Cathédrale Saint-Pierre, Poitiers, Vienne.
Photo : T. Guinhut.
Lettre à une jeune femme politique :
socialisme et islamisme.
A Cosmopolis, le 26 mai 2012
Chère jeune femme politique,
Permets-moi, quoique je ne sache pas si tu me lis, de t’écrire ici pour guider un peu tes premiers pas politiques. En effet, quel monde allons-nous te transmettre ? Devant les dangereuses turbulences des dettes européennes et les menaces sur les libertés d’expression, de culte ou de non-culte, peut-être n’est-il pas inutile de t’avertir, et de te proposer quelques exhortations, certes assez peu réjouissantes. J’aurais aimé pouvoir t’offrir un futur plus assuré, plus serein…
Garde-toi du socialisme. A moins que tu sois carriériste. Et si socialiste est ta conviction, ta foi, n’en parlons plus. Si l’ambition est ton seul motif, ce sera déjà un assez délicat travail que de humer, suivre, ou, mieux, précéder le sens du vent. Il est clair alors que tu seras socialiste. A toi de choisir le caméléon de rose et de rouge qui te siéra le mieux. Il est à craindre qu’avec, outre la possession des pouvoirs exécutif et législatif, de la quasi-totalité des régions, de la plupart des grandes villes, avec l’obédience gauchisante du plus grand nombre de la magistrature judiciaire, avec l’appui de ce quatrième pouvoir -la presse et de ses 80% de journalistes de gauche- sans compter l’Education nationale, que la séparation des pouvoirs selon Montesquieu ne soit plus qu’un leurre. De plus, à droite, on rivalise également d’étatisme, de ponction fiscale, d’interventionnisme économique colbertiste et keynesien. Si ce contre-modèle, qui fait de l’égalitarisme, de la suradministration, de la contrainte sur un marché du travail qui n’obéit plus guère aux lois du marché, qui nous conduit au gouffre du chômage, de l’endettement, du vieillissement et de l’atonie programmés de l’économie, si, disais-je, ce contre-productif modèle de la redistribution sociale à outrance, donc essentiellement socialiste, n’a pas ton agrément, arme-toi de courage !
Car peut-être te faudra-t-il, chère jeune femme politique, « Penser avec la minorité et parler avec la majorité », pour reprendre « L’Art de prudence » de Gracian, qui précisait en 1647 et à ton adresse : « L’opinion libre, l’on ne peut ni ne doit la violenter ; elle se retire au sanctuaire de son silence et, si parfois elle se manifeste, c’est à l’abri d’une minorité choisie[1] ». Ainsi, à moins de travestir tes convictions, tu devras affirmer, comme je le fais ici, une authenticité dommageable à ta carrière, tu devras choisir tes interlocuteurs et fonder avec quelques esprits libres une réelle éthique libérale de façon à libérer l’avenir de ta génération et tes descendants.
C’est avec pertinence qu’en 1859 John Stuart Mill te parlait à l’oreille que tu as si bien ourlée : « Si on regardait le libre développement de l’individualité comme un des principes essentiels du bien-être, si on le tenait non comme un élément qui se coordonne avec tout ce qu’on désigne par les mots civilisation, instruction, éducation, culture, mais bien comme une partie nécessaire et une condition de toutes ces choses, il n’y aurait pas de danger que la liberté ne fût pas appréciée à sa valeur ; on ne rencontrerait pas de difficultés extraordinaires à tracer la ligne de démarcation entre elle et le contrôle social. Mais malheureusement on accorde à peine à la spontanéité individuelle aucune espèce de valeur intrinsèque.[2] » Il est évident que cette spontanéité individuelle est autant cette liberté d’entreprendre et celle des mœurs qui fondent le libéralisme classique.
La servitude volontaire, pour reprendre le titre de La Boétie, sera-t-elle tienne ? A moins que tu préfères tenir les rênes socialistes de cette servitude, et ainsi marcher dans ces allées d’un pouvoir qui engraisse sa richesse en puisant et en épuisant les poches des énergies privées, découragées, voire exilées (dois-je te conseiller d’émigrer vers un pays à l’avenir plus assuré ?). Hélas, te disait Tocqueville en 1840, « l’on ne fera point croire qu’un gouvernement libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d’un peuple de serviteurs. Une constitution qui serait républicaine par la tête, et ultramonarchique dans toutes les autres parties, m’a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l’imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine ; et le peuple, fatigués de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions libres, ou retournerait bientôt s’étendre aux pieds d’un seul maître.[3] » Que ce maître soit la violence révolutionnaire, barbare, fasciste ou communiste, théocratique, voilà contre quoi il faut impérativement se prémunir.
Garde-toi de l’islamisme. Ou plus exactement de l’Islam, s’il n’est pas religion intime et s’il empiète sur l’espace politique au point de te menacer, chère jeune femme issue de l’humanisme et des Lumières. Saurais-je te conseiller un livre, afin que tu saches « comment l’islam va transformer la France et l’Europe » ? Ou, s’il t’est possible (pardonne cette lourde tâche qu’à tes lèvres je confie), afin que tu contribues à écarter cet étau. Ouvre alors les yeux sur une révolution en cours et largement occultée, euphémisée, niée par nos Socialistes et autres bien-pensants du métissage des cultures. Alors qu’il s’agit d’une invasion, d’abord adroite et discrète, ensuite insidieuse, enfin totalitaire et théocratique. Le sociologue américain Christopher Caldwell[4] rassemble en son ouvrage tous les fils qui nous paraissaient jusque-là épars. Oui, il te faut, avec le sens de la nuance, la précision et l’exactitude de Caldwell, être islamophobe[5]. Non pas par haine sourde, par préjugé infondé, mais en connaissance de cause ; non pour rejeter des individus a priori, mais pour ne pas consentir à ce que l’Islam ronge, rogne, égorge nos libertés durement acquises par des siècles d’histoire européenne. Qu’il s’agisse du rituel hallal, anti-hygiénique, dangereux pour la santé publique, inhumain envers les animaux, empreint de superstitieux assujettissement et d’impôt religieux, qu’il s’agisse de l’interdiction de tout humour, voire de toute argumentation envers une culture et une religion, alors que la tradition de Voltaire nous assure la liberté critique, qu’il s’agisse des menaces sur la mixité, sur la liberté amoureuse et sexuelle, sur ton élégance, ton aisance vestimentaire librement assumées, te voilà plus directement concernée, chère jeune femme politique.
Ainsi Christopher Caldwell vient d’obtenir « Le Prix du livre incorrect 2012 » pour Une Révolution sous nos yeux. Pourtant, j’ai cru lire le livre le plus correctement écrit et documenté qui soit ! Evaluer, comme il le fait, les conséquences sociales, spirituelles et politiques de l’immigration musulmane depuis un demi-siècle, au point de constater que sous nos yeux aveugles l’Occident est mité par des poches de charia, des zones de non-droit (entendez de délinquance et de tyrannie obscurantiste) est à la fois un travail de titan, et une courageuse prise de responsabilité. Nous sommes en effet responsables, chère jeune femme politique au premier chef menacée par cet affreux sexisme, de notre destin, s’il est encore entre nos mains.
Non, notre passé colonisateur n’a aucune culpabilité dans cette invasion économique qui serait louable s’il ne s’agissait pour les immigrants que d’améliorer leur condition, leur niveau de vie et de libertés. Caldwell montre bien que des pays qui n’ont jamais eu de colonies, comme la Suède, font face aux mêmes problèmes graves que le Royaume-Uni ou la France. Non seulement l’intégration se fait attendre, mais notre journaliste newyorkais a constaté que « les jeunes musulmans […] se désassimilaient[6] », que les seconde et troisième générations rejetaient trop souvent l’identité européenne au profit de celle musulmane, au point de gangréner de poches d’Eurabia la civilisation issue des Lumières et la démocratie libérale… Ainsi notre tolérance permet une impunité dangereuse, notre faiblesse démographique nous rend minoritaires, sinon indésirables, dans de vastes quartiers. Quant à nos piètres arguments du sauvetage d’industries moribondes grâce aux bras immigrés, ils se trouvent pour le moins démodés devant la prégnance du chômage chronique et de l’addiction aux aides sociales. Comment repenser le droit d’asile et le « devoir d’hospitalité[7] », comment gérer les émeutes récurrentes, tribales et interconfessionnelles, comment refuser sans honte « antisémitisme et antisionisme[8] » musulmans, sans compter l’angélisme des gauches européennes qui est au pire complice, telles sont les problématiques pour le moins difficiles que te confie, chère jeune femme politique, notre informé Caldwell. Faut-il alors sombrer dans l'opprobre du populisme anti-immigrés, ou retrouver le sens des libertés qui nous sont consubstantielles et chères ?
Chère jeune femme politique, pardon si je t’ai ennuyée. Si j’ai paru tenter de te décourager… Cependant, dans ton nom, « jeune femme politique », sont contenues toutes les valeurs indispensables : cette jeunesse que l’éducation ouverte propulse vers un avenir meilleur, cette féminité qui est égalité devant le droit, quelque soit ton origine, cette inscription dans la cité et la civilisation, que tes talents, ton mérite permettent dès maintenant de vivifier… Oui, chère jeune femme politique, tu veilleras avec nous à éviter les Charybde et Scylla du socialisme et de l’islamisme, pour restaurer enfin la démocratie libérale.
Avec toute mon amitié.
Thierry Guinhut
Une vie d'écriture et de photographie
[1] Baltasar Gracian : Traités politiques, traduits et présentés par Benito Pelegrin, Seuil, 2005, p 346 et 347.
[2] John Stuart Mill : Sur la liberté, cité dans Pierre Manent : Les Libéraux, Hachette Pluriel 1986, tome 2, p 355 et 356.
[3] Alexis de Tocqueville, Œuvres, tome II, La Pléiade, 2001, De la Démocratie en Amérique, II, IV, VII, p 840.
[4] Christopher Caldwell : Une Révolution sous nos yeux. Comment l’Islam va transformer la France et l’Europe, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Johan Frederik Hel Guedj, Editions du Toucan, 2011, 544 p, 23 €.
[6] Ibidem, p 188.
[7] Ibidem, p 110.