine

Chen Ming : Les Nuages noirs de Mao

Du Gène du garde rouge aux Confessions d'un traître à la patrie

Anthologie de la poésie chinoise en Pléiade

 

 

 

 

 

 

Civilisation

Petit précis de civilisations comparées

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

 

 

 

 

 

 

 

Climat

Histoire du climat et idéologie écologiste

Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

Coe

Peines politiques anglaises perdues

 

 

 

 

 

 

 

Colonialisme

De Bartolomé de Las Casas à Jules Verne

Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

Histoire amérindienne

 

 

 

 

 

 

Communisme

"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

Constant Benjamin

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Corbin

Fraicheur de l'herbe et de la pluie

Histoire du silence et des odeurs

Histoire du repos, lenteur, loisir, paresse

 

 

 

 

 

 

 

Cosmos

Cosmos de littérature, de science, d'art et de philosophie

 

 

 

 

 

 

Couleurs
Couleurs de l'Occident : Fischer, Alberti

Couleurs, cochenille, rayures : Pastoureau

Nuanciers de la rose et du rose

Profondeurs, lumières du noir et du blanc

Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


Crime et délinquance

Jonas T. Bengtsson et Jack Black

 

 

 

 

 

 

 

Cronenberg

Science-fiction biotechnologique : de Consumés à Existenz

 

 

 

 

 

 

 

Dandysme

Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Adages et Colloques

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré, une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

VIII Morphéor intelligence quantique amoureuse

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com

XVIII Bibliothèque Hespérus et Petite porcelaine bleue

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme : Ages & Colloques

Manuzio, Budé, Byzantinistes & Coménius

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Vanité de la mort : Vincent Wackenheim

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

La Cité aux murs incertains, L'Incolore Tsukuru

 

 

 

 

 

 

Muray

Philippe Muray et l'homo festivus

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Les obsolètes face à l'intelligence artificielle

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science-fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Métamorphoses du sonnet contemporain

 

 

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Wells

Wells aventurier du temps et socialiste déçu

 

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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