Porcelaine chinoise, Château de Valençay, Indre-et-Loire.
Photo : T Guinhut.
Les Lois et les nombres
du continent politique chinois.
Suivi par les Gardes et Fantômes rouges.
Avec le concours de trois Traités sur le portrait.
Romain Graziani : Les Lois et les Nombres, Gallimard, 2025, 512 p, 24 €.
Luo Ying : Le Gène du garde rouge,
traduit du chinois par Shuang Xu et Martine de Clercq, Gallimard, 2015, 240 p, 20 €.
Li Chengpeng : Confessions d’un traître à la patrie,
traduit du chinois par Hervé Denès, Liana Lévi, 2015, 240 p, 19 €.
Tania Branigan : Fantômes rouges, Stock,
traduit de l’anglais par Lucie Modde, 2024, 432 p, 23,90 €.
Wang Yi, Jiang Ji & Ding Gao : Trois Traités sur le portrait,
Traduits du chinois par Yolaine Escande, Les Belles Lettres, 2025, 496 p, 49 €.
Peut-être la Chine est-elle en passe de devenir prochaine première puissance économique mondiale. Hélas pas le moins du monde une démocratie libérale, tant les Lois et les Nombres – pour reprendre le titre de Romain Graziani – y règnent de manière immémoriale et coercitive. D’autant que les « fantômes rouges », dont Tania Branigan réveille les masses sanguinolentes n’ont pas perdu de leur puissance traumatique. Aussi, au ridicule de la rouge propagande communiste, préférons les écrivains courageux, poètes et essayistes. Quoique dire la vérité en Chine soit une mission à peu près impossible. Que ce soit sur le passé ou sur le présent. Deux écrivains, s’armant de genres littéraires fort différents, tentent de forcer le bâillon de la censure. Luo Ying, afin de dresser un édifiant tableau du maoïsme fondateur, fait œuvre de poète, avec Le Gène du garde rouge, quand Li Chengpeng, avec ses Confessions d’un traître à la patrie, puise dans son infatigable activité de bloggeur, pour dénoncer le pêle-mêle de corruptions et d’exactions liberticides. Est-ce à dire qu’il faudrait repenser le portrait ancestral du Chinois, dont l’art avait également ses lois et ses nombres ? À moins que la Chine, monstre des technologies et des forces armées, soit un géant aux pieds d’argile ?
Un ordre immuable est censé régir le cosmos, l’Empire et la vie quotidienne du continent chinois. Dès le III° siècle avant notre ère, les penseurs légistes – soit les experts des lois et des méthodes de gouvernement – affirment une implacable vision de l’Etat et de l’autorité souveraine. Six siècles plus tard, l’idéologie confucéenne, prônant l’exemple personnel et le gouvernement par la vertu, ne fait que renforcer ce tropisme. En effet Romain Graziani nous avertit : « dès cette époque ont été institués des dispositifs de de sécurité et de surveillance qui s’emploient à tenir tout sujet sous l’œil de l’Etat et à instiller une inquiétude permanente parmi les éléments de la population les plus enclins à la corruption et à l’incurie ». Et, ajouterons-nous à la dissidence, à la liberté de pensée. La poésie chantait « Le Ciel dont l’œil voit tout », il trouve de nos jours son accomplissement dans le contrôle numérique satellitaire.
Romain Graziani, professeur en études chinoises, fonde sa compréhension de l’Empire du milieu sur l’association des « Lois et des nombres ». Sauf que ces nombres ne peuvent être réduits à des quantités, et que ces lois ne correspondent pas à la conception occidentale du droit.Mathématiques, divination, spiritualités, codes pénaux, taoïsme, poésie, et bien entendu arts de la guerre, si l’on pense à Sun Tzu, tout est au service de ce « logos chinois », de ce « culte de l’Un », qui « régit de même l’ordre du cosmos. Ce qui se manifeste par le credo « Enrichir l’Etat, renforcer l’armée ». De surcroit, essentielle est la « mercantilisation du pouvoir ». Ainsi travail de la terre, bureaucratie, méritocratie et capitalisme sont les maillons d’une chaîne continue. Quoique les aléas de l’Histoire, les invasions et autres changements de dynasties, sans parler de la « lourde dette du système héréditaire », voire du « génie de l’inutile », mais surtout de l’absurde Révolution culturelle communiste, aient souvent enroué la machinerie…
Pour ce faire, notre essayiste use de sources rares, comme les Ecrits des Maîtres Guan et Han Fei. Il montre combien « l’intelligence numérique », la « pensée algorithmique », la naissance de la statistique, la numérisation du militaire, participent non seulement du « calcul de la vélocité », mais aussi de « la criminalisation du retard ». Ce jusqu’à l’artillerie lourde du levier pénal et de la décapitation. Entre « Primes et châtiments » - pour jouer sur un titre bien connu – la société chinoise avance avec la lourdeur de la tortue. Rien cependant n’empêche la survenue des corruptions, des échecs, des désertions…
L’on ne s’étonne pas dès lors que le communisme se soit implanté avec tant de force en Chine. Il s’est en quelque sorte accommodé avec le néoconfucianisme. Son collectivisme, son culte de la personnalité, en particulier à l’occasion de Mao Ze Dong, sa conception verticale et englobante de l’Etat, tout – ou presque – est cohérent avec une tradition multimillénaire du politique. Ce pourquoi la Chine n’a jamais connu la démocratie libérale, sauf récemment dans son versant économique qui permit un développement prospère et de dimension mondiale, bien qu’étroitement surveillé par la tutelle du Parti communiste.
Basé sur de tels lois et nombres, il s’agit bien d’une fondation politique aboutissant à l’Etat total, englobant l’armée et la société au travail, jusqu’au rapport de l’individu à lui-même. Le plus étonnant enfin est de constater combien un tel projet de société fut très tôt structurée par des techniques d’information, de surveillance et de sécurité, qui sont, quoiqu’avec des moyens technologiques pointus, à la racine de ceux d’aujourd’hui, tant la reconnaissance faciale par exemple, l’examen à la loupe des réseaux sociaux, s’infiltrent dans le contrôle des individus au détriment de leur autonomie intellectuelle et politique.
Romain Graziani n’en est pas à son premier examen de la culture chinoise, non sans la comparer à celle européenne[1]. Aussi prétend-il avec justesse que « le paradigme de l’Unité force à considérer la prolifération des libertés essentielles comme autant de mauvaises herbes » et « sape le projet d’une modernité politique définie par l’incertitude, l’indéfini et le conflit ». Son essai fort dense permet de mieux comprendre le présent chinois, grâce à une vaste perspective historique. Voire son avenir ? Car la surveillance digitale, nouvel « âge du fer », associée à l’exponentielle infiltration du Parti, aux limites sévèrement imposées aux capitalismes libéraux, risque de voir son efficacité décroître sous les coups d’une économie trop corsetée. Cette « unitotalité » entraînerait bien des insatisfactions populaires, sans compter un ennemi redoutable : la démocratie défaillante, alors que l’on fait bien moins que deux enfants par femme. Ainsi le colosse repose-t-il peut-être sur des pieds d’argile. Qui sait si, à l’instar de l’écroulement du régime soviétique, ce communisme verra-t-il son hubris s’affaisser, …
Existe-t-il un gène du mal ? Luo Ying semble définitivement le penser. La Révolution culturelle chinoise des années Mao en est l'illustration et la preuve. Ce que nous pensions avoir compris en lisant Le Livre noir du communisme[2] et en y découvrant le trou rouge de ses quatre-vingts millions de morts chinois, soit Le Gène du garde rouge. Cependant la façon de mener sa démonstration fait du livre de Luo Ying une piqûre de rappel aussi efficace qu'incroyablement originale.
Ecrit entre Pékin et Los Angeles, entre octobre et novembre 2012, ce récit autobiographique prend la forme peu usitée d'un ensemble d'une centaine de poèmes d'à peu près égale longueur, soit une page et demie. Ce sont de longs vers libres, plus exactement ce que l'on appelle, avec le Claudel des Cinq grandes odes[3], mais aussi, conformément à bien des pages bibliques, des versets. A l'instar de nos poèmes historiques médiévaux (pensons à la Chanson de Roland [4], Luo Ying retrouve un lointain atavisme épique pour chanter l'Histoire. Sauf que cette Histoire fait grincer des dents.
Ce sont des souvenirs d'enfance (Luo Ying est né en 1956) par petites touches, anecdotes, scènes d'horreurs quotidiennes et nationales. Il n'y a guère de page sans délire idéologique, sans vexation, torture ou cadavre, ce « butin de la Grande révolution »… La « dictature prolétarienne » n'est qu'un prétexte où s'engouffrent les pires pulsions violentes, les délinquants et les criminels avérés. L'enthousiasme, les positions hiérarchiques acquises assurent l'impunité de tous ceux que le totalitarisme arme au service de la répression, avec le secours d’une institutionnalisation du mensonge : « On nous faisait préférer l'herbe du socialisme aux blés du capitalisme ». On arrête son père, en tant que « contre-révolutionnaire », et cette tache déteint sur le fils qui tente de se dédouaner : « Au nom de la révolution nous avons brisé toutes les vitres de l'école primaire. » Quand involontairement briser « l'effigie en porcelaine du Président Mao » vaut à un élève quatre ans de prison. On coupe les cordes vocales au criminel politique avant de le fusiller...
Pourquoi écrire un tel livre ? Bien qu'il ne puisse être publié qu'en Occident, son auteur réclame « que la Chine purge totalement sa mémoire de son Histoire pour que sa société progresse. » Loin de s'égarer dans les afféteries lyriques, dans un impossible esthétisme, le poète reste essentiellement factuel, sans indulgence pour les Chinois endoctrinés par le « marxisme léninisme » et leur bien aimé Mao ; sans indulgence également pour lui-même, dans la mesure où il a participé autant qu'il a subi cette litanie d'abjections. Pourtant, jeune « voleur de livre », au-delà d'un art bassement au service de l'idéologie, il trouve sa liberté et sa fierté dans cet implacable réquisitoire au ton glacial. Ce qui ne l'empêche pas, en ce récit-poème, et dans un recueil intitulé Lapins, lapins[5], d'être critique envers le matérialisme d'un capitalisme sans libertés politiques, où trop d'ex-révolutionnaires se sont reconvertis sans états d'âme. Lui-même aujourd'hui est un homme d'affaires talentueux, de surcroît passionné d’alpinisme.
La contre-épopée hallucinante se fait leçon d'Histoire et d'humilité. Luo Ying avoue en sa postface combien il a « été imprégné de son esprit de combat ». Il faut alors entendre en son euphémisme la Révolution culturelle qui ne fut qu'une tyrannie anti-culturelle, conspuant la culture bourgeoise, les intellectuels et les lettrés, pour les remplacer par une propagande éhontée. S'il est « depuis toujours un garde rouge » (même s'il n'a « ni tué, ni mis le feu »), en une définitive imprégnation génétique, il reste contaminé. Comme la société chinoise, point à l'abri de retrouver régulièrement le chemin de la rouge abjection. C'est nous dire que chacun d'entre nous est susceptible de choir en ce travers. Les circonstances aidant, qui sait si ne va pas se réveiller le « gène du garde rouge », ou noir, ou vert, qu'importe la couleur du mal, humain, trop humain...
Photo : T Guinhut.
Hélas l’histoire de la tyrannie chinoise ne s’arrête pas là. Si le judicieux encouragement au capitalisme a propulsé la Chine au rang de la première puissance mondiale et permis à des centaines de millions de Chinois d’accéder à un niveau de vie meilleur, la chape de plomb du régime communiste et de ses nombreux affidés règne toujours sur l’Empire du milieu. Il faut alors un courage surhumain pour aller à l’encontre de la censure, de l’arrestation toujours possible, de la prison, pour n’y échapper que par l’exil, si possible. Li Chengpeng est de ces héros du verbe, de ces hérauts de la liberté.
La satire qui veine les Confessions d’un traître à la patrie est aussi pleine d’amertume que d’humour. En une vingtaine de textes au ton vif, Li Chengpeng se livre à une charge sans concessions à l’encontre de la corruption et du mensonge communiste, tous deux omniprésents. Ce ne sont là qu’une mince partie d’un volume plus vaste réunissant les billets de son blog, qui fit un triomphe sur Weibo, un réseau social chinois, avec plus de six millions d’abonnés. Jusqu’à ce qu’il soit suspendu en 2014. Sans se décourager, notre web-journaliste, publie sa production en volume. La sanction ne tarde guère : le voilà interdit. Heureusement Taiwan permet sa reparution, cette fois sans l’ombre d’une censure. Quant à son auteur, interdit de se présenter à des élections locales, il convole avec la liberté en recevant le « German Best Bloggers Award », puis en étant invité parmi les frais gazons de Harvard Kennedy School, même s’il ne souhaite pas quitter son pays. À ses risques et périls…
Tout commence par un tremblement de terre. Pourquoi un immeuble récent s’effondre-t-il, « effrité comme un biscuit », au milieu d’immeuble anciens intacts ? Soudain, la propagande communiste ne fait plus effet : « ce n’étaient pas les impérialistes qui étaient venus voler en douce les armatures métalliques des décombres ». Quand un « Inspecteur des travaux » est digne de confiance, des dizaines d’autres sont corrompus. Dénoncer cette impéritie nationale vaut alors à Li Chengpeng d’être lui-même dénoncé comme « traitre à la patrie », pour reprendre son titre-choc. Cependant, dit-il, « Pour moi, le patriotisme, c’est donner à chacun selon ses besoins et dépouiller les usurpateurs de leurs rapines. Alors, le pays pourra devenir florissant ». On passera sur l’illusion marxiste de la première partie de cette profession de foi pour retenir l’engagement en faveur de la probité.
Combien de fonctionnaires corrompus sont à l’origine des scandales du « lait frelaté », des scandales immobiliers et sanitaires, des vagues de pollutions aux métaux lourds, des tsunamis de suicide dans des usines, des « petits marchands illégaux » balayés parce qu’ils ne peuvent payer leur licence, des vies affligées par les traînées sulfureuses de la révolution ? Une mère qui fut membre d’une troupe d’opéra témoigne de ce qu’elle fut envoyée dans une aciérie, aux fins de rééducation de classe. L’on devine ce que veut dire : « l’argent de l’Etat est utilisé pour soigner tous « les malades mentaux du pays ».
Toutes ces tragédies, qui ne sont que la partie émergée de l’iceberg rouge, sont cependant contées avec une ironie sagace, un humour proliférant : « Si l’on reste agenouillé trop longtemps, on oublie les avantages de la station debout ». Fonctionnaires, « gardes urbains », « barrage des Trois-Gorges » font partie du chapelet communiste des calamités offertes au « citoyen de quatre sous ». Là où les bulletins de vote « ne sont qu’une décoration », notre polémiste « se sert de son stylo comme d’une hallebarde du dragon vert »…
Mieux, pour Li Chengpeng, « le patriotisme, c’est ne jamais léser l’individu au nom de l’Etat ». En dernière analyse, la même conviction autobiographique et politique anime Luo Ying, dont Le Gêne du garde rouge doit être conjuré. Une fois de plus, les voix des écrivains, qu’il s’agisse d’user des genres les plus anciens, le vaste poème épique aux cent bras, ou les plus neufs, la chronique du bloggeur, secouent avec vigueur les chaînes avariées d’un communisme qui, s’il a sagement lâché prise en autorisant le développement capitalisme, n’a pas su se suicider au service du bien des patries et des individus, en accordant ce qui doit être complémentaire à la liberté économique : la liberté politique.
Cependant l’horizon de la liberté politique reste bien sombre, d’autant qu’il ne peut advenir sans que soit judicieusement examinée « la mémoire hantée de la révolution culturelle », selon le sous-titre du livre de Tania Branigan : Fantômes rouges. Cette journaliste du Guardian, dont elle fut la correspondante entre 2008 et 2015, dévoile les fondements d’un traumatisme irréfragable et cependant soigneusement tu par le pouvoir. En effet, un demi-siècle plus tard, la rage meurtrière du maoïsme, entamée en 1966, peuple bien des mémoires, du moins de celles qui ont échappé à la mort.
De l’histoire de Chow, à la recherche du squelette de son beau-père, à la purge de 2008 à l’encontre des dissidents, des enseignants, avocats et médias, les récits ici recueillis parmi onze chapitres développent un effrayant tableau. Car les entretiens réalisés avec des rescapés, dont les noms ont été changés – surveillance oblige – révèlent combien les opposants, disgraciés, rebelles et « coupables héréditaires » furent impitoyablement humiliés, massacrés. Sans compter « tout un tas d’enfants obligés par les gardes rouges de s’en prendre à leurs parents ». Au point que « Zhang fut adulé pour sa trahison. Sa ville organisa une exposition en son honneur », alors que sa mère est fauchée par une balle. Où l’on voit comment l’emportement grégaire est terrifiant.
« Comment peuvent-ils être restés si puissants ? Comment peuvent-ils contrôler les souvenirs des gens ? », se demande Wang Youqin, alors que le souvenir lui-même n’appartient plus qu’aux sujets tabous : la propagande régnant, « le Parti a gommé les catastrophes infligées par Mao à la Chine et grossi celles imputables aux étrangers ».
Il est bien évident que l’expression « révolution culturelle » est un oxymore, une antiphrase, tout ce que l’on voudra de mensonger, de pervers, tant la négation de toute culture noble et de tout esprit éclairé reste là patent en cette « croisade idéologique ». La tentative du pouvoir chinois d’effacer de son Histoire les ressorts et les conséquences d’une tragique tyrannie, ressortit à une volonté totalitaire, qui, en dépit de sa puissance, comporte des failles, dont ce volume, construit avec empathie par Tania Branigan, est la preuve nécessaire.
Pour un portrait du Chinois d’hier et d’aujourd’hui faut-il travailler en fonction de lois et de nombres ? C’est que semblent penser Wang Yi, Jiang Ji & Ding Gao avec leurs Trois Traités sur le portrait, qui s’échelonnent entre le XIV° et le XVIII° siècle. Cet art, pendant de nombreuses dynasties, est une véritable institution, surtout d’usage privé, mais aussi parfois officiel. Par exemple de nombreux personnages célèbres, dont des lettrés, des sages des Ming et des Quing, sont ainsi honorés. « Marqueur social », le portrait, et parfois l’autoportrait, témoigne de la « valeur spirituelle » individuelle, mais aussi d’une région, voire de l’Etat. C’est à cet égard qu’il faut entendre le titre du second traité : Secret pour transmettre l’esprit.
Il faut, pour réussir un bon portrait, « la reconnaissance formelle », mais aussi « le souffle ». Cet art de la physiognomonie ne se sépare guère des principes du yin et du yang, tel que dans la peinture des « montagnes et eaux ». D’ailleurs quelques-uns apparaissent dans un paysage. Est-ce à dire qu’un Occidental ne pourrait en tirer profit ? Les nombreux croquis et dessins explicatifs nous permettent de former des yeux, des lèvres, de façon à suggérer une expression, une émotion, sans compter un catalogue des divers nez. L’on trouve des sourcils en fore de « sabre » ou de « ver à soie ». La « méthode pour saisir le rire » est particulièrement curieuse.
Entre théorie et pratique, Wang Yi, Jiang Ji & Ding Gao vont à la recherche de l’exactitude, non sans parfois savoir « compléter et embellir ». L’on peint en noir, avec le secours du blanc, en couleurs, de façon à accorder le visage aux « trois astres », sur papier ou sur soie.
Publié par les Belles Lettres, éditions aussi savantes qu’élégantes, ce trio de portraits à la chinoise fourni par Yolaine Escandre, sinologue avertie – qui fournit également un Esquif sur l’océan de la peinture[6] – est illustré de manière fort documentée, de surcroit bilingue. Le dernier s’intitulant Secrets pour tracer la vérité, il n’est pas sans ironie face au mensonge orchestré depuis un demi-siècle par le communisme chinois.
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Des livres publiés aux critiques littéraires, en passant par des inédits : essais, sonnets, extraits de romans à venir... Le monde des littératures et d'une pensée politique et esthétique par l'écrivain et photographe Thierry Guinhut.