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3 janvier 2020 5 03 /01 /janvier /2020 18:21

 

Toblach / Dobbiaco, Südtirol, Trentino Alto-Adige.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Retraite cistercienne, communiste ou raisonnée :

 

tyrannie syndicale, sévices publics

 

ou capitalisations.

 

 

 

 

      Fenêtre de ciel paisible, lieu retiré du monde, une retraite est un espace de repos, de sérénité, oisif après et hors du travail, otium après le negotium. Avant l’ultime retrait du monde dans la mort et en Dieu, le religieux se faisait ermite, quand seule d’abord l’amélioration de la vie occidentale et de son espérance de vie, grâce au capitalisme, a pu permettre d’espérer une retraite laïque - hors pour celui dont l’aisance avait pu dégager un capital offert à sa vieillesse - celle durement gagnée par une vie de labeur et grâce à une capitalisation corporatiste ou étatique. Bismarck n’avait-il pas demandé quand fixer l’âge de la retraite pour ne pas avoir à la payer ? Soixante ans, lui répondit-on à la fin du XIX° siècle. Or l’évolution de la démographie et de l’espérance de vie est telle qu’aujourd’hui l’on doive en France retarder l’âge de départ, sans compter l’éradication de régimes spécieux indus. Mais devant la cacophonie, les clameurs des grèves, l’oreille et l’esprit en sont si fatigués que l’on se prend à rêver d’une calme retraite cistercienne. Quoique très vite le risque soit que son régime communautaire éborgne la liberté. Comme le fait ce régime étatique des retraites, finalement communiste, donc tyrannique et forcément en échec. Envisagerions-nous, hors de toute politique circonstancielle et partisane, une retraite éthique et raisonnée ?

      Le calme cistercien, son cloître aux pas tranquilles, ses chants grégoriens, ses repas frugaux en entendant quelques pages de la Genèse ou du Livre d’Esther, ses messes aux mains de prières éclairées par les vitraux, sa cellule au frais sommeil, seraient parfait, si la bibliothèque y permettait de lire, en compagnie de studieux et silencieux lecteurs, les chefs-d’œuvre de l’Antiquité, des Pères de l’Eglise (pas toujours sympathiques) et des Lumières. N’idéalisons cependant pas la chose : il faudrait bien payer son écot, en une vacance d’un autre travail et grâce à des revenus précédents, ou jardiner au potager de manière vite harassante, ou autre tâche répétitive et méditative artisanale, le métier de copiste de manuscrits médiévaux n’étant plus guère à la mode, destruction créatrice aidant, pour reprendre le concept de Joseph Schumpeter[1]… Sans compter que le régime communautaire laisserait peu de place à la solitude, à l’athéisme, aucune à la mixité, à la liberté individuelle. Une telle retraite, quoiqu’au premier regard séduisante, est à peu près impraticable.

      Bien que la révolution communiste rêvée n’ait pu se dresser depuis des conditions qui n’étaient pas en France réunies - que la démocratie libérale soit louée – au moins deux coups de force ont été engagés et réussis par le communisme : la nationalisation des chemins de fers en 1937 et la création conjointe de la Sécurité Sociale nationale en 1945 et des caisses de retraites par répartition, également nationales en 1941 (sous le bien aimé Pétain), venues du modèle bismarckien et sous l’égide d’anciens responsables de la CGT comme René Belin (ministre du Travail sous Pétain et signataire du statut des Juifs en 1940) tout ceci au dépend de la liberté de choix et de la libre concurrence. Ce fut l’édification d’un bastion communiste dans l’Etat et la société, alors qu’il s’agit aujourd’hui pour ses affidés d’« une unité communiste d’urgence qui doit leur donner un sentiment aigu de l’identité née de la menace commune », pour reprendre l’expression de Peter Sloterdijk qui enfonce le clou : « Ce qui est dans l’air, ici, c’est la communication circulaire totalitaire qui l’y place : l’air est empli des rêves de victoire de masses vexées et de leurs autocélébrations enivrées et coupées du monde empirique, masses que le désir d’humilier les autres suit comme une ombre[2] ». Ainsi la petite masse syndicale revendicatrice et tyrannique serre-t-elle les rangs devant ce qui menace de la stériliser.

      Soixante-cinq ans pour entrer en retraite n’était déjà pas si mal, mais les années Mitterrand ont abaissé le départ à soixante, ce qui fut à la fois une démagogique erreur et un cadeau empoisonné. Devant les contraintes démographiques - papy-boom, baisse des naissances, allongement de l’espérance de vie - la réforme Fillon le fit reculer à soixante-deux ans. Si l’on songe que l’espérance de vie ne cesse de progresser (trente ans depuis un siècle), un tel régime par répartition ne peut qu’être déficitaire et réclame de repousser l’âge de départ à soixante-cinq ans, voire soixante-sept, comme en Allemagne, et chez la plupart de nos voisins. Restent les quarante-deux régimes de retraite, dont certains, dits spéciaux, sont des héritiers de corporatismes le plus souvent abusifs. Si se justifiait un départ précoce des chauffeurs de locomotives qui bouffaient de la poussière de charbon jusqu’aux maladies pulmonaires et autres cancers, il est aujourd’hui plus qu’obsolète.

      Lorsque 80 % des actifs dépendent du régime général des salariés du privé, le régime de la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière côtoie 11 régimes des indépendants et 20 régimes spéciaux indûment avantageux. Quelques-uns ne concernent que peu de gens : les sénateurs, dont un euro cotisé entraîne 6 euros de prestation, contre 1,5 euro dans le régime général, ou l’Opéra de Paris et la Comédie française, ou encore quelques résiduels et provisoires individus relevant du régime des mineurs ; la dimension minuscule de la chose n’autorisant cependant pas d’exception.

      Evidemment ces derniers voient le déficit qu’ils entraînent compensé par l’Etat, donc les impôts de tous les contribuables. Mais les plus outrageux sont trois : industries électriques et gazières (avec 158 entreprises, dont EDF et Engie) et enfin la SNCF et la RATP. Non seulement le gain de prestation peut aller jusqu’à 25 % par rapport aux salariés du privé, mais l’âge de départ est autour de 56 ans, et sous certaines conditions à partir de 52 ans pour les conducteurs de trains. Ce qui coûte environ 3 milliards d’euros par an à la société toute entière, donc à chacun de nous, sans parler de l’injustice flagrante, de la rupture du contrat d’égalité inscrit au fronton de la République. Sans qu’aucune pénibilité réelle ne soit en cause, alors que l’on pourrait arguer que ceux qui peuvent voir leur vie menacée dans le cadre de leurs profession, policiers, gendarmes, militaires, voire pompiers, puisse bénéficier d’un régime plus clément.

      Comme d’injuste, les syndicats, CGT en tête (de tradition communiste), mais aussi Sud Rail et FO, sont vent debout contre une réforme qui les priverait de leurs régimes spéciaux, de leur poule aux œufs d’or. Sous prétexte de service public, de défense des droits de tous, ils s’arc-boutent sur leurs privilèges éhontés que leur communisme a permis d’annexer en faveur d’un corporatisme et d’une prise de pouvoir oligarchique. En communisme syndical, tous les hommes sont égaux, « mais certains sont plus égaux que d’autres », pour parodier George Orwell[3].

      L’on ne sait pas assez que seulement 7,7 % des salariés sont syndiqués, que 50 000 salariés de la fonction publique (en équivalent temps plein) sont mis à disposition de leurs syndicats. Ceux-ci gèrent des budgets dits sociaux, pour un total de 130 milliards d’euros par an, soit 6% du PIB, venus des retraites complémentaires, de l’assurance chômage, de la formation professionnelle, sans compter la manne des comités d’entreprises. Si 90 % de leurs ressources proviennent des employeurs, publics et privés, seuls 3 à 4% viennent des syndiqués eux-mêmes, alors que la taxe syndicale prélève 82 millions d’euros sur les salaires bruts (nous voilà syndiqués de force) ; de surcroît, au moins 175 millions d’euros par an sont des subventions publiques (étatique et territoriales). Tout cela pour financer et encourager les 3 millions de journées de grève qui ont été comptées en 2016, selon Contribuables associés[4]. L’on consultera également le Rapport Perruchot[5], rapport soigneusement tu et cependant parfaitement lisible, pour se convaincre que l’argent des syndicats est le résultat d’une exaction : ces derniers puisent à l’envi dans les fonds des organismes paritaires (Sécurité Sociale, Unedic, Formation professionnelle, etc.), se servent des comités d’entreprises comme pompe aspirante, tout cela d’une manière délictueuse. La Cour des Comptes dénonça en 2011 la gestion pour le moins opaque d’un château XVIII° de l’Essonne, aux mains de la CGT et du comité d’entreprise de la RATP. Ce dont il ressort qu’impérativement les syndicats ne devraient se financer que par les seules cotisations de leurs adhérents. Ce qui aurait pour heureuse conséquence de rogner leur pouvoir de nuisance et de devoir les recentrer sur la défense de l’employé.

      Et aujourd’hui des trains de grèves rognent, voire éradiquent, la liberté de circuler, de travailler et de commercer, imposant de dures et longues journées à des travailleurs sans train, ni bus, ni métro, contribuant à la faillite de nombreux commerces et entreprises, qui crachent au bassinet des syndicats et syndiqués au moyen des impôts et autres taxes qui leur sont extorquées.

      Souvenons-nous que dans la nuit du 2 au 3 décembre 1947, des militants de la CGT Pas-de-Calais ont saboté la ligne Paris-Tourcoing en déboulonnant deux rails : un train dérailla près d'Arras, tuant 20 voyageurs et blessant 50 autres. Si nous n’en sommes pas là aujourd’hui, des syndicats révolutionnaires ne sont pas loin d’être des organisations terroristes bloquant le pays en toute impunité, coupant l'électricité, y compris d’entreprises et de cliniques, et parfois comptables d’intimidations et de voies de faits sur des employés non-grévistes, ce en assumant leur délinquance et leur illégalité. Comme le brame un Anasse Kazib, délégué syndical SUD Rail à la SNCF, associant en un beau ramassis d’abomination marxisme révolutionnaire et islam politique !

      Tout cela au nom du sacro-saint Service Public. Dont il faut dénoncer le mythe, grâce auquel il masque un sévice public. Qu’est-ce qu’un mythe ? Sans conteste, une fable, un récit fabuleux, qui aurait pour vocation autant de charmer que d’expliquer et de solutionner l’inexplicable. Il est également « une représentation passée de l’histoire de l’humanité », « une construction de l’esprit sans relation avec la réalité[6] ». De fait, il joue un rôle considérable dans l’appréciation et le comportement des individus et des collectivités. N’est-ce pas la définition même du service public ? Sauf qu’imposé, communautaire et délivré du souci de la concurrence, donc de l’efficacité réelle, il est un Léviathan, un Moloch, dans la gueule duquel les citoyens sont enfournés bon gré mal gré. Prétendument il serait indispensable, au service des besoins de tous.

      Revenons à nos besoins primaires : se nourrir, se vêtir. Aucun service public ne se préoccupe en France d’être le grand pourvoyeur de pains et de croissants, de vastes manteaux et de petites culottes. Heureusement d’ailleurs. Ce qui nous assure d’être abondamment fournis, que ce soit tant au moyen des entreprises privées que des associations caritatives, de la grande distribution à Emmaüs, en produits divers, sans cesse renouvelés, améliorés, et variés par l’invention des individus que protègent encore les lambeaux du capitalisme libéral étranglé par les milliers de pages du Code du travail et une fiscalité punitive, confiscatoire, suicidaire et championne du monde. Faut-il à cet égard se souvenir de l’économie entière aux mains de l’Etat, ce Service Public géant, lors des sept décennies soviétiques : au temps bienheureux du communisme les queues s’allongeaient devant les magasins aux trois-quarts vides, sinon de quelques produits aussi uniformes que médiocres… C’est alors que le Service Public paradait sous la forme du Sévice Public auquel nul n’échappait. Ainsi la SNCF, la RATP, la Sécurité sociale, sans oublier le RSI, cette Sécurité sociale des Indépendants, sont des monopoles, aux mains d’une mafia étatique et syndicale (quand aux Etats-Unis « mafia » et « syndicate » sont des synonymes).

      Personne n’est jamais contraint de devenir le client d’une société privée, forcément soumise à la concurrence ; en revanche tous sont obligés par l’Etat à consommer et subir ses services publics monopolistiques : qu’il s’agisse de la SNCF, de la RATP, de la Sécurité sociale, dont le nom sonne comme une maison de sécurité (entendez une prison), voire de la Police et de la Justice. Heureusement, en cette affaire, le Parlement européen, pourtant pas toujours pertinent, voudrait imposer le respect de la concurrence à des organismes comme la SNCF et la Sécurité sociale, quoique l’on puisse aisément imaginer combien l’Etat, nos chers, trop chers élus et nos syndicats freinent des quatre fers, enferrés qu’ils sont dans leurs privilèges, la puissance de leur tyrannie. Sans compter l’impéritie de leur gestion, si l’on pense que la SNCF, sans cesse déficitaire (comme d’ailleurs la Sécurité sociale), pour la valeur de la moitié de son chiffre d’affaire, voit son abîme financier sans cesse comblé par l’Etat, encore une fois le contribuable, à hauteur de 13 millions d’euros par an en y incluant ses retraites, soit depuis des décennies plus de 28 milliards d’euros de subventions pour une société en faillite constante…

      Quelle est la solution ? Privatiser ! L’Allemagne et le Royaume Uni ont vu leurs compagnies ferroviaires devenir non seulement bénéficiaires après leur privatisation, quoique partielles, mais gagner en sécurité. Les trains régionaux suisses fonctionnent parfaitement bien. Depuis le 1er janvier 2020 la SNCF est une société anonyme qui n'embauchera plus ses nouvelles recrues au statut de cheminot. C’est une étape clef de la réforme ferroviaire de 2018 qui passe presque inaperçue, en pleine grève, à peu près autant que l’entrée dans la concurrence européenne, qui permet à des compagnies étrangères d’exploiter les lignes françaises - et réciproquement- , à l’instar de Trenitalia qui circule dès 2020 entre Milan et Paris.

      Voulez-vous que les dividendes du CAC 40 financent vos retraites ? Il suffirait de pratiquer une retraite par capitalisation, en essayant soin de choisir les bons chevaux de la Bourse et de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, d’appeler de ses vœux des fonds de pension français.

      La CGT et autres syndicats comme FSU, FO et Solidaires prétendent haïr les retraites par capitalisation ou par points. Cependant ils gèrent des fonds de pension alimentés par le contribuable en faveur des fonctionnaires. Depuis 2005, l’ERAFP, l’Etablissement pour la Retraite Additionnelle de la Fonction Publique, reçoit en effet près d’un milliard par an pour capitaliser la retraite complémentaire des fonctionnaires. Ces syndicats siègent également aux conseils d’administration de l’AGIRC et de l’ARRCO, régimes de retraite par répartition et par points. De même, pour la Préfon-retraite, soit la Caisse de prévoyance de la fonction publique, qui détient 17 milliards placés sur les marchés financiers… Alors qu’avec un cynisme et une hypocrisie sans nom ces mêmes acteurs dénoncent la retraite par capitalisation. Or cette dernière viendrait au secours d’une économie française mal en point, permettant de développer des fonds d’investissements, finançant les créations d’emplois, augmentant via la TVA les revenus de l’Etat qui pourrait imaginer (s’il en est capable) de diminuer les charges sociales et cette fiscalité confiscatoire qui nous étrangle. Citons une étude Natixis du 2 janvier 2020[7] : un euro investi en 1982 en France fournit en 2019 une richesse de retraite de 1,9 € dans le système de répartition plébiscité par l'Etat. Mais 21,9 € dans un fond de pension avec 50 % en obligations et 50 % en actions sur le marché français. Le capitalisme libéral fait dix fois mieux qu’un Etat essoufflé. Comme le montre Black Rock, une société multinationale spécialisée dans la gestion d'actifs, dont l’action a été introduite à 14 dollars en 1999. Elle est aujourd'hui à 509 dollars, et a donc été multipliée par 36 (soit +20% par an), ce au service de retraités fort aisés aussi bien que modestes. Si les Français avaient investi dans Black-Rock, leurs retraites seraient plus que financées et plus généreuses…

      Nous ne prétendrons pas juger de manière assurée un projet de réforme des retraites qui n’est ni réellement publié, ni finalisé, sans compter que le voilà déjà écorné par les coups de boutoir des syndicats qui s’assurent de jolies concessions, ou plus exactement des « partenaires sociaux », joyeux euphémismes pour dissimuler des prédateurs asociaux. Reste qu’un Etat notoirement si incompétent pour gérer son budget, sa dette, le chômage, et cependant fort en gueule, ne nous laisse aucune illusion sur l’équité d’une réforme des retraites cependant nécessaire. Tout juste, avec des moyens communistes, si nous pourrons nous payer une retraite cistercienne. Nous ferions bien plus confiance (quoique jamais complètement) à des régimes privés. Au-delà du monopole étatique et de sa servitude volontaire, du capitalisme de connivence avec l’Etat, un capitalisme réellement libéral saurait faire profiter les adhérents exigeants de fonds de pensions concurrentiels. Car, pour lire Milton Friedman, « le citoyen […] que la loi contraint à consacrer quelque 10% de son revenu au financement de tel type particulier de système de retraite administré par le gouvernement est frustré d’une partie correspondante de sa liberté politique[8] ». Reste qu’une telle conclusion ferait vomir d’horreur tout syndicaliste, tout étatiste, tout socialiste, voire tout Français culturellement ignorant en libéralisme[9], et qui auraient eu le masochisme d’aller jusqu’au bout d’une telle lecture. Il est à craindre en effet, si l’on écoute le pessimisme de Joseph Schumpeter, que « le capitalisme (le système de libre entreprise), en tant que système de valeurs, de mode d’existence et de civilisation, pourrait bien sembler ne plus peser assez lourd pour que l’on se préoccupe de son sort[10] »…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Joseph Schumpeter : Capitalisme, socialisme et démocratie, Payot, 1954, p 161.

[2] Peter Sloterdijk : Ecumes, Pluriel, Hachette Littératures, 2006, p 165.  

[3] George Orwell : La Ferme des animaux, Champ libre, 1981, p 108.

[6] Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1994, p 1299.

[8] Voir : Du concept de liberté aux penseurs libéraux

[9] Milton Friedman : Capitalisme et liberté, À contre-courant, 2010, p 48.

[10] Joseph Schumpeter, ibidem, p 462.

 

Cloître de l'abbaye cistercienne de Noirlac, Cher.

Photo : T. Guinhut

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23 juin 2019 7 23 /06 /juin /2019 16:36

 

Tératologie. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Le procès contre la haine :

 

du juste réquisitoire à la culpabilisation abusive.

 

 

      Une loi contre un sentiment ? Quelle aberration pousse nos législateurs à sévir contre la dignité humaine en prétendant la protéger ? Ce sentiment si mal venu, si décrié, si responsable de tous les crimes, c’est la haine, comme telle a priori coupable, donc à condamner, éradiquer, par une loi peut-être haïssable. Ce pourquoi notre gouvernement, qui sait si bien veiller au grain et jeter l’ivraie, intente une proposition de loi visant à lutter contre les discours de haine sur Internet, sommant les plateformes en ligne et les moteurs de recherche d'évacuer les contenus haineux - et pourquoi pas mépris, envie, hypocrisie, dans le sillage de la loi de 2018 sur les fausses nouvelles ou infox, qui prétend instaurer un ministère de la Vérité orwellien ? Il est à craindre que la loi Avia, du nom de sa propagandiste - finalement votée au Parlement le 13 mai 2020 - se révèle liberticide, d’autant qu’elle intime l’éradication des propos haineux aux algorithmes aveugles de Google, Twitter ou Facebook, donc une censure indistincte. Sont concernés l’injure, la provocation ou l’appel à la haine contre des personnes en raison de leur religion, orientation sexuelle ou origines, ce qui parait au premier abord moralement bienveillant. Même s’il sera plus que délicat de démêler cette critique rigoureuse - qui ressortit au libre arbitre - de celle qui met en cause des personnes avec violence. Toutefois, dans la plus grande confusion, le réquisitoire enchaîne haine antisémite, raciste, islamophobe, sexiste et caetera. Mais ne la confondons-nous pas avec la colère et son cortège de violence ? Gare alors à la hainophobie et à son cortège de culpabilisation abusive de la haine. Au-delà de savoir si une haine peut être abominable,  judicieuse ou injuste, salutaire ou haïssable, il faut bien s’interroger sur la pertinence d’une telle furie législative attentatoire à la liberté d’expression, sur une tentation d’un despotisme épaulé par l’entrisme identitaire et religieux. Et même si cette loi vient, le 18 Juin 2020, d’être déclarée « contraire à la Constitution » et coupable d’ « atteinte à la liberté d’expression et de communication » par le Conseil constitutionnel, il n’est pas de trop de s’interroger à son égard, tant la menace n’est pas pour autant écartée.

      Si la haine est un sentiment de l’ordre de l’aversion contre quelque chose ou quelqu’un, un sentiment qui pousse à vouloir du mal à autrui, elle n’est pas tout à fait la colère. Selon le philosophe espagnol José Ortega y Gasset, « Haïr, c'est tuer virtuellement, détruire en intention, supprimer le droit de vivre. Haïr quelqu'un, c'est ressentir de l'irritation du seul fait de son existence, c'est vouloir sa disparition radicale. […] La haine sécrète un suc virulent et corrosif. […] La haine est annulation et assassinat virtuel - non pas un assassinat qui se fait d'un coup ; haïr, c'est assassiner sans relâche, effacer l'être haï de l'existence[1] » Il est permis cependant de lui rétorquer que la haine ne signifie pas le passage à l’acte assassin, il lui faut une décision supplémentaire, ou, plus vigoureusement, l’impulsion de la colère. La colère en effet, venue du latin « colhera », est une maladie humorale et bilieuse (la bile chaude selon la théorie des humeurs antérieure au XVII° siècle), est rapide et brûlante, le plus souvent irrationnelle, réactive, susceptible d’immédiate violence, alors que la haine peut-être froide, raisonnée et raisonnable.

      Comme l’indique l’expression vulgaire « avoir la haine », cette dernière est plutôt synonyme de colère. C’est bien la colère qui est un des sept péchés capitaux, et non la haine, depuis Saint-Augustin en passant par Saint-Thomas d’Aquin, quoiqu’ils fussent précédés par l’Antiquité romaine.

       Sénèque, philosophe stoïcien du premier siècle, ne parle en effet pas de haine, mais bien de colère, en son traité fondamental : « les autres affections admettent le délai, une cure plus lente : celle-ci, impétueuse, emportée par elle-même comme par un tourbillon, n’avance point pas à pas, elle nait avec toute sa force. Elle ne sollicite point l’âme comme les autres vices, elle l’entraîne et jette hors de lui l’homme qui a soif de nuire, dût le mal l’envelopper aussi ; elle se rue à la fois sur ce qu’elle poursuit et sur ce qu’elle trouve en son passage. […] Mais aucun peuple ne résiste à la colère, aussi puissante chez le Grec que chez le Barbare, non moins funeste où a loi se fait craindre qu’aux lieux où la force est la mesure du droit[2] ». La haine, qui peut rester sourde et muette, retenue, a-t-elle autant cette dimension populaire et politique ?

      Pourtant la puissance du seul discours haineux est capable d’affecter psychologiquement, voire gravement, qui le reçoit en pleine face. Et, comme tel, allumant la colère, courent à sa suite, surtout avec les secours de la foule, de sa contamination et de son instinct grégaire, pogroms et bûchers, lynchages et autodafés, voire génocides. Mais cette traînée de poudre de la haine ne s’est-elle pas allumée qu’avec le silex de la colère ? Pensons à cet égard à l’excitation orchestrée des « deux minutes de la haine » dans 1984 d’Orwell, qui ne sert que d’exutoire et de défoulement, que de fanatisme politique au service de Big Brother, en l’absence d’un objet sous la main à écraser, éliminer, car Goldstein (au patronyme éminemment juif et capitaliste, voire Totskiste face à un stalinisme totalitaire) n’est qu’une fiction, cependant digne de la plus virulente hystérie forcément collective : « Une hideuse extase, faite de frayeur et de rancune, un désir de tuer, de torturer, d’écraser des visages sous un marteau, semblait se répandre dans l’assistance comme un courant électrique et transformer chacun, même contre sa volonté, en un fou vociférant et grimaçant[3] ». Mais il s’agit là bien plus que de haine, mais d’une venimeuse excitation colérique orchestrée aux dépens d’un bouc émissaire, bien digne de transmuer les frustrations en jouissances sadiques.

      La haine colérique échappe à la raison. Ce pourquoi Heinrich Mann dans son essai publié en 1933, en français et en France (l’on devine que sa publication eût été impensable outre-Rhin), titré La Haine, se livre à un pamphlet bien senti contre le nazisme et contre les masses du national-socialisme qu’il fait ainsi parler : « C’est la révolution de la nation contre les partis, et aussi contre tous ceux qui pensent. L’ennemi c’est la raison. Unissons-nous contre elle ! […] La véhémence de notre haine, c’est ce que nous avons de révolutionnaire ». Notons que moins la rhétorique de la nation, c’est un discours qui n’est pas loin de celui que tenaient les Bolcheviques et communistes de 1917. Heinrich Mann conclue avec pertinence : « La haine, non seulement comme moyen, mais comme seule raison d’être d’un puissant mouvement populaire, voilà la trouvaille du grand Hitler.[4] » Dans son chapitre intitulé « Leur méprisable antisémitisme », notre essayiste ne peut ignorer le principal levier de la haine : ignorant l’apport considérable des Juifs au bénéfice de la culture allemande, il pointe l’imbécillité d’Hitler : « Son antisémitisme s’explique par un grand vide intellectuel et par un défaut absolu de toute parenté culturelle[5] ». Hélas le pamphlet d’Heinrich Mann, comme la traduction de Mein Kampf [6]en 1934, n’eurent guère l’effet escompté d’avertisseurs…

 

 

      Nous n’oublierons pas que les vitupérations haineuses du passé purent se répandre plus vite qu’un crachat à la surface d’un pays et de la terre avant la naissance des réseaux sociaux. Cependant ces derniers sont de toute évidence un accélérateur du phénomène, et de son grégarisme. Marc Knobel, dans son essai L’Internet de la haine[7], exhibe, avec le concours d’une documentation impressionnante, l’assaut des « racistes, antisémites, néonazis, intégristes, islamistes, terroristes et homophobes », cette brochette d’intolérants virulents qui occupe avec véhémence les bastions du Web. Dans son livre Haine et violences antisémites[8] le même Marc Knobel débobine les avatars du préjugé haineux le plus ancestral et le plus entretenu, qu’il passe par l’Intifada, la délinquance et le djihadisme, ou glissant de l’euphémisme de l’antisionisme à l’antisémitisme stricto sensu. Il fait par exemple référence à l’idéologue égyptien Sayyid Qutb (1906-1966) dont le pamphlet Notre combat contre les Juifs nourrit cette haine jusqu’au vomitif trop-plein, de Gaza au Québec, du Maghreb à la Seine-Saint-Denis, partout où l’immigration musulmane s’infiltre, et pas exclusivement car l’extrême gauche anticapitaliste ne dédaigne pas cette passion vénéneuse. L’Historien établit avec rigueur comment l’islamisme succède, et dépasse grâce à sa généalogie venue du VII° siècle en Arabie, à l’antisémitisme chrétien des siècles passés, et au plus récent nazisme, tout en ne méprisant pas leurs a priori pour ainsi sédimenter leur furia génocidaire. En outre, lorsque l’on fait feu de tout bois, toute communauté parmi les jeunes musulmans en échec scolaire et  social, tant dans les banlieues, les mosquées et les prisons, tout fait réseau, et en conséquence au moyen des réseaux sociaux et des sites internet, qui deviennent des armes de prosélytisme massives.

      Faut-il donc sévir pénalement ? S’il s’agit, et là l’on n’en doute guère, plus que d’incitation à la haine, mais d’incitations, d’ordre explicite, au passage à l’acte criminel, c’est là une évidence. Des Dieudonné et des Céline[9] chauffant la salle du meurtre rituel méritent-ils cependant l’exclusion pénale ? Il faudrait apprécier le degré explicite d’incitation à la curée sanglante, travail aussi ingrat que délicat. Au risque d’enfermer la haine dans un chaudron à ne pas laisser ouvrir et qui exploserait…

      Rappelons-nous cependant que, si vicieuse moralement que soit une haine, elle n’a rien de criminelle tant que le passage à l’acte violent n’a pas sévi. Les vices ne sont pas des crimes, comme le montre le juriste américain Lysander Spooner[10], tant qu’ils ne nuisent qu’à la personne morale qui les abrite. Cette revendication de liberté morale doit concerner autant l’usage personnel du cannabis (malgré sa dangerosité) que celui de la haine. De plus, si le discours peut être la cause de la conséquence criminelle, il ne l’est, sine qua non, que si le récepteur, avant tout responsable de lui-même et de ses actes, est déjà animé par la pulsion violente et persuadé par les arguments fallacieux de la haine. Comme lorsque l’Inde vit en 2002 une déferlante de crimes de haine à l’encontre de populations de castes inférieures, de genres honnis, de religions adverses, tel que le rapporte Revati Laul, dans The Anatomy of Hate[11], qui s’intéresse tout autant aux faits qu’à une nature humaine criminelle.

 

 

      Une ochlocratie, venue autant de la plèbe d’extrême-droite que d’extrême-gauche, que du vulgaire, autrement dit du plouc, pratique la haine des intellectuels, ou des « intellos » ; un tel anti-intellectualisme, depuis le XIX° siècle, englobe selon l’étude de Sarah Al-Matary[12] un vaste panier de crabes, de Proudhon à Michel Houellebecq, des anarchistes aux catholiques les plus crispés, des nationalistes maurrassiens aux maoïstes ou aux situationnistes… L’envie, la bêtise la plus crasse, l’incompréhension et le radicalisme aux réponses courtes devant des problèmes complexes font le terreau de cette haine à l’encontre de qui s’arroge la liberté et l’autorité de penser. Nul doute que cette haïssable haine des intellectuels, qui n’est pas sans parenté avec l’antisémitisme, mais aussi celle à l’encontre des bourgeois, puissent figurer dans une Histoire de la haine[13]. Ce qui ne signifie pas qu’il faille accorder un blanc-seing à un intellectuel patenté : cette dernière qualité n’empêche pas hélas d’être haineux envers les Juifs, comme Céline, envers la bourgeoisie anticommuniste, comme Sartre, envers les capitalistes, comme tant de nos élites politiques…

      Hors les haines les plus médiatisées, forcément fascistes et racistes, il faut veiller aux haines identitaires, pas seulement nationalistes, mais indigénistes, racisées, voire féministes et gays. Là où une identité de couleur, de sexe, de genre, de classe dresse les sensibilités associatrices les unes contre les autres, et surtout là où elles obèrent l’individu au profit d’une appartenance communautaire.

      Existe-t-il des haines froides, raisonnées et raisonnables, donc judicieuses ? Le Baron d’Holbach, philosophe des Lumières écrivait : « La colère et la haine, si funestes quelquefois par leurs effets terribles, étant contenues dans de justes bornes, sont des passions utiles et nécessaires pour écarter de nous et de la société les choses capables de nuire. La colère, l’indignation, la haine, sont des mouvements légitimes que la morale, la vertu, l’amour du bien public doivent exciter dans les cœurs honnêtes contre l’injustice et la méchanceté[14] ». Il y a bien alors de bonnes et de mauvaises haines. La xénophobie des peuples occupés par les Nazis entre 1939 et 1945 était plus que compréhensible, l’Allemand n’étant guère en odeur de sainteté. Or la tyrannie, le totalitarisme, le fascisme, le nazisme, le communisme, l’islamisme et l’antisémitisme sont haïssables. Quant au racisme, qu’il soit anti-noirs ou anti-blancs, il n’est pas plus pardonnable d’un côté comme de l’autre. Si habiter sous l’uniforme nazi faisait de tout Allemand un être détestable, habiter sous une couleur de peau ne fait pas de vous un membre des Black Panthers ou un suprématiste blanc.

      Aussi haïr en connaissance de cause est-il non seulement pertinent, sans devoir glisser vers l’irrationnelle et contre-productive colère, mais nécessaire. C’est haïr humainement et justement une haine injuste qui ne vise qu’à déshumaniser. Connaître, comprendre, dans ses textes et son Histoire, l’accélération d’une haine ennemie est plus que nécessaire pour se prémunir et combattre au service des libertés. Sinon l’indifférence et l’amour mal placé seront tout autant inefficaces (ou pour le moins ridicules à la façon du trop fameux « Ils n’auront pas ma haine » à la suite des attentats islamistes au Bataclan) pour se préserver de monstres politiques et théologiques, de surcroit si le monstre cumule les deux obédiences. Comme le rappelle Sénèque, Aristote, arguait de la nécessité de la colère, ce qu’ici nous appelons plus exactement la haine : « C’est, dit-il, l’aiguillon de la vertu : qu’on l’arrache, l’âme est désarmée, plus d’élan vers les grandes choses, elle tombe dans l’inertie[15] ». En ce sens la différence entre la colère et la haine est celle qui tranche entre instinct de prédation et fierté morale, violence passionnelle et violence calculée et calculatrice, à la condition que cette dernière ne soit ni du Lager nazi ni du goulag communiste, ni de l’éradication théocratique, et soit de fait au service de la vertu, en particulier de celle de la liberté et de la dignité face aux tyrannies de toutes sortes et de tous bords.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      La confusion dépasse des sommets lorsque l’islamophobie côtoie dans l’équivalence le racisme et l’antisémitisme, alors que l’Islam n’a rien à voir avec une couleur de peau, alors que l’Islam repose sur un texte et une histoire criminelles à l’égard des infidèles, quand le Judaïsme, lui, est indemne d’une telle accusation. La fabrication du concept d’islamophobie veut laisser entendre que le rejet de cette religion est aussi infondé qu’irrationnel, ce qui ne suffirait d’ailleurs pas à le criminaliser, alors qu’au-delà d’un préjugé fantasmé, les faits sont indubitables. Ce qui ne permet pas d’incriminer, en une abusive généralisation, tous les pratiquants, cela va sans dire. Le tour de passe-passe du concept d’islamophobie vise à interdire le débat, et, lorsque politiques et législateurs s’en emparent d’avaliser le délit de blasphème[16] ! À ce compte-là, l’islamophilie est un vice, en tant que préjugé, absence de libre arbitre, complaisance, voire complicité criminelle.

      Pourtant, en raison de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, la république laïque n’est censée ni reconnaître le blasphème, ni le pénaliser, au contraire du racisme moteur du crime, susceptible d’être vigoureusement sanctionné. Or la critique de l’Islam, y compris satirique, au même titre que celle du Christianisme et de toute autre religion, doit rester une prérogative de l’intellect des Lumières et de la liberté de penser et d’expression. Proposer de faire de l’islamophobie un délit est donc une trahison des valeurs civilisationnelles, telles que le droit naturel, la liberté, la connaissance et la dignité humaine.

      Devant la bronca des intellectuels conscients des réalités et des idéologies, de députés et polémistes, le terme islamophobie, semble devoir être remplacé par « anti-musulman ». L’on semble déplacer ainsi le débat depuis le terrain des idées vers celui des hommes, en les protégeant des injures haineuses en raison d’une religion. Mais il est à craindre que cela ne change pas grand-chose, dans la mesure où être musulman, chrétien ou bouddhiste, c’est adhérer à une idéologie. Et il est bien nécessaire de refuser des hommes en raison d’une idéologie si elle s’avère délétère et meurtrière, de refuser des porteurs d’un statut de la femme infamant, d’une absence de pluralisme caractéristique d’un Islam qui ne sépare pas le politique et le religieux, impose la charia et éradique la liberté de vivre et de penser tout haut.

      À ce compte, le tour de passe-passe sémantique est pitoyable, d’autant qu’il s’agit d’avouer que règne un interdit sur un sentiment ou un argumentaire anti-musulmans, alors qu’il faut deux mots pour ne pas séparer Islam de musulmans, et un seul pour chrétien et Christianisme. Or, le vocable anti-chrétien, injustement, n’est pas prononcé, tant est permise la christianophobie, d’autant que les fidèles du Christ sont éradiqués au Moyen-Orient par l’Etat islamique.

      Il sera aussi délicat que risqué de mesurer quand finit la critique d’une religion et de ses disciples et quand commence la haine. Faudra-t-il inventer un hainomètre finement gradué ? En fait ce sera à l’appréciation subjective des associations plaignantes, des juges stipendiés, de la soumission houellebecquienne[17]. Se risqueront-ils à pénaliser et condamner les discours de haine incitant au meurtre des apostats, des athées, des associateurs, c’est à dire des Chrétiens et des Juifs, dans Le Coran ?

      Un rappeur de sinistre réputation, Nick Conrad, engageait dans une de ses éructations à « pendre les blancs et à tuer les bébés blancs dans les crèches », ce pourquoi il a écopé d’une peine de 5000 euros, mais avec sursis. Est-ce à dire que le racisme anti-blanc assorti d’incitation aggravée au génocide doit être moins pénalisé qu’un propos bêtement raciste envers des noirs ?

      Au-delà d’une maladroite gestion des discours de haine, se lit la frilosité de nos élites politiques, désarmés devant la pression islamiste. Car face à ceux qui nous menacent, de plus en acte, par le terrorisme et la réalité de la charia dans de nombreux quartiers, la France, l’Europe, sans compter d’autres Etats, font montre pour le moins de maladresse et pour le pire de soumission lorsqu’il s’agit de gérer l’immigration de la délinquance et de l’Islam, aussi bien d’un point de vue éthique et culturel, que politique, juridique et pénal. La démission des valeurs venues du monde gréco-romain, judéo-chrétien et des Lumières, honnies par tant de musulmans, sans compter l’extrême gauche, est hélas patente.

 

      Dire que l’on hait tel gouvernement, qu’il est haïssable, y compris l'émetteur d'une telle loi, pourrait donc être punissable par la loi ? À la liberté d’apprécier, d’aimer et d’adorer, faudrait-il opposer dans l’abjection législative et carcérale la licence de détester, de haïr et d’abhorrer ce qui conduirait un Etat sur le chemin de la tyrannie ? Choirons-nous dans l’hainophobie ? L’expression de la pensée critique ne devrait alors passer qu’en termes galants, voilés, euphémisés, voire silencieux. Le bâillon de la censure n’est pas loin, se resserrant d’un degré dès qu’un seuil de sentiment et de vocabulaire, voire de caricatural dessin, dépasserait d’un pouce difficilement appréciable sauf au gré du caprice des pouvoirs législatifs et judiciaire (sans compter la collusion avec l’exécutif). Mieux vaut garder la liberté et le devoir de répondre à une opinion abjecte par l’argumentation (quoique peu soient capables de l’entendre, tant elle doit être trop longue et trop subtile), par la connaissance de l’Histoire et des mœurs.

      En une démocratie libérale mise à mal, la tolérance des opinions doit être la règle, dussent-elles nous sembler abjectes. Mais, me direz-vous, l’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit. Serait-ce à dire que mal penser, penser abjectement, mérite les rigueurs de la loi ? Il y faudrait encombrer les tribunaux, voire en comptant les opinions homophobes, xénophobes, sexistes, anti-scientifiques, anti-gouvernementales, anti-intellectuelles, pro-nazies, pro-communistes, et non en oublions, encager les trois-quarts de la population. Sentir et penser haineusement ne mérite pas une surveillance orwellienne et à reconnaissance mentale (comme il existe une reconnaissance faciale appliquée par la Chine à ses subordonnés coupables de comportements déviants), tant que n’est pas franchie la limite réellement dangereuse : celle de l’incitation directe au meurtre, puis celle de la discrimination indue en acte, donc l’acte délinquant, vandale et assassin. Si d’autre part il ne faut pas oublier qu’être antisémite est faire injure à la vérité, qu’être homophobe est dénier à autrui le droit de faire ce qu’il a envie de faire avec ses seuls pairs consentants, que ces erreurs sont intellectuellement et moralement condamnables, il n’en reste pas moins que tant qu’il y a pas eu de contrainte exercée sur autrui pour renier son judaïsme ou son homosexualité, aucune suite pénale ne doit pouvoir être envisagée.

 

      Quand la haine est la conséquence d’une situation sociale et économique désastreuses, il est vain, voire contreproductif, d’imaginer d’en interdire une expression prétendument causale ; d’autant qu’elle risque d’être goûtée de par sa valeur transgressive. Ne doutons pas que cette condamnation morale, et bientôt pénale, absolument liberticide, de la haine, conjointement confiée à l’Etat et aux Google et autres Facebook, et potentiellement totalitaire, vient d’une tradition chrétienne intériorisée, quoique non-assumée, venue du « Aimez-vous les uns les autres » et du commandement à aimer ses ennemis. Au-delà de l’irénisme qui se refuse à voir une religion autrement qu’avec des grilles de lectures hérités du christianisme, et qui ne veut condamner autrui par tolérance, ne s’agit-il pas là d’une tolérance dévoyée lorsqu’elle laisse la porte ouverte à une tyrannique intolérance ? C’est ce que montrait M. de Bonald (un auteur néanmoins discutable) en 1806 : « Les partisans de la tolérance absolue se sont vus forcer de soutenir et d’insinuer l’indifférence de tous les actes religieux, ou autorisés par les diverses religions, ou lorsque ces actes ont paru d’une barbarie et d’une extravagance trop révoltantes ; ils en ont accusé la religion en général, c’est-à-dire toutes les religions injustement[18] ». Si l’on excepte d’une juste intolérance l’Islam, c’est bien par faiblesse. Il faut alors voir dans le Christianisme, comme dans notre démocratie, une religion des faibles[19], qui en quelque sorte a contaminé nos sociétés laïques, qui risquent de ne plus guère l’être. Si le Christianisme dans l’Histoire ne fut pas toujours tolérant et paisible, le Christ recommanda cependant à ses disciples de « laisser croître ensemble le bon grain et l’ivraie jusqu’au temps de la moisson, de peur qu’en arrachant l’ivraie vous ne déraciniez le blé[20] ». Cette recommandation vaut pour l’expression de la haine.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] J. Ortega y Gasset, Études sur l'amour, Payot, 2004, pp. 38-41.

[2] Sénèque : De la colère, Livre III, Œuvres complètes, t I, Hachette 1860, p 48.

[3] George Orwell : 1984, Club des Libraires de France, 1956, p 24.

[4] Heinrich Mann : La Haine, Gallimard, 1933, p 78.

[5] Heinrich Mann : ibidem, p 9.

[7] Marc Knobel : L’Internet de la haine : racistes, antisémites, néonazis, intégristes, islamistes, terroristes et homophobes à l’assaut du web, Berg International, 2012.

[8] Marc Knobel : Haine et violences antisémites, Berg International, 2013.

[10] Lysander Sponer : Les Vices ne sont pas des crimes, Les Belles lettres, 1993.

[11] Revati Laul : The Anatomy of Hate, Westland, 2018.

[12] Sarah Al-Matary : La Haine des clercs. L’anti-intellectualisme en France, Seuil, 2019.

[13] Voir : Frédéric Chauvaud : Histoire de la haine. Une passion funeste, 1830-1930, Presses Universitaires de Rennes, 2014.

[14] Paul-Henry Thiry d’Holbach : La Morale universelle, Œuvres philosophiques 1773-1790, Coda, 2004, p 350.

[15] Sénèque, ibidem, p 49.

[18] M. de Bonald : « Réflexions philosophiques sur la tolérance des opinions », Mélanges littéraires, politiques et philosophiques, Le Clere, 1819,  p 271.

[19] Jean Birnbaum : La Religion des faibles. Ce que le djihadisme dit de nous, Seuil, 2018.

[20] Evangile selon Saint-Matthieu, 13, 24-30.

 

 

M. de Bonald : Mélanges littéraires, politiques et philosophiques, Le Clere, 1819.
Photo : T. Guinhut.

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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 10:38

 

Museo de Oviedo, Asturias. Photo : T. Guinhut.

 

 

Pourquoi un libéral lit-il Nietzsche ?
Romantisme, philosophie critique et politique :

une pléiade de lectures.

 

 

Friedrich Nietzsche : Œuvres I et II,

Gallimard La Pléiade, sous la direction de Marc de Launay et de Dorian Astor,

divers traducteurs de l'allemand,

1162 p, 56 € ; 1568 p, 65 €.

 

Friedrich Nietzsche : ŒuvresÉdition dirigée par Patrick Wotling,

divers traducteurs, Flammarion, 2024, 2592 p, 69 €.

 

 

 

      Il peut paraître étonnant qu’un libéral lise Nietzsche, ce philosophe ailé dansant au-dessus de l'abîme. D’abord parce nous ne sommes pas réductibles à une seule identité, une seule obédience. Et ce n’est guère une réputation de libéralisme que lui fait le sens commun, si tant est que le sens commun connaisse réellement l’un et l’autre… Pourtant, quoique avec quelques réticences à lui opposer, le philosophe de Sils-Maria reste une urgente et stimulante nécessité pour la compréhension non seulement de l’histoire de la pensée, mais aussi l’histoire des siècles derniers ; sans compter que l’on puisse appliquer sa perspicacité à des problèmes de l’heure qui engagent notre demain. Si je lis Friedrich Nietzsche - et aujourd’hui dans les deux volumes tant attendus de la Pléiade - c’est d’abord pour son romantisme, pour sa méthode critique ensuite, enfin pour la singularité discutable et cependant  stimulante de sa philosophie politique. À moins que je le lise dans l'imposante édition complète fournie par Patrick Wotling et tant de traducteurs talentueux, dont le feuilletage, autant que la lecture continue ou la dégustation d'aphorisme de hasard sont des gages de volupté intellectuelle.

      Longtemps je me suis couché à pas d’heure en refermant à regret un volume de Nietzsche, ou d’abord plus exactement sur Nietzsche. Si l’on ne peut qu’en partie qualifier son discours philosophique de romantique, par son aspiration sans cesse rallumée à la hauteur aristocratique de la pensée, son destin l’est absolument. C’est avec une voracité impatiente pour les faits et la gourmandise de l’exaltation adressée à celui qui pouvait passer pour un modèle, que j’ai lu des biographies : celle passionnée de Daniel Halévy, qui va du « tracé sentimental d’une vie » à « l’une des aventures les plus singulières et les plus héroïques qui aient été tentées dans l’ordre de l’esprit » [1], puis celle, plus scientifique, colossal travail d’historien, de Kurt Paul Janz[2]. Dans lesquelles suivre le parcours exceptionnel de l’adolescent qui s’arrache à l’étroitesse de l’Allemagne petitement protestante, qui, à la vitesse d’une comète, devient professeur de philologie à Bâle, publie l’éblouissante Naissance de la tragédie, devient l’ami de Wagner, non sans avoir la conviction de s’en éloigner ensuite. Vient alors la douleur de son amour ébloui, impossible pour Lou Andréas-Salomé. Malgré sa santé chancelante, et grâce à elle, l’homme mûr édifia une œuvre insolite, incomprise, mêlant essai, aphorisme et poésie, errant entre Nice et l’Engadine, entre Venise et l’Allemagne, peinant, jusqu’au compte d’auteur, à publier ses livres fulgurants, jusqu’à son Zarathoustra inachevé, jusqu’à la pathétique folie… Ses embardées dans la solitude des rivages et des montagnes, dans la solitude de la méditation sont absolument romantiques ; au point que j’eus tendance à préférer la grandeur exaltante et tragique du destin à l’alacrité difficile de la pensée…

      Pourtant, conjointement au plaisir du style, à la vivacité de l’aphorisme, s’ajoutait déjà dans ma lecture erratique un intérêt pour le travail critique sans cesse remis sur l’établi du philosophe. Aucune naïveté n’est possible chez Nietzsche. Les comportements et les opinions convenus sont déshabillés. Il est le généalogiste, non seulement de la morale, mais aussi des motivations et des ambitions humaines, trop humaines. Il est celui qui établit la genèse des supports psychologiques (en cela précurseur de la psychanalyse de Freud, voire la supplantant) et des supports historiques et sociétaux des constructions ontologiques et métaphysiques pour les balayer. Les belles vertus sont soudain pétries de racines peu ragoutantes. L’amour est alors une cupidité : « Notre amour du prochain n’est-il pas impulsion à acquérir une nouvelle propriété ? Et tout de même notre amour du savoir, de la vérité ? »[3] Ou encore : « l’amour en tant que le contraire de l’égoïsme, alors qu’il s’agit peut-être de l’expression la plus effrénée de ce dernier »[4]. Il s’agit alors autant de l’éros que de l’amour social, y compris de la justice sociale, cette hypocrisie… La critique du nihilisme (on dirait également aujourd’hui le relativisme) et du christianisme est également décapante ; tous les deux sont des produits du ressentiment des esclaves et du bas peuple qui construisent leur morale pour parvenir à dominer les puissants : « Le christianisme est un platonisme pour le peuple »[5]. Ainsi, toute la boutique des arrière-mondes, des au-delàs est balayée, la transcendance évacuée, ce à cause de leur origine médiocrement plaintive lors du refus du monde et de la condition humaine comme ils vont. En ce sens il y a une dimension aristocratique à l’acceptation de l’immanence, cet amour du destin qui conduisit notre homme à des extrémités plus mythologiques que rationnelles : l’éternel retour du même.

 

Photo : T. Guinhut.

 

      L’espèce du philosophe n’est pas épargnée par la remise en question critique : « Ce sont les passions qui donnent naissance aux opinions ; la paresse d’esprit les fige en convictions[6] ». Ne doutons pas qu’il s’applique à lui-même un tel aphorisme, qui doit aussi nous alarmer, à l’occasion de notre éthique de penseur, si modeste soyons nous : « La moralité n’est que l’instinct grégaire individuel[7] ». Ou encore : « L’instinct de la connaissance aussi n’est qu’un instinct supérieur de la propriété[8] ». Quoique il faille également lire cela dans le cadre d’un éloge : « La connaissance des philosophes est création, leur volonté de vérité est volonté de puissance[9] ». Où l’on perçoit bien que ce dernier concept n’a rien de nazi, qu’il s’honore d’une dimension, d’une qualité intellectuelle et morale. D’où la nécessité de la hiérarchie des législateurs sur la plèbe démocratique, vivier de ce dernier homme que Tocqueville vit poindre dans la satisfaction béate de la majorité.

      L’on sait également qu’il encourage au danger plutôt qu’à la paix : « la plus grande jouissance de l’existence, consiste à vivre dangereusement ! Construisez vos villes auprès du Vésuve ! Envoyez vos vaisseaux dans les mers inexplorées ! Vivez en état de guerre avec vos semblables et avec vous-même ![10] ». Bien qu’il faille le lire moins physiquement que métaphoriquement, voilà bien un autre concept à débarrasser des lectures travesties par sa sœur, Elizabeth Forster-Nietzsche, épouse d’un antisémite notaire, lorsqu’elle piocha, coupa, recomposa parmi les fragments posthumes, pour publier La Volonté de puissance qui devint un bréviaire nazi, alors qu'il ne s'agit que d'un ouvrage qui n’a jamais existé[11]. Pourtant l’on sait que notre philosophe était un anti-antisémite convaincu[12]. Dans « Ce que l’Europe doit aux Juifs ? », il conclue : «  Nous qui assistons en artistes et en philosophes à ce spectacle, nous en sommes – reconnaissants aux Juifs[13] ».

 

      Nietzsche est-il alors un libéral ? Oui pour sa liberté de penser, pour l’individualisme du surhomme, de celui qui se développe soi-même en tant qu’œuvre. Non, de par son peu d’intérêt aux questions économiques. Non, à cause de l’importance incontournable accordée à la hiérarchie et à la subordination ; non, pour sa méfiance envers la rationalité humaine gouvernée par ses instincts et son ressentiment. Non, à cause de cette nostalgique admiration pour la fière animalité de l’homme : « Au fond de toutes ses races aristocratiques, il y a, à ne pas s’y tromper, le fauve, la superbe brute blonde avide de proie et de victoire[14] », une de ses phrases hélas récupérées par le nazisme, la séparant de son contexte d’analyse de la généalogie de la morale des faibles construite par le judaïsme et le christianisme pour supplanter celle des forts. Non encore, pour son antiféminisme : « Rien n’est d’emblée aussi étranger à la femme, rien ne lui est aussi odieux, aussi contraire que la vérité[15] ». Il exècre « une femme qui se laisse aller en présence de l’homme, peut-être jusqu’au point d’écrire un livre, au lieu d’observer comme naguère une réserve décente et une soumission rusée[16] », ce entre autres gracieusetés qui culminent avec le trop célèbre et paléolithique : « Tu vas chez les femmes, n’oublie pas le fouet[17] ». Quoique sur la photographie du trio Nietzsche, Paul Rée, Lou Andréas Salomé, c’est cette dernière qui tient le fouet… Cependant, notre philosophe aime pratiquer la contradiction (ce pourquoi l’on peut lui faire dire beaucoup, ce à quoi je n’échappe peut-être pas). Et l’on sait qu’il n’aima pas seulement Lou pour son front lumineux[18] mais pour son intelligence hors pair : « L’intelligence des femmes se manifeste sous forme de maîtrise parfaite, de présence d’esprit, d’exploitation de tous les avantages (…) les femmes ont l’entendement, les hommes la sensibilité et la passion[19] », ceci au rebours du préjugé commun. Enfin,  « on ne saurait être assez tendre avec les femmes[20] »…

 

Daniel Halévy : Nietzsche, Grasset, 1944.

Photo : .T Guinhut

 

      Jamais Nietzsche n’aurait pu être favorable à aucune tyrannie, être théocrate, être nazi, national socialiste donc. Il suffit de lire ce qu’il pense du collectivisme et du socialisme, qu’il soit nationaliste ou internationaliste : « Le socialisme est le frère cadet et fantasque du despotisme agonisant, dont il veut recueillir l’héritage ; ses aspirations sont donc réactionnaires au sens le plus profond. Car il désire la puissance étatique que seul le despotisme a jamais possédé, il surenchérit même sur le passé en visant à l’anéantissement pur et simple de l’individu[21] ». Il achève ce réquisitoire par « le cri de ralliement opposé : Le moins d’état possible.[22] » Autre cri pour notre temps, dans un développement sur la croyance et les religions : « Le fanatisme est en effet l’unique force de volonté à laquelle puissent être amenés les faibles et les incertains ». Ce à quoi il oppose « le libre esprit par excellence [23]». Clairvoyant, n’est-ce pas ?

      Il n'est pas sûr cependant que Nietzsche connût fort bien les penseurs libéraux, d'Adam Smith à John Stuart Mill. Dans une page intitulée « Ma conception de la liberté », il commence judicieusement : « Les institutions libérales cessent d'être libérales dès qu'elles sont acquises », car le danger qui guette toute institution, même animée des meilleures intentions, est sa volonté de puissance lorsqu'elle mine celle des individus : en elle « c'est l'animal grégaire qui triomphe toujours. Libéralisme : en clair cela signifie abêtissement grégaire... » Cette dernière formule, compréhensible dans le contexte, est un oxymore, en tant que le libéralisme politique est par principe irréductible au grégarisme. Mais face à la tyrannie, « La liberté signifie que les instincts virils, les instincts belliqueux et victorieux, ont le pas sur les autres instincts, par exemple celui du bonheur[24] ».

      Que pourrait de plus nous enseigner Nietzsche afin de comprendre notre aujourd’hui et prévenir notre demain politiques ? Par exemple : « Le caractère démagogique et le dessin d’agir sur les masses sont actuellement communs à tous les partis politiques : ils sont tous obligés, en raison dudit dessein, de convertir leurs principes en grandes sottises[25] ». Ainsi « la démocratie est (…) une école des tyrans[26] ». Et c’est là une des rares occurrences où il approuve Platon : car l’égalité politique ne vaut rien devant la vérité. Il y a une altitude intellectuelle, venue, outre des penseurs libéraux, entre Tocqueville et Aron, de Nietzsche qui doit nous protéger de la bassesse d’une démocratie qui ne serait plus celle des libertés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Lire Nietzsche adossé à un rocher battu des vents de l’Engadine ? Dans la paix feutrée de la bibliothèque ? Parmi les pages des vieux Mercure de France traduits par Henri Albert, dans la bonne douzaine de volumes des Œuvres philosophiques complètes établies par Colli et Montinari, et maintenant dans la collection de la Pléiade. Après dix-neuf années d’une attente impatiente, trépignante, insupportable, voici enfin le volume II, le premier étant paru en l’an 2000, une fois de plus établi sous la vigilance éclairée de Marc de Launay, et cette fois ci assisté d’une autre expert nietzschéen, Dorian Astor, qui dirigea récemment le Dictionnaire Nietzsche[27]. Espérons que nous ne subirons pas le même intolérable délai pour le troisième volume, qui habillera Par-delà le bien et le mal, La Généalogie de la morale, Ainsi parlait Zarathoustra et les textes de la folie jusqu’à l’extinction de janvier 1889 ; au risque de ne trouver aucune librairie dans les tombes…

      Reconnaissons qu’il s’agit à d’un habile découpage. Le premier Pléiade réunissait le Nietzsche que La Naissance de la tragédie avait révélé, l’examen de Schopenhauer et l’éloge de Wagner, le philologue discursif, l’homme du fondateur creuset de l’apollinien et du dionysiaque, l’homme affronté aux grandes figures de son temps. Outre les écrits de jeunesse, des textes curieux, jusqu’alors inédits en français, émaillent l’ensemble, comme des conférences Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement,  des recherches sur les présocratiques, La Philosophie à l’époque tragique des Grecs, et Vérité et mensonge au sens extra-moral.

      Soudain, le voici, à l’orée de ce second Pléiade, prenant entre 1878 et 1882 son vol singulier : il s’est secoué de la lourde révérence envers Wagner, sa philosophie est moins analytique qu’éruptive. Volontiers polémique, répudiant le genre du traité, son écriture est définitivement convertie à l’aphorisme, souvent fort brefs, parfois intensément développés,  sans compter une poignée de poèmes intensément lyriques. Il sait désormais, combien, loin de l’idéalisme, nous sommes Humain, trop humain ; bientôt une Aurore, qui met à mal la pureté de la morale instituée, se lève pour Le Gai savoir, celui de la critique des valeurs, de la volonté de puissance et de l’éternel retour. Il n’est plus le professeur de Bâle, mais le philosophe errant, et secoué de crises maladives, de vastes exaltations créatrices, entre Venise, Marienbad, Gênes et Sils-Maria, en Suisse…

      La philologie l’amène à reconsidérer le langage : « Chaque mot est un préjugé », écrit-il dans Le Voyageur et son ombre, seconde partie d’Humain trop humain. Alors que Wagner se coule dans un christianisme languissant avec son Parsifal, Nietzsche entame sa remise en cause de l’éthique chrétienne, déniant l’origine transcendante de la morale. Au point que dans Le Gai savoir, il annonce la mort de Dieu. Certes Jean-Paul Richter, dans Siebenkaes, en 1797, l’avait précédé : « tous les morts s’écrièrent : Christ ! n’est-il point de Dieu ? Il répondit : Il n’en est point ![28] » ; mais ce n’était qu’un avertissement aux sceptiques. Pour Nietzsche l’information est définitive, même si elle reste pour beaucoup encore à caution, ce dont témoigne l’allusion platonicienne : «  Dieu est mort, mais telle est la nature des hommes que, des millénaires durant peut-être, il aura des cavernes où l’on montrera encore son ombre[29] ». Il faut donc à une existence dépourvue de sens ajouter une « gaya scienza », une sagesse gaie, y compris au prix de l’acceptation de l’effrayant éternel retour du même, concept que l’on pourra trouver fumeux ou témoignant de l’accord avec soi et son destin, concept finalement assez peu explicité par son auteur.

      Mais en ce Gai savoir, que de pépites pour notre temps ou intemporelles ! Par exemple le « Danger des végétariens » : « les promoteurs de ces manières-là de penser et de sentir, tels les docteurs hindous, prônent précisément une diète végétarienne dont ils voudraient faire la loi à la masse : ils veulent ainsi provoquer et augmenter le besoin qu’ils sont eux-mêmes en mesure de satisfaire[30] ». Mieux : « De la plus grande utilité du polythéisme. Que l’individu puisse établir son propre idéal[31] ». Mieux encore : « Le parlementarisme, c’est-à-dire la permission publique de choisir entre cinq opinions politiques fondamentales, flatte le grand nombre de ceux qui aimeraient paraître indépendants et individuels et combattre pour leurs opinions. Mais, à la fin, il est indifférent qu’une seule opinion soit imposée au troupeau ou que cinq opinions lui soient permises - quiconque s’écarte des cinq opinions fondamentales aura toujours contre lui le troupeau tout entier[32] ».

Photo : T. Guinhut.

      Lire et relire Nietzsche est en quelque sorte un éternel retour de la philosophie : il a pris en écharpe les substrats de notre civilisation, antiquité grecque, judaïsme, christianisme, sans excepter le bouddhisme, pour en décaper les présupposés, le socialisme et le libéralisme également. Quant à l’Islam, il n’a malheureusement pas su, ou pas eu le temps, de faire le même travail, sauf lorsqu’il fait l’éloge de son vouloir vivre, de sa puissance : « Si l’Islam méprise le Christianisme, il a mille fois raison : l’Islam suppose des hommes pleinement virils... Le Christianisme nous a frustrés de la moisson de la culture antique, et, plus tard, il nous a encore frustrés de celle de la culture islamique. La merveilleuse civilisation maure d’Espagne, au fond plus proche de nous, parlant plus à nos sens et à notre goût que Rome et la Grèce, a été foulée aux pieds (et je préfère ne pas penser par quels pieds!) – Pourquoi ? Parce qu’elle devait le jour à des instincts aristocratiques, à des instincts virils, parce qu’elle disait oui à la vie, avec en plus, les exquis raffinements de la vie maure !… Les croisés combattirent plus tard quelque chose devant quoi ils auraient mieux fait de se prosterner dans la poussière.[33] » Entraîné par son enthousiaste déboulonnage du Christianisme, ne commet-il pas un excès répugnant, un de ces éloges de la force, qui ont pu lui être subtilisés par le nazisme ? Oublie-t-il qu’il n’aurait à peine pu penser en terre d’Islam, encore moins y publier ses livres ? En tout état de cause il n’oublie pas parmi les mêmes pages de louer le « génie » des Grecs et des Romains, leur « civilisation savante » et leur « grand art ». Si nous adhérons assez peu à l’éloge de la force aristocratique (quoiqu’elle puisse être nécessaire au service de la civilisation) dont rêvait la faiblesse physique de Nietzsche - ne savait-il pas qu’il s’agissait d’une forme de sublimation ? - il est à peine un philosophe à système et doctrine, sous la bannière duquel se ranger, nous laissant aux prises avec les seules libertés dont nous serions capables. Aussi n’oublie-t-il pas de déboulonner les idoles qui entravent la pensée : « Le "saint mensonge" est commun à Confucius, aux lois de Manou, à Mahomet, à l'Église chrétienne – : il ne manque pas chez Platon. " La vérité est là " : partout où l'on entend ça, cela signifie que le prêtre ment[33] »...

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

Lire également :  Bonheurs et trahisons du Dictionnaire Nietzsche

 


[1] Daniel Halévy : Nietzsche, Grasset, 1944, p 9 et 10.

[2] Kurt Paul Janz : Nietzsche, Gallimard, 1984.

[3] Le Gai savoir, Œuvres philosophiques complètes, V, Gallimard, 1982, p 64.

[4] Ibidem, p 65.

[5] Par-delà le bien et le mal, Œuvres philosophiques complètes, VII, Gallimard, 1992, p 18.

[6] Humain trop humain, Œuvres philosophiques complètes, III, tome I, Gallimard, 1988, p 334.

[7] Le Gai savoir, Œuvres philosophiques complètes, V, Gallimard, 1982, p 144.

[8] Fragments posthumes, Œuvres philosophiques complètes, V, Gallimard, 1982, p 330.

[9] Ibidem, p 131.

[10] Le Gai savoir, Œuvres philosophiques complètes, V, Gallimard, 1982, I, 14, p 194.

[11] Tel, Gallimard, 1995. Voir à ce sujet : Mazzino Montinari : La Volonté de puissance n'existe pas, L'Eclat, 1996.

[12] Voir à ce sujet Jean-Pierre Faye : Le Vrai Nietzsche, Hermann, 1998.

[13] Par-delà le bien et le mal, Œuvres philosophiques complètes, VII, Gallimard, 1992, p 169.

[14] La Généalogie de la morale, Œuvres philosophiques complètes, VII, Gallimard, 1992, p 238.

[15] Par-delà le bien et le mal, Œuvres philosophiques complètes, VII, Gallimard, 1992, p 152.

[16] Ibidem, p 156.

[17] Ainsi parlait Zarathoustra, « La vieille et la jeune femme », Club du meilleur livre, 1959, p 65.

[18] Dont le livre de Daniel Halévy offre p 288 une photo éblouissante.

[19] Humain trop humain, Œuvres philosophiques complètes, III, tome I, Gallimard, 1988, p 251.

[20] Le Gai savoir, Œuvres philosophiques complètes, V, Gallimard, 1992, p 102.

[21] Humain trop humain, Œuvres philosophiques complètes, III, tome I, Gallimard, 1988,  p 283.

[22] Ibidem, p 284.

[23] Le Gai savoir, Œuvres philosophiques complètes, V, Gallimard, 1992, p 245 et 246.

[24] Crépuscule des idoles, Œuvres philosophiques complètes, VIII, Gallimard, 2004, p 133.

[25] Humain trop humain, Œuvres philosophiques complètes, III, tome I, Gallimard, 1988, p 263.

[26] Par-delà le bien et le mal, Œuvres philosophiques complètes, VII, Gallimard, 1992, p 162.

[28] Jean-Paul Richter : Choix de rêves, José Corti, 2001, p 145.

[29] Le Gai savoir, 108, Œuvres II, La Pléiade, Gallimard, 2019, p 1028.

[30] Le Gai savoir, 145, ibidem, p 1051.

[31] Le Gai savoir, 143, ibidem, p 1049.

[32] Le Gai savoir, 174, ibidem, p 1059-1060.

[33] L’Antéchrist, 59-60, Œuvres philosophiques complètes VIII, Gallimard, 2004, p 231.

[34] L'Antéchrist, 55, ibidem, p 230.

 

Photo : T. Guinhut.

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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 18:19

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Nuits debout et violences antipolicières :

Gilets jaunes et Nuit debout,

une inversion des valeurs ?

 

 

 

 

      « La garde civique / a le fâcheux renom d’être fort pacifique ! / Aussi les malandrins, sûrs de l’impunité, / Opèrent à sa barbe avec sérénité[1] ». Ainsi Shakespeare prévenait les casseurs de leur impunité. En marge et au cœur du mouvement des Gilets jaunes de l’hiver 2018-2019, de « Nuit debout » et des « mobilisations » syndicales contre la « Loi travail » au printemps 2016, violences policières et violences antipolicières s’affrontent en un champ de bataille qui gangrène la cité démocratique et prétendument libérale. Tandis que jeunes et moins jeunes coagulés passaient des nuits debout, et donc des jours couchés, que les blessés policiers furent outrageusement plus nombreux que les manifestants blessés, ne faut-il pas lire en ces phénomènes une inversion des valeurs ? Tandis que le peuple assujetti à la tyrannie économique et fiscale tente un mouvement de libération qui s’affiche en jaune, se ravive une sanglante tyrannie policière, armée de violences dont elle n’oserait user contre l’extrême-gauche et les banlieues immigrées, elles-mêmes fers de lance d’une guerre anti bourgeoise, anti-occidentale et antipolicière.

Violences en pays de Gilets jaunes

      À l’occasion d’un hiver vêtu de gilets jaunes, la répression policière devient indécente ; au point que si la Russie en faisait autant, un Poutine serait universellement vilipendé, que si les Etats-Unis en faisait un trentième, un Trump serait voué d’éternité aux gémonies, sans parler d’une victime palestinienne ! La police française est en Europe l’unique à user de « Lanceurs de Balle de Défense » et de grenades explosives parmi des manifestants, sans compter la stratégie de nasse qui vise piéger ces derniers afin de les matraquer à plaisir et sans vergogne. Certes nous n’avons pas souvent de vidéos qui permette de juger en tout état de cause, lorsqu’elle ne nous proposent que des fragments : que s’est-il passé quelques instants plus tôt et qui légitimerait une violence policière légale destinée à rétablir la paix et la sécurité ?

      Les blessés sont fort nombreux, les mutilés, les éborgnés à vie. Des vidéos révèlent des tirs au hasard de la foule et de la fumée ambiante, mais à hauteur de visage ! Franck, 20 ans, a perdu son œil droit et porte une plaque de titane du front au menton suite à un tir de Lanceur de Balle de Défense le 1er décembre 2018. Jérôme Rodrigues, filmant une manifestation a reçu dans l’orbite un tir de Lanceur de Balle de Défense, a perdu son œil droit, comme une vingtaine d’éborgnés. Cinq autres ont vu leur main arrachée, y compris devant l’Assemblée nationale à Paris, en tentant de rejeter une grenade. L’on a vu des quidams aspergés de gaz lacrymogènes sans nécessité aucune. Une femme âgée mourut d'un arrêt cardiaque après avoir ainsi agressée en plein visage.

      La France est le seul pays d’Europe à utiliser ces flash-balls et ces grenades explosives contre ses manifestants, de plus, répétons-le, en visant visage toute, donc avec une intention qui n’est pas loin de l’homicide volontaire. Alors que la police allemande privilégiant la prévention, la  négociation et la psychologie des masses, isole les individus violents. La brutalité policière semble le plus souvent disproportionnée et arbitraire contre les Gilets jaunes, visant visiblement à dissuader les manifestants de récidiver : ce  serait-ce une grave atteinte à la liberté de manifester ? Notons qu’un Gilet jaune interpellé, même par erreur, est aussitôt fiché, dans le cadre du Traitement des Antécédents Judicaires. Toutes ces atteintes aux libertés et à la sécurité affectent également des journalistes, insultés, humiliés, frappés.

      Gageons que si, au lieu de cocus de la fiscalité, de ploucs blancs et franchouillards (on devine ici le mépris des édiles de l’Etat), les morts, les éborgnés et les mains arrachées avaient été des ultragauchistes, ou avaient été noirs, arabes et musulmans venus des cités islamisées et épargnées par la République, l’on eût droit à mille cris d’orfraies, cent procès, dix milles explosions des banlieues, semées d’émeutes et de vagues de pillages, comme pendant les trois semaines de l’automne 2005, sinon pire…

      Cette police qui a pour mission de protéger les citoyens, y compris manifestants, glisse-t-elle vers la répression aveugle, aux ordres d’un pouvoir exténué ? Alors qu’elle joue avec la plus grande dignité son rôle en assurant la sécurité d’un Philippe Val, de Charlie Hebdo, face au terrorisme islamiste, n’est-elle pas la proie et le signe d’une inversion des valeurs, s’adjugeant un droit à la criminalité ?

      Un mouvement passablement spontané s’est vêtu de la détresse des gilets jaunes, celui des oubliés du pouvoir d’achats, assommés par un Etat surtaxateur[2]. Le voilà débordé, vidé de l’intérieur par l’utragauchisme, par ses black-blocs, qui jouent les héros politiques d’une cause supérieure[3], mais aussi les pathétiques protagonistes de roman policier[4]. Le voilà également débordé par ses cégétistes anticapitalistes (dont l’un des militants enfonça au moyen d’un transpalette la porte d’un ministère), de surcroit par la racaille islamiste,  casseurs de vitrines pillées et de flics. Des bandes anarchistes entraînées et équipées sèment la violence et le vandalisme dans les villes, quand des bandes ethniques et religieuses sèment la violence et le pillage, armés de casques, foulards, cocktails Molotov, bouteilles d'acides, barres de fer, jets de pierres et de boules de pétanque, armes de poings, violences dont les premières victimes sont les policiers et leurs véhicules matraqués et incendiés. Mais aussi les grilles de l’Assemblée Nationale, une vitrine de librairie, qui a le tort d’expose des ouvrages de droite traditionnaliste, voire fascisante. Alors que les idées se combattent d’idée contre idées, non à coup de barres de fer.

      Ainsi dénombre-t-on 1.300 blessés parmi les forces de l'ordre et les pompiers, selon le ministère de l'Intérieur. Sans omettre les destructions diverses réalisées par des Gilets jaunes, ou du moins ceux qui s’emparent de ce commode uniforme et paravent, donc les casseurs, qui se montent à des dizaines et des dizaines de millions d'euros. Sans compter les salariés mis au chômage partiel ou total, et les commerçants ou artisans dont l'activité a pu se réduire au point de les décimer…

      Les Gilets jaunes sont peu à peu vidés de leur substance. Bouc émissaires d’une violence qui n’est que parfois la leur, d’un antisémitisme qui n’est que rarement le leur, c’est ainsi qu’ils sont salis par une populace contestataire à l’encontre de la démocratie libérale, par le pouvoir politique et un pouvoir médiatique, de façon à légitimer violence policière et rehausser le blason pourri d’un pouvoir aux abois. Bien au-delà des jaunes revendications originelles contre la surtaxation étatiques, ce sont les rouges, les noirs et les verts[5], ultragauchistes, anarchistes et islamistes, qui ont pris la relève, comme des sangsues, zadistes et black-blocs, vegans et cégétistes, écolos radicaux, antisionistes et antisémites, propalestiniens et nazislamistes, tant de groupuscules exponentiels dont on connait les antécédents parmi les manifestations de Nuit debout et dont certains visent explicitement à l’assassinat parmi les forces de l’ordre.

Les paradoxes de Nuit debout

      Replaçons dans son contexte idéologique le mouvement « Nuit debout[6] » qui s’assit sur les places de la République. Dans le sillage d’ « Occupy Wall Street », de Siryza en Grèce, de Podemos en Espagne, l’ultra gauche entend phagocyter les medias en même temps que crier sur les toits son opposition viscérale au libéralisme économique et au  capitalisme financier international. Et remettre les manifestations anti Loi travail dans cette tradition mai-soixantehuitarde qui fit les beaux jours du mouvement anti Contrat Première Embauche en 2006. Ainsi, avec l’aval gourmand des partis, syndicats et mouvances de gauche, d’Attac et Sud, l’on manifeste contre une tentative avortée de libérer le travail, favorisant de fait le chômage, la précarité et la pauvreté.

      Au hasard des revendications de Nuit debout, l’on trouve : « Désinvestissement des énergies fossiles », « Dissolution des élites politiques », « Sortir du capitalisme par la démocratie radicale », « Instauration du revenu universel de resocialisation », « Abolition de la propriété privée », « Stop à la numérisation qui fait disparaître des emplois », « Occupation des logements et des bureaux vides », « Plafonnement des salaires », « Semaine de quatre jours, travaillons moins pour travailler tous », « Le RSA pour les 18-60 ans à 1500 € et le SMIC à 3000 € », « A bas la hiérarchie, Mort aux méritocrates », « Supprimer le lien entre travail et salaire »[7]. Sans oublier les panneaux et banderoles, fleurant bon mai 68 : « Rêve général », « Argent gratuit ». Mais aussi : « Sur le pont d’Avignon, on y pend tous les patrons » ! Lors des assemblées de Nuit debout, chacun peut prendre la parole cinq minutes durant. Ce qui parait aux crédules une bonne liberté et une respectueuse écoute. Mais un moment vient ou l’égalité de tous les discours, quelques soient leurs qualités ou leur introuvable pragmatisme, est à la fois contre-productive et désastreuse pour l’élévation intellectuelle, si tant est que l’on y laisse s’exprimer qui aurait l’audace de penser autrement...

      S’y mêlent des utopies naïves, évidemment irréalisables, dont on pardonnerait la puérilité si tant de sérieux anticapitalisme ne s’y lisait, des professions de foi égalitaristes anti-hiérarchie et anti-mérite qui ne visent qu’à aligner la médiocrité générale d’une ochlocratie[8] de façon à rabaisser les puissants, les créatifs et les indépendants, aligner les individualistes sur les collectifs, en une tyrannie qui ne dit pas son nom, et dont on peut lire le tableau désastreux dans l’excellent roman d’Ayn Rand : La Grève[9].  Mais aussi de réels appels au meurtre des flics et des patrons en un autre racisme éhonté, sans penser que ceux qui rêvent de pendre le patronat, comme des Robespierre d’une nouvelle Terreur, handicapent ainsi non seulement leur salariat futur, à moins de devenir les esclaves de leur propre communisme égalitariste, mais également leur capacité de devenir leur propre patron grâce à leur capacité entrepreneuriale (s’il en en ont) et d’embaucher au service de leur entreprise et de la société toute entière. Une valeur meurtrière et in fine suicidaire remplace alors les valeurs de vie, de travail et de créativité.

      Hélas, le pique-nique nocturne aux papiers gras spontanés est manipulé par de futurs hiérarques du Parti Socialiste et autres opuscules gauchistes, hélas le rêve jeune qui se prend en grand sérieux ne suce que l’illusion du « vivre ensemble » et d’ « une autre politique possible » ; en fait le lait ranci de vieilles idées fumeuses, anarchisantes et marxisantes, en une Nuit des boues. Le réalisme, le pragmatisme, les connaissances historiques, politiques, et surtout économiques, l’esprit des Lumières enfin, n’ont guère droit de cité.

Nuits et jours de la violence

      De surcroit, en marge des Nuits debouts, sans que l'on sache si un paisible Nuit debout n'a pas l'instant d'avant caché ou jeté dans une poubelle son sac-à-dos rempli de blouson noir, lunettes, cagoule, boulons et cocktails Molotov, et en marge des manifestations contre la loi travail de la ministre El Khomri et du gouvernement Hollande, c'est la violence verbale et physique qui est à la fois militante, gratuite et festive. Notons d'ailleurs à cet égard que les manifestations contre le Mariage pour tous, en 2013, quoique bien plus nombreuses, ont fait preuve d'une constance abondamment paisible (à l'exception de heurts après la dispersion d'un cortège) ; question de culture des acteurs...

      Cette militance est extrême-gauchisme, post-trotskisme, toutes armures idéologiques qui n’ont pourtant pas passé le brevet de service rendu à l’humanité, mais plutôt d’appauvrissement égalitariste, de tyrannie patentée et de massacres communistes. Le recyclage ravit les niais, les démagogues, et plus exactement tous ceux dont que posture apparemment généreuse de partage et de communauté fait rêver. Pourtant on se goberge des bénéfices raflés sur le dos tondu des capitalistes de diverses dimensions, jusqu’au plus humble entrepreneur, qui leurs permettent encore, avant qu’ils soient éradiqués, de vivre dans un confort que l’humanité n’a jamais connu au cours de son histoire. Posture qui est plus sûrement celle d’une oligarchie auto-constituée visant à s’approprier un pouvoir sans partage sur ses ouailles bêlantes de slogans, comme « penser le monde autrement », doux euphémisme pour tyranniser le monde joyeusement. On voit que l’utopie, qui pourrait ne paraître que gentillette, potache et bienheureuse, frise l’imbécillité, voire cercle les cages de fer citoyennes de la tyrannie[10]. Sans compter que parmi ces Nuit debout, circulent des mots d’ordre anticolonialistes éculés, anti-israéliens puant d’antisémitisme refoulé voire exhibé, et d’anti-occidentalisme suicidaire devant l’infiltration idéologique et démographique de l’Islam.

      Ce rassemblement apparemment citoyen, qui se targue d’accueillir toutes les  bonnes  volontés discoureuses, est caressé dans le sens du poil par la plupart des médias, en particulier pravdavistes et propagandistes, affligés par une débilitante démagogie jeuniste, qui par ailleurs ne se préoccupe guère des milliers de jeunes qui veulent travailler en paix et qui, faute de subir l’ostracisme des gauchistes et le despotisme du chômage, choisissent, s’ils le peuvent, d’émigrer pour aller travailler, voire faire fortune à l’étranger, toutes compétences et fortunes dont se prive malencontreusement la France, dont l’attractivité économique choit dangereusement. Nuit debout jette cependant bas le masque dès qu’une pensée réellement autre et contraire, et plus précisément libérale, aurait le front de s’y exprimer ; ce dont témoigne la visite du philosophe Alain Finkielkraut[11] rapidement soldée par des insultes, des bousculades et des crachats, ce dont il rend ainsi compte : « je souillais par ma seule présence la pureté idéologique de l’endroit. […] Sur cette prétendue agora, on célèbre l’Autre, mais on proscrit l’altérité. Ceux qui s’enorgueillissent de revitaliser la démocratie réinventent, dans l’innocence de l’oubli, le totalitarisme[12] ». Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le philosophe se vit insulter à l’occasion d’une sortie parmi des prétendus Gilets jaunes. Sait-on qu’il est permis de trouver ses analyses discutables, non de vomir à son encontre des diatribes antisémites et des professions de foi djihadistes ?

      Voici à cet égard le diktat d’un des porte-paroles de Nuit debout, Frederic Lordon : « Les médias nous demandent d’accueillir démocratiquement Finkielkraut, eh bien non ! Nous ne sommes pas ici pour faire de l’animation citoyenne all inclusive. Nous ne sommes pas amis de tout le monde, nous sommes ici pour faire de la politique, et nous n’apportons pas la paix. Nous n’avons pas de projet d’unanimité démocratique ». De plus, pour ce gentilhomme, il est de son éthique de dénoncer et excommunier « la violence du capital et la violence identitaire et raciste dont Alain Finkielkraut est un des premiers propagateurs[13]  ». Souvenons-nous qu’en 1965, lors d’une interview, Jean-Paul Sartre bramait : « Tout anticommuniste est un chien[14] ». Et contresignait : « Un régime révolutionnaire doit se débarrasser d’un certain nombre d’individus qui le menacent, et je ne vois pas d’autres moyens que la mort. On peut toujours sortir d’une prison. Les révolutionnaires de 1793 n’ont probablement pas assez tué[15]  ».

      Même déni de la liberté d’expression, du dialogue démocratique et même condamnation morale, dont seule une fine membrane la sépare de la condamnation à mort, léniniste, guevariste, stalinienne, fasciste, islamiste, comme l’on préférera.

 

 

      En 1879, John Stuart Mill, dans son clairvoyant essai Sur le socialisme, écrivait déjà : « la principale motivation d’un trop grand nombre de socialistes révolutionnaires, c’est la haine ; une haine très pardonnable des maux existants, qui trouverait pour s’exprimer la destruction de la société actuelle à tous prix, fut-ce aux dépens de ceux qui en sont les victimes, dans l’espoir que du chaos émergerait un monde meilleur, et dans l’impatience et la désespérance de voir se dessiner un progrès graduel[16] ». Ce progrès graduel, surtout depuis un demi-siècle s’est considérablement augmenté, ce qui fait de leur combat une cause d’autant plus violente et indue qu’elle est démentie par les faits.

      En ce discours hallucinant, le pire est certainement la confusion entre la violence -plus exactement supposée telle - des discours philosophiques ostracisés et des soubresauts du capitalisme d’une part et la violence réelle et physique d’autre part qui permet en toute impunité morale, en toute sacralité jouissive, de briser des abribus, des vitrines, de blesser, parfois grièvement, de tuer des policiers, tout en paraissant s’en dédouaner et désolidariser si besoin est des « casseurs ».

Violences antipolicières

 

      Les marges des manifestations contre la loi Travail au printemps 2016 donnent lieu à des scènes délirantes : un individu, masqué, donne une claque à une journaliste russe, le plus gratuitement du monde, en passant à côté d’elle. Un autre, sans honte, déclare : « on vient pour casser du flic, pour casser les Vélib, les autolib, les vitrines, les abribus, la loi c’est nous et la loi El connerie on s’en fout, on bosse pas, on casse. » Mehdi, certainement un doux représentant de la diversité, avoue : « Je sais pas pourquoi je casse. Mais c’est cool de casser. Puis parfois quand tu peux choper des trucs, c’est utile quoi. Une fois je suis reparti avec deux-trois polos, c’est pratique. Pendant qu’il y a de la casse, tu sais que les vigiles sont débordés, tu peux repartir avec des fringues gratis, c’est bien quoi ».

      Voilà qui doit frapper par son immaturité politique, par sa puérilité de sauvageon, par l’insanité du langage et du raisonnement. Sans compter le grégarisme et la naïveté de la spontanéité, qui, comme chacun devrait le savoir, n’est en rien un gage de vérité. Pire, s’il en était besoin, l’aveu est parfaitement clair : le plaisir du coup de poing, de la guérilla, du pillage, est une motivation suffisante et première, grâce à laquelle le délicieux nerf de la guerre, humain trop humain, est bien frétillant.

      À Nantes, à Rennes, aux alentours du terrain d’actions des zadistes opposés au non-sens économique du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, mais aussi à Paris et ailleurs, de nouvelles journées de violences aboutissent au saccage de boutiques de sport (en une journée GO Sport subit 50 000 euros de dégâts et 25 000 euros de marchandises volées), d’une officine d’assurances (qui ne voudront bientôt plus assurer les établissements victimes), de vitrines diverses, de voitures éclatées ou incendiées, détruisant non seulement des biens mais handicapant lourdement des activités commerciales et de services, donc des emplois. Sans compter une intrusion hautement symbolique des vandales de gauche au Musée des Invalidse, heureusement interceptée par la soldatesque.

      Quant à ceux qui sont censés protéger populations et commerces de toutes ces déprédations ils sont autant attaqués. Lorsque trois camions de CRS sont bloqués dans la circulation, une centaine de manifestants en profite pour les abreuver de jets de pierre et autres objets non identifiés. Ce sont en effet des boulons, des billes de plomb, des harpons de pêche, des rasoirs soudés à des boules de pétanques, des pavés, des barres de fer, des cocktails Molotov qui sont jetés sur les policiers qui contrôlent les cortèges, sur leurs voitures enflammées. Ce sont des hordes de guérilléros qui harcèlent et frappent tour à tour un fonctionnaire isolé, dont l’attirail défensif ne le protège plus. Au point que démunis ils ne puissent user de la légitime défense sous peine d’être accusés de violences policières, craignant le syndrome Malik Oussekine (du nom de cet étudiant Franco-Algérien assassiné en 1986, dont la mort contraignit le ministre délégué à la Sécurité à la démission) ou le traumatisme de la mort par jet de grenade d’un jeune zadiste de Sivens, Rémi Fraisse, en 2014, ce pourquoi ils seraient immédiatement honnis et embastillés. Ainsi, en une choquante inversion des valeurs, le policier sera récompensé pour son sang-froid, pour ne pas user de la violence légale, quand le champ de la violence illégale est ouvert à qui veut en user contre les citoyens et les représentants de l’ordre légal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Et si environ 1300 vandales ont été interpellés en France ces derniers temps, dont 800 placés en garde à vue, une petite poignée étant convaincus de tentatives d’homicide sur des représentants de l’Etat, combien seront effectivement punis, faute de preuves, encagoulés qu’ils sont, effectivement incarcérés, alors que l’impéritie de nos gouvernement successifs a négligé de construire des prisons sûres et suffisantes, de former et nommer des personnels judiciaires et policiers en nombre suffisants ?

      Ce sont, au printemps 2016, environ 350 policiers qui ont été blessés, parfois grièvement, la plupart issus de classes sociales modestes ; 9000 au cours d’opération dans l’année 2015. Contre quelques milliers de manifestants issus des bourgeois-bohèmes et des banlieues judéophobes et christianophobes. Sans souhaiter instant qu’aucun soit blessé, il faut se souvenir que si la liberté de manifester n’est pas à remettre en cause, tout citoyen qui manifeste le fait en conscience des risques, eût égard aux mouvements de foules et aux casseurs environnants, et a fortiori de ceux encourus par qui fait opposition aux forces de l’ordre.

      Le monopole de la violence légale, encadré et proportionné à la violence qu’il est nécessaire de réprimer et de pacifier, sans vouloir un instant cautionner une violence policière abusive, a désormais changé de camp. Il appartient désormais à ceux que la loi ne contrôle plus : zadistes, ultragauchistes, anarcho-libertaires, islamistes… Mais aussi cégétistes, affichant un scandaleux « Stop à la violence » sur lequel l’écusson des CRS ne dissimule pas une flaque de sang, polluant les airs de leurs feux de pneus, bloquant les entreprises, les transports, les raffineries de pétroles, les dépôts de carburant, au mépris de la liberté d’entreprendre et de se déplacer, alors qu’ils sont outrageusement subventionnés par l’Etat et les collectivités locales, que leurs comptes ne sont soumis à aucune vérification, que le rapport Perruchot[17]  a montré leurs corruptions, malversations, détournements et richesses paradoxales.

      L’Etat impuissant n’a plus de force, quand la délinquance et le crime gagnent des forces, en une sinistre inversion des valeurs. Est-ce seulement mollesse, récurrente pleutrerie devant le chantage gaucho-cégétiste ? Ou stratégie méditée de façon à discréditer les opposants à la Loi travail ? Alors que cette dernière, bien trop timide, de surcroît aussi maladroite que trop complexe, prétendument écrite de façon à desserrer l’étau du Code du travail, s’est vidée de sa substance, s’est hérissée d’arguties suradministratives. On sait qu’il aurait fallu commencer par radicalement et uniment simplifier et diminuer la fiscalité sur les entreprises jusqu’à une flat tax. Mais à quel affreux « néolibéralisme » n’aurions-nous pas fait allégeance !

      Qui vit réellement et par devoir des « Nuits debout » ? Sans aucun doute les balayeurs qui ramassent les débris des rassemblements, qu’ils s’agissent des déchets venus de ces agapes, ou de ceux du vandalisme. Sans aucun doute les médecins, chirurgiens et infirmiers qui soignent les policiers (sans compter à Paris une proviseure agressée par un lycéen bloqueur). Et tandis que lorsque les jeunes et moins jeunes bobos désœuvrés vont se coucher au matin, ce sont tous ceux dont le travail et le capital nourrissent les prolifiques et confiscatoires impôts, de façon à payer les dégâts (500 000 euros de réfection des lycées d’Ile de France), rétablir la salubrité, l’esthétique et l’état de marche de nos villes, opérer et panser les blessés. Voilà bien une scandaleuse inversion des valeurs entre les nuits couchées et les jours debout !

 

 

La nietzschéenne inversion des valeurs appliquée à notre Etat

 

      Selon Friedrich Nietzsche, dans Par-delà le bien et le mal, le Christianisme a su mettre en œuvre un renversement des valeurs en valorisant et sanctifiant tout ce qui va à l’encontre des forces de vie. Pour ce faire, cette religion postule une vérité qui est celle d’un arrière monde céleste, au mépris du réel le plus terrestre et le plus corporel, suivant en cela conception platonicienne qui préfère l’essence à l’existence, préférant donc l’idéal au dépens du sensible. Les valeurs mortifères de culpabilité, de honte, condamnant la sexualité, l’obéissance veule, la pitié, la faiblesse, l'égalité, sont des morales du renoncement devant la vie, contraignant la volonté de puissance humaine à sa propre castration. Ainsi la morale des faibles, esclaves et chrétiens, par le levier du ressentiment, s’insurge et vainc les valeurs des forts, des vivants, des créateurs, des maîtres et de toute velléité aristocratique : « Mettre sens dessus dessous toutes les valeurs, voilà ce qu’ils durent faire ! Et brider les forts, débiliter les grandes espérances, calomnier le bonheur qui vient de la beauté, pervertir tout ce qui est orgueilleux, viril conquérant, dominateur, tous les instincts qui appartiennent au type humain le plus élevé et le plus accompli en y introduisant l’incertitude, les tourments de la conscience, le goût de se détruire, muer même tout attachement à la terre et à la domination de la terre en haine de la terre et des choses terrestres. Voilà la tâche que l’Eglise s’est prescrite et qu’elle devait se prescrire, jusqu’à ce que s’imposât enfin son ordre des valeurs[18]  ».

      En une semblable inversion des valeurs, le faible - ou du moins prétendu tel - musèle le fort, le salarié met à genou le patron, les organisations syndicales défient et tyrannisent le patronat et tous les citoyens. Ainsi le manifestant déborde les forces de l’ordre, le casseur lynche la police. La violence policière, certes toujours possible et parfois avérée, devient une violence antipolicière, une déferlante de haine orchestrée comme une corrida où le matador ne laisse guère de chance au taureau, où le policier, au lieu de déployer sa force au service du bien public, doit faire montre de sang-froid, d’empathie devant le mal des collectifs autoproclamés antifascistes, alors qu’ils sont de fait les fascistes révolutionnaires résolus à faire de la chair à pâté des gardiens de la paix. Nourris de contradictions, de fanatisme antiflic, tendus vers leur despotisme haineux, les casseurs et combattants révolutionnaires oublient pourtant combien ils appelaient le « CRS SS » à leur secours, lorsqu’au concert du Bataclan, les islamistes les dézinguaient !

      Dira-t-on que l’Etat et son gouvernement sont aux ordres des manifestants, casseurs et bloqueurs, qui ne représentent qu’une très faible minorité aux dépends d’une société toute entière ? Quand l’Etat aura-t-il le courage nécessaire et attendu de faire prévaloir la loi juste, la liberté et la sécurité, en débloquant les barrages, en arrêtant et incarcérant les casseurs et les harceleurs tueurs de flics ? Comme si nous n’avions pas déjà assez du terrorisme islamique, pour lequel le moins que l’on puisse dire est que la réponse de l’Etat n’est guère à la hauteur des enjeux.

      Autre inversion des valeurs, non moins inquiétante, la violence symbolique et sociale, effectivement ou prétendument subie, est prétendue moralement pire que les violences physiques et guerrières commises contre des patrons séquestrés aux chemises arrachées, contre des représentants des forces de l’ordre, blessés grièvement, incendiés, ces dernières violences étant excusées, légitimées par une rhétorique postmarxiste, anarcho-libertaire. On se souvient que la « violence symbolique » d’une Porsche fut incendiée. Vandalisme scandaleux en soi, ne serait-ce que contre les créateurs et ouvriers qui l’ont conçue et construite, contre son propriétaire, d’autant plus grotesque que, par une triste ironie, cette voiture de luxe appartenait à un homme des plus modestes et passionné qui consacrait toutes ses économies à la dite « violence symbolique » du luxe !

      Patente au cœur des mouvements des Gilets jaunes et de Nuit debout, cette inversion des valeurs (aux résultats bien moins moraux que celle exécutée avec brio par le christianisme à l’occasion de l’analyse nietzschéenne) est bien la tâche que la fort minoritaire chienlit poisseuse de romantisme révolutionnaire et de haine des entrepreneurs et des policiers, qui assurent la richesse de leur niveau de vie de bourgeois, s’est prescrite pour assurer sa tyrannie anarchisto-fasciste. Qu’ils soient cégétistes ou zadistes, anarchistes ou ultragauchistes, démocrates révolutionnaires ou antifascistes, ce sont les fascistes réels de notre temps. Ils inversent les valeurs au profit de leur intolérance, de leur libido guerrière, de leur libido dominandi. Aussi à leur égard, il faut savoir, avec Marcel Proust, que « le pacifisme multiplie quelquefois les guerres et l’indulgence, la criminalité[19] ». Jusqu’à quel retour à la raison, quelle implosion ? Autre inversion des valeurs, celle d’une police qui réprime la liberté sans pouvoir réprimer la tyrannie. Mais aussi celle de ceux qui préfèrent la guerre contre l’Occident et ses valeurs, à la paix et à cette liberté qui est un droit naturel. Et parce que, sans oser le dire, l’on a peur de l’hydre islamique, l’on préfère se livrer à des compromissions dommageables. « En politique, ce qui commence dans la peur, s’achève souvent dans la folie[20] », disait en 1830 le poète Coleridge.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] William Shakespeare : Beaucoup de bruit pour rien, traduit par Louis Legendre, Alphonse Lemerre, 1888, p 113.

[2] Voir : Patrick Farbiaz : Gilets jaunes. Documents et textes, Editions du Croquant, 2019.

[3] Voir : Francis Dupuis-Déri : Black blocs,  Lux, 2009.

[4] Voir : Elsa Marpeau : Blacks blocs, Folio policier, 2018.

[6] Voir : Gaël Brustier : Nuit debout. Que penser ? Cerf, 2016.

[7] Voir : Nuitdebout.fr

[8]  Gouvernement par la populace.

[12]  Le Figaro, 19 avril 2016.

[13] http://www.fakirpresse.info/frederic-lordon-nous-n-apportons-pas-la-paix

[14] Jean-Paul Sartre : Les Temps modernes, juillet 1952.

[15] Jean-Paul Sartre : Actuel, 28 février 1973.

[16] John Stuart Mill : Sur le socialisme, Les Belles Lettres, 2016, p 136.

[17] Lisible sur : Le Point.fr

[18] Friedrich Nietzsche : Par-delà le bien et le mal, 62, Œuvres philosophiques complètes VII, Gallimard, 1992, p 77-78.    

[19] Marcel Proust : À l’ombre des jeunes filles en fleurs, À la recherche du temps perdu II, Gallimard Pléiade, 1988, p 116.

[20] Samuel Taylor Coleridge : Propos de table, Allia, 2018, p 37.

 

Photo : T. Guinhut.

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30 décembre 2018 7 30 /12 /décembre /2018 10:30

 

Ciudad romana de La Clunia, Burgos, Castilla y León.
Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Couleurs des monstres politiques :

 

Gilets jaunes,
drapeaux rouges et noirs, religions vertes.
Avec le concours de Michel Pastoureau,
Friedrich Nietzsche et Roger Caillois.
Chapitre XVI de

Faillite et universalité de la beauté

de l'Antiquité à notre contemporain

La mouette de Minerve éditeur

 

 

 

 

      Contre la grisaille du quotidien, nous avons le bonheur de nous vêtir de couleurs. Mais n’est-ce que pour lutter contre la grisaille politique que l’on brandit des étendards violemment colorés, agités par le vent de l’Histoire ? C’est ce qu’il semblerait au vu de l’apparition insolite du jaune en politique, alors que le rouge, encore virulent dans son cadavre, sinon le noir, tour à tour anarchiste et fasciste, sans compter le rose, voire le bleu, passés de mode, se voient déborder par deux verts, l’un écologiste, l’autre religieux. Au-delà du sens des couleurs, point innocent, alors qu’il ne faut pas oublier de se demander quelle est celle de l’Etat, ne sont-elles pas les cocons accoucheurs des monstres politiques ?

 

      Outre la couleur du traitre politique (un jaune), sinon du cocu, le gilet jaune est celui de l’automobiliste en panne et en danger, de l’ouvrier des chantiers, en particulier nocturnes. Les Gilet jaunes se munissant d’un accessoire de visibilité et de protection, il est le symbole de la fragilité menacée, du blessé, du laborieux à la peine, voire du réprouvé. Le jaune était en effet parfois celui de Judas, aujourd’hui c’est celui de l’essence et du diésel, du rire jaune, et de l’abandonné sur le bord des routes qu’il faut respecter et sauver, comme un pauvre Christ molesté par le pouvoir romain. Ainsi, portés par les chômeurs, les retraités, les petits salaires, les Gilets jaunes sont les cocus du régime. Pourtant cette couleur pourrait être celle de l’or, de la richesse, mais ostentatoire elle est peu portée parmi les vêtements ; aussi son mauvais goût, sa soudaine visibilité sont de l’ordre du cri : détresse et insolence soudaines.

      L'on sait depuis longtemps la marée boueuse d’impôts et de de taxes (elles sont plus de 360 !) qui déferle sur le peuple, en particulier français. Au délicieux or noir pétrolier, s’ajoute un répugnant or jaune, sous l’espèce d’une odieuse taxation à 65 %. C’est alors qu’un projet de surtaxation est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de la colère. Alors que l’on est imposé pour son travail, grevé de charges sociales, de plus mal payé (ce qui en est la conséquence), il faut payer plus pour travailler, pour aller à son travail, pour aller payer d’autres taxes en achetant des biens de consommation taxés ; c'est alors que l'on rit jaune…

      L’on bloque des péages autoroutiers, l’on fait fi des autorisations pour manifester par milliers, l’on fait la nique aux institutions traditionnelles du politique, en la matière devenues obsolètes : les oligarchies des partis politiques et des syndicats. L’on use des réseaux sociaux, en particulier Facebook, en rejetant une presse et des médias stipendiés, subventionnés, détenus par une oligarchie financière. L’on préfère le grincheux et joyeux bordel, les revendications individualistes, les solidarités de classe et d’occasion, la chaleur suante de la foule en vague et en tempête, celle des braseros nocturnes et des tentes de fortune aux ronds-points, où l’on cause, vitupère, picole et rigole, retrouvant par là le sens de la horde et de l’amitié, la communauté d’intérêt et d’opinions, malgré les mots d’ordre parfois surréalistes, ubuesques et incohérents, comme de réclamer moins d’impôts et de taxes tout en réclamant plus de services publics, quoique la plupart du temps gérés en dépit du bon sens, en déficit…

       Mais au-delà des violences collatérales, et de la violence indue qui consiste à entraver la liberté de circulation, forcément opposées aux violences policières justes et injustes selon les cas, parfois intolérables lorsque des tirs de flash-balls éborgnent des individus, il y a une involontaire violence contre soi-même : en bloquant avenues et ronds-points, le commerce et l’industrie en souffrent, alors qu’ils sont les pourvoyeurs d’emplois et de revenus de ces mêmes Gilets jaunes. C’est en ce sens que cette jaunisse citoyenne et anti-citoyenne à la fois, est un monstre politique, d’autant plus mouvant, imprévisible et dangereux qu’il n’a pas de tête pensante, mais mille têtes qui peuvent repousser sans cesse, comme celles de l’hydre de Lerne, pas d’autorité représentative, quoique cela puisse être aussi de l’ordre de sa liberté, à moins qu’il faille se féliciter de l’absence d’un chef charismatique et démagogique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Michel Pastoureau n’a pas encore publié son livre sur le jaune. Qui sait s’il dira un mot de ces déjà fameux Gilets ? Il a cependant offert aux lecteurs curieux sa déclinaison titrée Histoire d’une couleur, se consacrant tour à tour au rouge, au bleu, au vert et au noir[1], qui est bien, n’en déplaise aux grincheux, une couleur. Ira-t-il jusqu’à se consacrer au blanc autrement qu’en marge du noir ?  Ce serait un défi à la hauteur de cet « historien des sociétés occidentales » [qui] travaille sur des terrains documentaires variés : le vocabulaire, la littérature, la poésie, les traditions orales, les croyances, l'art et spécialement la peinture, mais aussi le vêtement, qui est le grand code de la couleur de la vie en société, les étoffes, les drapeaux, les emblèmes[2] ». Il serait donc difficile de s’aventurer sur les sentiers colorés des civilisations et de l’Histoire, sans reconnaître sa dette à l’égard de Michel Pastoureau.

      Rouge comme le sang et comme la passion, en particulier amoureuse. C’est la couleur chaleureuse par excellence. Ambivalente, la nuance flamboie comme la colère, saigne à flots, rougit de honte et marque les ecchymoses, signe le meurtre, alors qu’elle sait être vivante, palpitante, amoureuse, érotique. Purpurine et carmine, elle est poivron et piment, pétales soyeux et veloutés, reliures de maroquin cerise, couverture et sac de couchage dont on prétend qu’ils sont plus chauds, ne serait-ce que psychologiquement, parce que rouges. L’impact mental, voire moral, des couleurs n’est plus à prouver, entre vie et énergie, voire virilité. Historiquement il est avec la pourpre impériale symbole de puissance chez les Romains, puis sang du Christ chez les Chrétiens. Amour, gloire et beauté, dit Michel Pastoureau, il est cependant décrié par le Protestantisme, qui y voit « théâtralité papiste », orgueil, luxure et vanité, aussi est-il en déclin, jusqu’à ce que les révolutionnaires de 1789 lui redonnent vigueur.

      Mais gare si le rouge est politique. Franchir le Rubicon était pour César le franchissement d’une ligne interdite les armes à la main.  Il était déjà celui des flammes de l’enfer, il forge un enfer sur terre avec le drapeau du marxisme, du communisme[3]. Et pour paraître moins sanglant, voire joliment niais, le rouge s’est mué en rose avec le socialisme mitterrandien. Prétendant signifier l’humanisation du marxisme, il n’en cache pas moins un étatiste têtu.

      Passons rapidement sur le bleu, couleur préférée des Français et qui est le symbole de leurs équipes sportives, quoique républicain, depuis le nuancier dominant de l’uniforme des soldats de la Révolution ; qui se livrèrent pourtant à ce que l’on n’hésite pas à qualifier du mot de génocide, en Vendée, en 1793. Il semble aujourd’hui, même si le Front, ou Rassemblement, National tente de le récupérer, qu’il soit dévolu à une relativement inoffensive destinée.

      Le vert parait herbacé, forestier, apaisant, écologique en un mot. Mais, en son ambivalence, il put paraître autant affilié à la sève vitale et à l’espérance qu’associé à l’époque médiévale au diable verdâtre, donc emblème du mal. Pour les comédiens, il porterait toujours malheur sur scène. Fées, petits hommes verts, sorciers et Martiens, ils sont verts, parfois de rage, ce pourquoi nous sommes verts de peur, sauf si le destin tourne en notre faveur, ce pourquoi le dollar est vert. Ce n’est qu’avec le romantisme qu’il se pare de la mythologie naturelle[4], de la verdeur de la santé, au point qu’il soit aujourd’hui à son apogée : la nourriture bio, les parcs et jardins, la biodiversité sont plus verts que verts. En un mot, une idéologie est née, avec son parti politique. L’indispensable lutte contre la pollution n’est même plus un combat digne, devant la divinisation d’une planète à verdir, sous peine de mort clinique, sociale et politique.

      Assisté par le rouge marxiste repeint en émeraude, de façon à recycler dans l’air du temps sa pulsion totalitaire, il est devenu un monstre politique. Monstre suceur de taxes et d’impôts, de subventions, de supercheries scientifiques et d’aberrations économiques[5], engraisseur d’élus, d’associations et de groupements pseudo-scientifiques (le GIEC), il s’est trouvé une cause plus élevée que l’homme : la planète et sa survie. Donc susceptible de devoir en toute justice terrienne opprimer et pressurer pour les besoins de la cause, avec tous les oripeaux de la religion : culte, processions, hiérarchie, prophètes, au-delà salvateur… C’est ce que disait du nazisme Roger Caillois, même si nous devons nous garder de la reductio ad hitlerum : « La base du système, comme son but, demeure strictement politique, mais la pointe en est religieuse[6] ».

      Plus explicitement religieux, le vert est dans l’Islam celui du turban de Mahomet au combat, de l’étendard palpitant au vent de la conquête. Couleur sacrée qui ne décore pas les tapis afin de pas la fouler, elle est celle des meilleurs pâturages et des oasis parmi des contrées désertiques, désirés au point de se confondre avec l’au-delà. En fonction des cultures, le vert hérite donc d’une symbolique paisible ou guerrière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Du noir découlent la fois l’image du sérieux et de l’autorité, mais aussi de l’élégance, entre caviar et smoking, opposée à la crasse, à la suie des « gueules noires » charbonneuses, et celle de la mort et du deuil, du moins en Occident. Car les ténèbres sont celles du ciel noir et vide d’avant la Genèse biblique, du chaos, de l’Erèbe infernal chez les Grecs, de l’enfer satanique dans l’eschatologie chrétienne.  Renversement des valeurs, il est avec le blanc et le gris, la facture de l’austérité monacale ; de même la négritude devient une dignité libératoire, en particulier avec le poète Aimé Césaire.

      Mais noir est le drapeau du pirate, de la mort et du pillage. Or la « Milice volontaire pour la sécurité nationale » de Benito Mussolini se vêt de « chemises noires », alors que son fascisme est une conséquence de son socialisme. Par ailleurs, en un affront envers le rouge autoritarisme marxiste, le noir est le drapeau de l’anarchisme, parangon de la liberté face à l’Etat[7], en cohérence avec sa devise « Ni Dieu ni maître ». S’il ne parait pas monstrueux au premier abord, sa haine de la propriété privée (en l’espèce le libertaire s’oppose au libertarien) en fait un acteur infiniment risqué du champ politique. L’anarchiste se décline aujourd’hui en « Black blocs », vêtus et cagoulés de noir, radicalement coupés de la non-violence de certains anarchistes, et devenus professionnels de la preste violence, de l’assaut de commissariats, de la casse de vitrines, banques et grands magasins représentant le grand capitalisme honni. La noire extrême-gauche anticapitaliste a pour passion la destruction programmée de l’ordre étatique comme de l’ordre financier issu de la mondialisation libérale. Alliée avec l’atavisme du pillage de la racaille islamiste et des bandes ethniques africaines (on ne verra là ni généralisation abusive ni racisme), comme lors des pillages des boutiques GoSport à Paris, de l’Apple Store à Bordeaux, elle va jusqu’à imaginer une monstrueuse tabula rasa qui serait le préalable d’une utopie également monstrueuse, puisque toute hiérarchie, toute propriété économique, en seraient bannies. Rêver la disparition des fonctions régaliennes de l’Etat, Justice, Police et Défense, serait nous jeter dans les bras délinquants et criminels de l’anarchie au sens courant du terme.

      Les Gilets jaunes et leurs manifestations, comme toutes les manifestations sur la voie publique, entraînent, d’autant qu’elles ne respectent ni ordre de marche, ni autorisation préfectorale, les violences collatérales des casseurs rouges, noirs et verts. Faut-il leur en tenir rigueur, d’autant plus que n’importe qui, animé d’intentions plus ou moins louables devient un Gilet jaune en enfilant le dit gilet par opportunisme. Que ce soit pour profiter des marges du mouvement ou pour le salir, le rougir et le noircir…

      Une couleur d’étendard, voire de drapeau, doit fédérer les foules, les hordes, les tribus. Unique elle risque de voir sa symbolique au service de la guerre nationaliste au théocratique, comme le rouge communiste et le vert islamique. Multiple, elle entend fédérer, sinon  réconcilier les composantes pacifiées du peuple, comme dans le bleu, blanc, rouge de la République française.

      Monstre politique, les « Gilets jaunes » ? Oui, parce qu’outre leur dangerosité d’humiliés et de jusqu’auboutistes ils sont enfantés par l’oppression de l’Etat, cette « nouvelle idole » selon les mots de Nietzsche : « Etat, de tous les monstres froids ainsi se nomme le plus froid. Et c’est avec froideur aussi qu’il ment, et suinte de sa bouche ce mensonge : Moi, l’Etat, je suis le peuple. […] avec des dents volées, il mord, ce mordeur. […] Sur Terre rien n’est plus grand que moi ; de Dieu, je suis le doigt qui ordonne. Ainsi rugit le monstre[8] ». Et encore Nietzsche, s’il était au fait des potentialités de l’Etat hégélien, prussien et du socialisme, n’avait pas vu à l’œuvre les démons totalitaires du marxisme russe, soviétique et chinois, ni ceux des fascismes, d’ailleurs leurs frères de sang et néanmoins ennemis.

      Le veau d’or de l’Etat doit sans cesse être nourri d’or, par le clystère de ses impôts, taxes, emprunts, et vomir l’or par tous les pores de ses fonctionnaires, de ces subventions, de ces aides, de sa redistribution et de sa dette, qui atteint 99% du Produit Intérieur Brut, soit 2300 milliards d’euros qu’il nous faudra rembourser pendant trente ans, à condition de pas en contracter de supplémentaires. Le monstre devrait être jaune de la graisse dorée dont se gorgent ses clients, profiteurs et affidés, alors que jaune de pauvreté chronique sont ses victimes. L’on comprend alors, faute de l’excuser, combien la hargne des Gilets jaunes va jusqu’à s’attaquer aux symboles de l’Etat, et plus particulièrement de ce gouvernement, macronien par la puissance étouffante et micronien par la légitimité et l’efficacité, en tentant d’assaillir l’Elysée, le Fort de Brégançon (résidence de la Présidence) et en décapitant l’effigie du technocrate enfanté par la manipulation oligarchique et médiatique et béatement jailli des urnes comme un enfantin pantin…

      Sans en avoir forcément conscience, faute de culture politique et économique, mais c’est une qualité partagée bien au-delà des Gilet jaunes, ces derniers n’ont qu’à peine connaissance des connivences du grand capitalisme avec l’Etat, faute de libéralisme économique, mais aussi de sa connivence avec les syndicats généreusement et scandaleusement arrosés de subventions par l’Etat et les collectivités locales, qui puisent allégrement et indument dans les fonds des organismes paritaires (Sécurité sociale, Unedic, Formation, Comités d’entreprises publiques, etc.), ce qu’a révélé le rapport Perruchot, sans qu’aucune action en justice s’en suive ! Savent-ils que 57% du Produit Intérieur Brut français est absorbé par la dépense publique, donc par l’Etat, sans qu’il rende les services que l’on devrait en attendre ? Que les prélèvements obligatoires atteignent 47% du Produit Intérieur Brut ? Qu’à cet égard il s’agit des taux les plus lourds de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique ? Que la France est classée au 70ème rang de l’Indice de Liberté Economique, aux côté du Panama et derrière la Turquie ; quand la Suisse, notre heureuse voisine dont nous ne savons ni ne voulons nous inspirer, figure au 4ème rang, ce qui contribue à expliquer son plein emploi et sa prospérité, avec un taux de chômage à 2,4%, alors que la France se traîne à 9,3% ?  Qu’ainsi est le meilleur moyen d’oblitérer la croissance, l’emploi, la création de petites et grandes entreprises, donc de contraindre à la pauvreté ces Gilets jaunis sous la peine… Hélas, redisons-le, le monstre jaune est le plus souvent inculte, mais à cet égard pas plus que les autres, accusant le libéralisme et les marchés financiers, alors qu’il faudrait accuser un socialisme étatique récurrent, quelques soient les prétendues couleurs politiques de gauche et de droite qui se succèdent au pouvoir, ou se bousculent aux portes d'un pouvoir de plus en plus risqué.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Comment nettoyer les écuries d’Augias ? Cesser les aides inutiles aux pays étrangers (environ dix milliards d’euros en 2017), abroger l’Aide Médicale aux Etrangers, limiter les prélèvements obligatoires à un maximum de 20% du revenu des particuliers et des entreprises, desserrer l’étau des normes et des interdits à la recherche, supprimer toute taxe, toute aide aux entreprises libérées, donc simplifier considérablement le Ministère des finances et diminuer d’autant le nombre des fonctionnaires, sans oublier celui des députés et sénateurs, ouvrir à la concurrence la Sécurité Sociale, l’Unedic, l’Urssaf, etc. Toutes conditions préalables à la prospérité. L’Etat français est-il réformable ? Doit-on s’enfoncer avec le monstre dans le déclin ?

      D’autres motifs d’exaspération légitimes confortent la jaunisse civique et incivique. La limitation à 80 kilomètre heure sur les routes, est vécue comme une coercition de plus, eut égard aux résultats peu probants quant aux vies épargnées et au coût faramineux, non seulement en perte pour les entreprises de transports, mais aussi en coût de remplacement des panneaux (une dizaine de millions d’euros au bas mot), d’où le vandalisme symbolique à l’encontre des radars. Voir supprimer l’Impôt Sur la Fortune (sauf hélas sa partie immobilière) ne peut être compris comme la mesure judicieuse qu’elle doit être, lorsque les plus modestes et les classes moyennes se prennent des coups de bambous à répétition sur la platitude de leur porte-monnaie, via l’augmentation des taxes, des Contributions Générales de Solidarité, qui ne contribuent qu’à acheter un semblant de paix sociale par la redistribution. Le démagogique et improductif appel à la chasse aux riches ne peut que ressurgir. De surcroît, le monstre politique de l’immigration (mais pas celle des Asiatiques, des Chrétiens d’Orient, des Juifs ou des Yézidis), essentiellement venue de l’Islam et des zones tribales africaines où le sens du politique n’est en rien celui d’une république laïque et courtoise, laisse fort amer le modeste peuple qui ne voit plus assurée sa liberté ni son identité[9], et que dire de sa sécurité ! Alors qu’en signant l’abject Pacte de Marrakech sur les migrations, quoiqu’il n’engage légalement à rien, le gouvernement français accorde un droit, voire un devoir d’islamisation…

      Pendant qu’au moins 25000 clandestins dorment à l’hôtel aux frais du contribuable, les travailleurs pauvres doivent parfois dormir dans leur voiture, chauffée au diésel, les sans domiciles éjectés dans le chômage et la fin de droits dorment au frais des rues. Pendant qu’une assez juste répression s’abat sur les Gilets jaunes coupables de violence, les banlieues chariacaillesques où la police ne pénètre plus guère bénéficient d’un laxisme éhonté. Il en va là vers l’abîme comme pour l’impéritie économique étatique qui accumule dette sur dette : « l’Etat qui n’ose trancher dans le vif, et qui, gagné par la gangrène subtile dont il devrait arrêter le progrès, ajourne toute mesure salutaire et s’en épouvante : il se destine clairement à la catastrophe[10] », ainsi écrivait Roger Caillois en 1964.

      Si les Gilets jaunes sont le peuple, il faut s’en féliciter lorsqu’ils dénoncent la surtaxation et l’appauvrissement conspirés par l’Etat, voire l’islamisation des quartiers dits sensibles. Mais il faut s’en méfier lorsqu’ils fleurent la violence vengeresse et irrationnelle, voire un putschisme atavique, lorsque les instincts de la foule s’abaissent à l’antisémitisme, à la brutalité, à l’imposition d’une loi clanique qui fait des ronds-points des zones soumises à leur discrétion et indiscrétion, instaurant une sorte de droit de passage et de blocage, qui n’est pas loin d’un fascisme in nucleo.

 

      Or, Roger Caillois, dans son essai Instincts et société, notait que la culture, cette sensibilité aux arts et à la justice, reste fragile devant les forces obscures des instincts brutaux et de l’entropie politique, qu’elles viennent de l’esprit de secte, de la pulsion dictatoriale et totalitaire, de la raison rouge, noire ou verte des oligarchies savantes en téléologie politique, ou de la foule, de la populace, capable de contraindre la démocratie à dégénérer vers l’ochlocratie. En dépit des tentatives de récupération venues des partis démagogues et plus étatistes encore que l’Etat, soit le Front ou Rassemblement National, soit les Communistes et autres Insoumis d’extrême-gauche, faut-il craindre que cette foule jaune se trouve un chef, un homme providentiel ? Ce que disait Roger Caillois à propos d’Hitler (même si là encore il faut se refuser à la reductio ad hitlerum) reste opérant : « le chef charismatique ne s’oppose pas à la masse. C’est justement parce qu’il en partage les passions et qu’il les éprouve avec une intensité contagieuse qu’elle en fait son chef[11] ».

      Cette foule des Gilets jaunes, des drapeaux rouges enveloppant le sang des capitalistes et des koulaks, des marches vertes pour un climat imaginaire, des chemises noires fascisto-mussoliniennes ou anarchistes, peut être lue grâce à la faveur du titre révélateur de Wladimir Drabovitch : Fragilité de la Liberté et séduction des Dictatures. Dans son chapitre consacré à « La psychologie des foules », l’essayiste note : « La violence des émotions induites ainsi inhibe le reste de la personnalité chez les membres de la foule : la conscience personnelle, la réflexion critique[12] ».

 

      Monstre d’Etat fut bien le communisme, voire encore aujourd’hui, en son désir d’être l’Etat, en sa capacité idéologique à être plus persuasif que le réel. Un autre monstre d’Etat est bien plus sûrement planétaire : l’écologisme par la grâce duquel la planète idéalisée est l’étendard et le ciment d’une tyrannie, en l’espèce d’un projet fantasmatique de gouvernement mondial, voire cosmique. Monstre d’Etat divin sans nul doute que l’Islam, qui ne sépare pas le politique et le religieux[13], qui peut user des leviers de la démocratie majoritaire, de l’intimidation morale et terroriste, pour se dresser en Etat islamique, dont la charia étouffe toute velléité libérale. Reste à se demander quelle est la couleur de l’Etat. Si l’Etat des ponctionnaires est le plus froid de tous les monstres froids selon Nietzsche, il est de glace, donc blanc. Il est à craindre qu’il soit d’un gris sale, conspué des strates de son opacité, de sa corruption, de ses troupes obscures qui conspirent à l’étouffement du pays. Alors qu’il devrait être transparent… A contrario, y-at-il pour le libéralisme au sens classique du terme, c’est-à-dire à la fois politique et économique, une couleur fédératrice ? Probablement le « Gadsden Flag », représentant un serpent à sonnette sur fond jaune, avec la devise Dont Tread On Me (« ne me marche pas dessus » ou « ne me foule pas aux pieds », (du latin : nemo me impune lacessit), venue d’Ecosse et qui est l'étendard de ralliement des libéraux et des libertariens, depuis Benjamin Franklin et la guerre d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique. C’est bien ce jaune libéral que l’Etat taxateur foule aux pieds, au lieu de se consacrer avec rigueur à ses seules fonctions régaliennes, et qui devrait inspirer les Gilets jaunes.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Tous publiés aux éditions du Seuil et Points.

[2] Michel Pastoureau : Entretien avec Juliette Cerf, Télérama, 15-11-2013.

[6] Roger Caillois : Instincts et société, Gonthier, 1964, p 172.

[8] Friedrich Nietzsche : Ainsi parlait Zarathoustra, Gallimard, 1971, p 61-62.

[10] Roger Caillois, ibidem, p 81.

[11] Roger Caillois, ibidem, p 164.

[12] Wladimir Drabovitch : Fragilité de la Liberté et séduction des Dictatures, Mercure de France, 1934, p 97.

[13] Voir : Vérité d'Islam et vérités libérales

 

Photo : T. Guinhut

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29 août 2018 3 29 /08 /août /2018 15:48

 

Vide-greniers de La Couarde-sur-mer, Île de Ré. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Jalons du féminisme :

Marie-Jo Bonnet,

Geneviève Fraisse et Roxane Gay.

 

 

 

Marie-Jo Bonnet : Mon MLF, Albin Michel, 416 p, 21,50 €.

 

Geneviève Fraisse : La Fabrique du féminisme, Le Passager clandestin, 480 p, 10 €.

 

Roxane Gay : Bad feminist, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Santiago Artozqui, Denoël, 464 p, 21,90 €.

 

Roxane Gay : Treize jours, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Santiago Artozqui, Denoël, 477 p, 22,90 €.

 

Roxane Gay : Hunger, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Santiago Artozqui, Points, 312 p, 477 p, 7,40 €.

 

 

 

 

      On ne doit plus douter que le féminisme, envers vertueux du machisme, ait une histoire, soit devenu une discipline universitaire à part entière, du moins aux Etats-Unis. Depuis Olympe de Gouges, qui en 1791 osa sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en passant par les suffragettes réclamant le droit de vote, une bibliothèque ne suffirait plus à contenir tous les textes qui réclament l’égalité des sexes devant la loi et un respect égal des corps et des sexualités de la part des consciences. Au-delà de l’essai fondateur de Simone Beauvoir, Le Deuxième sexe, paru en 1949, Marie-Jo Bonnet dresse les jalons du Mouvement de Libération de la Femme, tandis que Geneviève Fraisse examine les enjeux civils et politiques du féminisme. Venue d’Outre-Atlantique, Roxane Gay propose avec Bad feminist un titre percutant qui ne dit pas cependant ce qu’il semble dire.

      Attachante par sa naïveté avouée de jeune fille, l’autobiographie féministe de Marie-Jo Bonnet, se présente d’abord comme une initiation : sans trop savoir où elle va, ce qu’elle veut, sinon « aimer des femmes ». Elle adhère au Mouvement de Libération de la Femme en 1971, abrégé par l’acronyme MLF, alors que tout est à construire, avec un enthousiasme électrisant : « Comment résister à la jubilation d’être ensemble, de s’intéresser à ce qui concerne les femmes, comme si ces retrouvailles avec les femmes allaient élargir le champ des possibles ». Il faut admettre que l’élan d’une telle aventure a quelque chose de communicatif, même si la récurrence du mot « sœurs », et cette « sororité » peuvent légèrement irriter un lecteur soucieux d’un peu plus d’individualisme. Cependant, en cette époque encore plus que paternaliste et outrageusement « phallocrate », force est de constater la nécessité des actions collectives, dans de houleuses manifestations en faveur de l’avortement libre, dans la rédaction de journaux comme Le torchon brûle. Aussi, dans le sillage de Simone de Beauvoir, dont Le Deuxième sexe parait un essai indépassable, nombre d’anonymes, mais également de celles qui se font une personnalité se distinguent : Françoise d’Eaubonne, « une quasi-déesse Mère rebelle et géniale », Monique Witting, mais aussi des homosexuels comme Guy Hocquenghem. Animées par un activisme débordant, ces dames un brin provocatrices créent non sans humour  le groupe « les Gouines rouges »…

      Bientôt l’ouvrage, titré avec simplicité et modestie Mon MLF se révèle devoir appartenir au genre des mémoires, puisque la dimension autobiographie ne peut se séparer de celle historique. La vie associative et militante de Marie-Jo Bonnet s’inscrit au cœur de l’évolution des mœurs de la seconde moitié du XX° siècle : « Après la libération de la France qu’avaient vécue mes parents, la libération des femmes ».

      Les combats politiques se succèdent : pour la libre disposition du corps des femmes par les femmes, donc en faveur de l’avortement, contre la répression des homosexuels… Il y a quelque chose d’héroïque dans cette épopée, née dans la ferveur de militantes et de femmes libres, dans la « colère contre la société mâle ». Même si l’on oublie un peu que les technologies, en particulier le lave-linge, conçues par le capitalisme masculin, ne sont pas tout à fait étrangères à l’affaire.

      Le livre s’achève avec amertume. Les scissions, les dogmatismes théoriques parfois abscons, les querelles de chapelles, alors que la cause de la libération des femmes et de l’égalité semble indivisible, déchirent le MLF. Par une sorte de hold-up, il devient le fief du groupe « Psychanalyse et Politique » présidé par Antoinette Fouque, animatrice des éditions « Des femmes », à l’encontre de laquelle Marie-Jo Bonnet ne mâche pas son vigoureux réquisitoire, l’associant la prédatrice au « vampirisme », qui n’est donc pas réservé à la masculinité. C’est ainsi que fin 1979 se clôt l’aventure du MLF. Un autre avenir, inquiétant, se fait jour. C’est avec pertinence qu’elle note : « Tout se fige dans un face-à-face destructeur qui ouvre le règne des genres et du communautarisme sexuel »…

      Cependant, si une aventure se disperse, d’autres mûrissent. Coïncidant avec la mort du  grand père aimé, la publication de son premier livre en 1981, Un choix sans équivoque, chez Denoël, lui permet d’assoir une position d’autorité. Lors des rééditions, il s’adjugera un titre plus explicite : Les Relations amoureuses entre les femmes[1]. S’ensuivra une remarquable carrière d’essayiste et d’historienne, sur les femmes artistes, sur l’émancipation féminine...

      Marie-Jo bonnet assume une position intellectuelle originale : en 1974, dans Adieu les rebelles ![2] Elle s’oppose au mariage pour tous, qu’elle analyse comme un échec de la contre-culture homosexuelle. De même elle s’oppose fermement aux mères porteuses, qu’elle prétend être le signe d’une nouvelle sujétion des femmes.

 

      Egalement circonscrit dans le temps, le recueil de Geneviève Fraisse embrasse les années 1975 à 2011. L’on devine qu’il s’agit, entre ces deux dates, de rien moins qu’un changement d’ère. Notre philosophe de la pensée politique du féminisme livre là un ensemble profus d’articles et d’entretiens. Recommandons ce volume, intitulé La Fabrique du féminisme, publié pour la première fois en 2012, comme une introduction aisée, cependant roborative, à une œuvre solide, argumentée, touffue, qui se décline en plusieurs essais essentiels : Muses de la raison, démocratie exclusive et différence des sexes[3], Les Femmes et leur histoire[4], À côté du genre, sexe et philosophie de l’égalité[5], ou, plus récemment : La Sexuation du monde, réflexions sur l’émancipation[6].

      D’année en année les droits des femmes se sont consolidés. Droit de vote, droit de disposer d’un compte en banque en propre, droit de contraception et d’avortement, à ces acquis s’ajoutent la reconnaissance des sexualités et transsexualités, l’accession sans entraves aux études universitaires, la croissante intrusion parmi la vie et la représentation politique. Il s’agit bien d’une « révolution du féminin », telle que le souligne le titre de Camille Froidevaux-Metterie[7]. Que souhaiter de plus ? Il n’en reste pas moins que dans les faits l’égalité des sexes est à parfaire : combien de femmes meurent encre sous les coups de leurs conjoints, combien de viols, d’agressions et de harcèlements sexuels ? C’est à l’occasion de divers scandales[8] que la réalité se lève sous nos yeux. Loin d’être des faits divers, ils sont révélateurs, comme lors de l’affaire du prédateur sexuel Dominique Strauss-Kahn – nous ajouterions aujourd’hui le producteur Harvey Weinstein. Pouvoir politique et économique, voire artistique (à condition de pouvoir parler d’art à propos d’Hollywood), engendrent trop souvent des pulsions de dominations masculines à caractères sexuels violents. Quoiqu’il ne faille pas négliger les cas où les mêmes pouvoirs animent de semblables pulsions chez des femmes.

      Plutôt que de « déclarer la guerre » aux hommes, qui d’ailleurs peuvent être complices de ce chemin vers l’égalité, il s’agit de dénoncer la « servitude volontaire » des femmes, pour reprendre le titre de La Boétie. Quant aux champs de guerre d’Irak et d’Afghanistan, avant même l’apparition de l’Etat islamique, Geneviève Fraisse sait en 2003 en quoi ils sont propices à bien des oppressions envers les femmes : « une fois parce qu’elles sont femmes et, conséquemment, plus exposées aux violences de guerre, notamment sexuelles, une seconde fois parce qu’elles sont des personnes civiles démunies de leur droits élémentaires de citoyennes, reléguées à la sphère domestique ». Quant à la question du voile islamique, elle ne semble que la frôler, non sans en deviner les tenants et aboutissants typiques de « la division sexuée du monde » : « Alors porter le voile intégral serait une forme d’émancipation ? Mais dans quelle dialectique dominante ? » Plus loin, justement polémique, elle note : « On utilise la charia pour conserver la différence des sexes sous une autorité symbolique ». Même s’il est loisible de discuter l’affirmation suivante : « On sait que tous les monothéismes fonctionnent de la même manière, du côté de la domination masculine ». En effet, si cette thèse est passablement vérifiable au cours de l’Histoire, rien à voir entre le Judaïsme, qui permet l’accession des femmes au rabbinat, le Christianisme, qui  a des saintes, la Vierge Marie et des Docteures de l’Eglise (Hildegarde de Bingen, Sainte-Thérèse d’Avila), et la soumission totale et irréductible des femmes dans l’Islam, sans compter l’esclavage…

      Au contraire de Marie-Jo Bonnet, Geneviève Fraisse s’affirme « hétérosexuelle » : « Or le choix de ma sexualité n’était pas le plus déterminant ni le plus radical dans ce que j’avais à produire de subversion pour ma génération », argue-t-elle avec pertinence.

      La réflexion de l’essayiste sur le langage sexué, voire genré, reste éminemment précieuse. À l’égard de ce dernier concept, elle s’ouvre aux avancées de la recherche, en particulier scientifique, et n’est guère dogmatique : « il y a le biologique, le naturel, et il y a le social, le construit. Or cette opposition n’est qu’un modèle de pensée […] la biologie, à notre époque, ne cesse de s’enrichir de nouvelles connaissances quant aux processus de sexuation et d’identité sexuelle. » De même, ses recherches sur la notion de consentement, de toute évidence plus particulièrement dans le domaine sexuel, devraient être centrales parmi les débats qui nous agitent quant aux questions liés au viol, à la majorité sexuelle, quand il s’agit de savoir à partir de quel âge placer le curseur d’une relation sexuelle librement assumée avec un adulte.

 

 

      Etrange ouvrage que celui de Roxane Gay - dont le titre n’a rien de programmatique, au sens apparent d’un rejet du féminisme - dans la mesure où il se proclame « roman ». Alors qu’il s’agit plutôt de fragments d’une autobiographie, de chroniques écrites le plus souvent sur un ton léger. On aurait tort pourtant d’écarter ce Bad feminist, qui au premier regard parait conspuer son objet dans une réaction machiste. Il est ainsi nommé parce que la modestie et la finesse de l’auteure lui interdit de revendiquer « un féminisme authentique censé dominer toute la gent féminine ».

      Aussi ne prétend-elle à aucune doxa tyrannique, à aucune pureté dangereuse. Être féministe n’interdit pas d’aimer le sexe, lire le magazine Vogue, s’amuser à peindre ses ongles en rose, aimer la téléréalité ou les séries télévisées. Certes, elle fulmine à raison contre « le diktat de la beauté », « le langage désinvolte de la violence sexuelle », « la culture du viol », contre ces sénateurs qui parlent de « viol légitime » et de « don de Dieu », s’il en résulte la naissance d’une vie, contre l’usage par les rappeurs du mot « bitch » (salope) comme d’un signe de ponctuation », contre les rôles conventionnels attribués aux femmes dans les productions d’Hollywood. Elle met en avant, encore avec modestie, son travail acharné pour devenir une universitaire, d’origine haïtienne et colorée dans un monde de blancs, enseignant la communication technique et la rhétorique.

      Qu’importe si l’on ne connait pas les séries, Girls, Girlfriends ou Hunger Games, qu’elle commente, mais elles sont symptomatiques à la fois de la pesanteur et de l’évolution des mentalités, quand les rôles subalternes sont confiés aux femmes et aux Noirs aux Etats-Unis, quand les traumatismes vécus par les personnages, y compris les viols, ne sont pas passés sous silence. Il s’agit de trouver dans les productions cinématographiques un espace, « une voix à laquelle s’identifier », où les femmes de couleur, Noires, Latinas, Indiennes, ou fort rondes comme notre auteure, puissent projeter une image plus positive, décomplexée, et plus active d’elles-mêmes, et ainsi pouvoir jouer un rôle plus valorisant dans la société. Le combat, qui n’a rien de revanchard ni dangereusement vindicatif - elle n’est pas le moins du monde une virago, comme la délirante Valerie Solanas qui publia en 1967 son SCUM manifesto, autrement dit « Manifeste pour la castration des mâles[9] » -, s’étend jusqu’aux homosexuels et transsexuels, digne d’être respectés dans leurs choix qui n’ont rien de tyranniques envers autrui, tous ceux réunis sous l’égide du vilain acronyme LGBT. Il ne semble pas à cet égard que Roxane Gay veuille imposer un politiquement correct qui poserait un masque trop flatteur sur les communautés et les individus, tout en interdisant la critique et la satire.

      Le cheminement du volume est un peu erratique, passant par un souvenir d’une colo pour gros, à l’occasion de la lecture d’un livre intitulé Skinny, par un souvenir d’agression sexuelle éhontée par des camarades de collège, dont un garçon qu’elle s’imaginait aimer, viol qui contribua lourdement à déclencher une obésité compulsive. Cet évènement fondateur se retrouve dans Hunger, son dernier ouvrage, qui narre avec maints détails les liens entre son obésité et cet abject viol collectif dont à l'âge de 12 ans elle fut la victime. La thérapie est indubitable : « La lecture et l’écriture m’ont toujours tirée des moments les plus sombres de ma vie ». L'autobiographie d'une affamée de justice, de nourriture et d'amour, passant par des liaisons masculines et lesbiennes éphémères, est aussi nécessaire que  poignante, jusqu'à ce qu'elle a apprenne à se réconcilier avec son corps.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      De Roxane Gay encore recommandons un roman, Treize jours, « l’histoire d’une femme qui vivait un conte de fées qui prend fin lorsqu’elle est kidnappée » : récit enlevé de l’enlèvement de la fille d’un des hommes les plus riches d’Haïti. Le traumatisme du personnage central, Mireille Duval, qui est avocate aux Etats-Unis, est raconté à la première personne. Le ravisseur, qui se fait appeler « le commandant » ajoute à la cruauté ordinaire le viol. Pourtant, dit-elle, « Mon corps s’installait facilement dans l’esclavage ». Il faut cependant trouver une façon intérieure de résister : « Je ne voulais voir aucune preuve de l’existence d’un homme dans cet animal ». L’histoire n’est pas si insolite hélas, car le kidnapping lucratif est répandu en Haïti. Dépassant le fait divers, l’auteure narre le retour de Mireille auprès de son mari, installant un nouvel enjeu : comment peut-elle retrouver une intimité avec son mari ?

      Son écriture de romancière est d’un réalisme noir quand celle de la chroniqueuse est allègre, incisive, sans lourdeur. Si son recueil d’essais féministe a reçu une volée de critiques dithyrambiques aux Etats-Unis, nous serons plus modérés, reconnaissant cependant qu’elle a un don sans pareil pour parler avec aisance et simplicité des questions d’égalités entre les sexes, de la façon dont sont injustement considérés ceux que l’on appelle outrageusement les minorités, qu’il s’agisse des femmes, des personnes de couleur ou des gays. C’est en mêlant étroitement à ses chroniques de nombreuses anecdotes et dévoilements autobiographiques qu’elle réussit à captiver son lecteur ; et, mieux encore, à l’attirer vers le bien-fondé de sa cause, peut-être plus que par un essai ambitieux, certes difficile à dépasser, à la manière du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir.

      Malgré l’amitié que leur attachement aux libertés nous permet de leur vouer, on peut garder un plus que rien de méfiance envers trop de féministes. Un étrange tropisme parcourt la pensée de nos auteures, du moins dans le cas de Marie-Jo Bonnet et surtout Geneviève Fraisse, qui alla jusqu’à être candidate sur la liste communiste aux élections européennes en 1999 : « Je crois que le Parti communiste a une responsabilité historique en tant que représentant de la tradition utopiste », dit-elle en 1995. Certes, mais pas au sens où nous entendons sa tradition totalitaire, lisant Marx[10], et consultant l’histoire génocidaire du communisme[11]. Associer le combat en faveur de la libération de la femme à cette erreur et horreur qui se prétendait libération des peuples, ne laisse pas de nous interroger sur les limites de l’intelligence humaine, y compris chez des essayistes aussi brillantes…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Marie-Jo Bonnet : Les Relations amoureuses entre les femmes, Odile Jacob, 1995-2001.

[2] Marie-Jo Bonnet : Adieu les rebelles ! Flammarion, 2014.

[3] Geneviève Fraisse : Muses de la raison, démocratie exclusive et différence des sexes, Alinéa, 1989.

[4] Geneviève Fraisse : Les Femmes et leur histoire, Folio, 1998.

[5] Geneviève Fraisse : À côté du genre, sexe et philosophie de l’égalité, Le Bord de l’eau, 2010.

[6] Geneviève Fraisse : La Sexuation du monde, réflexions sur l’émancipation, Presses de Sciences-Po, 2016.

[9] Valerie Solanas : SCUM manifesto, Mille et une nuits, 2005.

[11] Voir : Hommage à la culture communiste

 

 

Photo : T. Guinhut.

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25 août 2018 6 25 /08 /août /2018 13:52

 

Mérou, marché de La-Couarde-sur-mer. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

L’orwellisation sociétale :

regards appuyés sur les fausses nouvelles.

À l’occasion de la nouvelle traduction de

1984 d’Orwell.

 

 

George Orwell : 1984, traduit de l’anglais (Royaume-Uni)

par Josée Kamoun, Gallimard 384 p, 21 €.

 

 

 

 

      Non content de harceler fiscalement ses concitoyens et de les laisser aux prises avec le harcèlement de la délinquance, de la racaille et de la criminalité, notre gouvernement, épaulé par un Parlement fidèle, légifère sur le harcèlement sexuel qu’il est impératif de réprimer. Cette dernière initiative sécuritaire pourrait être bienvenue, si les regards appuyés de l’Etat qui voit rouge et de la force publique stipendiée n’avaient la prétention de tout contrôler, pour le meilleur et pour le pire. Prétention orwellienne d’autant plus aberrante qu’il s’agit, au travers d’un non-dit Ministère de la Vérité, d’interdire les fausses nouvelles, ou les « fake news », comme le dit la vulgarité paresseuse de l’anglicisme. Sauf que ce « Big Brother is watching you » est fameusement borgne tant il ne voit ni ne veut voir la réalité des manipulations rhétoriques idéologiques et des quartiers entiers où toutes les paupières de l’Etat sont non seulement grand fermées, mais absentes, tant ils puent la sueur de la délinquance et de la charia, et tant ils exsudent leurs rumeurs et leurs crimes jusque dans nos villes et nos campagnes. Comme dans 1984, de George Orwell, l’on ferme les yeux sur les agissements du bas peuple, quand les radars de la surveillance généralisée, même si l’on n'en est pas encore aux extrémités du contrôle social chinois, obèrent la vitalité et la créativité de la population. Une nouvelle traduction de l’œuvre iconique de l’auteur anglais vient à point nommé pour user d’un regard appuyé sur la fausse et désastreuse nouvelle qu’est l’Etat[1].

      La rumeur fut persistante : les regards appuyés allaient être pénalisés, sanctionnés par une amende d’au minimum 90 euros, jusqu’à 750 €, voire en cas de récidive ou de circonstances aggravantes (en réunion par exemple) jusqu’à 3000 euros. Le goujat sexiste « is watching you » ! Sauf que pas un instant l’expression « regard insistant » ou « regard appuyé » n’est explicite parmi le projet de loi présenté par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, et Nicole Belloubet, ministre de la justice, pas plus dans le texte voté au Parlement le 1er août dernier et publiée le 5 août au Journal officiel, sanctionnant le harcèlement de rue, qui n’est cependant pas tout à fait le harcèlement sexuel. Il s’agit précisément de sanctionner les outrages sexistes. En d’autres termes, ceux imposant à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Quels en sont les exemples concrets, sinon les sifflements, les poursuites, les quolibets, les invitations sexuelles vulgaires, voire, justement, les « regards appuyés », de ceux qui engendrent le malaise ?

      On admirera le flou d’une telle disposition législative, devinant l’inapplicabilité de la loi, entre les insultes sexistes indubitables et les comportements plus ou moins discrets, entre obscénité et galanterie, selon la subjectivité de la victime ou prétendue victime. Actes et attitudes par ailleurs rarement susceptibles de flagrant délit devant les « télécrans »  orwelliens de l’Etat, à moins de prendre modèle sur la Chine dont nous reparlerons.

      Il y a deux versants à cette loi. L’un – et c’est justice – vise à réprimer la violence sexiste, l’autre instaure une surveillance généralisée des mœurs tout en enfonçant la victime, réelle ou supposée, dans un processus de victimisation a priori, qui n’est pas loin d’être sexiste. Il est entendu qu’elle ne saurait se défendre, ni pratiquer une saine indifférence, une revigorante ironie, voire un sport de combat.

 

      Autre billevesée orwellienne, la loi votée le 4 juillet dernier prétend mettre en place un « tribunal » des « fake news » (puisque l’on s’obstine dans l’anglicisme qui signe la démission de la langue) publiées dans la presse et sur les réseaux sociaux. Distingo byzantin, il s’agirait de batailler non contre les «fausses informations », mais plutôt contre « la manipulation de l’information», afin de ne pas pénaliser les propos humoristiques, satiriques ou diffusés par erreur sans intention de nuire. La pure intention de l’Etat et du législateur prétend permettre à la justice d’interdire la diffusion des fausses nouvelles en période d’élections nationales, de nature à biaiser ces dernières. Sauf que balancer une nouvelle qui n’est pas fausse au moment choisi et de concert médiatique peut avoir un effet délétère peut-être indu sur le destin d’un candidat présidentiel, François Fillon pour ne pas le nommer.

      Qu’il soit candidat ou électeur, tout citoyen pourrait saisir un magistrat en demandant la suppression d'une publication. Ce dernier aurait 48 heures pour en interdire la diffusion, en vertu de l'absence d'éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable. Cependant, vérifier, séparer le vrai du faux, ne risque-t-il pas d’exiger bien plus de temps, sans compter la jugeote et la neutralité idéologique ? Où glisser la frontière entre un mensonge digne d’être rejeté et la censure d’une vérité déplaisante ? Où placer le curseur entre exigence salutaire de vérité et liberté de la presse d’une part et liberté d’expression d’autre part, y compris sur les réseaux sociaux ?

      La commission des Affaires culturelles a ainsi défini une fausse information : « toute allégation ou imputation d'un fait dépourvue d'éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable ». Mais qu'est-ce qu'un élément vérifiable ? Le juge ne pourra par exemple statuer que si une fausse information est « diffusée de mauvaise foi, de manière artificielle ou automatisée et massive », c’est-à-dire si elle est le produit d’une stratégie délibérée. Voilà qui reste à prouver en sondant les reins et les cœurs, grâce aux neurologiques instruments d’un orwellien « Ministère de la Vérité ».

      Il existe déjà un arsenal législatif contre les fausses informations : notre loi de 1881 sur la liberté de la presse. Il y est d’ores et déjà question de réprimer les « nouvelles fausses ». Voici l’article 27 de cette loi, modifié par une ordonnance en 2000 : « La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d'une amende de 45 000 euros. Les mêmes faits seront punis de 135 000 euros d'amende, lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l'effort de guerre de la nation. »

      En ce sens la loi nouvelle est tout aussi superfétatoire que caractéristique d’une dommageable propension à la suréaction immédiate et émotionnelle, de façon à donner l’impression que le Gouvernement et ses magistrats aux ordres savent veiller de leurs gros yeux et agir dans le sens de la vérité…

      Gare aux manipulations de l’information, surtout si elles viennent de la méchante Russie, théorie du complot en tête, et non de la bande de Gaza… Gare aux fausses nouvelles, le regard appuyé des radars va flasher celles qui dépassent 80 km h pour renflouer en pure perte les caisses de l’Etat !

      Quant aux « territoires perdus de la République », pour reprendre le titre d’Emmanuel Brenner[2], banlieues racailleuses et chariaisées, sachez bien que l’Etat n’ira pas y jeter un œil. D’ailleurs le viol et le voile se chargent d’y faire respecter les regards appuyés de la loi islamique, la vérité théocratique est y garante du désordre, les rugissants rodéos automobiles se rient des radars inexistants, quand la police s’y assure des pavés dans les pare-brises et des cocktails molotov entre les gencives, quand des couteaux notoirement déséquilibrés égorgent jour après jour le paisible citoyen. Ainsi l’Etat borgne veille d’un œil vif sur ses concitoyens corvéables à merci, et ferme grand sa paupière politiquement correcte sur les dissidentes zones de non-droit, pour employer son euphémisme coupable...

 

      Autres regards appuyés : sachons que Facebook, grâce à ses inquisiteurs algorithmes, attribue à chacun de ses utilisateurs un score de fiabilité. On ne peut que s’interroger sur les critères sous-jacents, lorsque l’on sait qu’un fessier de Canova du Musée de Genève[3] s’est vu soumis à censure, assortie en la demeure une interdiction de commenter et de publier pendant 24 heures. « Fake news », puisqu’en Facebookie l’on anglicise, signifie pour la firme sociale une marque infamante au sein du réseau, que l’on peut craindre de voir disqualifier une réputation, y compris par ses utilisateurs mêmes, animés par le seul goût de nuire, ou en conformité avec un politiquement correct orienté et aseptisé, voire l’assaut concerté d’un mouvement idéologique. Il suffit, nous direz-vous, de fermer son compte et d’utiliser des réseaux sociaux apparemment plus soucieux de la protection des données et de la neutralité, tels Minds par exemple. À condition qu’ils échappent réellement à l’intrusion d’organismes étatiques, comme l’américaine NSA (National Security Agency), dont Edward Snowden révéla en 2013le programme de surveillance massif et les outrageuses capacités d’une illégale collecte d’informations.

      La France n’offre pas une image brillante : elle n’est qu’à la neuvième place européenne parmi les pays les moins frappés par la cybercensure. De plus, si l’on excepte le blocage des pages encourageant au terrorisme (ou au jihad, il y aurait matière), d’après un site peut-être soumis à caution[4], notre charmant pays bloquerait 37 990 pages, elles qualifiées de « nationalistes », alors que la Turquie n’en compterait que 6 574 et la Russie du pourtant autocrate Poutine seulement 84…

      Certes, l’on est loin de la Chine qui, grâce à d’omniprésentes caméras de surveillance et de reconnaissance faciale, sans oublier un pléthorique mixer à données globales (le « big-data », puis qu’il faut le barbariser ainsi), note son milliard quatre cents millions de concitoyens afin de les inclure ou exclure des bonnes grâces de l’Etat. Les comportements individuels, a fortiori de fonctionnaires et d’entreprises, sont non seulement évalués mais aboutissent à une attribution ou une ablation de droits, par le biais d’une batterie de crédits sociaux. Il n’est pas douteux que la criminalité, la corruption, la contrefaçon et autres délits écologiques, sanitaires et caetera, altèrent la société chinoise, mais déduire des achats via les cartes de crédits la moralité citoyenne des comportements pose un problème éthique et politique considérable, d’autant qu’en conséquence déjà la liberté d’achats en devient obérée. L’on peut être fiché pour avoir fumé dans le train, ce qui entraîne de ne plus pouvoir acheter de billet, et figurer sur une liste noire consultable sur Internet. Pire être taxé de « crime économique », de « crime par la pensée », pour reprendre une expression de l’auteur de 1984. Comme dans Rapport minoritaire de Philip K. Dick[5], l’Etat chinois pratique les arrestations préventives…

      Ce qui pourrait être un outil efficace de lutte contre délinquance et crimes réels ne devrait être manié que sous l’égide d’une juste législation, et non d’un totalitarisme exponentiel et tatillon. Il est évident que le communisme chinois pratique à grande échelle (macroscopique au sens continental et démographique, et microscopique au sens neuronal) une orwellisation éhontée, quand un communisme hexagonal qui ne dit pas son nom avance à pas orwelliens feutrés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      1984, le roman-phare de George Orwell, est une de ces icônes qui paraissent intouchables. L’inertie de l’habitude nous faisait considérer que la traduction française d’Amélie Audiberti restait canonique. Josée Kamoun, émérite traductrice de Philip Roth, relève un défi : dépoussiérer un classique. Sauf un parti-pris peu orthodoxe, sinon saugrenu : pourquoi utiliser le présent de narration, alors que l’original est au prétérit, donc au passé ? Imaginons qu’il s’agit d’une hypotypose, cette figure de rhétorique descriptive qui vise à rendre plus saisissante une scène théâtrale. Sauf que le passé inscrit le récit dans une sorte de passé fondateur, dans un apologue dont la leçon politique ne se discute plus.

      À moins de le lire en son anglaise authenticité, il faut admettre que le roman en ressort comme nettoyé, plus rugueux : l’on se sent encore plus pris dans l’étau d’une Angleterre qui n’en a jamais fini avec les bombardements du blitzkrieg, avec le rationnement et la crasse de la guerre. À la différence que le « sociang », socialisme anglais, est une brutale dictature, un précipité du fascisme hitlérien et du communisme soviétique, d’où la moustache de « Big Brother ». Cette expression n’est pas ici traduite, tant elle est devenue proverbiale et si peu juste serait l’expression « Grand frère », sujette à des interprétations inadéquates.

      C’est surtout le vocabulaire du novlangue, opposé à l’« ancilangue », qui est nettoyé jusqu’à l’os, peut-être plus efficace. Le « newspeech » devient après le novlangue le « néoparler », ce qui lui donne une coloration enfantine et balbutiante bienvenue. De même « Minivrai » pour « Ministère de la vérité » qui était « Minitrue ». Il n’est pas sûr cependant que le « Liberté est servitude » soit judicieux pour « slavery ». Quant à préférer « Big Brother te regarde » pour plus de proximité, car le « you » anglais est ambigu sans un contexte explicite, au précédent « Big Brother vous regarde », c’est faire abstraction de la dimension collectiviste du totalitarisme.

      Le contraste entre les rares moments lumineux et  lyriques, comme les rencontres amoureuses de Winston avec Julia, dans une clairière ou dans la chambre au-dessus de la brocante où se cache le télécran, et la terreur ordinaire qui sourd comme la sueur dont sont couverts nombre de personnages est rendu avec une glaçante prégnance. L’ironie rebelle de la jeune femme, hélas provisoire, brille de toute sa vanité devant la torture et la « vaporisation » des êtres. Le travail du héros, bientôt anti-héros, qui consiste à sans cesse réécrire l'histoire selon les injonctions officielles, lui promet son propre effacement mental…

      Reste à savoir si en ranimant une lecture vieille de quelques décennies, le lecteur n’a pas faussement cru que cette nouvelle traduction permettait une révélation. La morale en serait plutôt que quelque soit le talent des traducteurs, certes doués de compétence réelle, un roman comme 1984 résiste infiniment, garde la noirceur de son monde et la verdeur de son action. Revenons à la précédente traduction. De surcroit, les expressions orwelliennes se sont tellement cristallisées dans la langue française que toucher au « Ministère de la vérité », au « novlangue », parait une trahison.

      L’apologue politique anti-utopique, mieux que toutes les fantasy matinées de science-fiction, est terriblement proche des expériences totalitaires nazies et surtout communistes, en même temps que des actualités et des potentialités de notre présent. Il reste un indépassable avertisseur ; à moins de le considérer comme un manuel : l’on saura comment briser l’individualisme, comme annihiler l’amour entre les êtres au profit de l’ultime et glaçant : « La lutte était terminée, il avait remporté la victoire sur lui-même. Il aimait Big Brother »…

      Il faut cependant prendre garde à cet olibrius anti-utopien[6], qui s’isola de manière anti-sociale sur l’île écossaise de Jura pour écrire son manuel de surveillance. L’impertinent auteur de La Ferme des animaux ne prétendait-il pas jouer un irrespectueux tour de cochon sans se préoccuper de la sensibilité des thuriféraires de l’espérance stalinienne du Parti Communiste Français, ni des fidèles d’une religion alternative ? Présomptueux, il laissait traîner un œil trop perspicace sur le regard appuyé et le ministère des vérités officielles pour être laissé sans surveillance. D’ailleurs il serait bon que les associations de défense des minorités, des LGBT, comme le clinquant et déshumanisant acronyme les appelle, que les polices de la pensée, jettent un œil noir sur cet écrivaillon anglais : il fut en effet passablement homophobe, traitant de « tapette » ceux qu’il n’aimait guère, sans omettre que son féminisme fût un peu mou du genou. Ces « mentocrimes » vaudraient bien un déboulonnage de statue, non ?

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

[2] Emmanuel Brenner : Les Territoires perdus de la République, Pluriel, 2015.

[4] lesobservateurs.ch, 13-08-2017

[5] Philip K. Dick : Rapport minoritaire, Folio, 2009.

[6]  Voir : Après Thomas More, l'utopie politique d'Aymeric Caron

Thon rouge, marché du Bois-Plage-en-Ré. Photo : T. Guinhut.

 

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18 août 2018 6 18 /08 /août /2018 08:18

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Qui est John Galt ?

De Nous les vivants à La Grève

en passant par La Source vive :

Ayn Rand, romancière de l'Hymne libéral.

 

 

Ayn Rand : Nous les vivants,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Elizabeth Luc, Les Belles Lettres, 2023, 608 p, 23,90 €.

 

Ayn Rand : La Source vive

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jane Fillion, Plon, 2018, 696 p, 26,50 €.

 

Ayn Rand : La Grève,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sophie Bastide-Foltz,

Les Belles Lettres, 2017, 1168 p, 29,50 € ; format poche : 1336 p, 19 €.

 

Ayn Rand : Hymne, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Catherine Bonneville,

Les Belles Lettres, 2023, 112 p, 9,90 €.

 

 

 

 

      « Vade retro satanas ! », s’exclame le lecteur français, lecteur antilibéral et paresseux. Voici en effet une auteure qu’il ne faut surtout pas lire, tant elle est l’iconique romancière du libéralisme économique et politique le plus débridé. Qu’il ne faut pas ranger dans les bataillons des femmes écrivaines, telles qu’en réclament nos féministes, mais pourtant aux côtés de Mary Shelley, Emily Dickinson, Simone de Beauvoir, Murasaki Shikibu ! Ayn Rand (1905-1982), née à Saint-Petersbourg, a eu l’intelligence de fuir la révolution bolchevique pour rejoindre les Etats-Unis d’Amérique. Elle y fera naître un héros qui soulève le globe en son Atlas shrugged, étrangement traduit chez nous par La Grève ; quoiqu’il fût précédé par l'héroïne de Nous les vivants, puis par celui de The Fontainhead, autrement dit, La Source vive. Tous les héros d'Ayn Rand, romancière de l'Hymne libéral, luttent contre les tyrannies politiques et économiques.

 

Chantre du libéralisme politique et économique, l’Américaine Ayn Rand, romancière et philosophe, avait une connaissance chevillée au corps de son contraire : le communisme. En effet, née en 1905 à Saint-Pétersbourg, elle vécut la révolution bolchevique de plein fouet, avant de pouvoir s’échapper vers des cieux plus cléments.

En quelque sorte roman d’une autobiographie intellectuelle, mais dans le cadre d’une fiction, Nous les vivants présente une héroïne courageuse et entreprenante, confrontée à la dictature collectiviste, dans un duel inégal : « l’Homme versus l’Etat ». La valeur de la vie humaine est sans cesse réaffirmée par les personnages les plus sensés, y compris ceux envoyés en Sibérie pour y être emprisonnés, pour y mourir. L’on a compris qu’au-delà de ce cadre historique, l’auteur fonde un apologue efficace à l’encontre de toute tyrannie. Comment vivre en dépit de la tyrannie ? Le tableau de la société communiste par Ayn Rand devrait servir d’avertissement à toute conscience politique.

Dans la Russie soviétique des années 1920, peut-on dire encore « Nous les vivants » ? Après cinq ans d’exil en Crimée, une jeune fille, Kira Argounova, revient avec sa famille spoliée au nom du peuple, à ce qui est devenu Petrograd, puis Leningrad. Personnalité insolite, presque masculine, elle étudie pour devenir ingénieure. Mais dans le « conseil des étudiants », un membre du parti communiste prétend que « la science est une arme de la lutte des classes ». Pour le moment, il regarde les autres « avec une tolérance mortelle »…

Celle qui rêve de construire « un gratte-ciel en verre » est confronté à deux jeunes hommes forts troublants : l’un, Andrei, un communiste fort rouge, Léo, un aristocrate étrange et fascinant. Une tentative de fuir le pays par bateau avec Léo se solde par un échec. Heureusement ils bénéficient de la protection d’Andrei et de son supérieur Pavel. Jusqu’à quand ?

Un sens du réalisme aigu anime les péripéties dramatiques ; le tableau de société ne cache rien de la pauvreté sordide, du froid, de la bêtise de l’idéologie prolétarienne, de la violence totalitaire. Il faut être membre du parti pour tirer quelques bénéfices du régime, « l’automédication politique » est obligatoire, l’on travaille dans des administrations propagandistes et pléthoriques « pour le rapprochement de la ville et de la campagne », alors que règne la « pénurie de blé ». Les volontés sont brisées. Car « L’Etat soviétique ne reconnaît aucune vie à part celle de toute une classe sociale ». Cependant Kira sait affirmer : « quiconque place sa plus haute conviction au-dessus du plus haut de lui-même n’a pas grande estime pour lui-même et pour sa vie ». L’épuration des socialement indésirables frappe Kira et Léo. Le trio amoureux n’est pas en faveur de Léo, enrichi par le marché noir, tombé dans l’alcoolisme, alors qu’Andrei soutient jusqu’au bout Kira, tout en reniant son engament politique au péril de sa vie. Nous laisserons le lecteur découvrir la fin tragique et blanche de l’héroïne…

La fresque est constamment palpitante et pathétique, émouvante, alors que la satire mordante accuse les thuriféraires du « matérialisme historique », la servitude volontaire d’une cohorte de fonctionnaires, de policiers, de commissaires du peuple, d’employés zélés et finalement opprimés. Si Nous les vivants eut très vite un beau succès, la critique américaine lui reprocha son antisoviétisme. Un comble !

Ayn Rand n’a pas en France l’immense réputation qu’elle mérite et dont elle bénéficie aux Etats-Unis. Ses détracteurs parleront de romans à thèse. Certes, mais ce serait réducteur tant la vigueur romanesque ne faillit jamais ; alors que ce premier opus, publié en 1936, permet de reconstituer la trilogie, qui se développe avec une puissance croissante, de La Source vive à La Grève, romans d’un architecte puis d’un trio d’entrepreneurs des chemins de fer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Deux architectes sont au cœur des enjeux de ce grand roman de l’architecture et de l’individualisme américain qu’est La Source vive. Loin de se contenter de confrontations et controverses sur l’art de bâtir au XX° siècle, il s’agit plus largement de deux conceptions antagonistes de la société : « pour préciser sa pensée, rien de mieux que le contraste, la comparaison », professe Tohey en prétendant disséquer les deux protagonistes, mais au bénéfice du plus médiocre.

      Tous deux fréquentent une prestigieuse école d’architecture. Howard Roark, novateur sûr de lui et sans concession, s’en fait éjecter. Peter Keating incarne au contraire  l’ambition sociale et un talent parfaitement conventionnel, prêt à tous les compromis avec les goûts et les clichés de son temps : les années trente aux Etats-Unis. Qu’il construise des magasins, des villas ou de prestigieux buildings, son style reste historiciste et friand de décors néoclassiques et de grecs ornements. Il devra son succès à son entregent, à son conformisme, voire aux coups de crayons salvateurs de la main d’Howard Roark. Ce pourquoi il sera pétri de ressentiment à son égard. Il deviendra l’associé du puissant Francon, dont il épousera la fille : la splendide Dominique, un caractère fier et complexe, qui, journaliste cinglante, écrit : « Howard Roark est le marquis de Sade de l’architecture ». Mais en son for intérieur, elle éprouve une admiration émue et transcendante pour ce dernier : « L’œuvre créée expliquait celui qui l’avait conçue, celui qui, en imprimant sa forme à l’acier, s’exprimait lui-même, se livrant à elle qui admirait cette œuvre et qui la comprenait ».

      Cependant, l’héroïne, amoureuse en secret d’Howard Roark, vit avec lui une liaison cachée, tissée d’amour et de haine. Mais faute de lui accorder sa confiance amoureuse, elle se marie en toute froideur avec Keating puis le quitte pour épouser Gail Wynand, un patron de presse carnassier dont les démagogues journaux flattent les modes et les bassesses du public. Quoique ce dernier personnage se révèle un être plus authentique qu’il n’y parait, au point de commander une maison qu’il veut originale  à Howward Roark. Sans l’ombre de la moindre niaiserie, l’intrigue sentimentale hausse le couple antagoniste et cependant intellectuellement et splendidement uni, à la hauteur philosophique que réclame cette épopée de l’économie, de la société et de l’art américains.

      Le narrateur omniscient alterne les regards sur ses personnages. Et si, parfois, l’incontestable et discret héros, Howard Roark, parait en retrait, oublié par les commanditaires, méprisé par les médias, il n’en est pas moins l’âme romanesque du récit, dont le triomphe, malgré les périodes de solitude et de misère, n’en sera que plus sûr : il procédera en effet « à l’érection du plus grand gratte-ciel du monde ». Une technique époustouflante, à la lisière du roman balzacien, permet à la romancière de conduire son lecteur parmi les arcanes de la psychologie de ses personnages, sans oublier l’abondance des péripéties et un suspense habilement maîtrisé.

      Au rebours de cette ode à l’individualisme, à la valeur du travail et à la certitude de l’art, l’intellectuel charismatique et démagogue Ellworth M. Tohey représente la soumission à un égalitarisme et un collectivisme séduisants, cependant délétères. Ce que rejette Howard Roark : « Le besoin le plus profond du créateur est l’indépendance […] L’altruisme est cette doctrine qui demande que l’homme vive pour les autres et qu’il place les autres au-dessus de soi-même. Or aucun homme ne peut vivre pour un autre […] On a enseigné à l’homme que la plus haute vertu n’était pas de créer, mais de donner »… On se rappelle à cet égard qu’Ayn Rand a écrit un essai : La Vertu d’égoïsme[1]. Si à ces thèses, plus judicieuses que le voudrait croire la doxa, il est permis de ne pas adhérer, on sera néanmoins impressionné par les qualités de fresquiste aux vastes perspectives, aux fourmillements de détails, dont la romancière use avec puissance et brio.

      Mais loin de se contenter d’une saga aux objectifs strictement réalistes, notre romancière frôle l’utopie. Non pas une utopie irrattrapable et penchant vers l’anti-utopie du communisme bien sûr, mais celle d’un monde et de personnalités irrigués par l’art, comme le formule à part soi Howard Roark : « Il y a donc un langage commun de la pensée et de l’ouïe… Sont-ce les mathématiques ? Cette discipline de la raison. La musique n’est que mathématiques… et l’architecture… n’est-ce pas la musique de la pierre ? »

      Le roman de formation des protagonistes, roman de société d’une Amérique en expansion, est de toute évidence un exercice d’admiration pour Howard Roark, cet homme d’exception, qui est un avatar de John Galt, le héros de La Grève. Si l’on n’en était pas déjà convaincu, Ayn Rand confirme bien avec La Source vive, paru en 1943, qu’elle est une indispensable grande dame des lettres américaines, trop méconnue en France. Pourtant il ne s’agissait là que d’un prélude.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Comment pourrions-nous ignorer un ouvrage qui, depuis sa parution en 1957, serait aux Etats-Unis le plus lu après la Bible ? La vaste fresque romanesque de La Grève, fresque tout à la fois individuelle, collective, économique et politique fascine les Etats-Unis et tous les amants de la liberté et du mérite. Au long cours de ce livre-phare en faveur du libéralisme politique et économique, l’intrigue tourne d’abord autour des difficultés d’une entreprise de chemins de fer à s’approvisionner en rails de bonne qualité. Dagny Taggart est une femme patron qui s’adresse à un roi de l’acier, Hank Roarden, impénitent travailleur qui invente un matériau plus résistant. Elle deviendra son amante, après d’Anconia, richissime magnat du cuivre, et avant John Galt. Ils sont, avec elles, des personnalités énergiques, des créateurs inventifs, en conflit avec cette plaintive et socialiste idéologie du besoin qui vient remplacer créativité, compétitivité et mérite.

      La satire de la tyrannie exercée par la pusillanimité des médiocres, des syndicats, des fonctionnaires d’Etat et des capitalistes de connivence, qui renoncent à faire jouer la concurrence au détriment de qui que ce soit, est sévère. La jalousie d’une population qui attend les faveurs de l’Etat est ainsi le ressort de cette déliquescence du progrès et de l’économie qui va de pair avec un étatisme grandissant. On vote une « loi anti trust sur l’égalité des chances », on pratique « le service public, non le profit » et le principe de précaution. Sans surprise, tout cela entraîne un appauvrissement généralisé. Pourtant, la résistance s’organise autour de la figure charismatique de l’inventeur d’un moteur génial qu’il n’a pu mener à bien (à moins qu’il l’ait caché), ce John Galt mystérieusement invoqué de manière récurrente ; la question inaugurale « Qui est John Galt ? » fonctionnant comme signe de reconnaissance et pôle d’attraction de tout ce que le pays compte de personnalités originales, de piliers de l’entreprise libre. Rappelons-nous qu’Ayn Rayd, s’est extirpée de l’Union soviétique et de l’emprise de Lénine[2] ; elle sait donc de quoi elle parle… C’est ainsi que dénonçant les veules tyrannies du socialisme et du collectivisme, La Grève s’inscrit parmi les anti-utopies, aux côtés d’Huxley[3] et d’Orwell.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      La richesse de cet immense roman fleuve et d’aventure n’est pas incompatible avec sa fluidité. Le réalisme est d’une précision scrupuleuse ; malgré son didactisme qu’il est permis de trouver un brin trop manichéen, il s’agit d’une remarquable mise en scène de questions vitales d’économie politique. Une exaltation de la liberté individuelle et du dollar sous-tend ce que d’aucuns qualifieront, avec agacement, ou ravissement, de roman à thèse. C’est cette liberté qui porte, tel Atlas, le monde sur ses épaules, d’où le titre anglais, Atlas Shrugged, qui entraîne John Galt et ses émules à enchaîner un souterrain mouvement de démission, de grève et de désobéissance civile contre un socialisme pléthorique, collectiviste, égalitariste, anti-progressiste, finalement totalitaire. Car « rien ne justifie de détruire les meilleurs ». Au contraire de ce que laisserait naïvement imaginer le titre français, ce sont les entrepreneurs qui font grève, qui disparaissent, laissant le pays à sa déréliction économique et intellectuelle. Quelque part dans les Montagnes Rocheuses, une inaccessible contrée d’utopie concrète recèle enfin les élites éclairées autour de John Galt et de son moteur à énergie ininterrompue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Le mot sacré : EGO », ainsi Ayn Rand conclue-t-elle en beauté son plus mince roman, du moins par la pagination. Cet Hymne, soit Anthem dans la langue originale, qui connut deux versions, en 1938 et en 1946, est un apologue politique voisin d’un autre auteur venu d’Union Soviétique : Zamiatine, dont on connait Nous autres, satire amère de la désindividualisation. Mais à la différence de ce dernier, Ayn Rand pu s’exiler aux Etats-Unis pour poursuivre sa carrière immense et développer des romans qui sont des fresques sociales au service du libéralisme politique et économique. Cette fois, la dimension dystopique est encore plus présente que dans La Grève.

Naître, en cet univers impitoyable, vous expose au « péché » contre le collectif. Lorsque l’on s’appelle « Egalité 7-2521 », lorsque la devise du Palais mondial proclame « Tous en un et un en tous », être seul et penser par soi-même sont impensables. Depuis l’ère de la « Grande Renaissance » qui suivit « Les Temps Interdits », dont on incendia les livres, l’on est revenu à l’obscurantisme, à la terre plate, à la saignée. Or les réprouvés, nommés balayeurs de rues, lorsqu’ils cèdent à « la quête du savoir », vont se réfugier dans un tunnel venu des temps anciens, mener des expériences, étudier des manuscrits volés, résoudre « des énigmes inconnues des Erudits »…

Quoiqu’un « Conseil d’eugénisme » contrôle les rencontres et les accouplements, l’insoumis fomente d’arracher une jeune femme au déterminisme étatique. Bientôt l’amour et la volonté parviennent à rompre les chaînes, écartant le « nous », au profit du « je ».

Conte étrange et fantomatique, apologue glaçant, « cette œuvre représente notre crime », soit la confession que nous lisons : « hymne » ardent en défense de l’individu, de la connaissance et de la liberté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Que ces romans fourmillant de détails et de satires des mœurs politiques soient lus comme de secondes Bibles aux Etats-Unis, par les tenants du « Tea party » et du libertarianisme, même si l’objectivisme d’Ayn Rand s’en méfie car trop proches de la foi théocratique ou de l’anarchisme, n’étonnera personne. Ils ne sont rien d’autre que de prodigieuses épopées du libéralisme menacé et retrouvé ; ce que l’on recevra, de ce côté de l’Atlantique, à l’heure où l’on réclame sans mesure d’accroître les pouvoirs de l’Etat, comme une saine déflagration, ou une indécente provocation. Il serait néanmoins difficile de comprendre les débats de société américains sans ces livres touffus et passionnants, qui sont des épopées de cet individualisme créateur qui, in fine, concourt, mieux que tout étatisme, socialisme et communisme, à la prospérité générale. Voici des romans que la cécité idéologique française (et bien sûr au-delà) doit sans retard goûter et comprendre, voici de vastes apologues à la rare intelligence. Seront avec bonheur et profit relus La Source vive, et au premier chef La Grève, ce réel roman philosophique qui mérite plus d’une analyse[4]. Initialement paru en 1957, il a mis plus d’un demi-siècle à nous parvenir, au travers des vicissitudes d’une traduction malhabile et inachevée, d’un éditeur introuvable. L’injustice est réparée, nous rendant un bonheur de lecture aux personnages parfaitement caractérisés, également veiné par l’acuité d’une pensée économique et politique à méditer d’urgence ; certes avec un brin de circonspection, étant donné le radicalisme sans concession de l'auteure, sans compter la dimension parfois sectaire de quelques adeptes américains de l’auteure. Reste que ce succès a entraîné des produits dérivés : bande dessinées, jeux vidéos et film. Un tel phénomène narratif et philosophique devrait pouvoir et devoir changer le monde. Qui est chez nous John Galt ?

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

À partir d'articles parus dans Le Matricule des anges, septembre 2011 et juin 2018

 

Photo : T. Guinhut.

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2 avril 2018 1 02 /04 /avril /2018 12:38

 

Globe martien. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Après Thomas More,

Alberto Manguel & Thierry Paquot,

les utopies politiques et totalitaires

d’Aymeric Caron & Fredric Jameson.

 

 

Alberto Manguel : Voyages en utopie,

traduis de l’anglais par Christine Le Bœuf, Invenit, 2017, 104 p, 28 €.

 

Thierry Paquot : Utopies et utopistes, La Découverte, 2007, 128 p, 10 €.

Aymeric Caron : Utopia XXI, Flammarion, 2018, 518 p, 19,90 €.

 

Fredric Jameson : Archéologies du futur,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Vieillescazes,

Amsterdam, 2021, 576 p, 28 €.

 

 

 

La terre d’Utopie ne serait-elle qu’une plaine roussâtre, rocheuse et stérile, sur une vieille planète Mars sans air ? En d’autres termes, l’utopie ne débouche-t-elle que sur la dystopie ? Pourtant, depuis Thomas More, en 1516, on eut plaisir à l’imaginer comme une île prospère et fleurie par la communauté des hommes sur laquelle veille un sage gouvernement. Imaginer une utopie, la rêver, est une constante atavique et récurrente de l’humanité, au point de tenter pallier son seul fantasme en postulant une utopie concrète et atteignable, comme le montre la délectable compilation du Voyage en utopies par Alberto Manguel. Qui doit être complété par l’essai de Thierry Paquot, titré Utopie et utopistes, à l’occasion duquel l’on doit se demander s’il s’agit de cité radieuse ou de caserne du totalitarisme. Le dernier en date de nos philosophes, quoique certainement pas l’ultime au regard de l’avenir, se nomme Aymeric Caron. Fort ambitieux, son Utopia XXI ne prétend rien moins que d’effectuer une « mise à jour » de l’Utopia de Thomas More, quitte à en amplifier la dimension totalitaire. Reste qu’une indéfectible persistance de la pensée utopique irrigue l’humanité, comme en témoigne le copieux essai de Fredric Jameson : Archéologies du futur, dont le titre joliment paradoxal cache à la fois un entêtement communiste et de riches perspectives science-fictionnelles.

Si l’on excepte l’utopie platonicienne de la République, dans laquelle « nul bien ne sera la propriété privée d’aucun d’entre eux », c’est-à-dire des seuls « gardiens » qui « vivent en communauté[1] », l’utopie nait en 1516 sous la plume de Thomas More : cette île abrite un gouvernement idéal, où le travail est obligatoire, où les richesses sont égales et en commun, donc sans propriété privée ; quoique, devant l’exposé de Raphaël, Thomas More doute fortement des capacités de chacun à fournir un réel travail s’il n’en tire pas un bénéfice personnel. L’on devine qu’individualisme et liberté sont là des vains mots.

Cinq siècles plus tard, Alberto Manguel fait justement de cette Utopia le point nodal et germinatif de son Voyage en utopie, au cours de vingt grands textes, jusqu’au Nutopia de John Lennon et Yoko Onno en 1973. Les uns sont fort connus, restant des indispensables de nos bibliothèques de l’imaginaire politique, les autres sont des découvertes. Même si les résumés et commentaires perspicaces d’Alberto Manguel mériteraient d’être complétés par quelques pages des ouvrages évoqués (mais il faudrait voguer du côté de son anthologie des Voyages imaginaires[2]), voici un ouvrage somptueux, élégamment mis en page, généreusement illustré par les gravures anciennes venus de ces livres parfois rares. En ces pages, « L’Atlantide de Platon inaugure une merveilleuse géographie imaginaire ». Âge d’or, cité d’argent, Lilliput, voire Poudlard, sont à la lisière de l’en-deçà temporel et de l’ailleurs géographique, toujours introuvables, des cosa mentale, des lieux de nulle part : u-topos.

Outre l’absence remarquable de Marx, quoiqu’il n’eût pas réellement dressé de portrait d’un lieu imaginaire où son communisme prendrait ses assises, dans la mesure où il destiné à occuper l’Europe et au-delà, l’on peut s’étonner qu’Alberto Manguel oublie Erewhon[3] (1871) de l’Anglais Samuel Butler, qui présente au-delà des montagnes néo-zélandaises la cité des dix tribus perdus d’Israël, apparemment heureuse, quoique étrangement tyrannique.

Au-delà de Thomas More, et parmi ces mondes qui prétendent souvent cultiver la raison, comme la Nouvelle Atlantide de Francis Bacon (1627) construite autour d’une bibliothèque, l’on trouve cependant un Nouveau monde amoureux fondé sur la liberté sexuelle par Charles Fourier en 1816, une cité ouvrière nommée « Familistère » par André Godin, en 1871, une utopie féminine, Herland, par Charlotte Perkins Gillman[4], en 1915.

Mais de Thomas More à Karl Marx, qu’Alberto Manguel omet à dessein au profit de l’Icarie d’Etienne Cabet, en 1842, en passant Tommaso Campanelle et sa Cité du soleil, en 1623, et par Restif de la Bretonne et sa Découverte australe, en 1781, la dimension communautaire de l’utopie se dément rarement. De même que la révocation de la propriété privée et de l’individualisme, comme chez Robert Owen, en 1837. Seule l’abbaye de Thélème de François Rabelais, en son Gargantua de 1534, semble privilégier la liberté : « Fay ce que vouldras ».

 

Superbe, l’album d’Alberto Manguel trouve son indispensable complément dans l’essai de Thierry Paquot titré Utopies et utopistes. Il est construit de manière plus thématique qu’historique. Comme de juste, il inaugure son étude avec Thomas More et son « pays du bonheur ». Il s’attache ensuite à montrer combien ce modèle a nourri philosophes et écrivains, combien il est « la matrice des utopies ». Non sans nuancer ce dernier propos en revenant à La République de Platon. Le couple travail et loisir fait l’objet d’une attention prépondérante chez nos utopistes, de façon d’une part à éviter l’aliénation et d’autre part à développer l’individu dans ses plaisirs et ses études. Pour ce faire, si la science et l’industrie sont libératrices, il n’est pas certain que la liberté individuelle y gagne, entre « autonomie et collectivisme ». Autres préoccupations obsessionnelles, éducation, famille et sexualité font l’objet de chastes directions ou de permissivité selon les auteurs. Evidemment, l’utopie étant une vue de l’esprit, elle devra être visible dans l’espace, d’où l’importance considérable du projet architectural. Cité idéale ou radieuse, village communautaire ou prison dorée, elle devient avec Charles Fourrier « familistère » et « phalanstère » : il faut créer un vocabulaire adéquat qui en sera le reflet. Enfin il s’agit de dessiner les liens qui unissent utopie, fantastique, merveilleux et uchronie.

Mais, comme le prouve l’essai d’Aymeric Caron, il n’est pas certain qu’il y ait « désaffection des utopies ». Les régimes totalitaires du XX° siècle, les tyrannies théocratiques et les romans anti-utopiques de Zamiatine, Huxley et Orwell n’ont visiblement pas servi de leçon. Reste à trouver ce qui dans l’utopie permet d’échapper aux absolutismes, aux monopoles, aux collectivismes. Ainsi conclut Thierry Paquot : « L’utopie revient alors à rêver un avenir qui échappe aux puissantes forces de la globalisation du productivisme épaulées par celles du big data et du tout numérique ». Il est à craindre ce faisant que c’est trop facilement oublier la force des idéologies, y compris de celle de la décroissance…

Réveillant de beaux endormis, des auteurs oubliés, l’essayiste informé nous invite à la découverte de Francis Bacon, Fénelon, Denis Diderot, Sébastien Mercier, Robert Owen, Saint-Simon, Charles Fourier, Edward Bellamy, William Morris, pour citer les principaux. Indubitablement, avec Utopies et utopistes, Thierry Paquot fait office de pédagogue en ce manuel qui couvre un large spectre, mot à lire dans ses deux sens : il va du songe iréniste au cauchemar totalitaire, en passant par une rationalité soumise à caution.

Souvenons-nous que Thomas More, écrivant son Utopia en 1516, avait confié le soin de brosser le tableau du bonheur politique au personnage de Raphaël. Vie en commun, vêtements uniformes, travail et loisirs studieux, éducation gratuite pour hommes et femmes, quoique ces dernières soient soumises à leurs maris selon le vœu de Saint-Paul, esclaves seulement pris sur des assaillants pour exécuter les tâches pénibles et sordides, tout parait raisonnable et heureux. À moins que le ver soit dans le fruit. Car Thomas More lui-même objecte enfin : « le pays où l’on établirait la communauté des biens, serait le plus misérable de tous les pays. En effet, comment y fournir aux besoins de la consommation ? Tout le monde y fuira le travail et se reposera du soin de son existence sur l’industrie d’autrui[5] ». Cette définition sans fard du socialisme a le mérite de montrer que Thomas More, loin d’être l’absolu thuriféraire de son Utopie, garde jusqu’à la conclusion son scepticisme : s’il « confesse aisément qu’il y chez les Utopiens une foule de choses  que je souhaiterais voir établies dans nos cité », il ne peut « consentir à tout ce qui a été dit par cet homme », en particulier cette « communauté de vie et de biens[6] ».

Il ne semble pas qu’Aymeric Caron, qui se prétend pourtant bien au fait de son modèle, au point d’en emprunter la carte en sa couverture d’Utopia XXI, tienne compte de cette prémisse autocritique du fondateur de l’utopie. Serons-nous aussi bienveillants que lors de son utopie animale et antispéciste[7], en abordant son utopie politique, Utopia XXI ? Car comme dans Antispéciste, où il s’en prend au « consentement à l’inégalité » et au « néolibéralisme », il fait preuve d’une connaissance non négligeable, mais pour le moins biaisée du libéralisme économique et des penseurs libéraux[8]. Car en affirmant que « l’économie libérale ne libère pas », que « le communisme a échoué, le libéralisme également », il méconnait combien nos sociétés et nos libertés sont redevables du libéralisme, politique et économique, qui fait tant défaut aux pays opprimés par les tyrannies politiques et religieuses, par l’absence de droit de propriété et de liberté d’entreprendre.

« Il sera une fois un monde nommé Utopie qui aura pour priorités le bonheur de chacun et la progression morale de l’humanité ». Nul ne peut s’empêcher de souscrire à ce but ; reste à s’accorder sur les moyens et les conditions du bonheur sans omettre les entendus de cette morale. « Les postes de pouvoir seront attribués à des citoyens désintéressés », « un permis de voter sera instauré » ; car il faut « avoir vérifié au préalable la capacité de chacun à émettre un avis pertinent » ! Certes le vote n’est guère un garant de démocratie libérale et éclairée, et les votants loin d’être réellement informés des tenants et des aboutissants d’une vaste question politique, mais pire est cette décision de n’admettre auprès des urnes que ceux bravement nantis d’une pensée politiquement correcte et identique à la doxa. Totalitarisme, vous dis-je !

 Rêvons encore : « Le gouvernement sera le garant de la liberté maximale pour chacun », « libres de devenir qui nous sommes, de ne plus subir la loi d’un supérieur incompétent et vicieux »… Si un tel objectif, plus que respectable, doit être poursuivi, c’est hélas méconnaître la nature humaine qui n’est pas meilleure chez les opprimés que chez les oppresseurs.

Il y a quelque chose du libéralisme politique en cette Utopia XXI, par exemple la proposition de souhaiter le moins de lois possibles, mais rien du libéralisme économique, plutôt son contraire. Si la « propriété privée lucrative » est interdite, voici la prémisse d’une absence de liberté de pensée et d’expression, puisque l’on ne peut la développer comme on l’entend, hors d’un « communisme » apparemment raisonnable, informé et omniscient qui gère la distribution des logements, les hôpitaux… Même si Aymeric Caron prend le soin de se distinguer du communisme soviétique, l’on reste méfiant devant son enthousiasme social. En effet il faut craindre un monde où « la publicité commerciale est interdite », où « l’activité économique est planifiée [et] dépend entièrement du gouvernement », même si une « activité économique libre » peut subsister sur un « marché secondaire », ô contradiction, ô retour de la Nouvelle Politique Economique de Lénine, ô boulgui-boulga !

Il est question de famille et de mariage, plus libres, mais aussi d’écologie intégrale, où arguer du « terrorisme » de Monsanto, de son agent orange (certes tueur pendant la guerre du Vietnam), de ses herbicides au glyphosate et de ses OGM, ce qui sent le relativisme scientifique et pèse ridiculement devant la réalité du terrorisme de l’Islam, ici minimisé à la limite du négationnisme, alors qu’il s’agit là d’une intention avérée de tuer. On n’échappera pas aux lourdes diatribes anti-Trump[9], à la haine des « marchés », à l’hyperbole abjecte qui fait du néolibérarisme « un totalitarisme », alors qu’il a le culot éhonté d’affirmer que l’économiste et philosophe libéral Hayek aurait cautionné sa thèse burlesque…

Dans un panier de fruits enchanteurs aux quinze heures de travail par semaine, se cachent les serpents : « la spéculation sera interdite », « dominera le principe de la collaboration, à savoir un échange équilibré entre partenaires ». Qui décidera de cet équilibre, quid de celui à qui répugne la collaboration, pourquoi interdire une spéculation intellectuelle et financière qui permet d’investir, y compris individuellement, vers le plus judicieux et le plus rentable ? « Prospérité sans croissance » (autrement dit sans innovations), « économie collaborative », donc sans individualisme, donc sans liberté !

 

 

Certes, notre essayiste politique a lu, outre Thomas More, George Orwell et Hannah Arendt, Locke, Montesquieu et Adam Smith, mais que penser d’une telle mesure : « un gouvernement mondial sera mis en place » ? C’est placer tous ses œufs dans un même panier, supposer que la perfection est une et humaine, préparer le totalitarisme au dépens d’autres contrées où expérimenter d’autres voies…

« La propriété privée sera restreinte », « l’argent sera utilisé en priorité pour des causes humanitaires »… Ignore-t-on ainsi que la source de l’impôt se tarissant faute d’activité économique libre justement récompensée, cette redistribution humanitaire contribuera à l’égalité dans la pauvreté, comme il fut d’usage dans les pays communistes, et comme il n’est pas si loin d’apparaitre en France… Ce qui est contradictoire avec le « chacun pourra choisir l’utilisation de ses impôts », d’autant qu’ « un revenu universel et un salaire minimum seront instaurés »

« Les menteurs seront bannis du débat public », quoiqu’en terme de vérité morale, voire de vérité scientifique, le mensonge devienne en un tel régime le masque de la contradiction et de la pensée hétérodoxe… Sans oublier qu’un « gouvernement des experts » n’empêcherait en rien l’erreur, l’idéologie et la tyrannie aux soins d’un Léviathan prétendument bienveillant, cependant bien coûteux et étouffant.

Piochons une ou deux bêtises parmi cent. Un salaire universel de 2000 euros par mois, mais limité à 10 000 ; on devine la tyrannie et l’inefficacité économique d’une morale fondée sur une justice sociale et une relative égalité qui ne tienne pas compte des potentialités aussi bien paresseuses que laborieuses et créatrices des individus. Ou « l’ère du plein-emploi est définitivement derrière nous. Nous venons d’entrer dans l’ère du vide emploi ». Certes si l’on évite de regarder les réussites de notre proche voisin la Suisse, et de bien d’autres !

Ainsi l’on se fatiguerait inutilement à relever et débouter les incohérences et les contre-vérités de notre utopiste échevelé, sur la fraternité obligatoire, sur la religion des terroristes « qui sont de parfaits ignares en matière religieuse », alors qu’ils appliquent le message génocidaire du Coran, sur « le combat pour la laïcité » qui est « chasse aux différences » ! Passons sur « le quotient de bonheur [qui] remplacera la croissance et le PIB » (on imagine les difficultés de la définition), craignons les principes selon lequel « les naissances seront limitées », ou « la richesse de chaque citoyen sera plafonnée ». Malgré la priorité donnée « à l’éducation et à l’information », pourra-t-on lire et débattre les auteurs et les citoyens aux pensées contraires ? Qu’en sera-t-il alors de cette « désobéissance civile » empruntée à Thoreau et vantée par notre puéril utopiste ?

Si l’utopie animale d’Aymeric Caron n’est au nom du welfarism pas tout à fait inatteignable, quoique un brin négatrice de la chaine alimentaire qui fait des animaux des prédateurs les uns des autres, empêchant totalement l’homme de devoir s’en déprendre, son « Utopia XXI » politique et sociale à la composition brinquebalante, est rapidement aussi brunâtre qu’une plaine martienne, même nantie des lettres d’or d’« Utopia ». Thomas More, fondateur du genre, était moins naïf et plus rigoureux dans sa composition, tout en affectant la même rigueur à ses Utopiens, et surtout plus critique de son système. Il est vrai que toute utopie est un rêve qui ne sera cru que par ceux qui voudront bien être abusés. Aussi il est à craindre que notre utopiste de l’aube du XXI° siècle n’aura guère, selon son vœu pieux, « réhabilité l’utopie ». Malgré ses imperfections nombreuses, la démocratie libérale est encore ce qui permet et promet avec plus de sérieux et de bonheur un réel ferment de libertés.

   Pourtant l’on continue à croire en l’utopie. Peut-être est-elle nécessaire, comme le rêve, le désir, peut-être est-elle l’espace d’imaginaire inaliénable pour ceux qu’aucun temps et a fortiori notre temps ne satisfont pas. C’est la position de l’Américain Fredric Jameson, qui s’est déjà signalé par une somme sur le postmodernisme[10]. Avec Archéologies du futur, il creuse le filon de son rejet du capitalisme, coupable, forcément coupable des crises que nous traversons, et récuse l’association de l’utopie avec le totalitarisme. La foi entêtée envers l’idéal d’un communisme qui n’a existé que dans les rêves est indéfectiblement pérenne, alors que le Manifeste de Karl Marx s’achève sur des propositions totalitaires[11]. De plus l’essayiste prétend que le capitalisme « défait inlassablement toutes les avancées sociales », alors que, même s’il ne faut pas nier un rôle positif des organisations syndicales, c’est ce capitalisme, surtout s’il est libéral, qui les a permises. Comme le besoin de transcendance, celui d’utopie est une constante de l’esprit humain, tant il s’agit de caresser le rêve ou d’être fouaillé par la libido dominandi, cette nécessité de dominer autrui, soit la pulsion totalitaire.

Fredric Jameson n’ignore ni Thomas More, ni « le principe d’espérance » de Marc Bloch, non sans esprit philosophique et critique. En un mot la culture utopique déployée dans tout son fort ouvrage est considérable, nanti de force citations et notes, même si l’argumentation semble parfois sinueuse, erratique. Sans cesse la glu du socialisme et du collectivisme, du communisme le plus radical et farouchement opposé à la propriété privée, à la suite de Tchernychevski et de Lénine[12], imprègne de manière obsessionnelle son discours.

 Il y a cependant dans l’ouvrage ambitieux de Fredric Jameson d’originales perspectives science-fictionnelles qu’il ne faudrait pas écarter d’un revers de main. Les utopies de William Morris, proche du luddisme, les « écotopies » d’Ernst Callenbach et d’Ursula Le Guin, nettement moins dystopiques, jalonnent sa pensée, puisqu’il a bien compris l’apport de la science-fiction à la problématique utopiste. Une foule de rapprochements étonnants émaille la réflexion de l’essayiste, comme lorsqu’il assimile « l’élan utopique » à des « satisfactions esthétiques », telle celle d’Odette Swann, chez Marcel Proust, dont les robes recèlent des détails exquis.

L’essayiste revisitant en connaisseur les classiques de la science-fiction, tels Philip K. Dick, Brian Aldiss ou Van Vogt (mais il y manque un index), il nous fait heureusement découvrir des sommes moins usitées, telle cette trilogie de Kim Stanley Robinson, Red Mars, Green Mars, Blue Mars[13] (aux couleurs politiquement symboliques) dans laquelle la terraformation de la planète s’accompagne d’une ossature historique et politique, au service d’une « communauté biotique », dont la première présidente et ingénieure porte le nom de « Chernechevsky, rappelant l’inspirateur russe du bolchevisme le plus violent et totalitaire, et où ne manquent pas les dissidents. Cette « postcolonialité » anticapitaliste est fort loin de « l’universalité marchande qui imprègne les Etats-Unis ». Nous serons cependant touchés, comme Fredric Jameson, par « sa capacité à imaginer des œuvres d’art proprement utopiques », telle la ville de « Médusa » ou « l’Eolie », construite à « Noctus Labyrinthus », dont la musicalité est quasi-aléatoire.

Si l’utopie a un lointain passé splendide et illusoire, un passé plus proche dont le basculement dans la dystopie ne fait plus de doute, son présent et son avenir restent attachés à une perspective tyrannique, désirée, consentie par leurs propagandistes pour lesquels la propriété privée et le libéralisme sont des épouvantails honnis. À moins que de douces utopies, comme celle d’Ecotopia d’Ernst Callenbach[14] puissent nous laisser espérer l’accord de l’humanité, de la science et de la nature, sans attenter, espérons-le, à la liberté.

   Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Platon : La République, IV, 416 d, e, Œuvres complètes, Flammarion, 2008, p 1580.

[2] Alberto Manguel : Voyages imaginaires, Bouquins, Robert Laffont, 2016.

[3] Samuel Butler : Erewhon, L’Imaginaire Gallimard, 1981.

[5] Thomas More : L’Utopie, Nouvel Office d’Edition, 1965, p 70.

[6] Thomas More : L’Utopie, ibidem, p 182 et 183.

[10] Fredric Jameson : Le Postmodernisme et la logique culturelle du capitalisme tardif, Beaux-Arts de Paris éditions, 211.

[13] Kim Stanley Robinson, Mars la rouge, Mars la verte, Mars la bleue, Pocket, 2003.

 

Photo : T. Guinhut.

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26 novembre 2017 7 26 /11 /novembre /2017 14:57

 

Punaises arlequin et ombelles d'angélique. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Tyrannie ou rhinocérite ?

Eloge et blâme de Donald Trump

et réponse à Timothy Snyder :

 

 

Timothy Snyder : De la tyrannie. Vingt leçons sur le XX° siècle, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Pierre-Emmanuel Dauzat, Gallimard, 112 p, 9,50 €.

 

J. D. Vance : Hillbilly Elégie, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Vincent Raynaud, Globe, 288 p, 22 €.

 

 

 

      Quelle est cette étrange punaise à la crinière maïs accrochée à la tête de l’Amérique ? Le genre « épidictique », selon Aristote[1], rappelons-le, comprend également l’éloge et le blâme, ce pourquoi, à l’égard de cette bête rousse de la politique planétaire, nous nous appliquerons à tenter de séparer le meilleur du pire, l’enthousiasme colérique du sens de la nuance et de privilégier l’analyse mitigée. Il conviendra, non sans jeter un œil du côté de quelques électeurs de l’Amérique profonde vu par l’autobiographe J. D. Vance, de se demander de quelle tyrannie Donald Trump est le nom. Et, quoi qu’en dise Timothy Snyder dans son De la tyrannie, au risque d’agacer notre lecteur,  de peut-être en conclure : d’aucune ; et plutôt de la prospérité.

      Une incroyable rhinocérite anti-Trump s’est emparée du monde, et peut-être plus encore de la France : demandez si l’on a une opinion négative de l’hurluberlu, et une forêt de mains se lève. Malheur à qui viendrait l’idée saugrenue de le défendre. En 1959, Eugène Ionesco publiait son inoubliable pièce intitulée Rhinocéros, au cours de laquelle toute la population reçoit de bon cœur cette abjecte métamorphose animale. Seul Béranger prend toute la mesure de cette effrayante inversion des valeurs, pour demeurer un homme : « Je ne capitule pas[2] », conclut-il. L’on se souvient qu’il faut y lire un apologue : celui de la montée des totalitarismes, qu’ils soient nazis ou communistes.

      Ne capitulons donc pas devant la meute des donneurs de leçons bien intentionnés, et commençons par nous interroger : pourquoi un tel déferlement de haine, un tel tombereau de quolibets ? Après deux présidences libérales (au sens américain du terme) et « progressistes », sans compter un faciès de beau gosse black qui témoigna sur ce dernier point d’une réelle évolution des mentalités, voici le retour du fantôme républicain, qui comme l’on sait a une mémoire d’éléphant, de surcroit un mâle blanc capitaliste, ce qui suffit à faire de lui un monstre. Résumons-nous, il n’est pas de gauche, il est populiste (entendez : il entend et harangue le peuple qui l’élit, comme il se doit en démocratie), il entend parachever le mur frontalier avec le Mexique, auquel Obama contribua, il ferme la porte aux ressortissants de pays musulmans aux intentions plus souvent qu’à leurs tours désastreuses, quand Obama, en 2015, désignait la plupart de ses mêmes pays dont les ressortissants devaient faire l’objet d’enquêtes approfondies. Pour paraphraser La Fontaine, selon que vous soyez blanc ou noir, les jugements des médias vous rendront puissants ou misérables[3]. Aussi les rhinocéros n’ont pas la trump d’un éléphant, mais, aveuglés par leur hystérie idéologique, et de plus leur ressentiment de mauvais perdants, la corne acharnée de ceux qui lancent une perpétuelle offensive contre le nouveau Président.

      Ainsi, bien qu’aucune réelle catastrophe se soit faite jour, et à l’occasion de l’anniversaire de l’élection, nos magazines rivalisent de brio. Le Point offre « Les pires tweets de Trump » (où sont les meilleurs que l’on cache ?) ; Courrier international titre « Trump le démolisseur », avec une rare finesse de rhinocéros dans un magasin de porcelaine. The Atlantic, qui aime faire dans la dentelle, parle d’un « monstre de Frankenstein, composé du pire des attributs des 44 Présidents qui l’ont précédé ». Le tréfonds du pire étant atteint avec Incroyable mais Trump de Natacha Tatu[4] vulgairement sous-titré en franglais « le worst of du président des Etats-Unis » (sans majuscule à Président), ramassis de faits et mots avérés et de mauvaise foi partisane.

      Certes, le tweeteur compulsif aux 42 millions d’abonnés, le Lucky Luke qui tweete plus vite que son ombre des mots d’esprits qu’il eût mieux fait de laisser macérer dans sa poche-révolver, - même si leur sans-gêne et leur crudité plaisent à son populaire électorat lassé du politiquement correct - parait abaisser ce qui devrait être la noblesse de la politique à la vulgarité des trottoirs de la téléréalité. Certes le sabreur de subventions gouvernementales aux associations prônant l’avortement et la contraception (faut-il que l’Etat subventionne ce que les citoyens peuvent très bien faire financer par eux-mêmes ?) peut avoir mauvaise presse. Sa propension à faire de la politique un show racoleur et démagogique, son peu d'élégance verbale et physique (qui ne sont pas celles de son épouse d’ailleurs capable de parler cinq ou six langues) ne plaident pas forcément en sa faveur. D’autant que ses meetings sont des florilèges de vociférations et d’argumentations entremêlées, d’excitation des foules et de désignation des journalistes présents (surtout ceux de CNN) à la vindicte populaire : en ce sens, il est un ochlocrate, qui tient son pouvoir d’un bas peuple qu’il flatte en ses bas instincts.

      Il faut en effet admettre que l’animal politique (au sens d’un Aristote qu’il ne lit probablement pas) accumule quelques bourdes parfois fort lourdes, auxquelles la rumeur ne reste pas sourde (mais qui prétendrait ne pas dire des bêtises ?). « J’ai gagné le vote populaire si vous déduisez les millions de gens qui ont voté illégalement », dit-il, quoique l’on n’ait pas trouvé trace de ces derniers. Il parla de remettre en cause la licence de CNN, alors qu’elle n’en a pas. Il interdit le recrutement des transgenres dans l’armée, au motif des « coûts médicaux énormes », provoquant un tollé parfaitement justifié. Ce n’est pas toujours avec des mots choisis qu’il mène la charge, parfois méritée, contre les coups de corne des médias qui font systématiquement front contre lui.

      On a beaucoup glosé, tempêté, vidé de fiel sur l’affaire des ingérences russes présumées dans la campagne électorale de Trump. Cependant, si son ex-directeur de campagne, Paul Manafort, vient d’être inculpé, il n’est pas inutile de lire le Washington Post : il révéla que le Parti démocrate et l'équipe de campagne d'Hillary Clinton, avec la complicité du FBI, auraient financé un rapport sur les liens entre la Russie et Donald Trump, rapport peut-être truffé de mensonges ; de plus il apparait que le Président Obama avait fomenté une enquête illégale sur le candidat Trump. D’autant que des liens plus troubles, de l’ordre de la corruption manifeste, entre Bill Clinton et la Russie de Poutine se font jour dans le cadre d’une colossale vente d’uranium américain, « Uranium one[5] ». À cet égard, souvenons que la favorite des sondages, des cœurs purs et des médias, traîne un lourd passif : mails confidentiels défense non sécurisés, financement de sa campagne par les pétromonarchie du Golfe, Fondation aux fonds nauséabonds…

      Pour revenir aux métaphores animalières, l’on se souvient que l’éléphant est le symbole des Républicains aux Etats-Unis. Malvenue est alors le retour de l’autorisation d’importation de trophées éléphantesques, bien en accord avec la passion viriloïde de la chasse de nombreux américains, et le goût puéril affiché par l’un des rejetons du Président pour les queues d’éléphants à l’issu d’un combat titanesque. Heureusement -et nous le redirons- Trump n’est pas seul. Son administration, son parti, ainsi que la pression d’organisations de protection de l’environnement, ont permis qu’il recule et gèle la mesure controversée. Reste que toute cette bonne intention animalière n’est qu’hypocrisie, rien en cela ne luttant contre le braconnage et les Etats africains corrompus, tels que le Zimbabwe. D’autres voix signalent que la privatisation de la gestion et de l’élevage des éléphants, en prélevant l’ivoire sans les tuer, aurait plus d’efficacité.

      Une intelligente charge est livrée par un rhinocéros pour le moins cultivé en philosophie politique (ce qui n’est guère le cas de sa bête rousse), l’historien Timothy Snyder. Il a en effet publié des analyses judicieuses sur le nazisme et le stalinisme[6]. Il a en cet essai, De la tyrannie. Vingt leçons du XX° siècle, la sagesse de mettre sur le même plan les tyrannies nazies et communistes.

      Timothy Snyder parle d’or : « Nous ne sommes pas plus sages que les Européens qui ont vu la démocratie succomber au fascisme, au nazisme et au communisme au XX° siècle ». Ce pourquoi, il propose « vingt leçons ». De « l’obéissance anticipée » à bannir, il passe à la nécessaire « défense des institutions », qui ne sont pas aussi éternelles que les Juifs allemands l’imaginaient en 1933. Il est évident qu’il faille « prendre garde à l’état de parti unique », veiller à ce qu’une oligarchie ne confisque les leviers du pouvoir, conserver les « bulletins papier » pour le vote. De même il faudra « se souvenir de l’éthique professionnelle » et non « ne faire que suivre les ordres ». Cependant, s’il commande avec raison de « se méfier des paramilitaires », ne pense-t-il qu’aux Nazis quand il ne sait pas penser aux ultra-gauchistes cagoulés de noirs et aux barbus du califat islamique qui agitent leurs drapeaux dans quelques avenues américaines ? S’il est vrai que Trump encouragea ses militants à chasser les opposants de ses meetings, il ne s’agissait pas de forces armées, et ces opposants n’œuvraient pas toujours dans la délicatesse. Timothy Snyder  propose encore « Se distinguer », comme Rosa Park refusant de céder sa place à un blanc, comme Teresa Prekerowa, qui sauva des Juifs du ghetto de Varsovie. En effet ; mais n’est-ce pas ce que nous faisons, bien plus modestement en cette page, et ainsi « contribuer aux bonnes causes » ? Sans oublier que nous tentons de « prendre soin de notre langage », d’être « attentifs aux mots dangereux », à la propagande, à la doxa et au novlangue[7]. De surcroit, il vous conseille de lire des livres, de « comprendre par vous-même ». Il fait évidemment et pertinemment allusion au Viktor Klemperer de La Langue du Troisième Reich, au Bradbury de Fahrenheit 451, à Hannah Arendt[8]. Si Trump a bien attisé une haine populaire contre les médias et les journalistes à cause de ces allégations fausses, de ses saillies virulentes, force est de constater que ces derniers ne sont pas en reste. Quant à l’enthousiasme de la presse envers Hillary Clinton, il eût dû être l’occasion d’appliquer à son égard, et au moins tout autant, ces conseils.

      Méfions-nous également d’une politique gangrenée par les travers vulgaires de la téléréalité, dont Trump fut un promoteur et animateur, et préférons un journalisme qui prend le temps de vérifier ses sources (ce que nous avons tenté de faire). Pour notre essayiste la collusion de Trump avec Poutine serait un péché capital, alors qu'il s'avère bientôt qu'il s'agit d'une machination clintonienne. On connait les travers tyranniques de ce dernier, mais il reste moins à craindre que l’islamisme[9].

      Là où Timothy Snyder est le plus redoutable pour son adversaire, c’est lorsqu’il rappelle combien le « patriote » autoproclamé Trump a échappé à la conscription et au Vietnam, non grâce à un tirage au sort favorable, mais grâce à un prétendu problème de talon alors qu’il était un sportif ; combien il n’est guère patriotique d’échapper aux impôts -fussent-ils excessifs- ; ou de « nommer conseiller à la sécurité nationale un homme qui a reçu de l’argent d’un organe de propagande russe »…

      Cependant, retenir contre Trump le slogan « America First », sous prétexte qu’il fut utilisé par un Charles Lindbergh qui s’opposait à la guerre contre les Nazis, est bien de la plus pure mauvaise foi : les faits infirment  l’argument lorsque l’administration Trump n’a pas cessé de combattre le Califat islamique. Il faut en effet renoncer « à la différence entre ce que l’on a envie d’entendre et la réalité des faits », comme le dit si bien lui-même Timothy Snyder. Il est vrai que Trump manie volontiers le mensonge, l’ignorance et la reprise incantatoire de slogans, y compris pour déprécier ses adversaires. Sauf que notre essayiste s’emmêle les pieds : pour lui se contredisent les promesses de « réduire les impôts pour tous, d’éliminer la dette nationale et d’accroître les dépenses sociales et le budget de la Défense », alors que la baisse de fiscalité produit une baisse du chômage et entraîne la prospérité ; quant à accroître les dépenses sociales, il faut admettre qu’une telle promesse ne vaut que si on la considère par individu la méritant. Et lui aussi connaît Rhinocéros d’Ionesco, sauf qu’il l’applique à sa manière, et que l’auteur de ces modestes lignes aura à cœur de changer de tête à corne si les faits l’en convainquent. Nous ne serons ni rhinocéros à trump, ni rhinocéros anti-trump primaire.

      Son présent essai est étrange : autant il est méritoire du point de vue de l’analyse politique, des leviers et des mécanismes de la tyrannie, autant son acharnement à la dépister chez Donal Trump parait être de l’ordre du canon chargé d’obus à pulvériser les éléphants et dirigé vers un éléphanteau un brin malpropre qui n’en peut mais, quoiqu’il vienne du parti républicain, dont rappelons-le, le symbole est justement un de ces éléphants, qui, une fois élus, n’ont jamais fait du pays de la bannière étoilée ni une parade à la Nuremberg, ni une Kolyma sibérienne, malgré quelques errements plus que dommageables, dont l’esclavage, le Vietnam ou le maccarthysme. Il y a là quelque chose de la « connaissance inutile », pointée par Jean-François Revel[10]. Même si nous avons le mince avantage d’écrire un an après Timothy Snyder, qui va jusqu’à parler des élections de 2018, en ajoutant « à supposer qu’elles aient lieu » ! La paranoïa à l’égard de sa bête rousse d’anti-prédilection lui ôte par instant tout entendement, jusqu’au ridicule, tant les velléités d’abus de pouvoir du matamore Trump sont limées par ses proches et son parti, tant les Républicains les premiers tiennent au respect de la Constitution américaine, dont le but premier reste de se protéger de la tyrannie…

      Préférait-on la notoire islamophilie d’Obama ? Et Huma Abedin, conseillère chérie d’Hillary Clinton, éditrice d’un journal musulman radical et dangereusement proche des Frères Musulmans, dont le mari, Anthony Weiner, est impliqué dans de nombreux scandales sexuels, comme le mari de notre délicieuse Hillary, par ailleurs fan du producteur hollywoodien Harvey Weinstein, grand harceleur devant l’Eternel, qui finançait sa campagne ? Quelques sorties lourdement sexistes de Trump font le tour des médias, surexcités d’avoir un osselet à ronger, à tel point que la « Women’s March » remplit les avenues de Washington de féministes outragées en janvier dernier. Là encore deux poids, deux mesures ! Quoique circulent quelques plaintes pour harcèlement sexuel autour de l’animal à trump, dont une ancienne candidate de ses émissions de téléréalité, Summer Zervos. Il est à craindre en effet, même si l’on ne prête qu’aux riches et que la cible est trop belle pour ne pas lui faire essuyer un monceau de salissures, que notre éléphant roux ait la patte et la lippe peu délicates… Il est alors temps pour lui, dont les propos misogynes, sur la place des femmes à la maison ont trumpété, de se refaire une beauté en préconisant l’embauche des femmes et leur accès au capital dans les entreprises, tout en nommant sa fille Ivanka vice-présidente de sa société d’immobilier, au risque de se voir taxé de népotisme lorsqu’il l’implique dans la rencontre avec le premier ministre canadien sur le sujet.

      Imagine-t-on que Donald Trump, certes héritier, ait pu faire fructifier une fortune immobilière, créer, gérer et animer une émission de téléréalité à succès (certes vulgaire), financer sa campagne électorale avec son propre argent, distancer ses concurrents républicains, puis vaincre le clan Obama-Clinton, en étant un imbécile ? Que ces contempteurs tentent d’en faire autant et il est à craindre qu’il ne restera qu’à en rire…

      Le prétendu « démolisseur » est cependant en train de mettre en œuvre la réforme qui confirme les promesses de la campagne. La Chambre des Représentants et ensuite le Sénat adoptant le projet de réforme fiscale de Trump, (quoique avec des variantes qu’il faudra lisser), la loi vient bientôt simplifier le code des impôts, réduire le nombre de tranches d'imposition de sept à quatre, de façon à abaisser les taux, et faire passer de 35 à 20% le taux d'imposition des entreprises. De plus l’avantage fiscal pour les enfants sera revu à la hausse, et la taxe sur les héritages allégée. N'en doutons pas, une telle réforme, jamais vue depuis Reagan, est un gage de prospérité, jusqu'aux plus modestes.

      Il s’agit également d'abolir l'obligation faite aux Américains qui ne sont pas déjà assurés par leur employeur de souscrire une assurance maladie auprès d'une compagnie privée. Ce qui reviendra à alléger les travailleurs indépendants de la charge pesante que représentent les primes d'assurance réglementées par l’Obamacare de 2010, par ailleurs recueillies par seulement trois compagnies, en un capitalisme de connivence éhonté avec l’Etat. Mieux vaut d’abord diminuer drastiquement le chômage, ce qui revient à rendre une assurance aux citoyens, pour ensuite permettre d’une manière plus souple que chacun soit assuré, d'autant que subsiste Medicare. Comme quoi l’Obamacare était loin d’être une panacée. En outre, son promoteur est comptable d’une explosion de la dette américaine et des assistés, de l’exacerbation du racisme anti-blanc, d’une indulgence coupable, y compris financière, à l’égard de l’Iran toujours arcbouté sur ses mollahs.

      Souvenons-nous qu’en juin 2016, Obama fourbit la campagne d’Hillary Clinton. Il annonce alors que les emplois ne reviendront pas. Il brocarde le candidat Trump en demandant au public si celui qui promet de créer des millions d’emplois nouveaux a une « baguette magique ». Las, le premier mois de la présidence, ce sont 298 000 nouveaux emplois qui éclosent, ne serait-ce que grâce à la confiance, même s’il faut en imputer une part à l’excellence de la conjoncture mondiale. Fin octobre 2017, ce sont deux millions d’emplois nouveaux qui ont fleuri, donc en une seule année, puis cinq millions fin 2018. Enfin, le taux de chômage est au plus bas depuis 17 ans à 3,8%, ce malgré deux ouragans dévastateurs. Le nombre de personnes subsistant au moyen de bons alimentaires est tombé à son plus bas niveau depuis 7 ans, le chômage des Noirs est au plus bas. Les salariés voient le salaire moyen et leurs primes augmenter. Que nos moqueurs patentés de la rhinocérite trumphobique en prennent de la graine !

      Comment se peut-il ? Il s’agit d’ordonner de réelles coupes dans les réglementations, d’alléger la lourdeur bureaucratique, d’éradiquer des restrictions environnementales destructrices d’emploi, comme l’interdiction du pipe-line du Dakota, ou de l’exploitation du charbon (certes fort polluante) alors qu’il faut plutôt songer (et les entreprises s’y attellent) à améliorer la sécurité et la propreté de telles activités. Réduisant  la fiscalité des entreprises, il s’agit de les dynamiser, de rapatrier des activités, de voir naître de nouvelles initiatives créatives et industries, sans oublier le retour  des milliards de bénéfices placés hors des frontières pour se garder des taxes confiscatoires. Ainsi Bayer, Ford, Monsanto, IBM, Walmart, General Motors, Sprint, Amazon -et nous en passons- créent des emplois à tours de bras, sans compter les milliers de petites structures qui croissent, celles dont les embryons deviendront bientôt l’enfance de l’art et la maturité de la prospérité. La croissance économique, dépassant 3% par trimestre, et la Bourse (donc par contrecoups les dividendes des actionnaires et les caisses de retraites) sont déjà dans un état de pétulance oublié depuis longtemps, quand les salaires et l’immobilier frémissent vers le haut…

      Que n’a-t-on vidé d’ordures sur la décision de Trump de se retirer de l’accord de Paris sur le climat ! En faussant compagnie aux idéologues du réchauffement climatique d’origine anthropique (alors que l’extinction des taches solaires induit un refroidissement probablement déjà engagé), notre Président s’est délivré de contraintes colossales qui entravaient les entreprises américaines ; pendant que les pays les plus pollueurs, Chine et Inde en tête, étaient exonérés de tels inconvénients, saturant leurs atmosphères et fleuves de métaux lourds et autres joyeusetés, alors que la science américaine fit bien mieux pour l’écologie que mille tyrannies écologistes patentés et nourries au lait de l’argent ponctionné aux flancs des contribuables.

      Evidemment notre Trump préféré est un vilain tout sale pollueur en permettant à la Pennsylvanie d’excaver de nouvelles mines de charbon. La verte Allemagne, qui s’est exclue du tout pas beau nucléaire, arrose de lourdes vapeurs toxiques la moitié de l’Europe grâce à ses mines de charbon et de lignite (l’une à ciel ouvert est aussi vaste que Paris), à la bénédiction générale. Que vous soyez Trump ou Merkel les jugements de cours vont rendront blancs ou noirs de grisou ! de plus, ne voyons-nous pas que le premier tient à desserrer les Etats-Unis de l’étau du pétrole arabe ?

      À cet égard la maestria diplomatique de Trump va jusqu’à stupéfier le modeste auteur de ces lignes. Sommant à Ryad les pays arabes, et au premier chef l’Arabie Saoudite, de lutter au nom de Dieu contre le terrorisme et le fanatisme, alors qu’il contribue à détruire le Califat islamique, qui sait si le nouveau Président ne contribue pas à isoler (outre l’Iran qu’il compte remettre à sa place) les Qatar, Koweit et autres contributeurs du terrorisme, voire à la pincée de libéralisme politique et religieux qui semble animer le nouveau roi de Ryad, qui réalise que la manne de son pétrole touche à sa fin (à moins qu’il s’agisse d’une ruse habile, digne de l’ancestrale taqiya)…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Ses opiniâtres voyages diplomatiques en Extrême-Orient, du Japon au Vietnam en passant par la Chine, vont, qui sait, permettre de rajuster les accords commerciaux, et permettent déjà d’engendrer des commandes colossales au bénéfice de l’industrie américaine. Sans compter la nécessaire intimidation du tyranneau nord-coréen qui n’aime rien tant que jouer de ses doigts bouffis avec des bombinettes atomiques. On s’est pourtant bien offusqué d’entendre Trump dire « Le temps de la force est venu », lui reprochant sa provocation, le réduisant au même ridicule et à la même dangerosité que le potentat affameur du peuple nord-coréen. Préféreriez-vous le temps de la faiblesse ? Il semblerait que sous la pression de Trump, la Chine puisse modérer son soutien, en particulier économique, à son encombrant voisin, qui risque bientôt de faire patte blanche…

      Restons cependant méfiants devant les velléités protectionnistes de Trump. Pourtant, il ne ferme pas la porte aux accords commerciaux bilatéraux avec tous les pays, à la réserve que les libertés soient également partagées et qu’elles soient au service des intérêts américains, de façon à concourir à la réduction du déficit commercial, en particulier avec la Chine. Il prétend ne prendre des mesures protectionnistes que si ces mêmes intérêts se voient lésés. Ce fut l’objet de la rencontre de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) à Manille, qui ambitionnait de lutter contre le protectionnisme économique. Mieux, en préconisant un réel libre échange, il risque de divulguer l'hypocrite protectionnisme européen.

      Que n’a-t-on vilipendé le Trump pourfendeur des « violeurs mexicains » ? Bouh, le vilain xénophobe ! Il n’en reste pas moins que les crimes sexuels pullulent encore du côté du Sonora. Certes, l’on ne tombera pas dans la généralisation abusive qui est un péché peu mignon de l’orateur. Certes, imaginer de faire payer l’achèvement du mur frontalier (construit d’ailleurs aux deux-tiers par ses prédécesseurs) fut une fort puérile billevesée. Mais, là encore, lorsqu’Obama confirma le déploiement de ce mur, il bénéficia d’une indulgence entière, tandis que notre éléphant roux se voit traité comme l’animal malade de la peste de La Fontaine.

      N’ignorons pas que l’immigration illégale des Mexicains, qui contraint les salaires des non qualifiés à stagner au plus bas, a déjà baissé considérablement. Il est certes bien dommage de devoir en arriver à de telles murailles, mais plutôt que de huer les Etats-Unis, ne vaudrait-il pas mieux s’interroger sur l'explosive criminalité mexicaine, sur le socialisme et la corruption récurrents qui minent l’économie mexicaine, dont le niveau de vie de la population stagne depuis bien des décennies, malgré des richesses potentielles considérables, en particulier pétrolières ?

      Encore un point à mettre à l’actif de Trump en ce qui concerne l’immigration : en avril dernier, il signait un ordre exécutif pour éjecter le programme de visa par tirage au sort, au profit d’un programme au mérite, bien plus judicieux, en terme de sécurité, de respect des individus et in fine au service d’un melting-pot américain digne de ce nom.

      Pourtant l’abrogation du programme DACA, qui protégeait de l’expulsion les enfants immigrés clandestins et leur permettait d’étudier et de travailler aux Etats-Unis, a provoqué un bruyant tollé. Certes l’on sait que de prétendus mineurs s’y glissent avec des intentions peu avouables, mais la mesure parait aussi peu charitable que digne des Lumières, et des intérêts des entreprises américaines qui y trouvent parfois un vivier de créateurs…

      Le milliardaire (l’on sait combien c’est mal de l’être si l’on est un capitaliste, et pudiquement tu si l’on prospère en mettant à son service la fiscalité), est bien entendu un xénophobe avéré conspué par de gauchistes juges dont le multiculturalisme est un retors angélisme, lorsqu’il refuse l’entrée à des ressortissant de pays musulmans. Cette interdiction, certes brusquement édictée avec une maladresse insigne, est bientôt jugée conforme à la Constitution par la Cour suprême. Il n’y a par ailleurs rien de xénophobe à lutter vigoureusement contre les gangs latinos violents, et contre l’islam radical.

      Combien l’on a reproché à Trump de quitter l’UNESCO ! Pourtant il argue avec justesse que cette organisation, financée à gogo par les Etats-Unis, et prétendument chargée de favoriser l’éducation et la culture, a intégré la Palestine, pseudo-Etat, de surcroît terroriste (c’est d’ailleurs à cette occasion qu’Obama suspendit les financements), que cette organisation démesurément islamophile tente de réécrire l’Histoire en prétendant qu’Israël est une force d’occupation à Jérusalem. Ajoutons que cette organisation publia en 1981 une « Déclaration islamique universelle des droits de l’homme » qui considère « qu’Allah (Dieu) a donné à l’humanité, par ses révélations dans le Saint Coran et la Sunnah de son saint Prophète Mahomet, un cadre juridique et moral durable permettant d’établir et de réglementer les institutions et les rapports humains », et autres abjections concomitantes… Devinez qui depuis aspire à la Direction générale du dit organisme ; mais c’est bien sûr, en digne lèche-charia, … La France !

      Bien d’autres domaines bénéficient de l’attention de l’administration Trump. Il est question d’une réforme de l’éducation (notoirement incompétente dans le public), de permettre le libre choix scolaire pour les ressortissants de quartiers défavorisés. Reste à savoir ce qu’il en adviendra. Il serait indécent de qualifier ce Président de tranquille pépère pantouflard, une fois la place prise. Reste que les craintes hystérisées autour de la législation Pro-vie en cours ne prouvent pas qu'il s'agirait de menacer qui aurait légitiment besoin d'avorter.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Que l’on soit Trumpmaniaque ou Trumpophobe, il est bon de s’interroger sur ses électeurs, dont les petits blancs déclassés de l’Amérique profonde. Le livre de J.D. Vance, Hillbilly Elégie, publié en 2016 aux Etats-Unis tombe à point. S’il se présente comme le roman autobiographique d’un enfant puis d’un jeune homme venu du tréfonds du Kentucky et de l’Ohio, il n’en est pas moins un document sociologique d’une rare pertinence.

      Les usines ferment ou s’enfuient, le chômage gronde, le déclin économique ronge les consciences : « toutes les grandes entreprises comme Armco sont en train de mettre la clé sous la porte, et c’est une population dont les qualifications sont peu adaptées à l’économie moderne ». L’on comprend alors combien une génération confite dans le chômage par une mondialisation qui défavorise l’Amérique profonde, aspire à retrouver travail et dignité, ce que promit et réalise déjà, du moins en partie, l’administration Trump.

      Mais loin de se complaire dans la rhétorique victimaire de l’ « Elégie », Vance souligne : « Vous pouvez traverser une ville dont 30% des jeunes hommes travaille moins de vingt heures par semaine sans trouver personne qui ait conscience de sa propre fainéantise ». Plutôt que de se plaindre du monde tel qu’il évolue, les habitants doivent affronter la vérité sur eux-mêmes : « Jackson est assurément pleine de gens charmants, mais la ville est également pleine de drogués, et il y a au moins un homme qui a trouvé le temps de faire huit enfants et pas celui de travailler pour les faire vivre ». Sans oublier l’alcoolisme et la violence. Le réquisitoire est cruel, mais réaliste.

      Comment notre auteur s’en est-il sorti ? « Maman m’a emmené à la bibliothèque de la ville avant même que je ne sache lire, m’y a inscrit, m’a montré comment emprunter des livres et fait en sorte qu’il y en ait toujours à la maison ». Avocat pour un fonds d’investissement, écrivain chéri des médias, marié avec Usha dont il loue les qualités, il vit aujourd’hui à San Francisco. CQFD.

      Vance a su radiographier ceux qui ne sont pas les seuls à avoir élu Trump, pour de bonnes et de mauvaises raisons. Sans vouloir faire de la prédictologie[11], toujours risquée, il n’est pas impossible que ce Président rempile pour un second mandat, voire avec un résultat électoral plus généreux…

      Le procès Trump est loin d’être achevé. Hors de tweetesques sorties inconsidérées, des convictions populistes sans nuances, il conviendra de le juger sans a priori idéologiques sur les résultats. Il sera cependant d’autant plus haï que les résultats économiques et diplomatiques seront bons. Tout ce qu’il réussit et réussira sera inaperçu par les yeux qu’obscurcit l’idéologie ; tout ce qu’il ratera sera la poutre fichée dans son œil.

      L’on dit souvent que l’Histoire se répète ; certes. Mais parfois sous des formes métamorphosées. Le socialisme de Bernie Sanders est bien plus dangereux que Trump, en particulier pour les libertés économiques et la prospérité, y compris du petit peuple ; les violences de l’extrême gauche anticapitalistes sont avérées. D’autres formes de totalitarisme, masquées par de bons sentiments sont également à craindre : la tyrannie écologique, par exemple, ou le politiquement correct qui pousse des étudiants à ne pas vouloir étudier des auteurs mâles et blancs, en un racisme aussi étroit que leur pensée, ou encore le cancer théocratique de l’Islam. Si Donald Trump, malgré ses errements et velléités agités comme ceux d’une puce rousse, n’est le nom d’aucune tyrannie, il ne manque pas de concurrents bien plus redoutables, dont Thimothy Snyder, le doigt pointé sur un éléphant plus débonnaire qu’il n’y parait, n’a pas su voir les forêts de cornes aux virales rhinocérites. C’est avec une indispensable prudence, en particulier à l’égard d’un avenir pour lequel nous nous garderons de toute prédiction, que le modeste auteur de ces lignes, dont les informations restent cependant lacunaires, tente de contribuer à la vérité, au risque que bien des lecteurs velléitaires ne soient pas parvenus à cette ligne, irrités, scandalisés par une telle prose, qui ne respecte pas la doxa de la condamnation péremptoire, idéologique et a priori.

      Il y a bien des exagérations, voire des hyperboles insensées, dans la pléthore de satire, de dénonciation, qui se jette en meutes sur Trump. Voyons comme l’on s’est mis, vaillamment, en signe d’héroïque résistance (on n’est pas aussi vaillant face à l’hydre de la théocratie islamique) à manifester, comme ces 125 psychanalystes et psychiatres qui défilèrent à New-York en dénonçant la santé mentale défaillante de notre éléphant roux, « populiste, ploutocrate, fou à lier », réclamant l’impeachment, alors que l’on s’est moins excité devant les symptômes avérés d’Hillary Clinton. Prenons garde à ne pas suivre aveuglement la rhétorique haineuse des démocrates et non les faits. Par exemple pour les enfants mexicains retenus aux frontières pendant des semaines que l’on reproche à Tromp, quand c'était déjà le cas sous Obama, alors qu'il s'agit de les protéger de leurs parents, des gangs, des viols, ce qui ne faisait pas scandale (et ne prétendons pas que cela soit parfait) : selon que vous soyez blanc ou noir, les jugements de cour vous rendront puissant ou misérable (ceci en paraphrasant La Fontaine). Voyons comme l’on a relu et brandit Impossible ici de Sinclair Lewis[12] qui voyait un fasciste s’élever au sommet des Etats-Unis, ainsi que La Servante écarlate, de Margaret Atwood[13], autre anti-utopie marquée par une tyrannie contre les femmes réduites à la seule procréation. La reductio ad hitlerum est aussi manifeste qu’abusive et mensongère, quand de plus réelles tyrannies sont les hydres de notre temps…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

[1] Aristote : Rhétorique, 1358a, Œuvres complètes, Flammarion, 2014, p 2611.

[2] Eugène Ionesco : Rhinocéros, Théâtre, III, 1968, Gallimard, p 117.

[3] La Fontaine : « Les animaux malades de la peste », Fables, VII, I : « Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »

[4]  N atacha Tatu Incroyable mais Trump, Plon, 2018.

[5] Voir : Peter Schweizer : Clinton Cash, Harper Collins, 2015.

[6] Timothy Snyder : Terres noires. L’holocauste et pourquoi il peut se répéter, Galimard, 2016.

[13] Margaret Atwood : La Servante écarlate, Robert Laffont, 1987.

 

 

 

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Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


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Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

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Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

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Naomi Klein : anticapitalisme et climat

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Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

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Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

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Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

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Les Amazones par Mayor et Testart

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Rachilde et la revanche des autrices

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Camille Froidevaux-Metterie : Seins

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Ferry

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Flanagan

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Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

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Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

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France

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Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

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La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

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Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

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Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

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Gavelis

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Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

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Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré, une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

VIII Morphéor intelligence quantique amoureuse

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com

XVIII Bibliothèque Hespérus et Petite porcelaine bleue

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme : Ages & Colloques

Manuzio, Budé, Byzantinistes & Coménius

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Vanité de la mort : Vincent Wackenheim

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

La Cité aux murs incertains, L'Incolore Tsukuru

 

 

 

 

 

 

Muray

Philippe Muray et l'homo festivus

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Les obsolètes face à l'intelligence artificielle

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science-fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Métamorphoses du sonnet contemporain

 

 

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Wells

Wells aventurier du temps et socialiste déçu

 

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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