Biblioteca, Monasterio San Lorenzo del Escorial, Madrid.
Photo : T. Guinhut.
Les plaies illibérales de notre temps :
Etatisme, Islamisme, écologisme, wokisme.
Préface au Requiem pour les libertés.
Un livre est un palais habité d’idées belles et justes. Du moins peut-on l’espérer. Néanmoins il est visité, parfois à demeure, par des fantômes, des monstres, qu’il est nécessaire de reconnaître pour ce qu’ils sont, qu’il est impératif de chasser en tant qu’ils sont les ténors et les basses de l’illibéralisme.
À cet égard il faut entonner un Requiem pour les libertés. Même si un tel titre parait abusivement définitif, constat de décès actant pour toujours la disparition de ce qu’on appelait « libertés », ce dernier vocable dont plus aucun dictionnaire papier, a fortiori internetesque, ne voudrait plus se souvenir. En effet, d’évidence, puisqu’un tel livre peut encore paraître, un tel requiem est pour le moins prématuré, même si le silence qui conspire de l’accueillir ne fait pas résonner – encore moins raisonner – l’exercice de la liberté de penser et d’agir. Il s’agit alors d’un faisceau d’avertissements que l’on espère salutaire, explicitant ainsi tant de menaces actives, de plaies de notre temps, au service d’une rédemption, si le terme n’est pas trop spirituel, d’un jeu dont il faut espérer que les dés ne sont pas d’avance pipés, prêtant au lecteur une acuité intellectuelle propre à secouer les chaînes, ou tout du moins, à permettre un muet quant à soi.
De ce faisceau – dont il faut retenir l’étymologie latine d’où vient le fascisme – l’on retiendra quatre principales exactions et autres étranglements dont fait preuve notre contemporain, français, mais pas seulement. L’étatisme, l’islamisme, l’écologisme et le wokisme. Sans compter, au service de ceux-là, le conformisme grégaire de nombre d’intellectuels et de médias ; comme à l’époque où il était de bon ton d’avoir tort avec le proto-communiste Sartre, plutôt que raison avec le libéral Aron[1].
L’étatisme, ou constructivisme, est l’hubris des gouvernants et des Princes. Grâce auquel il prétend tout penser, tout organiser, tout encercler, pour le bien et le mal des peuples, considérés collectivement. Il est un avatar des tyrannies antiques et orientales, tout en se régénérant au moyen de l’Etat hégélien omniscient. Ainsi en 1821, légitimant l’autoritarisme prussien, le verbeux philosophe Hegel pérorait : « L’Etat est la réalité effective de l’Idée éthique – l’Esprit éthique en tant que volonté substantielle, claire à elle-même, qui se pense et se sait […] étant donné que l’Etat est esprit objectif, l’individu ne peut avoir lui-même de vérité, une existence objective et une vie éthique que s’il est membre de l’Etat[2] ». L’on ne peut mieux affirmer le collectivisme au dépend de l’individualisme. Les descendants logiques de ces despotes sont le marxisme, le socialisme et le communisme, dont on connait l’illibéralisme économique et politique, rapidement concentrationnaires et meurtriers. La descendance socialiste et fasciste d’un tel tropisme proclamait avec Mussolini : « Tout dans l’Etat, rien hors de l’Etat, rien contre l’Etat ![3] ». Si cet étatisme parait aujourd’hui plus doux, c’est pour mieux enserrer dans le lacis de la suradministration, des lois sociales, des normes, des taxes, de l’égalitarisme, entretenant par voie de conséquence dettes abyssales, chômage, assistanat, stagnation et inefficacité. Préférant, par laxisme et pusillanimité, sacrifier les fonctions régaliennes de l’Etat, défense, police et justice – ces deux-là dont les personnels sont menacés, attaqués – pour mieux pratiquer ce vol légal que l’on appelle consentement à l’impôt, ce dernier étant pléthorique et omnivore, et pour aboutir à une paupérisation croissante. Ne doutons pas qu’augmentés du surétatisme européen, la pléthore de fonctionnaires et de stipendiés du service public, en tête au ministère de l’économie, soit foncièrement nuisible, tant l’Etat n’a pas à immiscer ses incompétences dans la bonne marche de la créatrice liberté d’entreprendre. Ce dieu Etat, que révérait Hegel, s’est incarné dans la législation socialiste comme indiscutable théologie pour nombre de citoyens, tant la pieuvre de la prédation, de la redistribution et du gaspillage étouffe de ses tentacules un pays – parmi bien d’autres – qui a beaucoup perdu de son esprit critique. La France n’est-elle pas malheureuse 63ème sur le palmarès de la liberté d’entreprendre, alors que Singapour et la Suisse, sont les deux premières, cette confédération helvétique voisine dont nous ne voulons pas voir les qualités de modèle…
Le colonialisme de l’islam antisémite voile nos rues, abrutit nos écoles et menace de mort nos professeurs, non sans parvenir à ses fins. Le Coran commande à de nombreuses reprises le meurtre ou la conversion des infidèles et le pillage conquérant. Pourtant être islamophobe est un crime par la pensée – pour employer un concept orwellien – et être islamophile vaut onction d’ouverture des cultures, alors qu’en vertu du paradoxe de la tolérance énoncé par Karl Popper[4] c’est accepter et protéger ce qui ne tolère pas l’autre et surtout pas, le judaïsme, le christianisme et la laïcité, destinés à être livrés aux attentats terroristes, exterminés, comme en Syrie, en Arménie et tutti quanti… Ce pourquoi nous ne sommes guère religieux, même si le christianisme – du moins selon le Christ des Evangiles – nous semble plus respectable. De plus ce dernier a permis en son sein l’éclosion de la démocratie libérale et de l’athéisme. Au contraire de l’islam : « La vérité, c’est que l’islam ne parviendra jamais à la démocratie ni au respect des droits de l’homme aussi longtemps qu’il s’en tiendra à la charia et qu’il n’y aura pas de séparation de l’Eglise et de l’Etat ». C’est ce que Ibn Warraq, dont le nom quoiqu’il soit un prudent pseudonyme, révèle assez son origine, conclue en son vaste essai argumenté, signalant un fait piquant, ce pour revenir à Orwell : « La Ferme des animaux est interdite dans les pays musulmans car les principaux personnages sont des cochons, même s’ils sont en fin de compte brutaux et tyranniques[5] ». Sans oublier les attentats à l’encontre de l’écrivain Salman Rushdie, y compris en Occident occupé, ce n’est là qu’une preuve parmi tant d’autres de l’obscurantisme islamique, de son appétit de censure et d’illettrisme, de son totalitarisme intrinsèque et conquérant. Car contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, le djihad, sixième pilier de l’islam, n’est pas un modeste combat spirituel, mais selon l’autorité de l’historien des religions Rémi Brague : « la moins mauvaise traduction serait « combat sacré [...] militance[6] ».
L’écologisme – que l’on ne confondra pas avec l’écologie scientifique – invoque la planète et son essence naturelle en une religiosité béate, afin d’éradiquer l’industrie, le développement scientifique, le capitalisme, s’armant de l’argument fallacieux du réchauffement climatique d’origine anthropique. Une cause supérieure, surpassant les dieux disparus et les horizons politiques déchus, sous prétexte d’écovigilance, voire d’extravagant « écoféminisme », opprime avec délectation ceux qui contreviendraient à leur doxa, s’armant encore une fois de taxes, impôts, réglementations et interdictions. L’escroquerie est juteuse, n’est-ce pas…
Bien des millénaires ont vu se succéder refroidissements et réchauffements, sans la moindre causalité humaine. De plus notre actuel réchauffement, fort modéré, ne mérite aucun catastrophisme, d’ailleurs démenti par les faits, alors que les glaces polaires se portent fort bien, que l’océan ne s’élève pas, quand le gaz carbonique, ou C02, n’a rien d’un polluant ni de ce quelconque effet de serre, claironné par Hervé Le Treut et Jean-Marc Jancovici[7] qui prétendent le voir changer le climat à nos dépens, ce au contraire de la vapeur d’eau qui est le responsable de cet effet de serre qui nous épargne une glaciation certaine. Un nouveau lyssenkisme enfarine les esprits, au service du croissant pouvoir coercitif et financier de ses thuriféraires allant jusqu’à prôner la décroissance. Selon l’avisé polytechnicien Bruno Durieux, « l’écologisme est essentiellement un gauchisme réactionnaire […] une religion de la culpabilité, du reproche et de la punition, une thérapie par la terreur[8] ». Pensons qu’en France, l’on interdit toute prospection et exploitation du gaz et du pétrole, à peu près inoffensives, et bien qu’abondants, sous prétexte de principe de précaution – ce dernier inscrit dans la Constitution – et de verts espaces sauvages. Ainsi l’écologisme s’impose en toute impunité aux Etats, communes, médias et éditions, sans omettre le grand vecteur de propagande : l’Education Nationale ! Les écologistes ne sont-ils pas les descendants d’Hans Jonas – également auteur d’Une Ethique pour la nature – qui déclarait, dans Le Principe de responsabilité : « Puisque la tyrannie communiste existe déjà […] nous pouvons dire que, du point de vue de la technique du pouvoir, elle paraît être mieux capable de réaliser nos buts inconfortable que les possibilités qu’offre le complexe capitaliste-démocratique-libéral[9] ». Bel aveu de tyrannie verte qui affiche sa volonté de contrarier, et finalement détruire, entreprises, emplois, voire les vies humaines !
Salamanca, Castilla y Léon.
Photo : T. Guinhut.
Se prétendant éveillé à l’encontre de tout ce qui serait racisme, colonialisme, misogynie, fascisme, le wokisme chasse l’incorrect, présent, passé et à venir. Jusqu’à l’extrême-gauche, à l’Histoire pourtant chargée, manifestant et guerroyant contre quiconque aurait le front de lui déplaire, le prétendant « fasciste », en une grotesque reductio ad hitlerum. En un remarquable renversement des valeurs, le woke non genré parvient à faire peser le poids de la honte sur le mâle blanc occidental, comme le bolchevik chargeait de tous les péchés du monde le bourgeois. Sa « Cancel culture », appesantit les esprits, leur faisait croire à une croisade pour les droits civiques, alors qu’elle vise d’abord à effacer, annuler, abattre, qu’il s’agisse de statues anciennes, d’œuvres d’art et de libertés intellectuelles, corrigeant d’importance les musées, ces lieux de mémoire et de savoir. Une « génération offensée » - pour reprendre le titre de Caroline Fourest – se scandalise de moindres mots, de moindres allusions à des faits historiques, s’érige en « police de la culture[10] », au titre de la repentance et de la dignité exacerbée des homosexuels, des Noirs, des intersexuels, que l’Histoire a spoliés de leurs droits. Sonia Mabrouk liste les rongeurs avides de détruire notre civilisation : « décoloniaux, anti-sécuritaires pavloviens, féministes primaires, écologistes radicaux fous du genrisme et islamocompatibles », qui grouillent en un bouillon de déconstructeurs acharnés. Leur « idéologie inquisitrice[11] » a la pouvoir d’un marteau-pilon. « La religion woke[12] » s’est emparée de la place laissée vide par la déshérence du christianisme, mais aussi de la soif de pouvoir, de la faim d’oppression que fourbit trop souvent la nature humaine.
N’ignorons pas que les avatars des ennemis des sociétés libres, dont « l’intersectionnalité des luttes fait florès, en particulier l’islamogauchisme, font collusion pour favoriser le narcotrafic et pratiquer la bénédiction de la délinquance, comme lorsque les léninistes, nazis et autres mussoliniens usaient des bras armés des délinquants pour abattre les démocraties et assurer leur pouvoir matraqueur…
Ce n’est pas par vanité historiciste que l’on revient ici sur l’Histoire de la censure. En effet son retour, pas forcément d’origine étatique, mais délinquant, associatif ou fascistoïde, comme chez les black blocs par exemple, ne laisse pas d’accompagner des attentats contre des bibliothèques, des épurations de rayons, y compris parmi ces mêmes bibliothèques et les librairies qui n’achètent ni ne présentent tout simplement pas ce qui contreviendrait à leur doxa, a contrario de leur devoir de pluralisme et d’honnêteté intellectuelle. Mais aussi sur l’histoire des autodafés et du blasphème, des religions, de la novlangue politique, mais parce qu’ils sourdent pour longtemps de l’esprit humain, se réactivant sans cesse, par atavisme despotique, tant l’on aime exercer, mais aussi subir la tyrannie, ses violences et son confort en tant qu’il libère de la peine de la liberté et de l’individualité.
Construit à partir de quelques dizaines d’articles pompeusement affiliés à la rubrique philosophique de mon blog, l’on pourrait dire de ce livre au titre alarmant, Requiem pour les libertés, dont on pardonnera quelques redites, ce qu’avançait Michel Foucault, dans Les Mots et les choses, « Son existence ne se définissait pas tant par le regard que par la redite, par une parole seconde qui prononçait à nouveau tant de paroles assourdies[13]». Faire entendre au mieux ces paroles dédiées à la quête de la vérité serait la vocation de cet essai, convaincus de la nécessité de la sauvegarde et de la renaissance des libertés.
Liberté d’expression, de pensée et de rire de tout, libertés économiques et politiques, libre échange, en cet essai prolixe aux chapitres écrits depuis l’an 2011, cependant forcément incomplet, tant les occurrences à l’encontre des libertés se multiplient, s’aggravent, elles sont ici consciencieusement et impertinemment défendues. Qu’ils trouvent leurs origines dans les résurgences impérialistes telles qu’en Russie et en Chine, qu’ils se concentrent dans des factions militantes extrême-gauchistes, dans des vagues de fond islamistes, les ennemis du commerce, au sens du débat intellectuel comme économique y trouveront le miroir de leurs iniquités militantes. Mais aussi, ce qu’ils ne veulent lire ni comprendre, l’analyse des vertus du libéralisme, au travers de son histoire, de ses auteurs, qui ont inspirée des politiques qui se sont avérées au service de la prospérité des nations et des individus.
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Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.